GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève IN 193-A Date de dépôt : 13 septembre 2023 Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 193 « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population » 1. 2. 3. 4. 5. Arrêté du Conseil d’Etat constatant l’aboutissement de l’initiative, publié dans la Feuille d’avis officielle le .................................. Arrêté du Conseil d’Etat au sujet de la validité de l’initiative, au plus tard le ................................ Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur la prise en considération de l’initiative, au plus tard le ................................................................ Décision du Grand Conseil sur la prise en considération de l’initiative et sur l’opposition éventuelle d’un contreprojet, au plus tard le .... En cas d’opposition d’un contreprojet, adoption par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard le ................................................................ ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 10.23 19 mai 2023 19 septembre 2023 19 septembre 2023 19 mai 2024 19 mai 2025 IN 193-A 2/20 Le Conseil d'Etat a constaté l'aboutissement de l'initiative populaire 193 « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population » (ci-après : IN 193) par un arrêté du 17 mai 2023, publié dans la Feuille d'avis officielle le 19 mai 2023. De cette date court une série de délais successifs, qui définissent les étapes de la procédure en vue d'assurer le bon exercice des droits politiques. Le premier des délais de procédure a trait au dépôt du présent rapport au Grand Conseil en vue de son traitement par la commission ad hoc, dépôt qui doit intervenir dans les 4 mois suivant la publication de la constatation de l'aboutissement de l'initiative, conformément à l'article 120A, alinéa 1, de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 septembre 1985 (LRGC; rs/GE B 1 01). En l'espèce, ce délai arrive à échéance le 19 septembre 2023. Par arrêté séparé de ce jour, le Conseil d'Etat a estimé que l'IN 193 respectait l'ensemble des conditions de validité d'une initiative populaire cantonale. Il l'a donc déclarée valide. En ce qui concerne la prise en considération du texte de l’initiative, le Conseil d'Etat expose au Grand Conseil, dans le présent rapport, sa position quant à la suite à donner à cette initiative. PRISE EN CONSIDÉRATION DE L'INITIATIVE Le Conseil d'Etat, dans le présent rapport, abordera plus particulièrement les points suivants : 1. Historique et description des dispositions de l'IN 193; 2. Eléments contextuels; 3. Implications de l'IN 193; 4. Position du Conseil d'Etat et contreprojet. C'est sur cette base qu'il exprimera ensuite ses recommandations au Grand Conseil sur la suite à donner à cette initiative. 3/20 IN 193-A 1. Historique et description des dispositions de l’IN 193 1.1. Historique des débats parlementaires sur la question des soins dentaires Sur le plan cantonal, la question du remboursement des soins dentaires a déjà été débattue au Grand Conseil, avec le dépôt de l’IN 160, qui visait une modification de la constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE; rs/GE A 2 00), et l’introduction d’un article instaurant une assurance obligatoire pour les soins dentaires ainsi qu’un dispositif de prévention en matière de santé bucco-dentaire. La question avait déjà également fait l’objet de la motion du 28 juin 2013 (M 2157, « Pour des soins dentaires accessibles à toutes et tous ! ») et d’un projet de loi constitutionnelle, du 2 février 2016 (PL 11812, « Soins dentaires »). Ces deux objets ont été traités conjointement. Le Grand Conseil avait alors refusé la M 2157 et le PL 11812, mais demandé au Conseil d’Etat de proposer un contreprojet. Dans son rapport sur la prise en considération de l'initiative populaire cantonale 160 « Pour le remboursement des soins dentaires » (IN 160-A), le Conseil d’Etat a rappelé que le canton couvrait les soins dentaires des adultes et des mineurs lorsque ceux-ci émargent à l’Hospice général ou sont bénéficiaires de prestations complémentaires. Ainsi, pas moins de 76 913 personnes avaient pu bénéficier, en 2015, d’une prise en charge pour leurs soins dentaires, dispensés par la Clinique universitaire de médecine dentaire (CUMD), les enfants et les jeunes étant pour leur part pris en charge par le service dentaire scolaire (SDS) de l’office de l’enfance et de la jeunesse. Par ailleurs, le SDS offrait chaque année un contrôle dentaire gratuit aux écoliers, s’occupait de prévention et de promotion dans le domaine dentaire et offrait un accès aux soins dentaires spécialisés aux mineurs scolarisés. En conclusion, le Conseil d’Etat estimait que la question devait être réglée sur le plan fédéral et non au niveau cantonal. Au surplus, il a rappelé que la population défavorisée et précarisée était déjà soutenue. Un contreprojet à l’IN 160 a été déposé par un sous-groupe de travail constitué de membres de la commission de la santé (PL 12369). Les propositions visaient à financer l’assurance des soins dentaires de base au moyen d’une augmentation d’un centime additionnel sur les boissons sucrées et les aliments transformés par l’industrie agroalimentaire. En outre, il était proposé que l’Etat mette en place un dispositif gratuit de prévention et de dépistage. Le contreprojet finalement soumis au Grand Conseil a toutefois été réduit à la seule mesure relative à la mise en place d’un dispositif cantonal IN 193-A 4/20 gratuit de prévention et de dépistage en matière de santé bucco-dentaire et a été débattu. Le projet de loi a finalement été rejeté. 