GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève RD 1605-A R 1054-A Date de dépôt : 6 mars 2025 Rapport de la commission de la santé chargée d’étudier : a) RD 1605-A Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur la planification sanitaire du canton de Genève 20252028 b) R 1054-A Proposition de résolution du Conseil d’Etat approuvant le rapport de planification sanitaire du canton de Genève 2025-2028 Rapport de Arber Jahija (page 3) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 RD 1605-A R 1054-A 2/15 Proposition de résolution (1054-A) approuvant le rapport de planification sanitaire du canton de Genève 2025-2028 Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève, vu l’article 28, alinéas 1 à 3, de la loi sur la santé, du 7 avril 2006 ; vu le RD 1605 présentant le rapport de planification sanitaire du canton de Genève 2025-2028, approuve le rapport de planification sanitaire du canton de Genève 2025-2028. 3/15 RD 1605-A R 1054-A Rapport de Arber Jahija La proposition de résolution 1054 et le rapport RD 1605 ont été traités par la commission de la santé lors de sa séance du 7 février 2025. La présidence a été assurée par M. Jean-Marc Guinchard. M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat (DSM), M. Panteleimon Giannakopoulos, directeur général de l’office cantonal de la santé, et M. Thomas Lufkin, directeur du service de la santé numérique et du réseau de soins, ont été auditionnés. Mme Angela Carvalho, secrétaire scientifique (SGGC), a suivi les travaux de la commission et le procès-verbal de la séance a été tenu par Mme Alicia Nguyen. Nous remercions ces personnes de leur contribution aux bons déroulements des travaux de la commission. Présentation Le canton de Genève dispose d’une planification sanitaire assurée par le service de la santé numérique et du réseau de soin (OCS). Il s’agit d’un domaine stratégique vaste et évolutif, en ce sens qu’il tient compte des besoins diversifiés de la population en matière de santé. Les enjeux sont de taille et nécessitent une anticipation en amont, notamment s’agissant du vieillissement de la population, des variations démographiques ainsi que des troubles de santé mentale et des moyens humains et financiers à prévoir pour y faire face. Le présent rapport permet d’illustrer de manière claire et détaillée la stratégie déployée par le Conseil d’Etat pour mener à bien une politique publique vitale pour la population. « La planification sanitaire ne doit rien laisser au hasard », élément sur lequel les membres de la commission de la santé se sont montrés intraitables. Après un examen minutieux de la présentation du conseiller d’Etat chargé du DSM et de deux directeurs de l’OCS, des garanties significatives ont permis de rassurer les commissaires qui ont accueilli favorablement la R 1054, approuvant le RD 1605, sans aucune opposition. RD 1605-A R 1054-A 4/15 Auditions de M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat chargé du département de la santé et des mobilités (DSM), et M. Thomas Lufkin, directeur du service de la santé numérique et du réseau de soins (OCS) M. Maudet indique que l’OCS comprend plusieurs services, dont le médecin cantonal, le chimiste cantonal qui inclut le vétérinaire cantonal ainsi que d’autres dimensions telles que le contrôle de l’eau et les laborantins, la pharmacienne cantonale qui exerce son rôle notamment dans la surveillance, et un quatrième service qui n’est pas tenu par un professionnel de la santé, à savoir celui du numérique et du réseau de soins. Ce dernier a une mission régalienne et de planification et est dirigé depuis septembre 2024 par M. Lufkin. M. Maudet souligne que, ce soir, la commission découvre l’ensemble de son activité, en particulier la planification au sein du service du réseau de soins. Ceux qui ont lu le document et son avant-propos ont relevé certains termes clés : réseau de soins et cohérence des interventions des acteurs de santé. Quand on parle de planification, il ne s’agit pas seulement de la dimension immobilière, mais aussi des ressources humaines, de la perspective d’une pénurie potentielle de personnel soignant et médical, ainsi que de tous les paramètres structurants, à savoir le