GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Date de dépôt : 11 août 2025 Rapport de la commission de l’enseignement supérieur chargée d’étudier : a) PL 13536-A Projet de loi de Stéphane Florey, Lionel Dugerdil, Julien Ramu, Virna Conti, Christo Ivanov, Patrick Lussi, Daniel Noël, Michael Andersen, André Pfeffer, Gabriela Sonderegger, Florian Dugerdil modifiant la loi sur l’université (LU) (C 1 30) (L’université, un lieu voué à l’enseignement et à la recherche, pas au militantisme) b) M 3029-A Proposition de motion de Thomas Bruchez, Nicole Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Leonard Ferati, Caroline Marti, Jacklean Kalibala, Xhevrie Osmani, Dilara Bayrak, Philippe de Rougemont, Cédric Jeanneret, Léo Peterschmitt, Lara Atassi, Sophie Demaurex, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle, Caroline Renold : Gaza : l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées genevoises doivent agir activement pour le respect des droits humains et du droit international humanitaire ! c) M 3030-A Proposition de motion de Pierre Conne, Francine de Planta, Fabienne Monbaron, Pierre Nicollier, Céline Zuber-Roy, Philippe Meyer, Alexandre de Senarclens, Thierry Oppikofer, Murat-Julian Alder, Geoffray Sirolli, Yvan Zweifel, Marc Saudan, Patricia Bidaux, Gabriela Sonderegger, Christina Meissner pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats et de tolérance Rapport de majorité de Thierry Arn (page 8) Rapport de minorité sur le PL 13536 de Virna Conti (page 70) Rapport de minorité sur la M 3030 de Alexandre de Senarclens (page 76) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 08.25 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 2/78 Projet de loi (13536-A) modifiant la loi sur l’université (LU) (C 1 30) (L’université, un lieu voué à l’enseignement et à la recherche, pas au militantisme) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit : Art. 1 Modification La loi sur l’université, du 13 juin 2008, est modifiée comme suit : Art. 3A Neutralité politique et religieuse (nouveau) 1 L’université observe une stricte neutralité politique et religieuse. 2 L’université interdit toute manifestation de nature politique ou religieuse à l’intérieur de ses bâtiments et dans leurs périmètres extérieurs. Art. 2 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. 3/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Proposition de motion (3029-A) Gaza : l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées genevoises doivent agir activement pour le respect des droits humains et du droit international humanitaire ! Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – les plus de 35 000 personnes tuées par l’armée israélienne dans la bande de Gaza, depuis les attaques terroristes du Hamas, ayant tué environ 1200 personnes en Israël le 7 octobre 1 ; – la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024 reconnaissant un risque plausible de génocide contre la population à Gaza et l’indication par la Cour de mesures conservatoires sur cette base 2 ; – l’ordre de la Cour internationale de justice donné à Israël le 24 mai 2024 de cesser immédiatement son offensive à Rafah 3 et la poursuite de celle-ci par Israël malgré cela 4, avec en particulier l’attaque d’un camp de réfugiées et réfugiés le 26 mai qui a causé la mort d’au moins 45 personnes 5 ; – la requête du procureur de la Cour pénale internationale visant à la délivrance de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que 1 2 3 4 5 Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, Hostilities in the Gaza Strip and Israel - Reported humanitarian impact, 24 May 2024 at 15:00, OCHA, https://www.unocha.org/publications/report/occupied-palestinianterritory/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-humanitarian-impact-24-may2024-1500 ONU Info, Plainte pour « génocide » à Gaza : la justice internationale rend un 1er verdict, https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142642 ONU Info, La CIJ ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive militaire à Rafah, https://news.un.org/fr/story/2024/05/1145861 Tribune de Genève, Gaza : Israël bombarde Rafah malgré l’ordre de la CIJ d’arrêter, https://www.tdg.ch/gaza-israel-bombarde-rafah-malgre-lordre-de-la-cijdarreter-266885282297 Le Temps, Attaque à Rafah : « Cette frappe a été dévastatrice. Les corps ont été déchiquetés », https://www.letemps.ch/monde/attaque-a-rafah-cette-frappe-a-etedevastatrice-les-corps-ont-ete-dechiquetes