GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève PL 13607 Signataires : Diane Barbier-Mueller, Murat-Julian Alder, Yvan Zweifel, Vincent Subilia, Natacha Buffet-Desfayes, Pascal Uehlinger, Jean-Pierre Pasquier, Véronique Kämpfen, Thierry Oppikofer, Geoffray Sirolli, Philippe Meyer, Jacques Béné, François Wolfisberg, Alexis Barbey, Francine de Planta, Pierre Nicollier, Adrien Genecand Date de dépôt : 20 mars 2025 Projet de loi modifiant la loi sur l’énergie (LEn) (L 2 30) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit : Art. 1 Modification La loi sur l’énergie, du 18 septembre 1986, est modifiée comme suit : Art. 22, al. 4, lettre b (nouvelle teneur) b) ils sont tenus de facturer la fourniture et la distribution de l’énergie thermique à des tarifs économiquement supportables, pour les utilisateurs de la prestation thermique et pour eux-mêmes. Ces tarifs doivent couvrir les coûts d’investissement et de renouvellement, les coûts des capitaux, les coûts d’entretien et d’exploitation des réseaux ainsi que les coûts d’énergie, en tenant compte des impacts environnementaux. Ces tarifs doivent être conformes aux recommandations du préposé à la surveillance des prix (surveillant des prix) institué par la loi fédérale concernant la surveillance des prix du 20 décembre 1985. Ils sont approuvés par le Conseil d’Etat, après consultation de la commission instituée par l’article 22, alinéa 8 ; ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 PL 13607 2/6 Art. 2 Modification à une autre loi La loi sur l’organisation des Services industriels de Genève (LSIG) (L 2 35), du 5 octobre 1973, est modifiée comme suit : Art. 23, al. 2 (nouveau) 2 Il veille en particulier à ce que les tarifs des Services industriels soumis à la loi fédérale concernant la surveillance des prix, du 20 décembre 1985, soient conformes aux recommandations du préposé à la surveillance des prix (surveillant des prix), conformément à l’article 22, alinéa 4, lettre b, de la loi cantonale sur l’énergie, du 18 septembre 1986. Lorsque tel n’est pas le cas, le Conseil d’Etat recourt aux moyens mis à sa disposition par la loi cantonale sur la surveillance de l’Etat, du 13 mars 2014. Art. 3 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. 3/6 PL 13607 EXPOSÉ DES MOTIFS Le Conseil d’Etat de la République et canton de Genève a, de longue date, fait le choix, de concert avec les Services industriels de Genève (ci-après : SIG), de préconiser le développement d’un réseau thermique structurant (ci-après : RTS) de manière monopolistique. Le peuple a approuvé ce choix en votation populaire le 13 février 2022. A l’heure où les débats autour de l’urgence climatique se font de plus en plus courants, l’idée de développer un réseau thermique structurant ne peut qu’être louée et encouragée. Il s’agit d’un bienfait très important pour le canton, singulièrement en développant des technologies propres, innovantes, telles que GeniLac. Il est important de maintenir et perpétuer les efforts déjà entrepris. Cependant, des voix s’étaient déjà élevées en réserve contre la volonté de créer un monopole pour atteindre ce louable objectif. Cette situation laissait présager qu’une problématique liée à l’absence de concurrence pourrait entraîner des coûts excessifs à la charge des consommateurs finaux. De plus, l’idée de confier ce monopole aux SIG soulevait des préoccupations, étant donné que cet établissement de droit public faisait déjà face à des difficultés organisationnelles, ce qui laissait supposer qu’il serait dans l’incapacité de développer des réseaux thermiques structurants à des coûts attractifs, voire à des coûts comparables à ceux du marché. Depuis, la population genevoise a pu constater la mise en place de nombreux projets pour le développement du réseau à Genève, les SIG, les autorités cantonales et municipales et les acteurs immobiliers ayant mis en commun leurs forces pour rapidement réduire la part d’énergie fossile à Genève. Les tarifs prévus résultent des projections liées aux investissements dans les programmes GeniLac (valorisation de l’eau du lac) et GeniTerre (valorisation des rejets thermiques et de la géothermie), dont le montant total dépasse 2 milliards de francs. Toutefois, l’Autorité fédérale de surveillance des prix (SPR) a signalé, dans un courrier adressé au département du territoire en juin 2024, plusieurs préoccupations quant à la méthodologie adoptée par les Services industriels de Genève (SIG) pour la fixation des tarifs. PL 13607 4/6 Manque de transparence tarifaire La SPR souligne un manque de clarté dans la structure des prix. Avec une formule tarifaire à quatre variables, assortie de paliers supplémentaires, le système est jugé complexe et susceptible de générer des incompréhensions chez les consommateurs. Or, « il est important que les tarifs soient compris par les clients (…) Les non-spécialistes doivent être en mesure d’évaluer si un prix est approprié ou excessif en comparaison avec d’autres tarifs ». Montant excessif des droits de raccordement La SPR pointe des coûts de raccordement jugés trop élevés, prenant l’exemple