GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève R 1022-A Date de dépôt : 2 janvier 2025 Rapport de la commission de la santé chargée d’étudier la proposition de résolution de Marc Saudan, Charles Selleger, Masha Alimi, Jacques Jeannerat, Francisco Taboada, Djawed Sangdel, Skender Salihi, Raphaël Dunand, Jacques Blondin, Laurent Seydoux, Arber Jahija : Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires de l’AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale) Rapport de majorité de Jean-Marc Guinchard (page 4) Rapport de minorité de François Baertschi (page 42) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 01.25 R 1022-A 2/43 Proposition de résolution (1022-A) Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires de l’AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève vu l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, du 18 avril 1999 ; vu l’article 115 de la loi fédérale sur l’Assemblée fédérale, du 13 décembre 2002 ; vu l’article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 décembre 1985, considérant – que la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), qui date de 1994, n’arrive pas à juguler la hausse des coûts de la médecine (le coût moyen annuel par patient est passé de 4932 francs en 1974 à 9924 francs en 2021) ; – que la population âgée augmente du fait de la pyramide des âges et de l’allongement de l’espérance de vie ; – que la population retraitée occasionne autant de frais que toutes les classes qui précèdent ; – que l’augmentation des primes de l’assurance-maladie représente un coût difficilement supportable pour la classe d’âge des plus de 65 ans, allant jusqu’à 29,9% des revenus les plus bas, et que cette classe d’âge est déjà largement dépendante des subsides ; – que les coûts de la santé passent de moins de 10 000 francs par an jusqu’à 65 ans, pour atteindre 20 000 francs à 80 ans et augmenter de façon exponentielle au-delà de 85 ans ; – que la solidarité voulue par la LAMal entre les différentes classes d’âge entraîne un report de charge sur les primes des plus jeunes et que cela devient difficile pour le budget des familles à bas ou moyen revenus, demande à l’Assemblée fédérale – d’étudier la possibilité de sortir les personnes au bénéfice de l’AVS du système des caisses maladie ; 3/43 R 1022-A – de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture d’assurance par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par un système comparable à celui de l’AVS ; – d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse d’état un système de capitation, encourageant la coordination des soins ; – d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu et état de la fortune ; – d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie ; – d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au forfait, au salaire par capitation. R 1022-A 4/43 RAPPORT DE LA MAJORITÉ Rapport de Jean-Marc Guinchard La commission de la santé a traité lors de cinq séances la R 1022, à savoir les : 17 mai, 20 septembre, 11 octobre, 15 et 29 novembre 2024. La présidence a été assurée par le présent rapporteur. Après avoir eu la présentation de la résolution par son auteur, M. Marc Saudan, la commission a auditionné les personnes suivantes : – les Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, co-auteurs de « Pour une réforme du système de santé suisse » ; – Santé Suisse ; – Curafutura ; – la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du Département épidémiologie et systèmes de santé, UniSanté. M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat (DSM), M. Panteleimon Giannakopoulos, directeur a.i. OCS (DSM) et Mme Angela Carvalho, secrétaire scientifique (SGGC) ont également participé et contribué lors desdites séances. Les procès-verbaux ont été tenus par M. Lucas Duquesnoy, Mme Alicia Nguyen et Mme Lara Tomacelli. Nous remercions l’ensemble de ces personnes pour l’excellent déroulement des travaux de la commission. Séance du vendredi 17 mai 2024 Audition de M. Marc Saudan, auteur M. Saudan s’excuse par avance de déposer une nouvelle résolution à Berne, le but recherché ici étant surtout d’ouvrir le débat sur les problèmes de la caisse maladie plutôt que d’arriver à une véritable solution. Pour rappel, la LAMal est un train qui va de plus en plus vite sans que l’on ne parvienne à le freiner, et ce d’autant plus que ce train est conduit par plusieurs personnes. Ruth Dreifuss disait en effet qu’il y avait plusieurs pilotes à sa tête, ce qui n’est pas sans poser nombre de problèmes. Lors d’une récente intervention de Mme Baume-Schneider, la conseillère fédérale a elle-même avoué que la caisse maladie allait continuer à coûter de plus en plus cher et que toutes les petites mesures prises n’auront pas une si grande influence. 5/43 R 1022-A À défaut de renverser complètement la table, il faut donc essayer de chercher d’autres moyens de financement. Dans ce sens, on sait que les personnes de plus de 65 ans représentent 45% des coûts effectifs de la LAMal, une proportion qui va continuer à augmenter étant donné que l’OFS dit qu’entre 2020 et 2030, les plus de 65 ans vont augmenter de 30%. On estime ainsi qu’ils représenteront 2,7 millions de personnes d’ici 2050, soit un quart de la population qui aura augmenté et tendra vers les 10 millions de personnes. Au-delà de cela, garder les gens en bonne santé plus longtemps signifie aussi que les gens sont de plus en plus atteints par certaines maladies. Par exemple, la cause de cécité la plus importante chez les plus de 65 ans est la dégénérescence maculaire qui touche plus d’une personne de plus de 65 ans sur dix. Cette maladie se traite par des injections coûtant 1000 francs et devant être faites toutes les trois semaines. On peut imaginer que quand cette population représentera un quart de la population nationale, les coûts exploseront en même temps. En parallèle, le FDA vient d’accepter un traitement contre l’Alzheimer qui touche aussi une personne sur dix de plus de 65 ans. Ce traitement coûtera plus de 30 000 dollars par an et traduit des enjeux financiers autour du vieillissement de la population avec des coûts de plus en plus importants, notamment dans le remboursement des médicaments. Il faut aussi rappeler que plus cette population vieillit, plus elle a tendance à être hospitalisée, et cela s’est accentué durant les deux dernières années de vie. Actuellement, puisque la nouvelle répartition de la participation cantonale n’est pas encore en vigueur, les cantons paient 55% de ces factures, soit des sommes considérables qui viennent se répercuter sur les impôts. D’autre part, alors que la part de population qui bénéficie de subsides d’assurance pour payer les primes augmente, l’entrée en vigueur potentielle de la limitation des primes à 10% du revenu entraînera une part encore plus importante de subventions déjà à charge de l’Etat. Le député ne peut pas fournir de chiffres clairs en tant que tels sur les effets du système proposé par sa résolution, mais note que, automatiquement, les coûts seraient moindres vu qu’une grande part est payée par nos impôts. L’intérêt de sortir la population des plus de 65 ans de la LAMal serait de la financer d’une autre manière, avec un seul dirigeant pour cette caisse qui pourrait beaucoup plus discuter des coûts des traitements. Une personne qui représente 2,7 millions d’assurés aurait beaucoup plus de poids dans les discussions avec les groupes pharmaceutiques par rapport à ce qui se passe actuellement. R 1022-A 6/43 Dans la deuxième invite, le député invite à penser à un financement comme pour l’AVS, une idée déjà abordée il y a très longtemps par le conseiller national Peter Tschopp avec une sorte d’AVS+ qui serait une solution pour ne pas reprendre sur la TVA dès que l’on a besoin d’argent. Le député ne donne pas non plus quelque chose de fixe par rapport à ce financement. Il s’agit surtout d’ouvrir le débat afin d’envisager des solutions pour le système de santé plutôt que de continuer comme cela avec un train qui va dérailler dans les prochaines années. Le président indique qu’une députée socialiste avait fait une proposition similaire au Grand Conseil, proposition alors refusée par le parlement de l’époque. Un député MCG allait justement rappeler au député le projet du conseiller national Tschopp qui avait fait grand bruit au moment de son dépôt, y compris auprès des personnes âgées qui ne voulaient pas être mises dans un ghetto. Les esprits ont désormais changé, et on pourrait imaginer un meilleur accueil pour cette idée. Le député comprend que dans le système proposé par la résolution, il faudrait augmenter le montant de la cotisation AVS pour les actifs. M. Saudan répond qu’il s’agit de l’un des moyens de financement possibles et qu’il faudrait le chiffrer. Concrètement, si on coupe la moitié des coûts LAMal assumés par la population active dans une logique de solidarité, on devrait automatiquement constater une réduction des primes de façon drastique. En diminuant de façon drastique ces primes, on pourrait imaginer en contrepartie une augmentation du financement par les cotisations sociales. Il s’agirait en quelque sorte d’un pot commun qui permettrait de traiter les gens plus tard dans leur vie. Il faut en tout cas trouver une solution. Le député trouve dangereux d’aller vers un rationnement des soins, notamment car différentes caisses maladie refusent de prendre en charge certains traitements. Dans le cas de la dégénérescence maculaire, il faut indiquer qu’il existe un autre traitement, pas introduit sur le marché, qui coûte trois fois moins cher. Il est clair que si une seule personne décidait, ce médicament aurait été introduit sur le marché. C’est là où réside le souci sur ces traitements, puisque même si on pourrait imaginer une baisse des prix au fur et à mesure que le chiffre d’affaires des entreprises augmente, cela ne se passe pas comme cela. Le même député MCG se demande si le député pourrait rappeler le principe d’AVS+. M. Saudan n’en a malheureusement pas le souvenir. Sa mère est amie avec l’épouse de M. Tschopp et lui a demandé si elle retrouvait quelque chose dans les notes de son mari, mais rien n’a été retrouvé à ce stade. 