PL 13536-A M 3029-A M 3030-A – – – – – 4/78 trois hauts responsables du Hamas, pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité 6 ; les rapports de l’ONG israélienne B’Tselem 7 et des ONG internationales Human Rights Watch 8 et Amnesty International 9 mettant en évidence l’oppression systématique de la population palestinienne par l’Etat d’Israël, constitutive du crime d’apartheid ; le rapport d’Occup’Unil’Pal publié le 14 mai 2024 démontrant les liens entre plusieurs universités israéliennes collaborant avec l’Université de Lausanne, le gouvernement israélien et l’armée israélienne ; l’occupation pacifique du hall d’Uni Mail du 7 au 14 mai, de l’HEPIA le 14 mai et de la HEAD du 22 au 23 mai par des étudiantes et étudiants demandant une action de leurs institutions académiques face au génocide en cours à Gaza ; la prise de position du rectorat de l’UNIGE du 20 mai 2024 « s’agissant de la guerre Israël – Hamas » ; la nécessité que l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées genevoises contribuent activement et sans discrimination au respect des droits humains et du droit international humanitaire, invite le Conseil d’Etat – à prendre les mesures nécessaires et, le cas échéant, à proposer les modifications légales nécessaires afin que l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées genevoises suspendent leurs collaborations avec les institutions académiques israéliennes qui n’ont pas exprimé un engagement clair en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire ; 6 7 8 9 ONU Info, Le Procureur de la CPI réclame des mandats d’arrêt contre Netanyahou et des dirigeants du Hamas, https://news.un.org/fr/story/2024/05/ 1145696 https://www.btselem.org/sites/default/files/publications/202101_this_is_apartheid _eng.pdf A Threshold Crossed: Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and Persecution, https://www.hrw.org/report/2021/04/27/threshold-crossed/israeliauthorities-and-crimes-apartheid-and-persecution L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, https://www.amnesty.org/fr/ latest/campaigns/2022/02/israels-system-of-apartheid/ 5/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A – à prendre des mesures afin de mettre en place une politique de soutien à l’ensemble des étudiantes et étudiants et des chercheuses et chercheurs palestiniens (et non uniquement de Gaza) ainsi que des partenariats avec les institutions d’enseignement palestiniennes qui ont exprimé un engagement clair en faveur de la paix et du respect du droit international humanitaire, par le biais d’un renforcement et d’une extension des différents programmes dont fait mention le rectorat dans sa prise de position du 20 mai 2024. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 6/78 Proposition de motion (3030-A) pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats et de tolérance Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – que l’université est le milieu de transmission des savoirs et d’élaboration des nouvelles connaissances ; – que l’une des principales vertus de l’université est la liberté de parole, d’encourager les controverses et les débats ; – que cette liberté est parfois contestée par des groupes d’activistes radicalisés soutenant des causes diverses, par exemple : • le 29 avril 2022, à Genève, des militantes et militants ont interrompu une conférence donnée à l’Université de Genève et organisée par le Centre de psychanalyse de Suisse romande, avec les professeurs Bertrand Cramer et Antonio Andreoli. La conférence devait présenter un livre sur la transidentité, un ouvrage et un discours jugés transphobes par les activistes 10 ; • le 17 mai 2022, des activistes LGBTIQ+ ont censuré une conférence organisée par la faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle accueillait un professeur français, invité pour évoquer son livre « Le Sexe des Modernes », jugé transphobe par des militants. Les notes de l’invité ont été déchirées, l’orateur a été aspergé d’eau et son ouvrage jeté dans la salle. Il y a eu des empoignades, des insultes, des crachats. Un assistant de l’université s’est vu menacé de recevoir du gel hydroalcoolique sur le visage. Alertées, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues, mais étaient stationnées à la sortie du bâtiment. Las, les participants, en grande partie issus de l’université, ont finalement quitté la salle après environ une heure, applaudis par les activistes LGBTIQ+. Confrontée pour la seconde fois à de telles