1.2. Dispositions prévues par l’IN 193 L’IN 193 « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population » demande une modification de la loi sur la santé, du 7 avril 2006 (LS; rs/GE K 1 03), pour : – la création d’une fonction de médecin-dentiste cantonal; – le soutien par l’Etat, notamment par l’intermédiaire du médecin-dentiste cantonal, à des actions de promotion-prévention en matière de santé bucco-dentaire et la mise en place d’un plan d’action à cet effet; – un soutien financier de 300 francs à faire valoir auprès d’une ou d’un médecin-dentiste ou hygiéniste en faveur des personnes bénéficiant de subsides d’assurance-maladie. Les initiants soulignent que trop de personnes renonceraient aux soins dentaires en Suisse, soit par manque d’information, soit par manque de moyens financiers. La classe moyenne est ainsi pénalisée car elle doit assumer des frais dentaires lourds, la quasi-totalité n’étant pas remboursée. Les modifications proposées sont les suivantes : Art. 1 Modifications La loi sur la santé (LS – K 1 03), du 7 avril 2006, est modifiée comme suit : Art. 9 Médecin, pharmacien, chimiste et médecin-dentiste cantonaux (nouvelle teneur de la note), al. 4 (nouveau, les al. 4 et 5 anciens devant les al. 5 et 6) 4 Le médecin-dentiste cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale. Il est en charge des questions médicales concernant la santé buccodentaire. Art. 23A Promotion de la santé bucco-dentaire (nouveau) 1 L’Etat soutient les actions de promotion de la santé bucco-dentaire en matière de prévention et de soins, notamment par l’action du médecindentiste cantonal. 5/20 IN 193-A Il établit à chaque début de législature, avec l’appui du médecindentiste cantonal, un plan d’action visant à promouvoir la santé buccodentaire auprès de la population : a) par des mesures de prévention; b) par des mesures de prophylaxie. 3 Les mesures de prévention au sens de l’alinéa 2, lettre a, comprennent notamment : a) le dépistage bucco-dentaire; b) l’examen dentaire périodique complet; c) le détartrage. 4 Afin de rendre les actions de promotion de la santé effectives, l’Etat peut notamment accorder des aides financières conformément à l’art. 23B. 2 Art. 23B Soutien financier aux traitements bucco-dentaires (nouveau) 1 L’Etat aide financièrement les personnes à revenus modestes pour la prévention et les soins bucco-dentaires. 2 Le Conseil d’Etat établit par voie règlementaire, sur proposition du médecin-dentiste cantonal, le catalogue des prestations de prévention et de soins bucco-dentaires qui peuvent faire l’objet d’une aide financière. 3 L’aide financière est subsidiaire aux prestations équivalentes couvertes au titre des prestations complémentaires et des autres mesures d’aide sociale déjà perçues. 4 Sont éligibles à des prestations d’aides financières pour la prévention et les soins bucco-dentaires les bénéficiaires de subsides d’assurancemaladie au sens des articles 19 et suivants de la loi d’application de la loi fédérale sur l’assurance-maladie (LaLAMal), du 29 mai 1997. 5 Les bénéficiaires au sens de l’alinéa 4 ont, notamment, droit annuellement à un chèque forfaitaire à faire valoir auprès d’un médecindentiste ou d’un hygiéniste dentaire autorisé à pratiquer en Suisse. Le montant de ce chèque s’élève à 300 francs. 6 Les modalités d’octroi du chèque forfaitaire sont définies dans le règlement d’application, notamment pour assurer que seules des actions de prévention et de soins soient ainsi financées. IN 193-A Art. 2 6/20 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le 1er janvier de l’année qui suit celle de sa promulgation. 2. Eléments contextuels 2.1. Etat des connaissances en matière de santé bucco-dentaire dans le monde La santé bucco-dentaire est un problème de santé publique majeur trop souvent négligé. Les maladies bucco-dentaires, pourtant en grande partie évitables, sont les maladies les plus fréquentes dans le monde, touchant près de la moitié de la population mondiale (3,5 milliards de personnes) 1. Elles affectent les personnes tout au long de la vie et ont des répercussions sur la santé physique, mentale et sociale des individus. Ces maladies représentent un poids économique non négligeable en Europe, responsables de plus de 5% des dépenses de santé totales dans les pays de l'Union européenne. Les pertes de productivité qu'elles engendrent ont été estimées à environ 57 milliards d'euros par an en Europe 2. Les affections bucco-dentaires sont favorisées par un ensemble de déterminants et de facteurs de risque modifiables communs à de nombreuses maladies non transmissibles (MNT), notamment la consommation de sucres libres, de tabac, la surconsommation d’alcool et les mauvaises pratiques d’hygiène, ainsi que par les déterminants sociaux et commerciaux qui les sous-tendent. Le poids de ces maladies n'est pas uniformément réparti sur les populations entre et dans les pays. Elles affectent en priorité les populations et les individus les plus vulnérables et défavorisés. Les personnes avec de faibles revenus, celles vivant avec un handicap, les réfugiés, les prisonniers et les personnes appartenant à des minorités ou à des groupes sociaux défavorisés portent le poids le plus lourd, ce qui est également le cas pour d'autres maladies non transmissibles. De nombreuses études ont montré le lien direct et proportionnel entre différentes mesures du statut socio1 2 Global burden of disease 2019 (GBD 2019) results [online database]. Seattle : Institute of Health Metrics and Evaluation (IHME); 2020 (https://vizhub.healthdata.org/gbd-results/, accessed 14 November 2022). Platform for Better Oral Health in Europe (2019), Why Oral Health Matters : Policy recommendations to improve oral health in the EU (www.oralhealthplatform.eu/). 