7/43 R 1022-A Une députée S voit quelque part une contradiction dans les arguments donnés. Ce sont en effet les actifs qui assument par solidarités ces coûts pour les personnes âgées. Or, si on met en place un système AVS, ce seront toujours les actifs qui paieront, tout en prenant en charge un supplément de cotisation. On ne va donc pas alléger la charge et on risque au contraire de péjorer un peu plus les actifs. M. Saudan répond que si on ôte la moitié des 60 milliards de francs que coûte la population des plus de 65 ans, les primes diminueront nettement et on ne paiera plus pour les personnes âgées. Actuellement, la prime payée chaque mois couvre justement ces frais. S’il n’y a plus besoin de couvrir ces frais, automatiquement, les primes des actifs diminueront de façon importante. Après, un effet indirect par rapport aux populations de plus de 65 ans permettra d’augmenter le pouvoir d’achat. Il s’agit quelque part d’une demimesure par rapport à la caisse unique d’Etat voulue par le parti socialiste en l’appliquant uniquement à une partie de la population, tout en gardant les mêmes principes. Un député UDC fait partie de ceux qui pensent que l’on est obligé d’aller vers un système de caisse unique, mais note qu’avec le système qui est ici proposé, la facture en tant que telle restera la même, puisque l’on ne se penche pas sur la diminution des coûts en tant que tels, qui seront juste payés différemment. Le député se demande si, en retirant de la LAMal la population plus âgée, cette caisse de l’Etat aura toujours les mêmes prestations que pour les assurés LAMal, au risque d’arriver à des coûts pas possibles. M. Saudan pense que cet aspect est fondamental et que la solution proposée vise justement à garder des prestations similaires à ce que l’on a maintenant. Il est évident qu’il faudra faire certains choix et que quelqu’un devra les édicter à un moment, avec la possibilité pour la population de se prononcer dessus. Il n’est en tout cas pas possible de perdurer avec le système actuel qui ne fonctionne pas, notamment du fait qu’il y ait plusieurs personnes à sa tête et que cela rende compliquée l’entente avec les lobbys. Tout le monde se renvoie la faute et il n’y a pas de concertation globale. Si un seul acteur dirigeait le système, il pourrait siffler la fin du match et permettre d’arriver à des solutions de rationalisation sur les hôpitaux, les traitements ou encore les médecins. Un député PLR note qu’il s’opposerait à cette résolution telle quelle. Il pense qu’il ne faut pas être fataliste et que même si l’on n’y est pas arrivés auparavant, on doit parvenir à maîtriser les coûts des prestations de soins. Si on prend l’augmentation annuelle des coûts à charge de la LAMal, en termes de pourcentage, les plus de 65 ans représentent entre 15% et 25% de l’augmentation. R 1022-A 8/43 Concrètement, quand les coûts augmentent de 4%, 1% est imputable au vieillissement de la population. D’autre part, environ 20% des actes médicaux sont superflus. Cela n’est pas en tant que telle la responsabilité du médecin, mais plutôt d’une mauvaise incitation du paiement à l’acte et d’une fragmentation du système des soins, le tout avec une mauvaise capacité à réformer et avec des intérêts qui s’entrechoquent. Certains acteurs du système ne veulent justement pas du tout réformer le système, alors même que des modalités existent pour faire autrement. Il est dommage de ne pas profiter de ces modalités. Il faudrait peut-être, pour la population où il y a le plus de maladies chroniques et d’hospitalisations, envisager un financement par capitation, ce qui serait le plus bénéfique pour le patient, mais aussi pour la maîtrise des frais médicaux. Il s’agit de patients pour lesquels le médecin de premier recours joue un rôle important, et dans ce cadre, on ne devrait pas seulement avoir un assureur qui négocie les primes et les prestations, mais un système où l’on mettrait en place la responsabilité médicale sur la santé de la population concernée. Le député se demande si le premier signataire serait favorable à ne pas simplement changer le modèle d’assurance, mais plutôt à changer le système de soins. D’autres ont essayé d’aller vers cela en Suisse et on irait vers quelque chose de politiquement plus fort. Il s’agirait non plus d’avoir une caisse unique pour les personnes âgées, mais plutôt de trouver un système moins mauvais. En conclusion, il précise que sur les deux dernières années, les coûts ont certes augmenté, mais pour toutes les tranches d’âge. M. Saudan répond que l’on pourrait effectivement affiner les choses sur cette tranche de la population en intégrant un modèle de capitation, même si cette idée reste assez contestée. Le modèle de Kaiser Permanente, qui est cher au cœur du groupe Genolier, pose clairement quelques soucis, avec des limitations sur la psychiatrie. Cela peut poser des problèmes par rapport au fait de savoir si on fait vraiment les investigations ou non. Le système pourrait être bon si l’Etat le gérait, mais avec une société privée, on tend plutôt vers des économies. Sur l’augmentation des coûts, s’il est vrai que la population des 65% représente un quart, le pactole est démultiplicateur, puisque les traitements augmentent encore. Il faut par exemple regarder l’explosion du traitement contre la dégénérescence maculaire qui est le traitement qui coûte le plus cher dans le remboursement LAMal actuellement. Un autre député PLR note que le texte parle de changer le financement, mais se demande si, au final, on n’en oublie pas la question des coûts au profit de la répartition de la charge. Les coûts ne baisseront pas avec cette proposition et le prix des médicaments va rester le même. 9/43 R 1022-A M. Saudan répond que quand une seule entité représente 2,7 millions de personnes, la discussion avec les assureurs n’est plus la même et les leviers deviennent beaucoup plus importants. On sait de toute façon qu’avec les innovations technologiques, les coûts vont augmenter. Cela fait maintenant vingt ans que l’on essaie de travailler sur les coûts, sans succès. On peut encore continuer cet effort avec peu de chances de succès ou bien penser à limiter la charge sur la partie de la population qui paie. Le député rejoint son collègue PLR sur le fait qu’aller dans un système par capitation pour cette partie de la population serait une solution plus pertinente par rapport au débat qu’on peut ouvrir. Le même député PLR comprend qu’il est ici proposé de changer la répartition de la charge, mais maintient que cela ne résout pas le problème de l’augmentation des coûts, qui ne peut que continuer à augmenter. D’autre part, dans sa compréhension, l’objectif est de décharger les classes actives en faisant sortir du système LAMal les gens de plus de 65 ans. Or, parmi ce groupe, certaines personnes sont aussi solidaires et ont une fortune qui leur permet de payer des primes élevées. En sortant ces gens du système LAMal, on va certes sortir une partie des coûts, mais aussi une partie des personnes qui sont en mesure de payer et dont on ne bénéficiera plus de la contribution. En contrepartie, on aura une augmentation des coûts de l’Etat avec une hausse des impôts ou des charges sociales. S’il est probable que les primes baissent, l’augmentation des charges sociales demandera aux personnes actives d’être ponctionnées encore plus pour assumer les coûts des personnes à l’AVS. On peut se questionner sur cette solution proposée alors qu’il faudrait se concentrer sur le système de santé dans sa structure et son organisation pour être plus efficient et maintenir les coûts. M. Saudan répond que sur la question du financement, il n’a pas de solution miracle, même si on pourrait imaginer, par rapport à l’état de fortune et le revenu, une franchise plus élevée que pour quelqu’un qui est sans fortune et sans revenu. Cela permettrait de limiter un peu les coûts pour cette population. Il faudrait évidemment plus de chiffres, mais si on regarde les données actuelles, entre l’hospitalisation et les subventions, on arriverait à un pourcentage déjà élevé des prestations qui est payé par l’impôt. Finalement, la somme à reverser pour cette population ne serait peut-être pas aussi conséquente que cela, même s’il faut faire des calculs plus poussés. Le député pense surtout à la personne qui pourra entamer des discussions par rapport aux traitements ou au financement. En limitant l’acteur, on va permettre de diminuer les coûts des traitements, puisqu’une part importante relève du coût des traitements plus que d’un mauvais incitatif. Là-dessus, il y a des discussions à avoir. R 1022-A 10/43 Par rapport aux charges sociales, cela les augmenterait un peu. On serait en tout cas à moins de 30 milliards de francs, puisque beaucoup de choses sont déjà payées. Il faudrait voir ce que cela représenterait par rapport à l’économie qui serait faite sur les primes. Il va de soi que si les primes sont moins chères, il y a toutes les subventions données à la population active qui pourraient disparaître en grande partie. Ce sont un peu des flux qui se mélangent, même s’il faudrait chiffrer ces économies potentielles. Il faut en tout cas ouvrir le débat et ne pas être fataliste sur le prix des choses. Le système LAMal a à son avantage de proposer un traitement adéquat à tout le monde, et il est important de maintenir ces standards alors que l’évolution actuelle des discussions avec les caisses maladie pousse vers un rationnement des soins. Dans la nouvelle répartition sur l’hospitalier, on va encore donner un cadeau de 10 milliards de francs aux assurances-maladie qu’elles géreront elles-mêmes, avec l’opacité qu’on leur connaît, pendant que les primes augmentent nettement plus que les coûts. Le coût réel de l’augmentation de la prime par rapport au salaire moyen n’est pas aussi catastrophique que ce qui est pratiqué actuellement. Un député MCG soutient personnellement cette résolution qui permet de lancer un débat utile et nécessaire, mais note que le coût de vieillissement ne porte pas que sur la santé, mais aussi sur les infrastructures comme les EMS, où si les assurances et certains pensionnaires paient une partie des coûts, la participation de l’Etat reste très conséquente. Le député se demande s’il ne faudrait pas intégrer cela dans une réflexion globale sur un organisme de financement plus général sur le vieillissement. C’était ici un peu l’idée du conseiller national Tschopp avec le fait de dire que le coût du vieillissement, que ce soient les assurances ou les EMS, devrait être pris de manière globale. Malheureusement, son idée n’avait pas été écoutée à l’époque. D’autre part, si on parle du troisième âge, il faut aussi penser au quatrième âge, avec des gens de plus de 80 ans qui ont des problèmes de santé encore plus importants, ce qui nécessite peut-être d’aller vers une classe plus restreinte que celle de l’AVS qui permettrait de mieux gérer le risque pour faire des choses plus fines. M. Saudan partage le constat sur le défi du financement des EMS, en particulier à Genève où l’on a pris du retard sur cela et où il faudra mettre en place des moyens très importants. Sur la question des tranches d’âge, cela simplifie un peu les discussions de parler d’AVS, mais il est clair qu’il faudrait affiner un peu cette répartition des coûts et voir la tranche d’âge la plus adéquate à sortir du système. Le but reste une fois encore d’ouvrir la discussion 11/43 R 1022-A et le député n’est pas fermé à arriver à des évolutions du texte. Les Chambres fédérales en feront de toute façon ce qu’elles veulent, mais il n’est pas inadéquat de remettre cette question sur la table au vu de la situation actuelle. Un député S a quelques doutes sur le fait de réduire la population solidaire et rappelle que le projet du parti socialiste a l’avantage de porter sur l’ensemble de la population. Sur la question des médicaments, il faut rappeler comment SwissMedic fonctionne. Laurence Fehlmann-Rielle a plusieurs fois posé la question à Berne et la réponse a toujours été la même, à savoir que les groupes pharmaceutiques ne présentent pas de projets. Or, sur la dégénérescence maculaire, des traitements bien moins onéreux existent pour le même effet. Il y a là un vrai combat à mener. Le député reçoit lui-même des injections et son assurance est intervenue auprès de son ophtalmologue pour lui interdire de lui injecter le traitement moins onéreux alors que dans le monde entier, on fait différemment. Cela est d’autant plus absurde que l’on peut trouver ce même traitement deux fois moins cher de l’autre côté de la frontière. Malgré cela, l’OFSP dit qu’il ne peut rien faire, puisque les groupes pharmaceutiques n’ont pas proposé d’introduire ces traitements en Suisse. Cela veut dire que ce sont eux qui font les prix. Il y a donc de vraies solutions pour diminuer le coût des traitements, et si on veut isoler une partie de la population, il faudra aussi être ferme sur le prix des traitements, ce sans quoi il n’y aura aucune initiative pour les groupes pharmaceutiques à faire un