GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève R 1062 Signataires : Céline Bartolomucci, Sophie Bobillier, David Martin, Emilie Fernandez, Marjorie de Chastonay, Julien Nicolet-dit-Félix, Yves de Matteis, Angèle-Marie Habiyakare, Léo Peterschmitt, Oriana Brücker Date de dépôt : 25 mars 2025 Proposition de résolution pour permettre l’accès à la procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève vu l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, du 18 avril 1999 ; vu l’article 115 de la loi fédérale sur l’Assemblée fédérale, du 13 décembre 2002 ; vu l’article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 décembre 1985, et vu les initiatives parlementaires transpartisanes « Procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires » déposées simultanément le 21 mars 2025 (nos 25.415 à 25.420) 1, considérant : – que la Suisse interdit encore l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires, ce qui en fait l’un des rares pays d’Europe occidentale avec l’Italie à maintenir une telle restriction ; 1 Initiative parlementaire et objets apparentés : https://www.parlament.ch/fr/ratsbetrieb/suche-curia-vista/geschaeft?AffairId= 20250415 ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 R 1062 2/6 – que cette situation contraint de nombreuses femmes résidant en Suisse à se rendre à l’étranger pour accéder à des traitements de PMA, ce qui entraîne des risques sanitaires, juridiques et financiers importants pour elles et pour leurs futurs enfants ; – que le bien de l’enfant ne dépend pas du statut parental mais de l’affection, de l’attention et de la stabilité qu’il reçoit ; – que le respect de la liberté individuelle implique de permettre à toute personne majeure, responsable et apte à élever un enfant, de choisir librement son projet de vie et de parentalité, indépendamment de son statut conjugal, et que l’Etat ne devrait pas imposer un modèle familial unique ; – que la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) a recommandé dans sa prise de position 32/2019 2 d’élargir l’accès à la PMA aux femmes seules ; – que l’inégalité existante dans la LPMA actuelle crée une discrimination entre les citoyennes suisses selon leur statut civil, et va à l’encontre de l’évolution des modèles familiaux et des droits fondamentaux à la liberté personnelle et à la non-discrimination ; – que les enfants nés de mères célibataires via des circuits informels ou étrangers ne bénéficient pas des mêmes droits d’accès à leurs origines ni des mêmes garanties légales que ceux conçus par PMA en Suisse ; – que légaliser la PMA pour les femmes célibataires garantirait les mêmes droits à leurs enfants et assurerait des conditions de conception sûres et dignes ; – que le taux de nuptialité en Suisse est en baisse continue depuis des décennies, et que limiter l’accès au don de sperme aux seuls couples mariés exclut de fait un nombre croissant de couples de la PMA, demande à l’Assemblée fédérale de donner suite à l’initiative parlementaire transpartisane « Procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires » et ses objets apparentés (nos 25.415 à 25.420), et de modifier la loi sur la procréation médicalement 2 Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine (CNE) – Prise de position no 32/2019, chapitre 7.1, p. 28 : https://www.nek-cne.admin.ch/inhalte/Themen/Stellungnahmen/fr/NEKstellungnahme-FR-2020.pdf 3/6 R 1062 assistée (LPMA) afin de garantir l’accès à la PMA aux femmes célibataires sur le territoire suisse, invite le Conseil d’Etat à soutenir cette initiative cantonale. R 1062 4/6 EXPOSÉ DES MOTIFS La Suisse interdit aujourd’hui l’accès à la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes célibataires, une situation qui contrevient aux principes d’égalité, de liberté personnelle et de non-discrimination. Cette interdiction place notre pays en porte-à-faux par rapport à la majorité des pays d’Europe occidentale et oblige les femmes concernées à recourir à des cliniques à l’étranger, avec des risques importants pour leur santé, leur sécurité juridique, et celle de leurs enfants. La réalité des familles en Suisse a évolué : plus de 16% des foyers avec enfants sont aujourd’hui monoparentaux et le taux de nuptialité connaît une baisse régulière depuis plusieurs décennies. En 2025, les femmes seules qui souhaitent concevoir un enfant doivent être reconnues dans leur projet parental légitime. La loi doit évoluer pour garantir à leurs enfants les mêmes droits et la même sécurité qu’à tous les autres enfants nés par PMA. Contexte historique Le cadre légal suisse de la PMA repose sur l’article 119 de la Constitution fédérale, introduit en 1992, qui fixe des principes stricts en matière de médecine reproductive. La loi fédérale sur la procréation médicalement assistée (LPMA) a été adoptée en 1998 et est entrée en vigueur en 2001. Elle réserve alors la PMA aux couples hétérosexuels mariés, interdit la gestation pour autrui et encadre rigoureusement