pratiques, l’alma mater a déposé une plainte pénale pour la retirer 48 heures plus tard 11 ; 10 11 https://www.rts.ch/info/regions/geneve/13058530-une-conference-jugeetransphobe-interrompue-par-des-activistes-a-geneve.html https://www.letemps.ch/suisse/geneve/liberte-dexpression-menacee-luni-geneve https://lepeuple.ch/le-prof-attaque-a-geneve-regle-ses-comptes/ 7/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A • l’occupation récente des locaux universitaires par des militants propalestiniens, exhibant des slogans nationalistes, voire antisémites, tels que « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », ou faisant pression sur les autorités académiques pour ficher certains universitaires israéliens et les bannir ; – que ces comportements provoquent le désarroi des rectorats qui sont par nature disposés au dialogue et au débat mais dépourvus de moyens face à la violence radicalisée, à la menace et au chantage, invite le Conseil d’Etat à mettre en œuvre tous les moyens de droit existants, si nécessaire à adapter la législation ou la règlementation, pour : – garantir la liberté de débat contradictoire afin que l’université soit le creuset des idées de demain, libérée de toute idéologie partisane ; – prévenir, interdire et, si nécessaire, mettre fin sans atermoiement à toute manifestation idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants, à l’université et dans les hautes écoles ; – protéger les biens et les personnes au sein de l’université et des hautes écoles, cas échéant poursuivre les contrevenants. https://www.letemps.ch/suisse/geneve/luniversite-geneve-porte-plainte-apres-unenouvelle-conference-baillonnee-militants PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 8/78 RAPPORT DE LA MAJORITÉ Rapport de Thierry Arn La commission de l’enseignement supérieur à consacré trois séances à l’étude du PL 13536 (5 décembre 2024, 30 janvier 2025 et 15 mai 2025), trois séances pour la M 3029 (19 septembre 2024, 30 janvier 2025 et 15 mai 2025) et trois séances à l’étude de la M 3030 (12 septembre 2024, 30 janvier 2025 et 15 mai 2025) sous la présidence de Mme Sophie Demaurex. Les procès-verbaux ont été tenus par Mmes Selma Bentaleb, Katy Lopez et Alicia Nguyen et les débats se sont déroulés en présence de Mme Ivana Vrbica, directrice de l’unité des hautes écoles (DIP). Qu’elles soient ici toutes remerciées au nom de tous les membres de la commission. Résumé pour les lecteurs pressés Ces deux propositions de motions et ce projet de loi ont été déposés suite à différentes actions qui se sont déroulées dans les locaux de l’université, notamment son occupation au mois de mai 2024. Ce rapport traite de ces trois objets en lien avec la liberté d’expression, la neutralité et l’engagement des institutions académiques. Le PL 13536 vise à inscrire dans la loi la neutralité politique et religieuse de l’université, en interdisant toute manifestation à caractère politique ou religieux dans ses locaux. Son auteur évoque la multiplication d’actions perturbant des conférences ou visant certains groupes d’étudiants. La commission a longuement débattu de la pertinence et des limites de cette notion de « manifestation », certains craignant des atteintes aux droits fondamentaux et au rôle civique de l’université. La motion 3029 demande, face à la guerre à Gaza, que l’Université de Genève et les hautes écoles suspendent leurs collaborations avec les institutions israéliennes ne respectant pas le droit international et renforcent leur soutien aux étudiants et aux chercheurs palestiniens. Le débat s’est centré sur la légitimité d’un boycott académique et les liens entre l’université et les institutions israéliennes. Certains membres de la commission ont exprimé leur inquiétude sur les risques de politisation de l’université et la cohérence d’une telle mesure. 