effort sur une caisse d’Etat. M. Saudan répond qu’à un moment, on se rend compte que les choses ne bougent pas tellement dans ces situations. Il est en tout cas clair que pour ces traitements, que ce soit ceux pour la dégénérescence maculaire ou d’autres, on a des solutions qui existent, par exemple pour des comprimés qui sont sécables et qu’on pourrait vendre à plus bas prix en vendant de plus faibles quantités. Il y aurait là aussi des sources d’économies importantes pour le système de santé. Le président revient sur la proposition de M. Tschopp qui, dans les grandes lignes, proposait un financement mixte et conjoint sollicitant les apports des entités publiques, des institutions de prévoyance professionnelle et des personnes âgées prises en charge. En l’absence d’autres demandes de prise de parole, le président souhaite savoir quelles suites la commission veut donner à ce texte. Il lui a semblé qu’une proposition de modification du texte entre un député PLR et M. Saudan était sur la table. Ce député PLR aimerait à ce stade entendre Mme Stéfanie Monod, qui dirige le département épidémiologie et systèmes de santé à UniSanté et qui est la personne en Suisse la plus affutée sur la question de notre système de santé R 1022-A 12/43 actuel et ses limites. Il serait intéressant de pouvoir bénéficier de son éclairage sur ces considérations, notamment si on s’oriente vers un AVS+ avec quelque chose qui ressemblerait à un système par capitation. Un député S note que la commission peut soit se questionner sur le fonctionnement du système de santé dans son ensemble, avec capitation ou non, soit prendre le temps de recevoir quelqu’un qui connaît très bien le système. D’autre part, le député note qu’une autre résolution a déjà été envoyée à Berne sur la question d’une caisse unique et qu’il serait curieux d’envoyer aussi vite une nouvelle résolution sans même avoir eu un retour de Berne sur la précédente. Le député propose également d’entendre MM. Beat Bürgenmeier et Hans Stalder qui ont récemment écrit un livre proposant des pistes de réorganisation du système de santé. Un autre député PLR rappelle qu’il ne faut pas penser qu’il ne se passe rien à Berne et que personne ne fait rien. On devrait écouter l’OFSP pour comprendre aussi les actions entreprises, en particulier les actions votées dans le deuxième paquet pour limiter l’augmentation des coûts afin que tout le monde soit au clair sur les actions mises en place ainsi que sur celles qui vont l’être pour aller vers une maîtrise des coûts. D’autre part, le député pense qu’il faudrait entendre Santé Suisse ou Curafutura. Beaucoup de reproches sont faits aux assurances et il serait intéressant de comprendre quelles sont leurs limitations dans le cadre qui est le leur. Si on s’adresse à Berne et aux Chambres, il est important de comprendre ce que les assurances peuvent faire ou non. Cela permettrait d’aller vers une résolution plus précise qui demande quelque chose de plus réaliste. On risque sans cela, et malgré de bonnes intentions, d’avoir des postulations erronées. Avec ces informations, la résolution pourrait aussi évoluer vers un changement dans ces limitations. Le président prend acte des demandes d’audition de Mme Stéfanie Monod, de l’OFSP, de MM. Stalder et Bürgenmeier ainsi que de Santé Suisse et Curafutura, probablement séparément. Séance du vendredi 20 septembre 2024 Audition des Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, auteurs de « Pour une réforme du système de santé suisse » M. Bürgenmeier a pris connaissance des propositions qui lui semblent très intéressantes. Au fond, cette résolution montre bien qu’il y a une nécessité d’agir. La question est cependant de savoir comment. 13/43 R 1022-A Il comprend que la commission souhaite utiliser son droit de proposition devant les Chambres fédérales pour déclencher un débat. Il trouve que cela est une très bonne idée, car il est important de discuter autrement qu’en termes de coûts, de réduction de coûts et d’explosion des primes d’assurance-maladie. Il est nécessaire de lancer un débat politique qui va dans le fond et qui traite des problèmes structurels du système genevois de santé. La proposition que M. Stalder et lui-même ont faite dans leur livre est de réformer et détourner l’attention du politique. Il n’est pas uniquement question de coûts et il est nécessaire de remettre le patient au centre. Pour cette raison, il trouve la proposition de la commission très utile. M. Stalder éprouve de la sympathie pour la caisse unique. Il ne cache pas qu’avant la votation fédérale, il avait participé à la conférence de presse des médecins pour la caisse unique. Il trouve très bien que la R 1022 pointe qu’il y a un problème avec les personnes âgées et le système de santé. M. Stalder lit l’exposé des motifs, qui dit que les coûts ont augmenté, et ce en lien avec le vieillissement de la population et les soins nécessaires aux personnes âgées. Cela n’est pas tout à fait vrai : en effet, selon l’OFAS, seulement 11% de l’augmentation des coûts sont dus au vieillissement. 89% de l’augmentation des frais ne sont donc pas dus aux personnes âgées, mais à la population entière, qui utilise en général plus le système de santé. Il est vrai cependant que les personnes âgées coûtent trois à quatre fois plus qu’une personne plus jeune. En effet, elles accumulent pendant leur vie des maladies et deviennent polymorbides. M. Stalder relève que dernièrement, l’OBSAN a constaté que 22% de la population ne consulte pas à cause de problèmes financiers. Concernant les plus défavorisés, pratiquement la moitié ne consulte pas. Une étude du Bus Santé avait également constaté cela : ce sont les plus pauvres et les polymorbides qui ne consultent pas. Il explique cela par la franchise de l’assurance-maladie et par l’obligation de participation aux frais à hauteur de 10% jusqu’à 700 F. Il trouverait intéressant d’affranchir la franchise ainsi que la barrière des 700 F pour les personnes âgées. Cela aurait pour conséquence une augmentation des consultations, notamment préventives et des maladies chroniques, mais en parallèle une diminution des hospitalisations et des visites aux urgences. Il ajoute que cela n’augmenterait pas les frais pour les personnes âgées. M. Bürgenmeier enchaine sur le 2e paragraphe de l’exposé des motifs. Il indique qu’il y a une étude qui détermine et s’interroge sur l’évolution des coûts du système de santé en Suisse jusqu’en 2030, qui date d’une quinzaine d’années. Il met en garde, car il n’est pas possible d’avoir des prévisions exactes. Il est cependant très clair que le vieillissement ne contribue pas, ou R 1022-A 14/43 alors relativement modestement, à l’augmentation des coûts du système de santé. M. Bürgenmeier remarque ensuite qu’il est mentionné dans le texte de la résolution, au dernier paragraphe, que l’augmentation des primes de l’assurance-maladie est difficilement supportable pour la classe d’âge de plus de 65 ans, qui équivaut à 29% des revenus les plus bas. Ce qui se cache derrière cela est la dépendance du revenu, et ce peu importe l’âge de l’assuré. Il rappelle qu’une assurance sociale est basée sur des lois de probabilité : elle est au fond pour tout le monde, peu importe le revenu et l’âge. Il regrette qu’il y ait une tendance dans les débats politiques à singulariser un groupe de personnes et à dire qu’il faut aider les plus démunis. Cela est contre la logique d’une assurance sociale. M. Bürgenmeier estime que la proposition est plausible, mais qu’il prend plutôt cela comme une piste de débat. En faisant une résolution, la commission engage le canton pour qu’il se lance dans une initiative qui portera la discussion au niveau fédéral. Il trouverait cela salutaire. Le fait de lier cela à l’AVS lui semble aussi pertinent. En effet, à un moment donné, l’assurance-maladie s’arrête pour les personnes âgées, car il s’agit alors de soins à la personne et de prestations de prise en charge. Aujourd’hui, le curseur de cet arrêt n’est pas toujours clair et il y a un vide juridique. Un patient ayant un col du fémur cassé et qui doit faire de la physiothérapie se voit prolonger la prise en charge par la LAMal. Cependant, au bout d’un moment, les problèmes chroniques et polymorbides deviennent prédominants. La loi ne mentionne pas qui prend cela en charge : la LAMal, les services sociaux ou l’AVS. Il est nécessaire de clarifier la question du financement de ces soins pour les personnes âgées. Il relève que plusieurs possibilités existent. En Suisse, cela est du ressort des cantons, ce qui fait que certains font mieux que d’autres. Il relève que le problème est également posé au niveau international. Les Belges ont d’ailleurs créé une nouvelle assurance de soins aux personnes pour des prestations qui ne sont pas ou partiellement couvertes par la LAMal. Une députée S demande comment il envisagerait le financement de ces soins. M. Bürgenmeier évoque la création d’une nouvelle assurance sociale, de type AVS, qui s’occuperait de ce genre de problèmes. Le financement reviendrait au contribuable. Il pense que le débat aux Chambres fédérales concernant le financement est biaisé par une fixation sur l’austérité et les économies. 15/43 R 1022-A Un député PLR souligne qu’il est ici question de modification du financement. Il demande ce qu’il en est de l’allocation des ressources : comment sont-elles allouées et comment les médecins sont-ils payés ? Il demande s’il faudrait changer de modèle d’allocation. M. Stalder répond qu’il y a plusieurs possibilités de paiement. Le personnel soignant peut être employé, par exemple par l’hôpital, ce qui a des avantages et des désavantages. Il y a ensuite l’ambulatoire, où il est possible de payer par l’acte, avec le système TARMED. Cependant, le premier désavantage de ce dernier est qu’il doit souvent être renouvelé. Le deuxième est qu’il pourrait inciter à augmenter les actes, et il s’agit probablement là d’un des problèmes liés à l’augmentation des coûts de santé. Une troisième possibilité serait de payer par forfait, ce qui permet de comparer un hôpital à un autre, mais cela augmenterait la bureaucratie de façon incroyable. La dernière solution est la capitation : le personnel soignant est payé par rapport au nombre de malades qu’il soigne. C’est cela que M. Bürgenmeier et lui-même proposent comme solution pour l’ambulatoire, mais aussi pour les examens spécialisés, les soins à domicile et hospitaliers. Cela peut paraître utopique, mais s’il y a un désir de centrer les soins sur le patient, il est alors nécessaire de « payer » le patient, et non son diagnostic. Il admet cependant que la capitation pourrait entraîner le médecin à envoyer ses patients rapidement chez des spécialistes, il est donc nécessaire qu’il y ait un contrôle de qualité très sophistiqué. M. Bürgenmeier précise, par rapport à l’intervention de la députée S, qu’il y a une distinction entre le financement des assurances-maladie et celui des prestations. La question du député PLR allait dans le sens du financement des prestations, et celle de la députée S dans le sens du financement des assurancesmaladie. Dans le deuxième cas, beaucoup de questions peuvent se poser, et il rappelle que le souverain s’est déjà prononcé deux fois à ce sujet. Il ne pense pas qu’il soit très opportun de revenir en permanence sur cette question. Le sujet important ici est la mise en place d’une réforme en profondeur du système de santé, et il répète que la capitation lui parait la plus adaptée. Il souhaiterait mettre en place des essais pilotes. Il informe que dans le canton de Genève, certains médecins tentent déjà