7/20 IN 193-A économique (revenu, niveau d'éducation, classe sociale) et la prévalence et la sévérité des pathologies bucco-dentaires tout au long de la vie, depuis la petite enfance jusque dans la vieillesse 3,4,5. Les conditions dans lesquelles les personnes naissent, grandissent, vivent, travaillent et vieillissent constituent les déterminants sociaux des inégalités en matière de santé bucco-dentaire; les facteurs structurels de ces conditions, tels que la répartition inéquitable du pouvoir et de la richesse dans les sociétés, en font également partie. Par ailleurs, les activités du secteur privé, qui influent de manière positive ou négative sur la santé des personnes, constituent les déterminants commerciaux de la santé. Les intérêts des industries du tabac et de l’alcool, ainsi que certaines industries agroalimentaires sont en contradiction avec les actions en faveur de la santé, et ciblent parfois les gouvernements, l’opinion publique et la science pour retarder, modifier ou entraver les politiques publiques visant à protéger la santé de la population. Lutter contre les inégalités de santé et de santé bucco-dentaire passe donc par des approches systémiques et multifactorielles. Les mesures de prévention, telles que le dépistage des maladies bucco-dentaires chez les jeunes enfants ou l'ajout de fluor dans le sel de cuisine, sont donc essentielles mais souvent insuffisantes pour réduire les inégalités et le poids des pathologies bucco-dentaires chez les plus vulnérables 6. Les inégalités de santé bucco-dentaire sont définies comme les différences de l'état de santé bucco-dentaire des individus qui sont évitables et considérées comme injustes et inacceptables. Redresser ces inégalités est 3 4 5 6 Elani HW, Harper S, Thomson WM, Espinoza IL, Mejia GC, Ju X, et al. Social inequalities in tooth loss : A multinational comparison. Community Dent Oral Epidemiol. 2017;45(3):266–74. doi :10.1111/cdoe.12285. Guarnizo-Herreño CC, Watt RG, Garzón-Orjuela N, Suárez-Zúñiga E, Tsakos G. Health insurance and education : major contributors to oral health inequalities in Colombia. J Epidemiol Community Health. 2019;73(8):737–44. doi :10.1136/jech-2018-212049. Matsuyama Y, Jürges H, Listl S. The causal effect of education on tooth loss : evidence from United Kingdom schooling reforms. Am J Epidemiol. 2019;188(1):87-95. doi :10.1093/aje/kwy205. Milsom KM, Threlfall AG, Blinkhorn AS, et al. The effectiveness of school dental screening : Dental attendance and treatment of those screened positive. Br Dent J 2006;200:687-90. IN 193-A 8/20 une question de justice sociale et d'éthique dans les politiques de santé publique, selon l'Organisation mondiale de la santé (OMS) 7. C'est forts de ce constat que les Etats membres de l'OMS ont adopté une résolution historique sur la santé bucco-dentaire lors de la 74e Assemblée mondiale de la santé, en 2021. Cette résolution appelle à un changement de paradigme dans la politique et la planification en matière de santé buccodentaire, pour passer d’un modèle conventionnel de dentisterie restauratrice à un modèle favorisant la promotion de la santé bucco-dentaire et la prévention. La résolution souligne également que la santé bucco-dentaire devrait être intégrée au programme relatif aux MNT et que les interventions essentielles en matière de soins bucco-dentaires devraient être incluses dans l’ensemble des prestations relevant de la couverture sanitaire universelle 8. Cette résolution appelle à de multiples actions, parmi lesquelles l’élaboration d’une stratégie mondiale sur la santé bucco-dentaire, d’un plan d’action mondial pour la santé bucco-dentaire, d’un cadre mondial de suivi assorti d’indicateurs et d’objectifs, et d’interventions correspondant aux « meilleurs choix en matière de santé bucco-dentaire », conformément à l’annexe 3 du Plan d’action mondial de l’OMS pour la lutte contre les MNT. 2.2. Etat des connaissances en matière de santé bucco-dentaire en Suisse et à Genève En Suisse, bien que l'état de santé bucco-dentaire se soit considérablement amélioré au cours des dernières décennies, la prévalence des caries non traitées chez les plus de 5 ans était encore estimée à 40% en 2019 9. Et les inégalités persistent. L'édentement touche significativement plus les individus n'ayant pas terminé l'enseignement obligatoire et les sujets issus de familles à faibles revenus 10; les 20% des enfants au statut socio-économique le plus faible concentrent 60% des caries 11. 7 8 9 10 11 Global Oral health status report : Towards universal health coverage for oral health by 2030. Geneva : World Health Organization; 2022. Licence : CC BYNC-SA 3.0 IGO. Soixante-quatorzième assemblée générale de la santé. Genève: Organisation mondiale de la santé. 2021.WH A74_R5-fr.pdf (who.int) https://apps.who.int/gb/ebwha/pdf_files/WHA74/A74_R5-fr.pdf. Global Burden of Disease Collaborative Network. GBD 2019. Seattle : IHME; 2020. Zitzmann NU, Staehelin K, Walls AW, et al. Changes in oral health over a 10-yr period in Switzerland. Eur J Oral Sci 2008; 116:52-9. Madrid C, Abarca M, Pop S, et al. Santé buccale : déterminants sociaux d'un terrain majeur des inégalités. Rev Med Suisse 2009; 5: 1946-51. 9/20 IN 193-A Selon les indicateurs utilisés, les études qui se sont intéressées au renoncement aux soins dentaires en Suisse ont abouti à des résultats très différents. Selon l’Office fédéral de la statistique, en 2016, 3,4% de la population avaient dû se priver de soins dentaires nécessaires par manque de moyens 12. Pour la même année, les résultats de l’International Health Policy Survey (IHP), une étude de la fondation américaine Commonwealth Fund, qui prend en compte une définition plus large du renoncement, indiquait que 20,7% de la population avaient renoncé à un soin ou à un contrôle dentaire pour des raisons financières 13. A Genève, dans l'étude populationnelle « bus santé », une personne interrogée sur 10 (10,6%) reportait avoir renoncé à des soins dentaires pour des raisons économiques. Ce pourcentage variait selon les revenus, de 2,4% pour les plus aisés (salaires de 13 