GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève R 1061 Signataires : Caroline Marti, Leonard Ferati, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Jean-Pierre Tombola, Diego Esteban, Pierre Eckert, Léo Peterschmitt, Caroline Renold, Laura Mach, Sophie Bobillier, Julien Nicoletdit-Félix, Dilara Bayrak, Nicole Valiquer Grecuccio, Angèle-Marie Habiyakare, Thomas Bruchez, Marjorie de Chastonay, Oriana Brücker, Céline Bartolomucci, Jean-Charles Rielle, Cyril Mizrahi Date de dépôt : 25 mars 2025 Proposition de résolution contre la ségrégation des élèves et pour des conditions d’apprentissage dignes et équitables Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – la convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement qui spécifie que « le terme « discrimination » comprend toute distinction, exclusion, limitation ou préférence qui, fondée sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion, l’opinion politique ou toute autre opinion, l’origine nationale ou sociale, la condition économique ou la naissance, a pour objet de détruire ou altérer l’égalité de traitement en matière d’enseignement et, notamment : (…) d’instituer ou de maintenir des systèmes ou des établissements d’enseignement séparés pour des personnes ou des groupes » ; – la ratification par la Suisse de la Convention de l’ONU relative aux droits de l’enfant et notamment le droit à l’éducation spécifiée à l’article 28 ; – l’article 12 de la loi sur l’instruction publique qui prévoit que le département lutte contre les discriminations directes ou indirectes fondées sur une caractéristique personnelle, notamment l’origine, l’âge, le sexe, l’orientation affective et sexuelle, l’identité de genre, la situation familiale, les convictions religieuses ou politiques ; ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 R 1061 2/4 – les recommandations de la commission fédérale des migrations de scolariser les enfants et les jeunes réfugiés dans des classes ordinaires ; – le rapport publié en mai 2021 par l’association Amnesty International faisant état de violences et de violations des droits humains dans les centres fédéraux d’asile ; – la décision du Conseil d’Etat de scolariser les enfants qui résideront dans le centre fédéral d’asile du Grand-Saconnex in situ et non dans les écoles de la commune ; – que cette décision est contraire aux principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de non-ségrégation des élèves ; – que le caractère semi-fermé ainsi que les très fortes nuisances liées à la localisation du centre dégradent de surcroît très fortement l’environnement éducatif de ces élèves ; – que le manque de places ne peut en aucun cas justifier ces pratiques ségrégatives, invite le Conseil d’Etat à scolariser ces élèves dans les écoles ordinaires du quartier. EXPOSÉ DES MOTIFS La décision du Conseil d’Etat de scolariser les enfants résidant dans le centre fédéral d’asile du Grand-Saconnex directement au sein de cette structure, et non dans les écoles ordinaires à proximité du centre est particulièrement choquante et constitue une violation manifeste des principes fondamentaux d’égalité et de non-discrimination. Cette mesure va à l’encontre des engagements internationaux et nationaux pris par la Suisse en matière de droit à l’éducation et de lutte contre les discriminations. 3/4 R 1061 Tout d’abord, la convention internationale de l’UNESCO 1 concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement interdit expressément toute forme de ségrégation scolaire fondée sur l’origine, la condition sociale ou économique. Elle stipule que la discrimination inclut toute distinction ou exclusion ayant pour effet de compromettre l’égalité de traitement dans l’éducation, notamment en instituant des établissements séparés pour certains groupes d’élèves. En isolant, même temporairement, les enfants réfugiés dans un cadre scolaire distinct, la Suisse transgresse cet engagement et favorise une forme de marginalisation institutionnelle qui nuit à leur intégration sociale et scolaire. De plus, la ratification par la Suisse de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant 2 implique un respect strict du droit à l’éducation tel que défini à l’article 28. Ce droit impose aux Etats de garantir l’accès de tous les enfants à un enseignement de qualité, dans un environnement inclusif et non discriminatoire. Or, la scolarisation in situ des enfants réfugiés les prive d’un accès aux mêmes ressources pédagogiques, des interactions sociales avec les autres élèves genevois-es, et des opportunités d’apprentissage offertes par les écoles ordinaires. L’article 12 de la loi sur l’instruction publique renforce encore cette exigence en obligeant le DIP à lutter contre toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur des caractéristiques personnelles telles que l’origine ou la situation familiale. Or, la décision du Conseil d’Etat revient précisément à instaurer une discrimination, en instituant une séparation scolaire fondée sur le statut de demandeur d’asile, au détriment de ces élèves vulnérables. Par ailleurs, la Commission fédérale des migrations a clairement recommandé que « Les enfants devront être intégrés directement ou au plus tard après un an dans les classes ordinaires, et ne pas être scolarisés dans des centres d’accueil » 3. L’objectif est de favoriser leur intégration et de prévenir toute forme d’exclusion sociale. La commission rajoute que « pour 1 2 3 UNESCO, Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, du 14 décembre 1960 : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/conventionagainst-discrimination-education Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 20 novembre 1989, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997 : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1998/2055_2055_2055/fr Recommandations de la CFM en matière d’enseignement obligatoire des enfants et des jeunes réfugiés, Berne, 24.03.2022 : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id87720.html R 1061 4/4 que les enfants et les adolescents puissent bénéficier d’un développement psychique et cognitif sain, il est indispensable qu’ils puissent participer le plus rapidement possible à la vie quotidienne – à l’école et dans la commune de résidence – et faire l’expérience de l’appartenance à la société qui les entoure ». En maintenant une scolarisation séparée, la Suisse ignore ces recommandations et perpétue une logique de mise à l’écart. De surcroît, le rapport publié en mai 2021 par Amnesty International alerte sur les violences et les violations des droits humains dans les centres fédéraux d’asile. En scolarisant ces enfants à l’intérieur même d’un environnement déjà dénoncé pour ses conditions dégradantes, les autorités cantonales contribuent à leur isolement et les privent d’un cadre éducatif propice à leur épanouissement. Le caractère semi-fermé et l’univers semicarcéral du centre ainsi que les très fortes nuisances sonores liées à sa proximité immédiate de la piste de l’aéroport ne sont pas conformes à la dignité humaine et aggravent encore les conditions d’apprentissage. Enfin, l’argument du manque de places dans les écoles du quartier ne saurait justifier une telle ségrégation. Les solutions temporaires telles que l’installation de bâtiments provisoires existent et sont régulièrement utilisées pour accroître les capacités d’accueil des établissements scolaires. L’instruction publique repose sur un principe fondamental d’inclusivité et de répartition équitable des ressources. Il appartient aux autorités de trouver des solutions adéquates pour garantir une scolarisation équitable et conforme aux droits fondamentaux des enfants concernés. Ainsi, au regard de ces éléments, nous demandons instamment au Conseil d’Etat de revoir sa décision et de scolariser les enfants réfugiés dans les écoles ordinaires du quartier. Une telle mesure garantirait leur droit à une éducation inclusive et égalitaire, conforme aux engagements internationaux et nationaux de la Suisse en matière de droits de l’enfant et de lutte contre les discriminations. Seule une intégration scolaire pleine et entière permettra de favoriser leur développement et de leur offrir des perspectives d’avenir dignes et équitables.