l’expérience. Un autre député PLR est d’accord avec cette réforme. Il soulève que le système aujourd’hui est pénalisant pour la majeure partie des personnes arrivant à l’AVS, la plupart d’entre elles ayant un système d’assurance marchant par palier : plus ces derniers sont franchis, plus l’assurance est coûteuse. R 1022-A 16/43 Aujourd’hui, quelques compagnies d’assurance ne tarifient pas par palier, mais en fonction de l’âge d’entrée de l’assuré. Si une personne souscrit à une assurance à l’âge de 35 ans, elle paiera ce tarif toute sa vie. Cela est cependant préjudiciable pour les personnes plus âgées et permet aussi l’évolution des coûts du tourisme d’assurance. Il explique qu’il s’agit du transfert de la LAMal de base qui est estimé à 150 F par dossier. Il existe également le transfert des complémentaires, qui va s’arrêter autour des 50 ans de la personne. Il souhaiterait qu’il y ait un changement de modèle afin d’éventuellement effectuer des économies sur le coût du tourisme d’assurance. Il demande s’il ne serait pas plus fiable, pour les personnes âgées entre 25 ans et la tranche de fin de vie, d’avoir un tarif d’assurance qui fidéliserait les clients et qui éviterait le tourisme d’assurance, ce qui serait déjà une source d’économies. M. Stalder répond qu’il lui semble que ceci est seulement vrai pour l’assurance complémentaire. Les cotisations pour l’assurance de base sont les mêmes pour tous, sauf pour les enfants et les adolescents. Les cotisations n’augmentent pas avec l’âge. En ce qui concernant la caisse unique, il est avéré que les assurés changent constamment de caisse, ce qu’il trouve absurde, ces dernières proposant toutes la même chose, à quelques aspects près. Le président précise que plus d’un million de personnes changent d’assurance de base chaque année, ce qui coûte 150 millions de F. Un député UDC demande pourquoi le modèle de la SUVA n’est pas suivi, celui-ci ne mettant pas de franchise aux personnes de plus de 65 ans. Le président relève que les personnes de plus de 65 ans ne sont plus assurées par la SUVA. M. Stalder répond que la SUVA est effectivement un système de caisse unique et que le système de la SUVA pourrait être suivi s’il est choisi d’opter pour un modèle de caisse unique. M. Bürgenmeier répond que la SUVA est une assurance sociale par excellence. La caisse unique reprend exactement cette idée. Il s’agit cependant d’une caisse très spécifique qui s’applique uniquement aux accidents professionnels. Il trouve que les assurances sociales qui ciblent de manière très restreinte leurs assurés ne sont pas vraiment des assurances sociales au sens large, contrairement à l’AVS. Un député MCG trouve que son idée concernant les maisons de santé est intéressante, mais il lui semble cependant que le système actuel de la LAMal rendrait cela difficile à mettre en place. 17/43 R 1022-A M. Stalder soulève qu’il y a notamment une maison de santé à Onex, qui fonctionne avec la LAMal, et qui regroupe des spécialistes, des infirmiers et des physiothérapeutes. Le problème qui peut être rencontré avec la LAMal est le partage des activités entre les médecins et les infirmiers, qui peuvent rendre la facturation très compliquée. Il ajoute finalement que d’autres maisons de santé sont créées à Genève. M. Bürgenmeier relève que l’avantage est qu’un changement de loi n’est pas nécessaire, et la LAMal permet ce genre d’expériences et invite les autorités à faire des essais et à mettre en place des projets novateurs. Il est imaginable que la maison de santé d’Onex puisse s’étoffer et inclure des prestations à l’hôpital ainsi que des soins à domicile, par exemple. Il souhaite personnellement avancer à tâtons. La LAMal permet également la capitation, et il n’y a donc pas de grand débat qui engagerait des oppositions politiques. Le même député MCG comprend que la LAMal permet beaucoup de choses, mais que les démarches sont difficiles. Le système suisse est très centralisé, mais sans le 2e et le 3e pilier, il serait problématique. Il soutient cette résolution, mais craint qu’il y ait un trop grand développement du système AVS, qui est centralisé. Il pense aux modalités qui avaient été lancées par le projet Maillard d’avoir une caisse de compensation qui reprendrait toutes les dépenses. Cette solution permettrait de laisser la compétence au canton et de ne pas dépendre d’une gestion fédérale. Il s’agit d’un dispositif assez astucieux, il se demande cependant si la réflexion ne devrait pas se faire autour d’une décentralisation au niveau du canton. M. Bürgenmeier ne sait pas si une décentralisation serait un plus, mais serait l’une des voies possibles. Si, dans sa résolution, la commission suggère une nouvelle assurance de type AVS, il ne pense pas que cela aurait beaucoup de succès, mais cela aurait le mérite de lancer le débat. Il rappelle qu’il y a d’autres solutions, notamment la création d’une nouvelle assurance uniquement pour des soins de longue durée. M. Stalder précise qu’une assurance fédérale n’empêche pas une organisation cantonale. C’est notamment le cas de l’AVS, qui est de la compétence du canton. Il ne voit pas le problème d’une caisse unique fédérale qui serait gérée au niveau cantonal. Un député PLR a une question concernant la capitation. Des modèles de capitation existaient déjà dans les années 90, mais ont été abandonnés dans les années 2000. Il demande pourquoi il y a un souhait d’y retourner alors que ce système a été abandonné il y a 20 ans. R 1022-A 18/43 M. Stalder répond qu’il a raison de remettre en doute cette proposition. Il n’a pas vraiment trouvé dans la littérature quelle serait la meilleure solution. Il explique que la capitation serait un bon moyen d’empêcher la bureaucratie : les médecins ainsi que les hôpitaux n’auraient plus besoin de gérer les factures, ce qui est pour l’instant l’une des plus grandes problématiques du système de santé. La capitation empêcherait donc une administration de la bureaucratie, ce qui est un grand avantage. M. Bürgenmeier ajoute que la bureaucratisation est une conséquence du système TARMED, qui oblige les assurances à mieux vérifier les factures. Dans le système actuel, les assurés ne comprennent pas ce qui leur est facturé, ce qui donne un grand travail aux assurances et augmente les coûts. Leur possibilité de profit est évidemment stimulée par le simple fait qu’il y ait une augmentation du coût de la santé. M. Bürgenmeier estime que cela était lié à un problème de qualité. Le système de qualité interne à la médecine est fiable : il y a une surveillance et une prise en charge par la corporation, qui est indispensable et assure la qualité des soins. Cependant, cela est parfois insuffisant. Il ne faudrait pas seulement avoir un système autorégulateur à l’interne, mais aussi un contrôle externe. Ce qui lui tient à cœur est de promouvoir l’idée que les patients soient intégrés à ce processus et qu’il est nécessaire de trouver des moyens pour rétablir le lien entre les médecins et les patients ainsi que d’investir dans l’éducation de ces derniers. Discussion Le président rappelle qu’il reste encore l’audition de la doctoresse Stéfanie Monod, co-cheffe du Département épidémiologie et système de santé, UniSanté, l’OFSP et Santé suisse. Il informe que Curafutura n’a pas souhaité être auditionnée et a transmis à la commission sa position écrite. La commission maintient donc les auditions à venir. Il ajoute qu’un amendement d’une députée Ve a été reçu. Il propose à la commission de se pencher sur celui-ci. Amendement de la députée Ve : – d’étudier, dans le cadre d’un projet pilote cantonal, la possibilité de sortir les personnes au bénéfice de l’AVS du système des caisses maladie ; – de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture d’assurance par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par un système comparable à celui de l’AVS ; 19/43 R 1022-A – de rémunérer les professionnel-le-s de santé en charge des patient-e-s assuré-e-s par cette caisse via un système de capitation, encourageant la coordination des soins, avec des systèmes de contrôle sanitaire et financier parallèles – d’instaurer un système de franchise et de quote-part qui soit abordable pour les personnes au bénéfice de l’AVS – d’étudier la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie Cependant, le président indique être inquiet par la modification apportée au début qui demande une « expérience cantonale ». C’est le meilleur moyen pour que la résolution soit refusée par l’Assemblée fédérale, qui répondra que le canton de Genève n’a qu’à se débrouiller. Séance du vendredi 11 octobre 2024 Audition de Mme la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du Département épidémiologie et systèmes de santé, UniSanté Le président lui souhaite la bienvenue, la remercie d’avoir accepté leur invitation et lui cède la parole. Mme Monod remercie pour l’invitation et propose une présentation afin de recontextualiser ses propos et donner son avis sur la résolution déposée. Elle souligne l’importance du contexte actuel du système de soins et des finances publiques à l’horizon 2050, qui nécessite des réformes importantes. Elle commence en rappelant que l’histoire du système de santé suisse débute en 1911 avec la première LAMA (Loi sur l’assurance-maladie et accidents). En 1890, un vote populaire avait demandé à la Confédération de garantir une protection financière contre la maladie et les accidents, aboutissant à la création de la caisse nationale d’accidents, la SUVA, en 1912. Cependant, la question de la maladie était déjà au centre des débats en 1911. La Suisse a progressivement développé un système où la population paie des primes d’assurance à des assureurs privés, déjà très présents à cette époque, tandis que les prestataires de soins étaient les autres grands acteurs du système. Ces deux acteurs — assureurs maladie privés et prestataires de soins — se sont entendus dès le début pour fixer les prestations couvertes par la LAMA. La LAMA et la LAMal (qui la remplace en 1995) fixent les grands principes du système, mais n’interviennent que lorsque les deux parties (assureurs et prestataires) ne parviennent pas à s’entendre. R 1022-A 20/43 Au fil des décennies, chaque innovation et nouvelle mesure a été intégrée au système de l’assurance-maladie, toujours en régulant les relations entre assureurs et prestataires. La question des primes est débattue depuis 1911, et les montants de participation aux frais ainsi que les subventions fédérales sont en discussion depuis plus de 100 ans. Des commissions d’experts ont souvent échoué dans leurs tentatives de révisions, jusqu’à la grande réforme de 1994 qui a introduit la solidarité et des mécanismes de maîtrise des coûts, bien que les pressions sur les coûts remontent déjà aux années 1960. Depuis l’instauration de la LAMal en 1995, la part des dépenses supportées par les ménages a considérablement augmenté, que ce soit via les primes ou les paiements directs, créant une forte pression sur la société. Une part importante des dépenses est supportée par les ménages dans un système qui reste peu régulé, car il repose sur l’accord entre les assureurs et les prestataires de soins. Depuis 2000, la LAMal a tenté de contenir les coûts, passant de 40 à 98 pages, avec une multiplication des régulations, mais aussi des problèmes liés à la bureaucratie. Depuis 2000, plus de huit révisions de la LAMal ont eu lieu, mais seulement deux ont fait l’objet de référendums, dont l’un qui sera soumis au vote en novembre. Il y a eu peu de débats démocratiques, la plupart des révisions étant principalement techniques. Elle souligne que le