9/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Enfin, la motion 3030 vise à protéger l’université comme lieu de débat tolérant, en réagissant aux actions militantes jugées intimidantes. Son auteur met l’accent sur la nécessité de garantir des débats contradictoires, sans violences ni pressions. Des membres de la commission ont toutefois pointé l’ambigüité des termes employés et la difficulté de concilier liberté d’expression et interdiction de certaines formes d’engagement. La commission a traité ces objets dans un premier temps séparément, avec l’audition des auteurs, puis conjointement, reconnaissant qu’ils abordaient une problématique commune, soit la place de l’université dans le débat sociétal. La commission a auditionné le rectorat pour éclairer les pratiques et la marge d’action actuelle des institutions. Le traitement de ces trois textes reflète les tensions entre neutralité, engagement éthique et préservation de l’espace académique comme lieu de dialogue. A noter que le rectorat a été auditionné à deux reprises sur ces objets. En effet, lors de la première audition, il a indiqué à la commission qu’un comité scientifique avait été créé pour établir un rapport sur le rôle des universités dans le débat public. Lors de la deuxième audition, il a présenté ce rapport et les recommandations qu’il contenait. Le rectorat a en outre indiqué qu’il était opposé à ces trois textes, estimant que la marge de manœuvre qu’il avait actuellement était suffisante. A l’issue des travaux de la commission, les trois objets ont été soumis au vote et ont tous été refusés avec des majorités différentes. Les députés LJS et LC se sont alignés sur la position du rectorat alors que les autres groupes ont soutenu l’un ou l’autre objet, expliquant les différents rapports de minorités. PL 13536 – Audition de M. Stéphane Florey, auteur – 5 décembre 2024 M. Florey explique que le projet de loi propose d’interdire les manifestations religieuses ou politiques au sein de l’université. Il explique que ce projet a été déposé suite au conflit israélo-palestinien notamment, mais que même avant, depuis trois ou quatre ans, plusieurs manifestations se sont déroulées uniquement pour empêcher la tenue de débats publics, dont l’agression de la conseillère nationale. Il ajoute que d’autres débats publics ont déjà été interrompus et que même la CUAE intervient en demandant de venir manifester pour interrompre les débats. De son point de vue, l’université devrait rester un lieu où l’on peut débattre et non manifester. Il explique que n’importe qui peut louer un auditoire et créer un évènement pour un débat qui a un intérêt lié à l’université, et que cela doit se faire sans risquer d’être agressé ou d’avoir des contre-manifestations dans l’université, qui obligent à annuler l’évènement car le bon déroulement ne peut être garanti. Il explique que cela PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 10/78 est dommageable pour l’université elle-même, car c’est un lieu où l’on doit être en sécurité et débattre librement. Il rappelle qu’il y a eu des menaces et des agressions. Il explique que les élèves se sentent mal à l’aise avec les manifestations qui se déroulent dans l’université, et que certains sont même pris à partie pour des causes religieuses. Il trouve que cela est triste et anormal d’être pris à partie en raison d’une religion qui ne plaît pas à d’autres. Le projet de loi a donc été déposé pour ces raisons : garantir une stricte neutralité politique et religieuse en interdisant toute manifestation qui a trait à ces deux objets. Un député (S) dit qu’il trouve intéressante la manière d’amener le texte, qui est donc le fruit d’une réflexion antérieure au conflit du Proche-Orient. Il trouve dommage que cela ne figure pas dans le texte, car cela permettrait d’étayer la réflexion. Concernant les élèves pris à partie en raison de leur religion, il demande si, en mettant en parallèle religion et activisme, il est sousentendu que les pro-Palestiniens sont forcément d’une certaine religion. M. Florey répond que non, mais que des élèves de religion juive sont pris à partie, que cela est relaté dans la presse et qu’il trouve cela scandaleux. Il ajoute que l’université, comme n’importe quelle autre école, doit pouvoir permettre aux étudiants d’être en sécurité. Un député (S) demande s’il parle de la presse à Lausanne récemment. M. Florey dit qu’il s’agit de Genève et que cela était sorti il y a un moment déjà. Un député (S) demande si la formulation « pris en otage par des activistes » est appropriée par rapport à la situation et si le parallèle est voulu. M. Florey répond que c’est le cas, car la situation lui fait penser à cela, ce qui indique donc que les évènements en question sont graves. Il ajoute que cela dérange certains élèves, car tout le monde est pris en otage par ces évènements. Il explique que l’on peut organiser un vrai débat sur le conflit israélopalestinien, mais pas dans ces conditions. Concernant l’université qui avait déposé plainte et les étudiants qui avaient été embarqués par la police, il considère que le rectorat s’est laissé faire face aux syndicats étudiants