vieillissement de la population, l’accroissement de la dépendance ou encore les problématiques de santé mentale. Tous ces éléments constituent ce qui est présenté ce soir à la faveur d’un RD. M. Maudet informe que ce document n’a pas de valeur législative, mais qu’il doit être challengé par la commission avant d’être acté, car il constitue le viatique du département et fixe le cadre de l’action politique dans le domaine des soins. Il s’agit d’un outil qui est destiné à être utilisé, adapté et qui évoluera au cours des quatre prochaines années en fonction des nécessités. Cet outil donnera lieu, dans les semaines à venir, à un autre document fondamental et très attendu, notamment par les assureurs et les cliniques privées : la planification hospitalière. M. Maudet indique qu’il existe une planification sanitaire, qui représente l’ensemble des éléments structurants du domaine de la santé, et une planification hospitalière, qui en est une déclinaison spécifique. Ce dernier document, plus contraignant, est adopté par le Conseil d’Etat et, depuis début 2024, peut faire l’objet de recours de la part des assureurs. Des négociations ont donc lieu en amont afin de déterminer quels prestataires peuvent être éligibles à la reconnaissance par le canton et au cofinancement cantonal. Ce document, qui découle directement de la planification sanitaire, devrait être publié d’ici le mois de juin. 5/15 RD 1605-A R 1054-A Si la commission entend parler de planification hospitalière, elle saura qu’il s’agit d’un élément issu de la planification sanitaire. Dans le canton de Vaud, le même système est en place et la planification hospitalière a fait l’objet de recours, entraînant son blocage et générant une série de problèmes. L’objectif est de présenter les éléments de cette planification, de répondre aux questions et de s’assurer que la commission soit convaincue afin qu’elle puisse l’adopter. M. Lufkin explique que la structure de ce document se construit en deux parties : une partie méthodologique permettant d’obtenir des chiffres et un second volet plus politique. L’objectif principal de cette planification est d’établir un état des lieux du volume de prestations dans les différents secteurs abordés. Un travail statistique et technique a été réalisé en collaboration avec l’OBSAN. La deuxième partie, plus politique, décrit les pistes à explorer pour répondre aux besoins identifiés dans la première partie. L’approche repose sur l’analyse d’une année de référence, en l’occurrence 2022, afin d’identifier deux paramètres majeurs : le taux d’utilisation des prestations par catégorie de population et la durée moyenne de séjour pour les secteurs disposant de lits. Ensuite, ces données sont extrapolées à une année cible, ici 2028, en intégrant plusieurs paramètres : évolution de la demande et des besoins (souhaits de la population, par exemple), avancées technologiques et transformation de la prise en charge, notamment le virage ambulatoire. Cela permet d’estimer les taux d’utilisation et les durées moyennes de séjour dans l’année cible. M. Lufkin indique qu’il reste alors à intégrer les projections démographiques pour obtenir le nombre de cas projetés en 2028. En multipliant ce chiffre par la durée moyenne de séjour, on obtient le nombre total de journées de prestation et donc le nombre de lits nécessaires. Il s’agit d’un modèle mécanique basé sur des hypothèses d’évolution des besoins et des prises en charge, en lien avec les avancées médicales actuelles. Il existe également une dimension politique, avec la mise en place de scénarios favorisant des solutions bénéfiques à la population ou permettant de réduire les coûts. Les scénarios démographiques utilisés pour ces projections sont alignés avec ceux établis par l’office cantonal de la statistique et l’Office fédéral de la statistique. Il précise qu’il s’agit de projections et non de prévisions : il est impossible de savoir exactement quelle sera la demande de soins dans les prochaines années, mais le modèle utilisé est rigoureux et a déjà prouvé son efficacité. Par le passé, les projections réalisées en matière d’hospitalisations ont été validées, et les chiffres restent globalement cohérents avec la réalité