000 francs par mois ou plus) à 23,5% pour les personnes touchant moins de 3 000 francs par mois 14. Chez les enfants, la santé bucco-dentaire s’est améliorée au cours des 30 dernières années. Durant l’année scolaire 2020-2021, 58% des écolières et écoliers avaient des dents saines (exemptes de lésion initiale, de carie ou d’antécédent de carie) contre 40% dans les années 1990. Toutefois, plus du quart des élèves avait une lésion dentaire à soigner, et avoir une atteinte carieuse dans l'enfance augmente le risque d’avoir d’autres caries ultérieurement et demande un contrôle plus fréquent. Les données du SDS confirment que les enfants ayant des caries proviennent de tous les milieux sociaux, mais que la carte des besoins de soins dentaires se superpose en grande partie à celle de la précarité sociale 15 et à celle des zones géographiques où la consommation de boissons sucrées est plus importante que la moyenne 16. 12 13 14 15 16 Office fédéral de la statistique. Enquête sur les revenus et les conditions de vie (SILC). Neuchâtel. www.silc-fr.bfs.admin.ch/ Privation ou renoncement aux soins dentaires - Explication des différences de résultats entre les deux enquêtes SILC et IHP | Publication | Office fédéral de la statistique (admin.ch). Guessous I, Theler JM, Durosier Izart C, et al. Forgoing dental care for economic reasons in Switzerland : a six-year cross-sectional population-based study. BMC Oral Health 2014, 14:121. Repères et indicateurs statistiques. Service dentaire scolaire. Genève 2022. Joost S, De Ridder D, Marques-Vidal P, Bacchilega B, Theler J-M, Gaspoz J-M, et al. Overlapping spatial clusters of sugar-sweetened beverage intake and body mass index in Geneva state, Switzerland. Nutrition & Diabetes. 2019;9(1):35. IN 193-A 10/20 2.3. Politique et dispositifs de santé publique pour la santé buccodentaire en Suisse et à Genève 2.3.1. Organisation et politique de santé publique en matière de santé bucco-dentaire au niveau national et intercantonal En Suisse, la santé bucco-dentaire est considérée comme une affaire privée. La grande majorité des soins dentaires ne relevant pas du système d'assurance-maladie obligatoire, le patient assume seul les frais relatifs aux soins dentaires. Il n'existe pas en Suisse de politique de santé publique nationale pour la santé bucco-dentaire; ni la stratégie nationale « Prévention des maladies non transmissibles » (« stratégie MNT ») 2017-2024, ni son « Plan de mesures 2021-2024 » 17 ne mentionnent la santé bucco-dentaire. Seules les personnes les plus précaires, bénéficiaires de l'aide sociale ou de prestations complémentaires à l'AVS/AI, peuvent se voir offrir des soins dentaires gratuits, soins dont le périmètre et les modalités de délivrance sont laissés à la discrétion des cantons. Au cours des dernières années, 20 des 26 cantons suisses se sont dotés d'un médecin-dentiste cantonal. Les responsabilités et les tâches attribuées à cette fonction varient d'un canton à l'autre. Les principales tâches sont l'octroi des autorisations d'exercer, les contrôles d'hygiène, l'organisation des soins dentaires scolaires, le contrôle d'estimations et de notes d'honoraires dans le cadre des prestations complémentaires, de l’aide sociale et de l’asile, et le conseil au gouvernement sur les questions de médecine dentaire. Depuis 2006, l’Association des médecins-dentistes cantonaux de Suisse (AMDCS) assure une mission de coordination, d'échange d'informations et d'harmonisation des pratiques entre les cantons, et présente des propositions relatives aux problèmes communs des instances administratives à l’échelon national. 2.3.2. Organisation et politique de santé publique en matière de santé bucco-dentaire dans le canton de Genève A Genève, les activités en lien avec la problématique bucco-dentaire sont gérées, de fait, par différentes structures et différents départements. Par exemple, les activités de surveillance de la qualité de la prise en charge de la patientèle ainsi que du respect des obligations professionnelles des médecinsdentistes sont sous la responsabilité du service du médecin cantonal (SMC) de la direction générale de la santé (DGS), au travers des droits de pratique et 17 https://www.bag.admin.ch/dam/bag/fr/dokumente/nat-gesundheitsstrategien/ncdstrategie/ncd-massnahmenplan-20212024.pdf.download.pdf/NCD_Massnahmenplan%202021-2024_FR.pdf. 11/20 IN 193-A des inspections sanitaires, conformément à la loi sur la santé, du 7 avril 2006 (LS; rs/GE K 1 03 – art. 6 et 9). La commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients peut également être saisie en cas de plainte (art. 10 LS). Le service du médecin cantonal est doté d'un secteur chargé de la définition et de la mise en œuvre de la politique cantonale de prévention et de promotion de la santé, avec pour objectif de répondre aux attentes prévues par le chapitre III de la LS (art. 14 et suivants). Parmi les domaines prioritaires établis par la LS, figure la prévention des maladies non transmissibles et transmissibles (art. 21). Les maladies et affections buccodentaires font partie intégrante de ces maladies évitables pour lesquelles la prévention et la promotion de la santé sont essentielles. Le plan cantonal de promotion de la santé et de prévention (PSP) 2019-2023 contient d’ailleurs plusieurs actions qui visent à renforcer la promotion de la santé buccodentaire et à lutter contre les barrières d'accès aux soins dentaires des Genevois les plus vulnérables. 