modèle unique de l’assurance-maladie semble arriver à bout, surtout face aux défis sans précédent qui se profilent à l’horizon 2050, notamment la croissance démographique et le vieillissement de la population. La maîtrise des coûts est un autre enjeu, tout comme la forte dépendance de Genève et d’autres régions sur des professionnels de santé étrangers. D’ici 2040, selon les scénarios démographiques, la demande pour les soins de longue durée, les logements protégés et les soins à domicile ou en institutions de longue durée augmentera de 55%. Cela nécessitera une expansion significative des infrastructures, notamment en EMS. La situation varie selon les cantons, mais les cantons romands auront du mal à construire l’infrastructure nécessaire. Elle parle aussi du vieillissement de la population et du fait que le nombre de personnes actives par rapport aux retraités est en baisse. À Genève, le ratio reste relativement bon, mais dans des régions comme le Tessin et les Grisons, il diminue fortement. En 1990, il y avait une personne de plus de 65 ans pour cinq actifs ; en 2019, c’était un pour quatre, et ce chiffre pourrait tomber à un pour trois, voire un pour deux en Suisse d’ici 2040. Elle rappelle que cette situation met en danger la viabilité du système actuel. De plus, les prévisions du Département fédéral des finances de mars 21/43 R 1022-A 2024 montrent que la transition climatique et le vieillissement pèseront sur les finances publiques. La baisse des recettes fiscales, notamment à cause de la diminution de l’usage des énergies fossiles et la réduction du nombre de contribuables actifs, ainsi que l’augmentation des dépenses liées aux soins de longue durée poseront des défis majeurs. Elle conclut qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de démographie, mais d’un besoin de réformes structurelles. Depuis 1911, la Suisse n’a pas véritablement développé de politique de santé nationale. Elle plaide pour une politique intersectorielle, avec un rôle renforcé de la Confédération et une réflexion sur l’approvisionnement médical, les infrastructures et la gouvernance des données de santé. Elle soutient que le système de santé doit être repensé en accord avec les priorités et les objectifs à long terme. Elle juge la réforme actuelle positive dans son idée, bien que non parfaite. Elle estime qu’il est de plus en plus difficile de travailler avec la LAMal dans son état actuel pour répondre aux enjeux de santé. Il faut aligner les questions de financement avec les priorités politiques, notamment en matière d’investissements dans les soins primaires et de longue durée. La réforme permettrait aussi un débat démocratique plus ouvert et offrirait la possibilité de mieux arbitrer les dépenses, tout en soulageant les primes des ménages. Enfin, elle rappelle que bien que la réforme ne mènera jamais à un système totalement public, elle permettrait une meilleure cohabitation entre le secteur public et privé. Elle signale également la nécessité de penser au-delà de l’âge de la retraite pour organiser les soins et appelle à éviter les effets de seuils qui compliqueraient la transition entre différents régimes de soins. Finalement, toute réforme du financement par l’Etat devra aussi s’accompagner d’une réflexion sur la répartition des charges et la péréquation financière au niveau national. Le président mentionne une diapositive qui propose d’établir une vraie politique de santé au niveau national. Il demande, si elle rejoint en cela les propositions faites par l’Académie suisse des sciences médicales. Cette proposition vise à créer une loi fédérale sur la santé afin de ne plus se concentrer uniquement sur les coûts, mais également sur la prévention. Mme Monod répond par l’affirmative. Elle note qu’elle a travaillé pour l’Académie suisse des sciences médicales et pour ce projet. Un député PLR la remercie pour sa présentation et pose trois questions. La première porte sur la question générale du financement : comment les ressources sont-elles allouées et comment les prestations sont-elles payées, ainsi que les raisons derrière ces choix ? Il s’interroge ensuite sur la proposition d’amendement visant à instaurer un mode de financement par capitation. Il R 1022-A 22/43 soulève la question du copaiement et de la franchise, rappelant que des experts auditionnés ont souligné que ces mécanismes augmentent les barrières à l’accès aux soins sans réellement faire baisser les coûts, et demande son avis sur la hausse envisagée de la franchise minimale par le Conseil fédéral. Il questionne aussi la pertinence de l’article 32 de la LAMal qui impose l’économicité des actes médicaux, en citant des études selon lesquelles 20% des actes seraient superflus. Mme Monod note qu’il critique le financement à l’acte et explique que ce mode de fonctionnement est inhérent à la LAMal actuelle, où les prestataires sont contraints de trouver des mécanismes de financement homogènes. Cela a donné lieu à des effets comme ceux observés avec TARMED, qui est aujourd’hui critiqué. Cependant, elle estime que la capitation n’est pas non plus une solution. Le financement doit être repensé en fonction des prestations attendues. Par exemple, pour les soins de première ligne, une capitation simple ne serait peut-être pas suffisante pour motiver les médecins à effectuer des soins à domicile s’ils ne sont pas rémunérés à l’acte. Certains pays ont mis en place des modèles mixtes, avec une base de capitation et des bonus pour certaines prestations spécifiques. En ce qui concerne les franchises, elle reconnaît qu’elles sont un frein à la consultation, au point que la Suisse critique parfois la France pour ses déserts médicaux ou l’Angleterre pour les longues attentes. Trois facteurs peuvent restreindre l’accès aux soins, et en Suisse, c’est la restriction financière qui joue un rôle majeur. Près de 20% de la population suisse renonce aux soins pour des raisons financières, un chiffre qui monte à 28%-30% chez les personnes âgées ou les populations précaires. Certains économistes estiment que le système de copaiement régule et responsabilise, mais elle ne s’aventure pas sur ce terrain. Elle salue l’existence de l’article 32, qui inclut une dimension de qualité. Cependant, elle note qu’en Suisse, lorsqu’on autorise la mise sur le marché d’un médicament, on se concentre encore essentiellement sur son efficacité technique, alors que d’autres pays intègrent également des dimensions comme les bénéfices sociétaux, l’accessibilité ou l’impact environnemental. En Suisse, il n’existe pas d’organe d’arbitrage pour ces questions, ce qui crée un retard dans le système. Bien qu’un médicament puisse être techniquement efficace, son bénéfice sociétal n’est souvent pas analysé en Suisse. Un autre député PLR évoque la création de l’AVS et souligne que le système actuel, notamment en ce qui concerne les EMS, repose davantage sur l’âge d’entrée dans le système, comme l’âge de la retraite, alors que les personnes de 65 ans ne sont pas nécessairement en situation de médicalisation ou de besoin. Selon lui, le critère ne devrait pas simplement être l’âge, mais 23/43 R 1022-A plutôt le moment où cela devient pertinent d’entrer dans le système, « à partir » d’un certain âge ou selon des besoins spécifiques. Il établit un parallèle avec l’origine de la SUVA, qui a été mise en place pour protéger les populations vulnérables face aux risques, et pense que cette approche pourrait également s’appliquer ici, en veillant à protéger ces groupes vulnérables de manière plus ciblée. Mme Monod est d’accord sur la pertinence de l’idée, notamment parce que l’âge seul ne constitue pas un critère suffisant et n’a pas une signification claire en soi. Elle soutient l’idée de mettre en place une caisse publique qui couvrirait les soins de longue durée, à domicile ou en EMS, dès que la personne entre dans cette catégorie de prestations. Cela devrait s’inscrire dans une stratégie cantonale plus large pour organiser l’intégration de ces dimensions, en prenant en compte des facteurs spécifiques. Les personnes resteraient assurées par la LAMal pour les hospitalisations ou les médicaments. Elle cite des exemples, comme les Pays-Bas, qui montrent comment un système d’assurance peut cohabiter en couvrant les risques non avérés, tout en prenant en charge les consommateurs de soins de longue durée, une fois le risque avéré. Cela offrirait l’opportunité de lier une politique de santé cantonale à une assurance couvrant les besoins réels, de manière plus adaptée et ciblée. Mme Monod reconnaît que le modèle proposé est probablement plus efficace, mais sa mise en œuvre serait plus complexe à faire adopter au niveau parlementaire. Elle suggère qu’il pourrait être préférable d’adopter une approche proactive, même si cela implique de bousculer certaines idées, pour provoquer ce débat nécessaire. Un autre député PLR soulève une question sur le financement prévu dans la résolution, qui propose un modèle similaire à l’AVS, ce qui impliquerait un transfert de charges, actuellement réparties sur l’ensemble de la population, vers un financement principalement pris en charge par les actifs. Cela le surprend, surtout face aux nombreux défis actuels, et il aurait souhaité connaître son opinion sur ce transfert de charges, qui ne semble pas forcément corrélé au fait d’être affilié à la LAMal ou non. Il imagine un pilotage différent pour certaines parties de la population, en fonction de leurs besoins en matière de santé, mais la proposition de transfert de coûts représente, selon lui, une deuxième étape importante à discuter. Mme Monod n’est pas certaine que son avis ait beaucoup de valeur sur cette question, car cela ouvre un vaste débat sur la manière de financer le système, que ce soit par l’assurance ou par l’impôt. Elle pense que c’est un sujet qui mérite d’être approfondi pour mieux comprendre son impact. Cependant, elle trouve qu’il serait dommage de bouleverser la discussion en introduisant cette R 1022-A 24/43 question à ce stade, car des aspects plus techniques ne peuvent pas encore être bien calibrés dans le cadre d’une telle résolution. Un député LJS souhaite revenir sur la question de l’âge AVS, reconnaissant qu’il est important de définir un axe clair. Cependant, il estime que cela pourrait créer une fracture avec les malades chroniques de moins de 65 ans qui ont également besoin de soins, mais qui risqueraient de se retrouver en dehors du système. Il évoque également les coûts hospitaliers liés à cette tranche d’âge, sachant que les soins pour ces patients sont coûteux et représentent une part importante des dépenses de la LAMal. Mme Monod souligne que le système coûtera extrêmement cher si l’on prend en charge uniquement ceux qui sont gravement malades. Elle cite l’exemple des Pays-Bas, où le financement des prestations permet de prendre en charge des personnes âgées de 40 à 50 ans ayant un handicap ou d’autres difficultés. Elle estime qu’il serait judicieux d’associer les prestataires de soins et une certaine organisation territoriale au projet de financement pour mieux structurer le système et en répartir les coûts. Un député UDC se demande si l’ouverture d’un débat démocratique au niveau parlementaire, avec une résolution genevoise, est réellement pertinente. Il craint que cette résolution soit balayée par les Chambres fédérales, qui travaillent déjà sur une refonte du système depuis longtemps. Il s’interroge sur l’impact réel de cette résolution, se demandant si elle ne risque pas simplement d’être annexée aux discussions sur le financement, surtout dans un contexte où le pouvoir d’achat diminue et où les actifs supportent une grande partie des charges. Il suggère que les fédérations du domaine de la santé, qui ont plus d’influence, seraient peut-être mieux placées pour faire entendre ces préoccupations plutôt qu’une résolution genevoise noyée parmi des dizaines d’autres souvent rejetées. Mme Monod estime que si une prise de position plus large, incluant d’autres cantons, est adoptée, cela renforcera la résolution genevoise. Concernant le financement en dehors du cadre de la LAMal, avec des règles mieux définies, elle pense qu’il serait possible de mieux maîtriser les coûts, car cela permettrait d’introduire des exigences de performance et de lier le financement aux résultats de la prise en charge. Le problème actuel avec la LAMal est qu’aucune instance n’a la légitimité de contester les accords entre assureurs et prestataires de soins ni les décisions d’admission de médicaments, notamment en oncologie, où les bénéfices se mesurent parfois en semaines, alors que les coûts explosent. Elle souligne que si un système tarifaire ou un mécanisme d’arbitrage n’est pas mis en place, les décisions fédérales, souvent arbitraires et non fondées sur des preuves, continueront d’être imposées. 