actuelle. Des ajustements peuvent être faits si nécessaire. M. Lufkin poursuit en indiquant que ce modèle de projection est décliné dans plusieurs domaines, notamment le secteur hospitalier, qui comprend deux sous-secteurs : le stationnaire aigu et la psychiatrie/réadaptation. Il couvre RD 1605-A R 1054-A 6/15 également le domaine médico-social, qui inclut les EMS et les soins à domicile, en collaboration avec le département de la cohésion sociale, responsable des EMS. Un chapitre est consacré aux structures intermédiaires, telles que les UATM, les UATR et les appartements protégés. Par rapport à la précédente planification, un volet renforcé a été ajouté sur la relève des professionnels de la santé, un sujet travaillé en étroite collaboration avec le DIP. M. Lufkin passe ensuite en revue les différents secteurs et les mesures que son service compte mettre en place pour répondre aux besoins identifiés. Il relève que l’évolution démographique est le facteur le plus influent sur ces projections. Trois scénarios ont été retenus, tous montrant une augmentation continue de la population. A l’horizon 2028, les écarts entre ces scénarios sont minimes, ce qui signifie que le choix du scénario démographique a peu d’impact sur les hypothèses formulées. Dans le graphique en page 3, la structure démographique par âge est présentée pour les hommes et les femmes. La courbe noire représente la situation en 2020, et la plus grande différence avec les projections concerne les populations les plus âgées. Dans ces catégories, les trois scénarios convergent, ce qui illustre bien le phénomène de vieillissement de la population. M. Lufkin précise que l’âge maximal reste inchangé, mais que deux tendances se dégagent : d’une part, les gens vivent statistiquement un peu plus longtemps et, d’autre part, le nombre de seniors augmente. Ce n’est donc pas tant l’allongement de la durée de vie qui a un impact, mais plutôt l’accroissement du nombre de personnes âgées de plus de 65 ans. Ce facteur influence tous les domaines et a des répercussions sur toutes les politiques de prise en charge sanitaire. M. Lufkin évoque ensuite que, dans le domaine hospitalier, les projections estiment qu’entre 2022 et 2028, le nombre d’hospitalisations augmentera d’environ 8%, et de 9% si l’on compte en journées d’hospitalisation. Pour la psychiatrie, l’augmentation est estimée entre 4,5 et 5% et, pour la réadaptation, elle atteint 12%. Cette dernière hausse est logique, car les personnes âgées nécessitent plus souvent une réadaptation après une hospitalisation. Ces projections sont basées sur la réalité actuelle et sur des hypothèses concernant l’avenir, mais elles ne sont pas immuables. Des mesures peuvent être prises pour limiter ces chiffres, notamment en favorisant le retour rapide à domicile après une hospitalisation. C’est l’enjeu du maintien à domicile et du renforcement des soins à domicile, mais aussi de la prévention des hospitalisations grâce à une meilleure coordination des soins et à une gestion efficace des urgences communautaires. 7/15 RD 1605-A R 1054-A M. Lufkin souligne que, dans le secteur médico-social, qui inclut les EMS, les soins à domicile et les structures intermédiaires, les projections estiment une augmentation de près de 15% des résidents en EMS d’ici 2028, ce qui impliquerait la construction de nouveaux établissements si aucune autre mesure n’est prise. En parallèle, le nombre d’heures de soins à domicile augmenterait de 11%. Pour les structures intermédiaires, les hausses attendues sont d’environ 11% pour les UATR, 5 à 6% pour les appartements protégés et les foyers, et 10% pour les UATM. Il note que ces chiffres restent modestes, car les structures intermédiaires sont encore peu développées. Toutefois, ils montrent que, si la prise en charge actuelle est maintenue telle quelle, la demande pour les EMS augmentera fortement. La stratégie menée en collaboration avec le département de la cohésion sociale vise à renforcer le maintien à domicile et à retarder l’entrée en EMS, ce qui correspond aux souhaits des personnes concernées et permet également de maîtriser les coûts. M. Lufkin mentionne, concernant la relève des professionnels de la santé, que la