2.3.3. Actions de prévention et de promotion de la santé bucco-dentaire Plan cantonal PSP 2024-2028 En 2017, le canton de Genève s'est doté d'un ambitieux « Concept cantonal de promotion de la santé et de prévention 2030 », qui a fixé les lignes directrices de la politique cantonale en la matière pour les 15 prochaines années. Ce concept a posé les bases d'une stratégie qui vise à « donner les moyens à la population genevoise de vivre le plus longtemps possible en bonne santé et promouvoir son bien-être physique, mental et social ». Il a ensuite été transcrit dans les plans PSP 2019-2023 et 2024-2028. Dans le futur plan cantonal 2024-2028 figurent plusieurs actions concernant directement ou indirectement la santé bucco-dentaire et portées par plusieurs départements de l'Etat. Au sein de l'axe 2, une action vise spécifiquement à améliorer l'accès des populations vulnérables aux prestations de soins dentaires et de prévention (action 2.6). Ailleurs dans le plan cantonal, plusieurs actions visent à promouvoir une alimentation saine et équilibrée (actions 1.2 et 4.1), nécessaire pour une bonne santé bucco-dentaire, et à lutter contre les facteurs de risque bucco-dentaire que représentent le tabac (actions 4.4, 8.3 et 8.6), la consommation de sucre (actions 1.2 et 8.2) et la surconsommation d'alcool (actions 4.4, 6.7, 8.4 et 8.6). IN 193-A 12/20 Service dentaire scolaire Le SDS propose un dépistage annuel pour tous les enfants résidant ou scolarisés dans le canton. Les élèves de l'école primaire, depuis l'âge de 4 ans jusqu'en 8P, bénéficient d'un contrôle dentaire annuel gratuit (examen visuel sans radiographie). Ces contrôles se déroulent pendant les horaires scolaires, et les résultats sont transmis par écrit aux parents. Si un traitement est nécessaire, ceux-ci ont le choix de consulter un médecin-dentiste privé ou le cabinet du SDS qui a effectué le contrôle et dont l'adresse est mentionnée dans le rapport dentaire. Dès le cycle d'orientation, le dépistage est laissé à la responsabilité des parents. Un bon gratuit permettant d'effectuer un contrôle annuel gratuit jusqu'en 11e année, incluant 2 radiographies, est offert à chaque élève. Il s’agit d’une action bénévole du service dentaire scolaire et des médecins-dentistes membres de l'Association des médecins-dentistes de Genève (AMDG). Aucune indemnité ni aucun dédommagement n’est versé par les autorités pour cette activité professionnelle au service des adolescents. 2.3.4. Accès aux soins dentaires dans le canton de Genève Dans le canton de Genève, la grande majorité des soins dentaires sont délivrés dans 150 cabinets privés de médecine dentaire. Pour les plus démunis, le département de la cohésion sociale (DCS) – soit pour lui le service des prestations complémentaires (SPC) et l’Hospice général (Hg) – assure le paiement des frais dentaires de près de 40 000 bénéficiaires de prestations complémentaires à l’AVS/AI et de prestations d’aide sociale (y compris les personnes relevant du domaine de l'asile), pour un montant global de près de 18 millions de francs par année. Ces soins peuvent être délivrés par les médecins-dentistes de ville ou par l'unité d'action sociale (UAS) de la CUMD, qui a pour mission principale de prendre en charge les bénéficiaires de l’aide sociale et de traiter des détenus. En dehors de l'UAS, pour répondre aux besoins d'enseignement, la CUMD propose également des traitements à prix réduits à toute la population. Quelque 10 000 personnes sont suivies par année et bénéficient d'un rabais de 70% pour les soins dispensés par les étudiants non-diplômés et de 25% pour les traitements réalisés par des dentistes en spécialisation. Le SDS propose également des soins dentaires et des traitements d'orthodontie à tous les enfants et jeunes de 0 à 18 ans domiciliés, résidant, ou scolarisés dans le canton. Ces soins sont payants, avec des réductions d'honoraires selon un barème établi en fonction du nombre d'enfants et du revenu déterminant unifié (RDU) des parents, représentant jusqu'à 80% du 13/20 IN 193-A montant de la facture 18. A noter que les barèmes offrant droit aux réductions tarifaires du SDS sont actuellement beaucoup plus bas que ceux utilisés pour l'attribution de subsides par le service de l'assurance-maladie (SAM), et qu'ils ne bénéficient donc qu'aux familles les plus défavorisées. Ces champs d'application, ainsi que les activités de dépistage, sont définis dans la loi sur l'enfance et la jeunesse, du 1er mars 2018 (LEJ; rs/GE J 6 01), notamment à son article 18. En parallèle de cette offre publique de soins pour les plus démunis, grâce au travail de médecins-dentistes et d’hygiénistes bénévoles, le cabinet dentaire du Point d’eau offre des soins dentaires gratuits aux sans-abris, et la Croix-Rouge genevoise a mis en place une permanence de soins dentaires qui offre des soins de base à des prix abordables (40 francs pour une consultation chez le dentiste, 20 francs chez l'hygiéniste) aux personnes dont les revenus sont inférieurs aux bas salaires, mais qui ne sont pas éligibles aux prestations sociales pour financer les soins dentaires 19. 2.3.5. Soutien au paiement des primes d'assurance-maladie Dans le contexte de cette initiative, l'identification des bénéficiaires potentiels constitue l'un des points centraux. La liste des personnes auxquelles sont déjà attribués des subsides pour les primes d'assurancemaladie pourrait être utilisée dans ce cadre. L'article 65, alinéas 1 et 1bis, de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 18 mars 1994 (LAMal; RS 832.10), prescrit aux cantons d'accorder des réductions de primes aux assurés de condition économique modeste, en respectant les prescriptions particulières pour les subsides des enfants et des jeunes adultes en formation pour les bas et moyens revenus. Dans ce cadre, les cantons jouissent d’une grande liberté dans l’aménagement de ces prestations et ils peuvent définir de manière autonome ce qu’il faut entendre par « condition économique modeste ». Il revient ainsi à chaque canton de définir notamment le cercle des bénéficiaires, le montant des subsides, la procédure et les modalités de paiement. Dans le canton de Genève, les subsides destinés