le don de sperme. En 2015, une révision partielle de la LPMA a permis, après un vote populaire, le recours au diagnostic préimplantatoire (DPI) dans certains cas précis. Depuis juillet 2022, dans le cadre du mariage pour tous, les couples de femmes mariées ont accès au don de sperme en Suisse. En revanche, les femmes célibataires restent aujourd’hui encore exclues de toute forme de PMA dans notre pays. En 2019, la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine recommandait déjà d’étendre l’accès au don de sperme aux femmes seules, relevant qu’aucune donnée ne démontre que ces enfants seraient moins bien traités ou en moins bonne santé. Baisse de la natalité et enjeux démographiques La Suisse connaît actuellement une baisse significative de la natalité. En 2023, le nombre moyen d’enfants par femme s’est établi à 1,33, marquant ainsi le niveau le plus bas jamais observé dans le pays. Cette diminution est notable depuis deux ans, passant de 1,39 en 2022 à 1,33 en 2023. 5/6 R 1062 Parallèlement, le nombre total de naissances vivantes a chuté à 79 800 en 2023, soit une baisse de 3,1% par rapport à l’année précédente 3. A Genève, on a enregistré 4754 naissances en 2023, soit une diminution de 334 par rapport à 2022, atteignant ainsi le chiffre le plus bas depuis 2009 4. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette baisse de la natalité, tels que l’évolution des valeurs sociétales, les préoccupations économiques, la crise du logement ou encore l’écoanxiété. Cependant, il est essentiel de noter que les restrictions légales actuelles limitant l’accès à la PMA aux seules femmes mariées contribuent également à cette tendance. Ces restrictions poussent de nombreuses femmes célibataires à se tourner vers l’étranger pour réaliser leur projet parental, ce qui peut entraîner pour elles et leurs enfants des risques sanitaires, juridiques et financiers. Enfin, en 2023, un total de 37 763 mariages ont été célébrés en Suisse, contre environ 40 000 en 2022, selon l’Office fédéral de la statistique (OFS) 5. Cette diminution s’inscrit dans une tendance générale et durable à la baisse observée depuis de nombreuses décennies. Considérant que la restriction de l’accès au don de sperme aux seuls couples mariés crée une inégalité d’accès aux techniques de PMA pour les couples non mariés, il apparaît là aussi nécessaire d’adapter la législation pour garantir un accès équitable à la PMA, indépendamment du statut matrimonial. Une évolution légitime et nécessaire Cette demande d’évolution législative ne relève pas uniquement d’un enjeu social ou éthique : elle est aussi une question de cohérence avec les principes fondamentaux de liberté individuelle. Dans une démocratie libérale moderne, l’Etat ne saurait dicter un modèle familial « légitime » ou hiérarchiser les formes de parentalité. Le rôle de la loi est de garantir des conditions équitables et sûres à toutes les personnes souhaitant assumer la responsabilité d’élever un enfant, dans le respect de l’intérêt supérieur de celui-ci. La liberté de fonder une famille ne devrait pas être conditionnée à un statut conjugal. 3 4 5 Source : Radio Télévision Suisse : https://www.rts.ch/info/suisse/2024/article/lapopulation-a-encore-augmente-en-suisse-en-2023-annee-de-croissance-inedite28458944.html Source : Blick : https://www.blick.ch/fr/suisse/moins-de-5000-bebes-lanneepassee-les-naissances-a-geneve-au-plus-bas-depuis-2009-id19940980.html Office fédéral de la statistique – Baisse des naissances, décès, mariages et divorces en 2023 : https://www.bfs.admin.ch/asset/fr/32007246 R 1062 6/6 Plusieurs initiatives parlementaires portant le titre « Procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires » ont été déposées simultanément (nos 25.415 à 25.420) le 21 mars 2025, chacune par des élu·e·s de différents partis, dans une démarche transpartisane concertée. Ces initiatives visent à corriger la situation actuelle en modifiant la LPMA pour inclure les femmes célibataires et font ainsi écho à la recommandation de la Commission nationale d’éthique dans le domaine de la médecine humaine de 2019. Légaliser la PMA pour les femmes célibataires garantirait les mêmes droits à leurs enfants et assurerait des conditions de conception sûres et dignes, les permettant de concevoir leur enfant en toute légalité. Le bien de l’enfant ne dépend pas du statut parental mais de l’affection, de l’attention et de la stabilité qu’il reçoit, et ce principe doit guider toute réforme de la législation relative à la procréation. Par cette résolution, le canton de Genève entend affirmer son attachement aux droits fondamentaux, à l’égalité de traitement, au bien-être de toutes les familles et à une politique familiale en phase avec les réalités sociales et démographiques actuelles. Il appelle l’Assemblée fédérale à soutenir les initiatives fédérales « Procréation médicalement assistée pour les femmes célibataires » et à permettre l’accès à la PMA aux femmes célibataires en Suisse.