pyramide des âges montre qu’une part importante des personnes disposant d’un droit de pratique atteindra l’âge de la retraite d’ici 2024, notamment 23% des médecins autorisés à facturer à l’assurance-maladie. Cela souligne l’importance de la relève. Trois objectifs sont définis : assurer le remplacement des départs à la retraite, former suffisamment de nouveaux diplômés pour couvrir les besoins supplémentaires, et attirer davantage d’étudiants dans ces filières. Actuellement, environ 480 personnes doivent être formées chaque année pour assurer la relève, ce qui correspond à environ 520 diplômés par an pour tenir compte des abandons et des changements de carrière. Pour garantir ces effectifs, il faudrait que 635 étudiants s’inscrivent chaque année dans ces formations. Des efforts sont déjà en cours pour répondre à ces défis. L’initiative sur les soins infirmiers a déclenché plusieurs mesures, notamment des bourses mises en place par le DIP et des améliorations des conditions de travail pour encourager la rétention du personnel et rendre ces métiers plus attractifs. M. Lufkin conclut qu’il existe quatre axes principaux, qui sont identifiés. Le premier est le renforcement de la prévention pour réduire le recours aux soins. Les priorités incluent le déclin cognitif, les addictions, les maladies chroniques et la promotion de la santé pour les populations marginalisées. Le second est l’amélioration de la coordination des soins, notamment en développant les maisons de santé et les urgences communautaires, des projets déjà en cours, mais qui nécessitent un renforcement et une pérennisation. Le troisième est la favorisation du maintien à domicile pour éviter les hospitalisations inutiles, en renforçant les soins à domicile et en expérimentant des solutions innovantes. Et, finalement le dernier est la volonté de rendre les RD 1605-A R 1054-A 8/15 métiers de la santé plus attractifs en améliorant les conditions de travail, en formant davantage de professionnels et en mettant en œuvre l’article constitutionnel sur les soins infirmiers et la fixation de taux maximaux de médecins spécialistes par discipline. Ces mesures seront poursuivies sur les cinq prochaines années afin d’anticiper et de répondre aux défis du système de santé. Une commissaire Ve évoque le vieillissement de la population et souligne deux pistes importantes : le soutien aux proches aidants et l’adaptation des logements. Elle demande quelles actions peuvent être entreprises sur ces points. M. Giannakopoulos explique que la question des proches aidants nécessite une discussion approfondie. Il identifie trois aspects essentiels : ce que les proches aidants peuvent assumer, la formation nécessaire et jusqu’où l’Etat peut les soutenir. Ces éléments sont étroitement liés. Actuellement, le canton reçoit des demandes de soutien de la part d’associations souhaitant accéder à un financement public. Certaines prestations sont facturables via l’AOS, ce qui soulève un débat sur ce que les proches aidants peuvent effectivement accomplir. Les soins corporels nécessitent une formation, mais une décision du Tribunal fédéral autorise les proches aidants à être reconnus sans formation préalable. Cela complique la mise en place d’un financement, car une étude de la Cour des comptes a estimé le coût à environ un milliard de francs. Avec le département de la cohésion sociale, un groupe de travail a été mis en place en collaboration avec l’IMAD et des associations pour déterminer quelles prestations peuvent être réalisées par les proches aidants et dans quelles conditions. La question de la qualification est la clé, d’autant plus que la pénurie de soignants est préoccupante. De nombreux étudiants abandonnent leurs études, ce qui contraint à recruter dans la région frontalière. Cette situation ne va pas s’améliorer, ce qui pose la question de savoir qui prendra en charge ces soins. Former des proches aidants pour qu’ils puissent assurer certains soins devient alors une nécessité. Concernant l’adaptation des logements, ce sujet ne fait pas partie directement de leur mandat, mais il s’agit d’une piste importante. Le travail mené avec le département de la cohésion sociale dans le cadre de la politique