d’une maison individuelle de 12 kW pour laquelle le montant s’élève à 100 800 francs. Elle recommande aux SIG de revoir ces montants à la baisse afin d’encourager les propriétaires à opter pour ces raccordements, tout en ajustant les tarifs des petites installations dans un souci de proportionnalité. Comparaison avec le marché en situation de monopole La SPR rappelle que, dans un contexte de monopole, il est impératif de tenir compte des conditions du marché afin d’éviter que les SIG ne répercutent les coûts de manière arbitraire. Une analyse comparative avec d’autres fournisseurs d’énergie a révélé que les SIG appliquent des tarifs plus élevés que les références du marché. Rendement excessif et WACC disproportionné Enfin, la SPR relève que les tarifs sont établis en intégrant un coût moyen pondéré du capital (WACC) de 30%. Or, ce taux, qui reflète le rendement attendu par les actionnaires en retour de leur investissement, apparaît excessif au regard du caractère monopolistique de l’activité et du principe de service public. L’évaluation annuelle des tarifs ne justifie pas un tel niveau de rendement, d’autant que cette activité n’est pas soumise aux risques habituels d’une entreprise privée. La SPR considère donc ce taux comme disproportionné. Le constat qui résulte de la fixation des prix par le Conseil d’Etat dans son arrêté du 11 décembre 2024 est sans appel pour nos autorités et pour les consommateurs finaux. L’addition des taxes de raccordements et des prix du kWh entraîne un doublement des charges de chauffage pour des milliers de locataires et de propriétaires ! 5/6 PL 13607 Ces coûts ne sont certainement pas incompressibles puisque l’analyse du surveillant des prix indique que ces tarifs génèrent « des rendements disproportionnés » (rapport du surveillant des prix, p. 7). Ainsi, l’on aboutit à une surfacturation des SIG au détriment de la population genevoise et du développement d’un magnifique projet innovant de chauffage « propre ». Le Conseil d’Etat et les SIG se sont exprimés par voie de communiqué de presse 1 et dans les médias 2 pour contester les recommandations du surveillant des prix, instance fédérale de contrôle mise en place par la loi fédérale concernant sur la surveillance des prix du 20 décembre 1985. Ainsi, suite à ces déclarations, rien ne laisse penser que la tarification des SIG se conformera aux recommandations formulées par le surveillant des prix et que des efforts d’efficiences seront entrepris ou que d’autres mesures seront prises par le Conseil d’Etat pour éviter que les charges de chauffage des locataires et des propriétaires qui habitent leur logement ne doublent ! La carte de déploiement des réseaux thermiques structurants de SIG mise en ligne sur le SITG 3 montre que les quartiers les plus populaires de Genève seront parmi les premiers touchés. Il s’agit notamment et en particulier des Pâquis, des Eaux-Vives, de Saint-Gervais, de la Servette, de Meyrin, etc. Certaines déclarations du conseiller d’Etat chargé du département du territoire indiquent que ce serait les propriétaires qui feraient les frais de ces tarifs et qu’ainsi ce serait eux qui mènent une contestation des tarifs décrits comme « justes » 4. Sur la question des tarifs justes, le Surveillant des prix, autorité fédérale de surveillance, s’est exprimé sans appel. Sur la question des intérêts des propriétaires, ceux-ci sont limités à ce qui les concerne, le chauffage de leurs propres logements. Pour le reste, les propriétaires de logements loués facturent aux locataires les frais de chauffage à prix coutant comme cela est spécifié depuis des décennies par le Code des obligations (droit du bail) et l’Ordonnance sur le bail à loyer. Bien consciente de cette 1 2 3 4 Communiqué de presse du Conseil d’Etat du 18 décembre 2024 Propos de M. Robert Cramer, président des SIG, sur Radio Lac le 18 décembre 2024 https://app2.ge.ch/tergeoportal/apps/instant/basic/index.html?appid=b2aa85df296 e4cc8915cfadff9efffce Citations de M. Antonio Hodgers dans l’article de la Tribune de Genève du 11 mars 2025, p. 3 PL 13607 6/6 situation, l’ASLOCA s’est exprimée pour indiquer, elle aussi, que les recommandations du surveillant des prix doivent évidemment être suivies 5. Ces notions étant rappelées, il s’agit d’obtenir que les recommandations du surveillant des prix soient mises en œuvre sans tarder. Cela ne suffit toutefois pas. Il faut également qu’une efficience supplémentaire soit obtenue des SIG afin de réduire ses coûts de production qui, à en croire ses tarifs, sont de très loin les plus élevés de Suisse. Pour ce faire, il est indispensable de disposer de propositions externes à l’entreprise basées sur une analyse de situation objective menée dans le but du service à la population genevoise et sans favoritisme en faveur de SIG. Au regard de ce qui précède, les auteurs du présent projet de loi vous invitent, Mesdames et Messieurs les députés, à l’accepter. 5 Propos de M. Christian Dandrès dans le reportage de Léman Bleu du 20 février 2025 : Surfacturation du chauffage à distance : Asloca et partis exigent une rectification des prix.