25/43 R 1022-A Elle croit que des systèmes comme celui proposé pourraient mieux contrôler les coûts et constituer un investissement plus judicieux. Elle ne voit rien à attendre des faîtières, car ce n’est pas leur rôle ni leur mandat de réformer le système de santé. Seule la politique, avec une mobilisation plus large, peut faire avancer les choses. C’est pour cela qu’elle considère que même une résolution genevoise, bien qu’isolée, est utile pour susciter le débat, mais que l’implication d’autres cantons pourrait encore en amplifier l’impact. Un député PLR souligne qu’en ce moment, on discute de la question des soins de longue durée qui ne devraient pas être intégrés dans la LAMal, bien qu’il y ait une votation à venir pour proposer leur inclusion. S’il a bien compris, cela signifierait qu’il devrait s’opposer à la réforme de la LAMal qui propose un financement uniforme incluant les soins de longue durée, car cela risquerait de surcharger le système de financement actuel. Mme Monod pense qu’il y a 15 ans, l’idée d’uniformiser les sources de financement aurait eu du sens dans une approche plus globale. Cependant, aujourd’hui, selon elle, cette réforme est de trop et n’apporte rien de concret. Elle n’impacte pas la réduction des coûts, mais provoque un basculement du financement sans aucune visibilité. Elle estime que cela affaiblit considérablement le maigre rôle de gouvernance des cantons, car ces derniers devront verser des fonds aux assureurs qui, à leur tour, recontracteront avec les prestataires. Cela privera les cantons de leur dialogue direct avec les prestataires locaux, transformant la gestion en une véritable usine à gaz. Elle s’inquiète particulièrement du fait que les services cantonaux, déjà débordés, deviendront des organes d’exécution de la LAMal, et que la souveraineté cantonale disparaîtra. La promesse de maîtrise des coûts, fondée sur l’idée qu’un financement uniforme permettrait une meilleure coordination des soins, ne lui parait pas fondée. Selon elle, la coordination des soins ne se crée pas par des injonctions. Ce même député PLR aurait aimé entendre son avis sur l’impact potentiel qu’un projet comme celui mentionné dans la résolution pourrait avoir sur le statut des médecins, qui sont largement indépendants, à l’exception de ceux travaillant en milieu hospitalier. Il se demande si, dans un système entièrement piloté par l’Etat tel que celui décrit précédemment, il serait encore possible de conserver l’indépendance des médecins libéraux. Mme Monod pense que oui, beaucoup de ses collègues sont intéressés par un système plus efficace, coordonné et axé sur la qualité des prestations. Elle est frappée de voir à quel point ses collègues sont épuisés et désabusés, avec peu de satisfaction dans le système actuel, ce qui n’est pas lié à l’indépendance des médecins. En France et au Québec, par exemple, les médecins sont indépendants, même dans des systèmes pilotés par l’Etat. Elle ne pense donc R 1022-A 26/43 pas qu’il faille craindre un changement de statut de l’indépendance des médecins. Selon elle, il est nécessaire d’encourager les médecins à faire partie de réseaux et de travailler en coordination. C’est vers cela qu’il faut aller, surtout pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques et des soins de longue durée, car un médecin seul ne peut pas tout faire. Avec le nombre d’actifs qui diminue dans la société, l’idée de réunir dix professionnels autour d’une table devient impossible. Il est donc essentiel de faire confiance aux autres et de travailler en réseau, une approche qui représente un progrès évident. Le président remercie pour l’exposé ainsi que pour les réponses précises apportées à la commission et lui souhaite une excellente fin de semaine. Il prend congé de l’auditionnée. Le président rappelle que l’Office fédéral de la santé publique et Santé Suisse n’ont pas encore fourni de réponse pour être auditionnés, tandis que la position de Curafutura figure dans les documents sur Accord. Si tout le monde est d’accord, il prévoit de planifier les deux auditions demandées. Un député PLR demande si la connexion avec les réseaux sociaux est bonne et mentionne la résolution de M. Peterschmitt discutée à la commission du Conseil des États. Il se demande également s’il serait pertinent de prévoir une audition de la Professeure Anne-Sylvie Dupont concernant la sécurité de l’assurance sociale, en particulier sur les possibilités et les limitations que le système actuel pourrait imposer. Il aimerait aborder ce sujet sous l’angle juridique, vu que la résolution demande un cadre spécifique. M. Maudet rebondit sur cette proposition en précisant que Mme Dupont fait partie du groupe d’experts mandaté par le Conseil d’Etat pour explorer l’hypothèse d’une caisse cantonale publique. Elle répond aux questions en lien avec ce groupe et devrait être en mesure de présenter un rapport sur la question, notamment en ce qui concerne les limites juridiques et la capacité d’intervention du canton. Le groupe d’experts a un mandat qui court jusqu’à fin novembre ou début décembre 2024, après quoi il rendra son rapport au Conseil d’Etat, permettant ainsi de prendre connaissance de ses conclusions. Il trouve la suggestion pertinente, mais recommande de différer l’audition afin de laisser le groupe d’experts finaliser son travail. 27/43 R 1022-A Séance du vendredi 15 novembre 2024 Audition de M. Christophe Kaempf, porte-parole, Santé Suisse (visioconférence) Le président note que l’audition de M. Kaempf rencontre des difficultés techniques. Il propose de traiter un autre point en attendant la résolution du problème. Le président souhaite la bienvenue à M. Kaempf et lui cède la parole. M. Kaempf remercie pour la possibilité offerte à Santé Suisse de donner son avis, soulignant que la population vieillissante est de plus en plus nombreuse et que les personnes âgées représentent une part plus importante que les jeunes. Il souligne par ailleurs que Santé Suisse dispose déjà des ressources nécessaires pour promouvoir la solidarité intergénérationnelle. Il explique ensuite un mécanisme de redistribution financière entre les jeunes, qui ne séjournent pas à l’hôpital ni en EMS et qui n’ont pas recours à certaines prestations, et les personnes plus âgées. Ce système permet de financer un transfert de 8,4 milliards de francs, dont 5,4 milliards sont utilisés pour la réduction annuelle des primes et 3 milliards pour les bénéficiaires de l’AVS. Il souligne des données de l’OFSP sur la baisse des primes, mettant en évidence un fait troublant : les personnes âgées, en proportion de leur représentation dans la population, profitent moins de ces réductions que les jeunes, en particulier ceux de moins de 65 ans. Cette constatation remet en question l’hypothèse selon laquelle tous les aînés seraient aisés financièrement, une idée qui pourrait s’avérer trompeuse. Il identifie également un problème dans le système d’assurance-maladie, qui représente environ 20% des dépenses. Ce problème se manifeste par une mauvaise coordination entre les fournisseurs de services, ce qui entraîne des frais inutiles, ainsi que par un retard significatif dans la digitalisation du système de santé. Il estime qu’une numérisation pourrait permettre d’économiser jusqu’à 8 milliards de francs par an. De plus, il souligne le fait que les prestations de l’AOS (assurance obligatoire des soins) ne font pas l’objet d’une évaluation systématique, ce qui manque de transparence. Il indique que des économies substantielles pourraient être réalisées en réduisant les coûts des médicaments (les marges en Suisse étant deux fois plus élevées qu’en Allemagne) et en optimisant les tarifs hospitaliers par des comparaisons entre établissements. Ces mesures permettraient d’économiser 1,4 milliard de francs sans modifier le catalogue des prestations de l’assurance de base ni impacter directement la population. R 1022-A 28/43 Il rappelle que les coûts des soins de longue durée, en particulier dans les EMS, ont fortement augmenté depuis l’introduction du système de financement actuel (92% pour les EMS et 50% pour les charges de l’AVS). Cette tendance devrait s’accélérer avec le vieillissement de la population et l’arrivée à la retraite des baby-boomers, ce qui posera un défi majeur pour le financement des soins de longue durée. Enfin, il évoque la réforme EFAS, prévue pour le 24 novembre, qui prévoit que les assureurs maladie financent une partie des soins de longue durée. Cette réforme pourrait avoir un impact sur les primes d’assurance-maladie à long terme si la répartition des coûts entre cantons n’est pas ajustée. Il souligne que le financement des soins de longue durée, qui coûtent environ 6,5 milliards de francs par an, pourrait devenir une préoccupation budgétaire à l’avenir, avec 3,4 milliards de francs supportés par l’assurance-maladie, ce qui représente environ 10% des primes requises pour couvrir ces dépenses. Le président explique qu’en raison de problèmes techniques, la liaison avec M. Kaempf a été interrompue. Il précise qu’il va lui demander de soumettre une position écrite et de transmettre sa présentation. Séance du vendredi 29 novembre 2024 Le président soulève que la commission a reçu la positon écrite de Santé Suisse. Il ajoute que la commission a également reçu les amendements communs de la députée Ve et du député LJS. Il voit qu’aucune audition supplémentaire n’est proposée. Ce même député LJS souhaite effectuer quelques remarques sur le rapport de Santé Suisse qu’il a trouvé intéressant. Il a relevé certaines considérations, dont la première est le graphique de la page 2 montrant les coûts par personne en fonction de la classe d’âge. Il relève que ces coûts explosent avec l’âge. Il remarque que les assureurs se permettent une fois de plus de jouer avec les chiffres. En effet, dans les mécanismes de déduction des primes, il est question de pourcentages. Cependant, lorsqu’une personne de plus de 65 ans et bénéficiant d’une prime de 500 F reçoit une subvention, il ne s’agit pas de la même qu’à un enfant de moins de 18 ans. Il rappelle que, notamment avec la votation de l’EFAS, les caisses maladie vont quasiment toucher une totalité de 55 milliards de F et ajoute que 5% de frais administratifs sont facturés, ce qui équivaut à 2,7 milliards de F. Il soulève ensuite que la prime moyenne était de 180 F en 2000 et qu’elle est aujourd’hui de 440 F. Il ajoute que