en faveur des personnes âgées, notamment sur les EMS, a permis d’identifier des besoins financiers conséquents. L’idée est de réduire la nécessité de nouveaux EMS en les spécialisant pour certaines sous-populations tout en renforçant les unités de type UATR et UATM afin de maintenir les personnes à domicile le plus longtemps possible. M. Maudet complète en évoquant le développement des IEPA, ces appartements pour personnes âgées adaptés avec un environnement médicalisé propice. Il rappelle qu’auparavant, les résidents des EMS y restaient en 9/15 RD 1605-A R 1054-A moyenne six ans, mais cette durée est désormais réduite à deux ans. Le développement des IEPA constitue une alternative permettant aux personnes âgées de conserver leur autonomie plus longtemps. Cependant, cela touche à la politique d’aménagement et dépasse le cadre strictement sanitaire. M. Lufkin indique que plusieurs IEPA ont ouvert en 2024 et que d’autres projets sont en cours, bien que leur mise en place ne progresse pas aussi rapidement qu’il le souhaiterait. Des groupes de travail ont été organisés avec le département du territoire pour intégrer un certain pourcentage de logements IEPZ dans les nouveaux quartiers afin de répondre aux besoins de cette population. Il mentionne aussi les nouvelles normes de construction, qui concernent uniquement les nouvelles réalisations et non les rénovations, visant à favoriser l’accessibilité pour les personnes à mobilité réduite afin qu’elles puissent rester chez elles plus longtemps. Parallèlement, le programme COGERIA propose des évaluations de domicile et des recommandations d’aménagements, souvent légers, permettant de prévenir les accidents sans nécessiter de travaux lourds. Un commissaire PLR revient sur la page 5 et se dit surpris du nombre de résidents en IEPA. Il veut savoir s’il s’agit uniquement des IEPA subventionnés ou si les privés sont également inclus. M. Giannakopoulos confirme qu’il s’agit des IEPA subventionnés. Un commissaire PLR remarque qu’il a été mentionné un manque d’IEPA, mais que certaines structures ont reçu des réponses des départements indiquant qu’il y en avait déjà trop alors que des listes d’attente existent. Il souligne que les communes peuvent développer des IEPA, mais qu’elles ne seront pas subventionnées. Il s’interroge sur cette approche et sur l’absence de chiffres concernant les organismes privés proposant des logements similaires sans bénéficier de subventions. M. Lufkin répond que ces logements ne sont pas considérés statistiquement comme des institutions de santé, ce qui explique l’absence de chiffres précis. M. Giannakopoulos précise que, dans les IEPA, mais aussi dans les UATR et UATM, un besoin croissant de médicalisation est constaté, car l’âge moyen des résidents augmente. Bien que les EMS soient avant tout des lieux de vie, ils nécessitent une prise en charge médicale renforcée pour éviter les hospitalisations. Il souhaiterait une vision plus cohérente du développement des IEPA à l’avenir. M. Lufkin ajoute que la plupart des projets en cours combinent logements et services médicaux. Il cite l’exemple de structures de soins à domicile intégrées aux bâtiments, où une antenne locale peut desservir à la fois la région et les résidents de l’IEPA. Cela crée des synergies intéressantes, facilitant RD 1605-A R 1054-A 10/15 l’accès aux soins à domicile pour les résidents, qui bénéficient d’une présence médicale renforcée. Le commissaire PLR poursuit en indiquant que l’accès aux IEPA dépend souvent des critères de fortune, avec des plafonds qui n’ont pas beaucoup évolué. Il se demande si ce système, qui permet à certaines personnes d’accéder à un IEPA et de libérer ainsi un logement sur le marché, reste pertinent aujourd’hui. M. Lufkin explique que l’idée initiale était que les personnes disposant d’une certaine fortune pouvaient financer elles-mêmes des aménagements adaptés dans leur logement ou accéder à des logements mieux équipés. Il reconnaît que la pertinence de cette approche mérite d’être réexaminée. M. Maudet estime que cette logique n’est plus adaptée politiquement. Plus globalement, la question des conditions d’accès aux IEPA ainsi que de leur construction doit être discutée. Il