à la réduction des primes sont mis en œuvre par les articles 19 et suivants de la loi d'application de la loi fédérale sur l'assurance-maladie, du 29 mai 1997 (LaLAMal; rs/GE J 3 05). Les limites de revenu donnant accès aux subsides sont ainsi définies à l'article 21 LaLAMal. Dans le cadre des modifications de la LaLAMal 18 19 www.ge.ch/depistage-soins-dentaires-enfants-jeunes/tarifs-reductions. Permanence de soins dentaires | Croix-Rouge genevoise (croix-rouge-ge.ch). IN 193-A 14/20 entrées en vigueur le 1er janvier 2020, ces limites ont sensiblement été relevées et le nombre de paliers a été augmenté, ce qui a eu pour conséquence d'augmenter le nombre de bénéficiaires. Par ailleurs, le Conseil d'Etat a entendu faire également un geste en faveur de la classe moyenne, dans la mesure où, par cette révision, les limites de revenu se sont trouvées relevées de manière significative. Enfin, les subsides sont versés par le SAM directement aux assureurs, qui les déduisent du montant des primes dues par les assurés bénéficiaires. Ces subsides sont une aide pour assumer les frais de l'assurance obligatoire de soins pour les personnes aux revenus modestes qui ne sont pas au bénéfice de l'aide sociale ou de prestations complémentaires. Ils ne facilitent d'aucune manière l'accès à la prise en charge de soins dentaires. Ils ne permettent pas non plus de couvrir d'éventuels autres frais médicaux, ni la franchise, ni la quote-part. Ces éléments, pour cette population fragilisée, peuvent représenter une barrière substantielle à l'accès aux soins. 3. Implications de l’IN 193 L’IN 193 vise à renforcer les actions de promotion de la santé buccodentaire et à aider la classe moyenne à financer les soins et la prévention bucco-dentaires, à travers trois mesures : la création d’une fonction de médecin-dentiste cantonal, l’élaboration d’un plan d’action cantonal en matière de promotion de la santé bucco-dentaire et la mise en place de chèques forfaitaires de 300 francs en faveur des bénéficiaires de subsides à l’assurance-maladie, à faire valoir pour des soins ou de la prophylaxie buccodentaire. 3.1. Création d’un poste de médecin-dentiste cantonal L'initiative demande la création d'une nouvelle fonction de médecindentiste cantonal chargé de mettre en place un plan d'action pour promouvoir la santé bucco-dentaire. 3.1.1. Arguments en faveur d'une telle fonction à Genève Le canton de Genève fait partie des 6 cantons suisses à ne pas avoir de médecin-dentiste cantonal (avec Appenzell Rhodes-Intérieures, Berne, Neuchâtel, Schaffhouse et Zoug). La création d'un poste de médecin-dentiste cantonal permettrait de piloter les actions des professionnels œuvrant dans le domaine de la santé bucco-dentaire, de rendre plus visible pour la population cette thématique essentielle de santé publique, et d'avoir un interlocuteur unique. 15/20 IN 193-A La fonction de médecin-dentiste cantonal ne correspond pas forcément à un poste exercé à temps plein; il peut s'agir d'une fonction à temps partiel (comme c'est le cas dans de nombreux cantons ayant cette fonction), à définir selon le périmètre des activités. A l'heure où le DCS met en place un nouveau dispositif numérique pour faciliter le contrôle et le paiement des soins dentaires offerts aux bénéficiaires des prestations complémentaires et de l'aide sociale (MEDIDENT), dans le but d'améliorer l'adéquation aux besoins des soins prodigués et ainsi de diminuer les coûts, un médecin-dentiste cantonal pourrait être un atout même si le rôle de coordination en tant que tel peut également être assumé par une autre fonction. Le médecin-dentiste pourrait jouer le rôle de médecin-dentiste conseil, et serait un acteur utile pour inciter les médecins-dentistes traitants à rejoindre le dispositif. Ce médecin-dentiste cantonal aurait également un rôle à jouer dans la délivrance du forfait annuel de 300 francs. 3.1.2. Arguments contre la mise en place d'une telle fonction à Genève Les principales activités d'un médecin-dentiste cantonal sont déjà portées au sein de la DGS par le SMC, au sein du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (DIP) par le SDS, et par la CUMD avec l'office de l'action, de l'insertion et de l'intégration sociales (OAIS) pour la coordination de MEDIDENT. La délivrance des autorisations ad hoc est assurée par le groupe présent au SMC, dédié selon des procédures uniformes pour tous les professionnels de santé; la surveillance des médecins-dentistes doit être effectuée par une équipe dédiée d'inspecteurs en santé assermentés. L'orientation des praticiens en termes de prévention des infections dans le cadre de maladies émergentes ou à potentiel épidémique est portée par le secteur des maladies transmissibles du SMC. De plus, les déterminants et facteurs de risque pour la santé buccodentaire (faible niveau socio-économique, tabac, sucre, alcool) étant communs à de nombreuses autres maladies non transmissibles, des actions transversales sont nécessaires pour mieux protéger la population et améliorer sa santé. Les équipes en place, dans le secteur prévention et promotion de la santé du SMC et dans d'autres départements, sont à même de traiter cette thématique de façon transversale. Pour toutes ces raisons, il semblerait inutile et contre-productif de créer un silo pour cette seule spécialité. IN 193-A 16/20 3.2. Elaboration d’un plan cantonal en matière de promotion de la santé bucco-dentaire 3.2.1. Arguments en faveur d'un tel plan à Genève Le développement d'un plan d'action spécifique et global de santé buccodentaire permettrait un renforcement des actions et de la communication en faveur de la santé bucco-dentaire. Cela pourrait aider la prise de conscience par la population de l'importance d'agir en amont et d'effectuer des contrôles ou des visites régulières chez l’hygiéniste plutôt que