ces caisses maladie n’envoient plus de courriers et que c’est aux assurés de payer depuis leur téléphone. Il ajoute que ces caisses sont totalement opposées à une réflexion globale sur un changement de système. Il indique cependant avoir été 29/43 R 1022-A satisfait qu’elles aient reconnu que les amendements qui avaient été ajoutés au projet étaient pertinents. Un député MCG informe que son groupe n’est pas surpris par la prise de position de Santé Suisse. Il souligne que son groupe est en opposition avec ce lobby qui joue un rôle scandaleux au sein des Chambres fédérales et qui défend des intérêts privés dont la population suisse est la première victime. Il trouve qu’il s’agit d’un système inacceptable d’achat d’influence de parlementaires fédéraux permettant à Santé Suisse de bloquer entièrement le système de santé et d’assurance-maladie. Il n’est donc pas surpris de la réponse de Santé Suisse, qui essaie de noyer le poisson. Un député PLR indique qu’il soutiendra cette résolution et espère que cela permettra de sortir du statu quo impossible qui existe aujourd’hui. Il pense que cette action a au moins le mérite d’ouvrir le débat sur le fond de la question. Il trouve les amendements assez complets, mais souhaiterait à titre personnel se limiter au texte de la R 1022, en y ajoutant un amendement qui serait le suivant : – d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au forfait, au salaire par capitation. Un député MCG soulève que son groupe aurait pu accepter la première invite, mais est en revanche en divergence avec la deuxième. Il explique que le groupe MCG n’est pas favorable à une caisse maladie d’Etat. Selon lui, il faudrait faire soit une caisse étatique partielle, soit une caisse unique globale. C’est pour cette raison que le groupe MCG ne soutiendra pas la R 1022. Une députée S répond que son groupe rejoint les propos du député MCG. Elle pense qu’il est nécessaire de discuter de toutes les possibilités d’amélioration des assurances-maladie et de sortir du système actuel qui n’est pas efficient ni efficace et qui exclut beaucoup de patients. Certains éléments posent problème au PS, notamment le fait de diviser la population entre les personnes âgées et les jeunes, ce qui n’est selon elle pas favorable ni aux uns, ni aux autres. C’est pour cela que le PS ne soutiendra pas cette résolution, bien qu’il reste ouvert à des possibilités d’amélioration et de changement du système. Un député UDC informe que son groupe est certain qu’avec le vieillissement de la population et les coûts en constante augmentation, la solidarité intergénérationnelle rencontrera des limites. Il trouve les chiffres particulièrement éloquents et est favorable à toute solution. Le groupe UDC soutiendra donc cette résolution et rejoindra la majorité de la commission concernant les amendements proposés. R 1022-A 30/43 Une députée Ve pense que le fait de sortir une partie de la population du système d’assurance privée est bénéfique, car elle sera prise en charge via l’impôt, qui est social. Elle ajoute que cela évitera que la prime soit la même pour tous, peu importe le revenu. Le groupe des Verts soutiendra la résolution ainsi que les amendements. Un député LJS répond, concernant la différenciation faite par sa collègue S, que Santé Suisse a mentionné que le mécanisme de compensation est de 8 milliards de F pour la population âgée parmi les jeunes. Il est clair que dans le cas où cette population serait financée autrement, les jeunes bénéficieraient de ces 8 milliards de F. De manière indirecte, il y aurait une évolution des primes pour ces derniers. Il souligne que le but de la résolution est de poser des questions afin d’obtenir des réponses sur les coûts réels, les subventions qui sont faites et de pouvoir ouvrir une discussion. Il souligne qu’il ne s’agit pas d’une solution en soi face aux problèmes complexes. Il soutiendra évidemment la résolution. Un député LC raconte avoir discuté avec des experts la semaine dernière et reste persuadé que le système actuel de soins va droit dans le mur. En effet, ni le Conseil d’État ni les Chambres ne le pilotent réellement. Il s’agit aujourd’hui d’une bagarre incessante entre les assureurs et les professionnels de santé, qui tirent la couverture à eux. Or, personne ne souhaite trancher, ce qui aura pour conséquence une chute du système tel qu’il est conçu. Concernant la distinction faite entre la population jeune et âgée, il est vrai que la LAMal a introduit un système de solidarité entre hommes, femmes, jeunes, vieux, malades et bien-portants. Il comprend les arguments du PS concernant cette séparation, mais si les personnes âgées ne sont pas isolées, cela chargera la jeune génération qui voit déjà ses primes augmenter continuellement. Il mentionne ensuite que bien que la caisse d’Etat constitue la même problématique, qui est contraire à celle soulevée par le MCG, il s’agit selon lui du seul moyen d’alléger une partie des primes des plus jeunes et de séparer les coûts dus à la vieillesse de ceux qui sont dus à des maladies courantes, voire chroniques, chez les plus jeunes. Le groupe LC soutiendra cette résolution et pense que cela vaut la peine que des discussions soient menées. Il refusera cependant les trois amendements déposés par les Ve et LJS, mais acceptera l’amendement du PLR. Un député MCG souhaite que ses propos ne soient pas déformés. Le MCG est défavorable à une caisse d’Etat, mais peut adhérer à d’autres modèles, notamment celui de la caisse de compensation. En revanche, il n’adhère pas au modèle tel que proposé dans cette résolution. Cela lui semble dangereux que de nombreux modèles de caisse étatique continuent à être lancés. Il rappelle 31/43 R 1022-A que la LAMal définit certaines obligations et qu’il est nécessaire de rester prudent face au dogme de l’assurance étatique. Un député PLR pense que la réflexion se fait sur la base d’une comparaison avec la SUVA, qui est la seule caisse publique en Suisse à sa connaissance. Il admet que maladies et accidents ne sont pas comparables, mais soulève qu’il n’est pas possible de dire que les caisses privées fonctionnent et que les caisses étatiques ne fonctionnent pas : cela n’est pas vrai selon lui, et ce autant en termes de coûts que d’efficacité. Votes Le président met aux voix le 1er amendement et précise qu’il ne s’agit pas d’un amendement général, mais qu’il s’ajoute aux deux invites existantes : – d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse d’état un système de capitation, encourageant la coordination des soins. Oui : 8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC) Non : 5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC) Abstentions : Le 1er amendement est accepté. Le président met au vote le 2e amendement qui s’ajoute aux invites existantes : – d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu et état de la fortune. Oui : 8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC) Non : 5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC) Abstentions : Le 2e amendement est accepté. Le président met aux voix le 3e amendement qui s’ajoute aux invites existantes : – d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie. Oui : 6 (3 S, 2 Ve, 1 LJS) Non : 5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC) Abstentions : 2 (UDC) Le 3e amendement est accepté. R 1022-A 32/43 Un député PLR présente son amendement : – d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au forfait, au salaire par capitation. Il souligne qu’il s’agit également d’une chose demandée par l’étude. Il pense, concernant la population en âge d’AVS qui est ici ciblée, qu’elle est la plus concernée par les maladies chroniques et les polymorbidités. Il relève que l’un des points critiques est la problématique de copaiements telle que les franchises. Il souligne qu’il s’agissait encore d’une logique de prise en charge ponctuelle et qu’il n’y avait pas encore, comme aujourd’hui, une prévalence de malades chroniques. Il prend pour exemple les personnes diabétiques, mais ajoute que les maladies cancéreuses augmentent ainsi que leur incidence, mais aussi leur prévalence. Il explique que la population ne meurt plus du cancer, mais vivra avec pendant des années. Un cancer sur deux est guéri, mais il n’existe pas de retour à l’innocence biologique. En effet, toute personne ayant eu un cancer vivra ensuite toute maladie avec des soutiens médicaux coûtant souvent cher. Un ticket modérateur pour des patients cancéreux qui vont vivre des années avec leur maladie n’a aucun sens. Il trouve que faire payer une franchise à des malades chroniques n’a aucun sens, est antisocial, augmente les barrières aux soins et diminue la qualité de ceux-ci. Le président met aux voix l’amendement PLR : – d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au forfait, au salaire par capitation Oui : 12 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 MCG, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC) Non : Abstentions : 1 (PLR) L’amendement est accepté Le président met aux voix la R 1022 ainsi amendée : Oui : 7 (2 Ve, 1 LJS, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC) Non : 2 (MCG) Abstentions : 4 (3 PS, 1 PLR) La prise en considération de la R 1022 telle qu’amendée est acceptée. Catégorie de débat : II, 30’ Conclusions 33/43 R 1022-A Mesdames les députées, Messieurs les députés, Le 30 novembre 1992, le conseiller national Peter Tschopp, un radical visionnaire comme on les aimait, déposait une initiative parlementaire proposant la création d’une « institution fédérale de prise en charge des frais sanitaires et d’encadrement liés au grand âge ». L’initiative fut transformée en postulat par une commission de la sécurité sociale et de la santé publique (CSSS) effrayée par l’audace du projet. Le libéral radical Josef Dittli a, quant à lui et plus récemment, déposé un texte visant à créer un quatrième pilier de la prévoyance, soit une assurance obligatoire de soins financée par un compte d’épargne obligatoire, individuel et défiscalisé. Entre ces deux étapes, il y eut de nombreuses interventions allant dans le même sens, à savoir trouver une solution supportable financièrement et respectueuse de la solidarité entre les diverses générations. La résolution de notre collègue LJS va dans le même sens, même si dans l’esprit des commissaires de la santé, elle n’a que peu de chances de se concrétiser. Elle aura au moins le mérite de relancer le débat sur un sujet d’importance que les Chambres fédérales devraient avoir l’audace de se saisir. Pour Peter Tschopp, le vieillissement représentait « l’une des modifications sociodémographiques les plus profondes depuis fort longtemps » et que le XXIe siècle serait, « que cela retienne votre attention ou non, le siècle de l’accroissement explosif de la population très âgée ». Il ajoutait à l’intention de ses collègues que, « si gouverner c’est prévoir et si l’on est en Suisse, il faut s’occuper dès aujourd’hui et sérieusement de ce problème puisque l’expérience institutionnelle et politique nous prouve que dans ce pays, pour mettre en place un nouveau pilier de la sécurité sociale, il faut bel et bien un quart de siècle. » Belle manifestation d’une lucidité peu commune au sein de nos institutions fédérales, il fallait bien le rappeler. Peter Tschopp avait 32 ans d’avance, et s’il avait été suivi, nous pourrions faire face au défi du vieillissement de la population avec plus de sérénité. Certes, le présent texte ne va pas tout bouleverser, mais il a au moins le mérite de rappeler l’urgence du problème et d’inciter nos élus fédéraux à y travailler de façon rapide et efficace. C’est