souligne que plusieurs communes ont sollicité le département pour développer de nouveaux IEPA, mais que certaines normes actuelles empêchent leur réalisation. Il cite les exemples d’Onex et de Bossy, où les critères en vigueur ne justifient pas la construction de nouveaux logements adaptés. Il regrette cette situation, d’autant plus que de nombreux projets reposent sur des partenariats public-privé, qui ne s’intègrent pas toujours dans les schémas établis par le département du territoire. Il considère qu’un peu de souplesse serait bénéfique pour encourager des solutions pragmatiques permettant aux personnes âgées de rester dans leur commune. Il insiste sur la nécessité d’adapter la réglementation afin de favoriser le développement de projets plus ciblés et mieux adaptés aux besoins locaux. Une commissaire S souligne une contradiction frappante dans la planification. En 2025, il manquera des places en EMS jusqu’en 2028, et la solution proposée pour pallier ce manque repose sur le renforcement du maintien à domicile. Or, l’IMAD rencontre des patients qui sont de plus en plus complexes et qui atteignent souvent la limite du maintien à domicile. Si la complexité des cas augmente et que le personnel soignant se fait rare, il semble difficile de concilier ces deux idées : plus de maintien à domicile avec moins de professionnels pour assurer les soins. M. Lufkin répond que ces patients devront être pris en charge d’une manière ou d’une autre, que ce soit en EMS ou à domicile. Le second choix est privilégié pour deux raisons : il correspond davantage aux souhaits des patients et il représente un moindre coût. L’entrée en EMS implique des infrastructures plus lourdes et plus coûteuses, alors que le maintien à domicile, bien que plus exigeant en soins, reste pour l’instant une solution préférable à la fois pour les patients et pour la gestion financière du système. 11/15 RD 1605-A R 1054-A Une commissaire S insiste sur la question de la sécurité, qui devient un enjeu majeur face à la complexité croissante des prises en charge. M. Giannakopoulos explique que la stratégie repose sur le développement des UATR et UATM pour gérer les crises tout en ajoutant de nouveaux EMS, mais en les orientant vers des spécialisations précises. A Genève, les soins à domicile sont déjà très développés, mais un investissement supplémentaire est nécessaire tout en tenant compte de la problématique de la relève. Il n’existe pas de solution miracle. Construire de grands EMS, comme cela se faisait par le passé, est une option coûteuse et peu appréciée des personnes âgées. L’autre possibilité est de concentrer les efforts sur les soins à domicile, mais l’utilisation des proches aidants a ses limites. Certaines pathologies, notamment en neurologie comportementale, poseront inévitablement des questions de sécurité. L’objectif est de faire au mieux pour traverser cette période de forte augmentation du nombre de personnes âgées. M. Maudet ajoute qu’une variable d’ajustement est toujours la même : l’hospitalisation. Ce n’est pas une solution viable, mais actuellement 200 lits d’hôpital sont utilisés pour la gériatrie, ce qui engendre des coûts très élevés. Il met en avant la différence entre une planification et un plan. La planification identifie les besoins et ajuste les actions en fonction des éléments structurants, tandis que le plan, notamment sur les EMS, reste à définir. Il manque aujourd’hui une planification concrète sur la construction d’EMS, leur exploitation et le recrutement du personnel nécessaire. Il évoque la possibilité d’utiliser un site au Petit-Saconnex où des droits à bâtir existent encore, mais le principal problème reste l’engagement du personnel. Une commissaire Ve interroge sur l’impact de l’EFAS sur la capacité du canton à gérer les EMS. M. Lufkin explique que l’EFAS sera mis en œuvre en deux phases : la première en 2028 concernera tous les domaines sauf les soins de longue durée, qui seront intégrés en 2032. Cette réforme n’a pas encore été prise en compte dans la planification actuelle, mais elle aura un impact majeur sur les finances publiques en redistribuant les responsabilités entre l’hospitalier et l’ambulatoire. Aujourd’hui, l’Etat finance