d’attendre de réelles difficultés, lesquelles sont souvent douloureuses et chères lorsqu’un traitement doit être entamé. Cela pourrait permettre également d'améliorer la médecine dentaire sociale et de faire de la prophylaxie la pierre angulaire d'une stratégie à long terme pour ces patients. Il est intéressant de constater qu'entre 2011 et 2018, les coûts de la médecine dentaire sociale ont reculé de 30% dans le canton de Lucerne, grâce à l'application des recommandations pour la planification et les traitements de l'AMDCS, qui demande au médecin-dentiste, au-delà des soins urgents, de stabiliser la santé buccodentaire des patients, et permet la création d'un lien entre le patient et un cabinet, lien essentiel à l’adhésion du patient aux recommandations de prévention. Cela permettrait également de garantir la pérennité des mesures de promotion et de prévention et de leur mise en œuvre pour protéger la santé bucco-dentaire de la population sur le long terme. 3.2.2. Arguments contre un tel plan spécifique à Genève Le soutien de l'Etat pour les actions de promotion de la santé buccodentaire en matière de prévention et de soins qu'appelle l’IN 193 est déjà en partie présent dans l'action de plusieurs départements (DCS, DSM, DIP) et inscrit dans la logique du concept PSP 2018-2030. Des mesures existent déjà, notamment en matière de prévention, avec le dépistage annuel gratuit et systématique pour tous les mineurs scolarisés et, en matière de soins pour les plus démunis, avec la prise en charge par l’Etat des soins dentaires des bénéficiaires de l'aide sociale et des prestations complémentaires. Par ailleurs, le secteur prévention et promotion de la santé a inscrit dans le futur plan cantonal PSP 2024-2028 une action visant à améliorer l'information sur les dispositifs d'accès aux prestations de santé buccodentaire et à promouvoir des actions en prévention et promotion de la santé dans ce domaine, en collaboration avec les partenaires des communes et des institutions sociales et sanitaires, ainsi que plusieurs actions visant la lutte 17/20 IN 193-A contre les comportements défavorables à la santé, y compris bucco-dentaire, que sont la consommation de tabac et la surconsommation de sucre ou d'alcool. Comme cela avait été relevé dans le cadre de l’examen des précédents projets, les actions mises en œuvre auprès des écoliers portent leurs fruits, l’amélioration de la santé bucco-dentaire des enfants étant une réalité qui a un effet concret et positif lorsque ces élèves deviennent adultes. En outre, comme cela avait également été souligné, l’Etat a déjà dans ses tâches la prévention en matière bucco-dentaire, de sorte que l’inscrire une nouvelle fois expressément dans la législation n’est pas nécessaire. 3.3. Mise en place de chèques forfaitaires de 300 francs en faveur des bénéficiaires de subsides à l’assurance-maladie à faire valoir pour des soins ou de la prophylaxie bucco-dentaire L'IN 193 demande la mise en place de chèques forfaitaires de 300 francs pour les bénéficiaires de subsides à l'assurance-maladie. Selon le texte de l'IN 193, toutes les personnes pour lesquelles un subside est versé par le SAM pourront prétendre au chèque forfaitaire de 300 francs, à l'exclusion des personnes qui se trouvent au profit de prestations complémentaires à l'AVS/AI ou de prestations d'aide financière de l'aide sociale qui bénéficient déjà d'une prise en charge des frais de soins dentaires. Les frais de soins dentaires n'étant pas pris en charge pour les bénéficiaires des prestations complémentaires familiales, versées en application des articles 36A et suivants de la loi sur les prestations complémentaires cantonales, du 25 octobre 1968 (LPCC; rs/GE J 4 25), celles bénéficiant d'un subside et des prestations complémentaires familiales pourront accéder au chèque forfaitaire de 300 francs prévu par l'IN 193. 3.3.1. Arguments en faveur d'un forfait de 300 francs Le dispositif actuel n'offre un accès aux soins qu'aux plus démunis. Agir sur une population fragilisée avant qu'elle ne doive bénéficier de l'aide sociale pourrait aussi améliorer l'état de santé des moins aisés et limiter les dégâts observés et les coûts pris en charge chez les plus démunis. On sait qu’une mauvaise dentition et l’absence de soins dentaires engendrent également d’autres conséquences, notamment le fait de ne plus pouvoir se nourrir correctement, ou d'impacter la confiance en soi et les capacités d'interactions sociales, ce qui a d’autres effets sur la santé des administrés. La distribution d'un chèque aux bénéficiaires de subsides serait, en soi, une incitation à recourir à des dépistages et à de premiers traitements IN 193-A 18/20 dentaires, et pourrait permettre de diminuer le non-recours aux mesures de prévention, sans toutefois le faire disparaître. Les montants permettraient aux personnes de la classe moyenne inférieure d’envisager des mesures de prévention (hygiéniste dentaire, détartrage) et aussi quelques petits soins bucco-dentaires (ou de bénéficier au moins d'une contribution partielle à de tels frais). Les personnes qui suivent régulièrement les recommandations de prévention ont moins besoin de traitements dentaires par la suite et seront en meilleure santé. Ainsi, la prévention pourrait permettre d'économiser beaucoup de soins dont les coûts peuvent être très importants, pour les patients, mais aussi pour la médecine dentaire sociale. 