dans cet esprit, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que la majorité de la commission vous recommande d’accepter cette résolution de même que les amendements votés en commission. R 1022-A 34/43 Annexes : 1. Présentation relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf, Santé Suisse 2. Prise de position écrite relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf, Santé Suisse 35/43 R 1022-A ANNEXE 1 Audition du 15 novembre 2024 de la commission de la santé du canton de Genève. Objet : R 1022 : création d'une caisse maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS 1. Introduction Permettez-moi de vous remercier, au nom de santésuisse, de nous donner la possibilité de nous exprimer au sujet de la proposition de résolution R 1022 : Création d'une caisse maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale) 2. Position de santésuisse La proposition de postulat R1022 part d’un double constat correct : il y a d’abord cette évidence : plus on est âgé, plus les soins coûtent cher. Par ailleurs, la part de personnes de plus 65 ans ne cessent de croitre dans la population. Nos assurances sociales font donc face à un défi pour assurer le financement futur des prestations, en particulier dans le domaine de l’assurance-maladie. Pour santésuisse, l’intention du postulat est louable. Toutefois, sortir les bénéficiaires de l’AVS du système de l’assurance-maladie pour les placer dans une caisse publique ne résoudrait aucun des problèmes actuels du système de santé. Financer cette caisse par un modèle proche de l’AVS n’apporterait pas de solution non plus. Voici pourquoi : • Dans le modèle d’assurance proposé, les personnes de moins de 65 ans devraient toujours assumer les coûts croissants des personnes âgées. Par ailleurs, les coûts liés au vieillissement de la population devraient être assumés par des actifs de moins en moins nombreux. santésuisse a calculé que pour financer les prestations des personnes de plus de 65 ans, qui correspondent à 16,6 milliards de francs (soit l’équivalent de 4 mois d’AVS), il faudrait augmenter les prélèvements AVS de 4%, ce qui aurait un impact direct sur les salaires et impacterait en particulier les petits revenus. Pour santésuisse cette solution pose avant tout des problèmes en termes d’équité intergénérationnelle, ce d’autant que globalement, la situation financière des retraités est meilleure que celle des actifs. « 80 à 90 % des retraités sont financièrement indépendants et ont une fortune nette médiane jusqu’à six fois plus élevée que les actifs » (Wanner & Gerber, 2022). Par ailleurs, « trois quarts des retraités sont satisfaits ou très satisfaits de leur situation financière, alors que les actifs ne sont que 60 % à l’être. La grande majorité d’entre eux est ainsi bien lotie, souvent même mieux que les actifs. » (Avenir Suisse, 2024). • Des mécanismes de réductions des primes financés par l’impôts existent déjà pour les plus défavorisés. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les personnes de moins de 65 ans en bénéficient proportionnellement plus que les aînés : selon les données de l’OFSP de 2023, sur les 2,45 millions de personnes subventionnées pour leurs primes, 2,05 millions avaient entre 0 et 65 ans, contre 394’000 plus de 66 ans, alors que les aînés représentent environ 20% de la population suisse. Le contre-projet indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu (rejetée le 9 juin 2024 par 55,47% des voix) prévoit d’ailleurs que les cantons augmentent leur budget santésuisse | Römerstrasse 20 | 4502 Solothurn | +41 32 625 41 41 | info@santesuisse.ch | santesuisse.ch 1/2 R 1022-A 36/43 pour les subventions de primes. Ces dernières années, de nombreux cantons avaient réduit les montants consacrés aux réductions individuelles des primes. Pour santésuisse, le renforcement de ces subventions est socialement plus équitable. 3. Commentaires concernant les amendements • Etudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse d’état un système de capitation, encourageant la coordination des soins : la coordination des soins permet de réaliser des économies substantielles. Cette proposition peut être envisagée, à condition que le librechoix du prestataire de soins soit garanti. • Etudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu et état de la fortune : cette proposition permettrait d’introduire un minimum d’équité intergénérationnelle dans la solution d’assurance proposée, puisque les coûts des aînés seraient un peu moins reportés sur les plus jeunes. A étudier. • Etudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie : cette solution ne ferait qu’alourdir le report de charge des coûts des aînés sur les populations les plus jeunes. A rejeter. 4. Conclusions Pour les raisons évoquées ci-dessus, santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurancemaladie basée sur le modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans ne serait pas équitable socialement et contreviendrait au principe de solidarité intergénérationnelle. • • • • Avec un financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs Renchérissement du coût du travail Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt. Compliquer à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS santésuisse recommande donc de rejeter la proposition et d’agir en faisant évoluer le système actuel en réduisant les coûts et en augmentant les montants alloués aux réductions individuelles de primes. Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information. Meilleures salutations. santésuisse Département Politique et communication Ressort Communication Christophe Kaempf 2/2 37/43 R 1022-A ANNEXE 2 Audition de la commission de la santé du canton de Genève: création d'une caisse maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale) Christophe Kaempf 15 novembre 2024 Coûts et primes par classe d’âge GE (Sasis, 2023) 2 R 1022-A 38/43 Les moyens d’agir existants • Réduction individuelle des primes: budget revu à la hausse grâce au contre-projet indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu > 5,4 milliards de frs (OFSP, 2022) • Les prestations complémentaires pour les bénéficiaires AVS les plus modestes > 3,3 milliards de frs (OFAS, 2023) • Le mécanisme de compensation des risques dans l’assurance-maladie > 8,4 milliards de frs transférés entre jeunes et aînés (OFSP, 2022) 3 Nombre de personnes percevant des réductions individuelles de primes (OFSP, 2023) Alter unbekannt 91 und mehr 86 – 90 81 – 85 76 – 80 71 – 75 66 – 70 61 – 65 56 – 60 51 – 55 46 – 50 41 – 45 36 – 40 31 – 35 26 – 30 19 – 25 0 – 18 0 100'000 200'000 300'000 400'000 500'000 600'000 700'000 4 39/43 R 1022-A Un problème de coût avant tout: mauvais incitatifs et prestations inutiles • • • • • Mauvaises incitations à plusieurs niveaux: Manque de coordination Retard dans la digitalisation Pas d’évaluations systématique des prestations AOS Manque de transparence sur la qualité 20% des prestations à charge de l’AOS sont inutiles (OFSP) > Potentiel d’économie: 8 milliards de francs 5 Un problème de coûts avant tout: économiser sans rationner ▪ Baisse des tarifs des laboratoires de 10-15 pour cent supplémentaires 100 à 150 millions de frs ▪ Réduction des marges de distribution sur les médicaments ▪ Baisse des prix des médicaments et augmentation de la part des génériques: 550 millions de frs ▪ Mise en œuvre des HTA achevés 200 millions de frs ▪ Mise en œuvre des modifications d’ordonnance (OAMal/OPAS): fixation du 25e percentile comme benchmark pour les négociations tarifaires dans le domaine stationnaire (estimation du Conseil fédéral) 300 millions de frs 200 à 250 millions de frs Potentiel d’économie d’environ CHF 1,4 milliards de francs 6 R 1022-A 40/43 Le défi des soins de longue durée: 6,5 milliards de francs/an Augmentation des coûts des soins en Suisse depuis le nouveau régime de financement en 2011 : • Établissements médico-sociaux (EMS) : +42 %, atteignant 4,5 milliards CHF en 2022. • Soins à domicile : +124 %, avec un coût de 2 milliards CHF. 7 Le défi des soins de longues durée: répartition des coûts (santésuisse, 2022) 8 41/43 R 1022-A Proposition de santésuisse sur le financement des soins de longues durée Approche libérale et responsable : accent mis sur la responsabilité individuelle, sans augmenter les charges de l'AOS. Protection de l'AOS : sortir les soins de longue durée de l'AOS pour préserver la solidarité intergénérationnelle. Modèle de financement en 3 piliers : • 1er pilier : AOS couvre les soins médicaux. • 2ème pilier : capital obligatoire pour les soins liés à l'âge. • 3ème pilier : épargne volontaire pour des prestations supplémentaires (ex. frais d’hôtellerie). Rôle des cantons : co-financement et prise en charge des coûts résiduels si le capital du 2ème pilier est insuffisant. 9 Conclusions santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurance sociale basée sur le modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans n’est pas équitable socialement et contreviendrait au principe de solidarité intergénérationnelle. • • • • Avec un modèle de financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs Renchérissement du coût du travail Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt. Compliqué à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS santésuisse recommande donc d’agir en faisant évoluer le système actuel avec les moyens existants. 10 R 1022-A 42/43 Date de dépôt : 2 janvier 2025 RAPPORT DE LA MINORITÉ Rapport de François Baertschi La question posée mérite un débat et des propositions innovantes, ce que reconnaît la minorité. En effet, il est difficile de contester l’impasse où nous conduisent à la fois le dysfonctionnement systémique de l’assurance-maladie et le développement prévisible du nombre de personnes en âge AVS. En soi, cela mérite une réflexion et des visions innovantes. Malheureusement, la direction proposée par cette résolution nous conduit à une impasse pour plusieurs raisons. Tout d’abord, le fait de créer une caisse maladie d’Etat centralisée ne répondrait pas à la réalité des systèmes de santé suisses qui sont fondés sur une logique cantonale. Il y aurait une contradiction fondamentale qui apparaîtrait très rapidement et rendrait le modèle impraticable. Ensuite, le fonctionnement de l’AVS, qui est fondé sur une logique de répartition, se situe dans la logique des trois piliers, puisqu’elle est complétée par deux autres éléments tout aussi fondamentaux. Là aussi, le modèle ne serait pas praticable. En revanche, il serait intelligent d’étudier la couverture maladie des personnes en âge AVS au travers de divers moyens. Pour ce faire, il conviendrait de lister de manière précise à la fois les prestations et les financements, tout en tenant compte de l’évolution démographique prévisible. L’écueil principal d’une telle mesure, c’est le travail de transparence qui devrait être fourni. Mais nous savons bien que les caisses maladie ne sont pas prêtes à jouer cartes sur table. Et pour finir, nous devons souligner que cette résolution va dans le sens des intérêts des caisses maladie qui pourront se débarrasser des personnes âgées, mauvais risques, pour se concentrer sur une augmentation de leurs profits, puisqu’on se serait débarrassé de ces coûts remis à l’Etat. Comme le dit l’adage, étatiser les pertes et privatiser les profits. C’est ce que réaliserait cette résolution, si ses buts étaient atteints. 43/43 R 1022-A Pour toutes ces raisons, qui ne vont dans le sens ni des assurés ni des citoyens, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de refuser cette résolution.