largement les hôpitaux, mais très peu l’ambulatoire. Genève, qui a favorisé une politique d’ambulatoire agressive, risque d’être pénalisée par cette redistribution des financements, contrairement aux cantons de Suisse alémanique où les taux d’hospitalisation sont plus élevés. Il y aura une phase de transition de quatre ans pour ajuster les budgets. Pour les soins de longue durée, le même schéma s’applique : Genève a beaucoup misé sur le maintien à domicile, alors que l’Etat finance davantage les EMS. RD 1605-A R 1054-A 12/15 La convergence vers une moyenne nationale risque d’être défavorable à Genève, car les efforts réalisés jusqu’ici ne seront pas pleinement valorisés. A court terme, cela entraînera des charges financières supplémentaires, mais sur le long terme, ces ajustements seront bénéfiques. M. Maudet est moins optimiste et complète avec quelques chiffres. A Genève, le Conseil d’Etat s’est opposé à l’EFAS lors du vote de novembre 2024, estimant que les cantons qui ont déjà favorisé l’ambulatoire sont pénalisés. Selon des estimations conservatrices du Conseil d’Etat, le budget 2028 subira une augmentation mécanique de 40 millions de francs sans prestation supplémentaire. Le passage du régime actuel, où 55% des coûts du stationnaire sont à la charge du canton et 45% à celle des assurés, à un système unique où environ 76% sont supportés par l’assuré et 24% par le canton, entraînera des surcoûts. En 2032, une deuxième vague d’ajustements touchera le domaine des soins de longue durée, aggravant encore la situation financière des cantons. Aucun chiffre précis n’est encore disponible, mais il est clair que l’impact sera considérable. De plus, tous les paramètres évolutifs évoqués risquent d’amplifier ces effets. L’EFAS ne garantit pas une meilleure prise en charge des EMS, mais il pèsera lourdement sur les finances publiques, sans possibilité de contestation. D’autres répercussions, notamment sur les primes d’assurance-maladie, devront être anticipées. Un commissaire PLR pose une question sur la pénurie d’EMS à Genève. Il souligne que le cadre réglementaire strict décourage leur construction et qu’il faudrait peut-être assouplir les conditions pour les investisseurs privés. M. Giannakopoulos estime qu’il serait pertinent d’auditionner le SCSPA. M. Maudet rappelle que ce service, extrait de l’OCS en 2008 et placé sous la responsabilité du DCS, intègre notamment la gestion des proches aidants. Il mentionne qu’une préposée aux proches aidants existe déjà. Concernant la question du commissaire PLR, il explique qu’il y a une différence entre la planification et un plan concret. Le DSM n’a pas de plan pour les EMS, cette responsabilité relève du DCS, et il conviendrait d’interroger le SCSPA sur ce point. Un commissaire PLR évoque les infirmiers indépendants et leur lien avec la perte de professionnels quittant le secteur. Il interroge sur l’organisation interne des institutions comme l’IMAD et les HUG, se demandant si une fuite des compétences ne se produit pas en interne. Il évoque le fait que certains professionnels diplômés se détachent du soin direct aux patients, préférant des postes administratifs ou techniques. Il demande si cette évolution est marginale et nécessaire, ou si elle relève d’une dérive structurelle qui devrait être corrigée. Il s’interroge sur la nécessité d’une réflexion plus large pour 13/15 RD 1605-A R 1054-A réintégrer ces compétences dans le secteur des soins, afin d’optimiser les ressources humaines avant de chercher à former davantage de professionnels. Il suggère aussi que, dans l’organisation hospitalière, les tâches les plus pénibles pourraient être progressivement déléguées aux plus jeunes, tout en veillant à préserver l’équilibre entre expérience et conditions de travail. Il demande si ces réflexions sont en cours et si des réformes organisationnelles pourraient être envisagées pour limiter l’érosion des effectifs soignants. M. Lufkin répond qu’un important projet de transformation est en cours à l’IMAD pour repenser l’organisation du travail. Il s’agit de créer des réseaux locaux de santé en limitant les déplacements du personnel, afin que les mêmes médecins et infirmiers puissent suivre leurs patients