3.3.2. Arguments contre un forfait de 300 francs Les personnes bénéficiant de l'aide sociale ou de prestations complémentaires peuvent déjà, comme cela a été indiqué, recourir à des traitements dentaires pris en charge par des subventions étatiques. Par ailleurs, et comme mentionné plus haut, tous les mineurs scolarisés, de 0 à 18 ans, sont également déjà au bénéfice de mesures étatiques. Les populations les plus précaires sont donc déjà prises en charge par l’Etat et le versement d’une subvention supplémentaire, limitée aux seules personnes recevant déjà des subsides pour le paiement de leurs primes d’assurance-maladie, risque encore de creuser des inégalités par rapport aux personnes qui se situent à peine au-dessus des barèmes et qui n’auraient ainsi droit à rien. Une aide financière ciblée sur cette portion de la population induirait donc un nouvel effet de seuil, alors que la tendance en matière de politique sociale est justement d'éviter autant que possible d'instaurer des mesures liées au revenu qui puissent, de par leur accumulation, produire des incitatifs négatifs sur la situation sociale des individus. Les montants à engager seraient également conséquents. Selon une estimation effectuée par le SAM, le versement d’une subvention de 300 francs pour toutes les personnes (133 000) au bénéfice de subsides en matière d’assurance-maladie aurait un coût de 40 millions de francs par année, hors coûts de mise en œuvre des systèmes d'attribution et de contrôle, qui ne seraient pas négligeables (ressources financières, humaines et informatiques). En outre, ce montant de 300 francs couvrirait certes peut-être certaines mesures de prévention ou de petits soins bucco-dentaires (détartrage, radiographie), mais ne serait amplement pas suffisant si un traitement dentaire, même simple, devait être assuré car on sait que, même en cas de carie unique, ce sont déjà plusieurs centaines de francs qui doivent être assumés par les patients. Cela pourrait inciter une partie de la population concernée à ne pas recourir à cette mesure, de peur de se voir détecter des 19/20 IN 193-A problèmes dentaires plus conséquents et immédiatement impossibles à prendre en charge car dépassant leur budget. Comme expliqué par les initiants, en 2020 en Suisse, l’Office fédéral de la statistique (OFS) a évalué le coût des soins dentaires à près de 4,2 milliards de francs, ce qui représente environ 5% des coûts totaux de la santé. Cela correspond à une moyenne de près de 500 francs par habitant et par an. Ainsi, une telle mesure ne réduirait que partiellement le renoncement aux soins dentaires de la population vulnérable, d’une part, et les coûts pour l’Etat seraient disproportionnés par rapport aux bénéfices attendus, d’autre part. Par ailleurs, au-delà de la question des publics actuellement les plus démunis de par leur statut socio-économique, il faut aussi tenir compte des publics défavorisés au regard des efforts de prévention eux-mêmes car peutêtre issus de générations (quadragénaires, quinquagénaires) qui n'ont pas connu ni bénéficié du dispositif déployé actuellement au niveau scolaire ou qui par le passé ont vécu une partie de leur vie dans une situation socioéconomique moins favorable qui les aura durablement prétérités en matière de prévention et de santé bucco-dentaire. 4. Position du Conseil d'Etat et contreprojet L'analyse de l'IN 193 et de ses 3 volets produite ci-dessus a mis en évidence 3 faits saillants : – la santé bucco-dentaire est importante, a des répercussions larges et peut être améliorée à Genève; – de nombreux dispositifs – avec des acteurs, des compétences et des structures en place – existent déjà. Ils sont pilotés par 3 départements : le DCS, le DSM et le DIP; – une bonne partie de la population identifie la santé bucco-dentaire comme une thématique importante, pour laquelle des améliorations pourraient être apportées. Le Conseil d’Etat partage l’appréciation des initiants sur l’importance de la thématique de la santé bucco-dentaire. Il n'est toutefois pas satisfait des solutions préconisées et propose de refuser l'IN 193, en suggérant au Grand Conseil de travailler sur un contreprojet, notamment pour les 3 raisons suivantes : – le chèque de 300 francs serait très coûteux à mettre en œuvre (charge administrative pour les bénéficiaires, les dentistes et l'Etat, identification des bénéficiaires, contrôle, système informatique), pour un bénéfice IN 193-A 20/20 comparativement bas car il ne permettrait pas de couvrir les soins et donc d'améliorer sensiblement la renonciation aux soins; – les déterminants impactant la santé bucco-dentaire sont bien plus variés et complexes que l'accès à un dépistage annuel. Une offre de soins gratuite et ponctuelle est déjà une réalité pour de nombreux publics à Genève. Il est toutefois démontré que ce levier n'est pas le plus efficace, mais que c'est bien l'investissement dans la prévention et l'éducation qui fait une différence à moyen et long terme sur la santé bucco-dentaire d'une population. Or, cette approche existe aussi déjà à Genève – portée majoritairement par le DCS (populations défavorisées) et le DIP (écoles) – mais gagnerait à être développée; – la création d'une fonction de dentiste cantonal n'apporterait pas nécessairement de plus-value car les cantons qui en disposent lui délèguent les tâches qu'assument à Genève le SDS (médecine dentaire scolaire), le SMC (autorisations de pratiquer, surveillance et inspections et projets en prévention et promotion de la santé) et la CUMD avec l'OAIS (coordination de MEDIDENT). CONCLUSION Aussi, pour les raisons évoquées ci-dessus, le Conseil d'Etat propose au Grand Conseil de refuser l'initiative et de travailler à l'élaboration d'un contre-projet dans la perspective d’améliorer la santé bucco-dentaire des Genevois de la manière la plus efficace que possible et à moindre coût, tout en prenant en compte les expériences passées, les recherches scientifiques ainsi que la réalité du terrain. Au bénéfice de ces explications, le Conseil d’Etat vous invite ainsi à refuser l’IN 193 et à accepter l'idée d'un contreprojet centré sur l'amélioration de la santé bucco-dentaire. AU NOM DU CONSEIL D'ÉTAT La chancelière : Michèle RIGHETTI-EL ZAYADI Le président : Antonio HODGERS