en retirant finalement sa plainte et cela le consterne. Il ajoute que les syndicats font peur à tous. Une députée (S) demande la clarification de certains termes qu’elle trouve ambigus. Elle souhaite savoir ce qu’il entend par « manifestation » et ce qui peut être regroupé dans la classification « politique et religieuse ». Elle explique que beaucoup d’associations ont un lien politique ou religieux à l’université et elle demande si elles seraient alors interdites. Elle demande 11/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A également s’il serait interdit que des étudiants discutent d’évènements et d’actualité. Elle ajoute que les termes sont trop vagues. M. Florey répond que les manifestations n’incluent bien évidemment pas les discussions. Il entend, par manifestation, des personnes qui manifestent pour revendiquer quelque chose. Il ne voit pas quel autre terme utiliser sinon et propose de préciser quel type de manifestations cela concernerait. Ce qu’il souhaite, c’est empêcher les manifestations qui empêchent la tenue de débats. Il donne comme exemple une exposition, qui doit pouvoir être faite sereinement, en interdisant les manifestations et débordements qui iraient à l’encontre de l’exposition. Une députée (S) dit qu’il s’agit de termes très généraux et que lorsqu’il dit « toutes » dans le texte, alors cela concerne vraiment toutes les manifestations. M. Florey dit qu’une exposition n’est pas une manifestation. Une députée (S) répond que si, que les manifestations ne se font pas uniquement avec des pancartes. Elle rappelle que les mots utilisés sont très généraux et qu’il serait difficile pour l’université de ne pas aborder de questions politiques ou religieuses, car cela serait très restrictif. M. Florey répond qu’il ne voit pas cela de cette façon. Une députée (S) dit qu’il s’agit de la définition de la manifestation. Une députée (PLR) demande si le projet de loi répond vraiment aux inquiétudes et s’il est vraiment nécessaire. Elle demande si, en légiférant de façon restrictive, cela n’est pas redondant. Elle explique qu’un article existe déjà et que le rectorat peut déjà décider d’appliquer des sanctions. Elle demande s’il faudrait donc imaginer, avec un tel projet, que les assemblées de délégués des partis politiques ne pourraient plus se faire. M. Florey répond que non, car il s’agit d’un évènement privé. Il explique qu’il y a déjà eu des manifestations devant les bâtiments en raison de l’UDC réunie à Uni Dufour ou à Uni Mail. Il dit que l’indépendance a bon dos, mais que l’université n’en fait rien car les plaintes sont toujours retirées. Il considère que la CUAE fait peur et que l’université fait tout pour étouffer l’affaire et n’agit pas, même pour l’agression de Mme Amaudruz. Il pense donc qu’il faut cadrer, mais que cela ne veut pas dire interdire. La présidente rappelle que la définition d’une manifestation est « un évènement attirant un public relativement large, organisé dans un but commercial, culturel, publicitaire ou de simple réjouissance ». Une députée (Ve) ajoute que, avec la définition d’une manifestation, une journée d’élections avec des drapeaux serait une manifestation, et donc cela PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 12/78 serait interdit. Elle questionne également sur le but de l’université, qui a pour mission le service à la cité. M. Florey demande de ne pas prêter à ce projet de loi des intentions qui n’ont pas lieu d’être. Il dit que le mot manifestation n’est certainement pas le bon mot, et qu’il tentera de trouver un autre mot pour cela. Il rappelle que son but n’est pas d’empêcher une exposition, ni un évènement, ni un dépouillement centralisé. Ce qu’il souhaite empêcher, ce sont les manifestations qui ont pour but d’agresser des invités. Une députée (Ve) dit comprendre que cela est très grave et ne devrait pas arriver, et que les débats devraient pouvoir être menés sereinement. Elle ajoute que, cependant, les propos tenus par M. Florey diffèrent du texte. Elle demande, concernant l’article 1, si cela ne concerne que l’université et ce que cela impliquerait pour les étudiants. M. Florey rappelle que le droit d’association est garanti par la constitution. Une députée (Ve) demande quel serait donc le but de cet article. M. Florey répond que l’université doit observer cette stricte neutralité et ne pas prendre position. Elle doit interdire toute manifestation qui amène à des débordements et également éviter des appels à manifester contre