de manière plus stable et continue. Ce modèle favorise la collaboration entre soignants et médecins et permet une meilleure qualité de prise en charge. Il est encore en phase de déploiement, mais les premiers retours sont très positifs. Concernant les HUG, il reconnaît que de nouveaux métiers émergent, souvent occupés par des soignants expérimentés qui, tout en quittant le soin direct, apportent une expertise précieuse aux équipes. Cette évolution vise à améliorer les protocoles et l’organisation des soins, rendant le travail sur le terrain plus efficace. Il s’agit de trouver un équilibre entre le maintien des compétences et l’adaptation aux besoins du système de santé. Quant aux infirmiers indépendants, leur activité est mal documentée au niveau fédéral, ce qui complique leur intégration dans les analyses actuelles. L’un des rares avantages de l’EFAS sera la possibilité de collecter des données plus précises sur l’ensemble du secteur, ce qui permettra d’avoir une vision plus claire des soins réalisés hors institutions. Toutefois, cela impliquera un coût supplémentaire non négligeable. Une commissaire S interroge sur l’organisation des professions au sein de l’hôpital et sur la part du personnel qui est uniquement dédié au fonctionnement de l’établissement plutôt qu’aux soins directs aux patients. Elle souligne l’importance de cette question et demande s’il existe une réflexion globale sur la manière de mieux organiser ces différentes professions afin de libérer du temps pour les soignants qui pourraient ainsi être plus présents auprès des patients. M. Lufkin confirme que cette réflexion est bien en cours au sein de l’hôpital, mais aussi à une échelle plus large dans le cadre du projet RÉFORMER. L’objectif est d’assurer une meilleure cohérence des filières de formation et d’évaluer les besoins en personnel de manière plus concertée à l’échelle de la Suisse romande, et non uniquement à Genève. Ces discussions s’inscrivent dans un travail plus global visant à anticiper les besoins en spécialistes et professionnels de santé par spécialité. Cette réflexion est complémentaire à la réforme de la LAMal qui introduit un pilotage du nombre RD 1605-A R 1054-A 14/15 de médecins installés en ville. L’idée est de ne pas intervenir uniquement une fois que les professionnels sont déjà formés, mais d’agir en amont pour structurer la formation de manière plus adaptée aux besoins réels du système de santé. Discussion et votes Le président rappelle que pour ces deux textes, si la commission accepte la proposition de résolution 1054, elle prend acte du RD 1605. Il demande la position des groupes. Un commissaire PLR indique que, pour son groupe, la résolution peut être adoptée et le rapport pris en compte dès ce soir. Une commissaire Ve précise que, pour les Verts, une audition du département de la cohésion sociale sur les EMS et les proches aidants semble intéressante. Le président exprime son opposition à l’audition de M. Apothéloz, soulignant que la planification concerne la période 2025-2028 et que la commission ne siègera pas pendant les quinze prochains jours. Il rappelle que l’ordre du jour de la prochaine séance prévoit déjà plusieurs auditions, mais propose néanmoins de soumettre au vote le principe de cette audition. Il rappelle également que le rapport et la résolution émanent du Conseil d’Etat et ont été travaillés avec tous les départements. Un commissaire PLR estime que cela ne changera pas la position du groupe quant au vote et suggère d’éviter cette audition. Un commissaire MCG annonce que son groupe suivra le PLR et votera ce soir. Un commissaire UDC indique que, pour son groupe, la résolution peut être votée dès ce soir. Votes Le président met aux voix l’audition de M. Apothéloz : Oui : 2 (2 Ve) Non : 9 (1 LJS, 2 MCG, 3 PLR, 2 UDC, 1 LC) Abstentions : 3 (3 S) L’audition de M. Apothéloz est refusée. 15/15 RD 1605-A R 1054-A Le président soumet au vote la proposition de résolution R 1054, qui approuve le RD 1605 : Oui : unanimité Non : – Abstentions : – La proposition de R 1054 est acceptée. Conclusion A l’unanimité, les membres de la commission de la santé recommandent au parlement d’accepter la R 1054, tout en prenant acte du RD 1605.