la tenue de certains évènements. Il parle d’une application qui est utilisée par les étudiants pour créer ce type de manifestations, mais ne se rappelle pas son nom exact. Il en conclut qu’il faudrait donc interdire ce type de manifestations. Une députée (Ve) demande ce qu’il en serait d’une manifestation pacifique. M. Florey répond que même une manifestation pacifique ne serait pas acceptée, mais que la manifestation n’est toujours pas le bon terme à adopter. Il demande de ne pas jouer sur les mots et explique que les débats ne sont pas des manifestations dans le sens où il l’entend. Il rappelle que son but est d’empêcher des manifestations qui empêchent la tenue de débats publics. Un député (S) dit avoir bien compris les différents sens du mot manifestation, mais que des zones grises existent, dans lesquelles l’université peut également être à l’initiative d’une manifestation. Il donne l’exemple du rapport d’Amnesty International et demande, s’il y avait une invitation de l’université pour ce sujet, si cela serait considéré comme une prise de position. M. Florey répond que, quand l’université organise un évènement, c’est pour débattre d’un sujet et que cela reste donc un débat qui ne serait alors pas interdit. Il maintient son affirmation concernant l’université, qui doit pouvoir accueillir des débats. 13/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Un député (S) dit être d’accord sur la neutralité de l’université. Il revient cependant sur les zones grises, qui rendent la situation compliquée, car il deviendrait difficile pour l’université d’être proactive dans l’actualité. M. Florey dit que l’université pourrait toujours inviter deux parties adverses, mais en encadrant le tout et en interdisant les manifestations à côté, qui auraient pour but d’empêcher un camp ou l’autre de s’exprimer. Il rappelle qu’il tentera de trouver un autre terme pour la manifestation et annonce qu’un amendement a été proposé par M. Nidegger sur ce projet de loi pour reformuler certains aspects. Un député (LJS) demande si l’université a déjà été consultée et rappelle que la constitution interdit déjà les manifestations violentes. M. Florey répond que l’université n’a pas encore été consultée, car elle sera de toute manière auditionnée. Il ajoute que l’université n’a rien fait pour empêcher ce type d’évènements les dernières fois et que, s’il devait y avoir une manifestation extérieure, l’université devrait agir contre. Un député (LJS) demande comment devrait faire l’université. M. Florey répond qu’il s’agirait de faire venir la police par exemple. Un député (LJS) dit que cela a déjà été fait. M. Florey répond que rien n’a été fait et que l’on ne peut pas fermer les yeux sur des agressions. Il explique que des autorisations sont données par l’université pour des débats, alors que des manifestations contre ces débats se déroulent sans autorisation. Il veut que l’université agisse contre cela. Un député (LJS) demande si M. Florey a lu la charte de l’université. M. Florey répond que oui, il l’a lue en diagonale. La présidente dit qu’elle ne va pas revenir sur le mot manifestation. Elle explique être d’accord sur le fait que les personnes qui occupent des locaux pour une conférence ne doivent pas être importunées par des personnes extérieures, mais qu’une difficulté serait présente pour les débats polémiques, par exemple concernant l’avortement ou la vaccination obligatoire, pour lesquels des personnes à l’intérieur même du débat pourraient créer des débordements. Elle explique que des avis politiques peuvent s’ajouter et demande comment le débat public pourrait alors être garanti. Elle demande également à quel moment cela serait considéré comme un débordement. M. Florey répond que des débordements peuvent évidemment survenir dans le cadre du débat lui-même, comme au Grand Conseil, mais que l’organisateur doit cadrer cela. Le débat peut donc être tendu, mais cadré, et cela n’est pas imputable à l’université elle-même. Il dit que l’on peut présumer qu’un débat public peut tourner au pugilat, mais qu’une manifestation devant PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 14/78 un débat et un appel à manifester pourraient être empêchés, notamment en faisant intervenir la police. La présidente dit qu’il fait allusion à une situation malheureuse. M. Florey répond qu’il arrive souvent que des conférences soient annulées. Il rappelle que des sites appellent à manifester pour empêcher la tenue de certaines conférences publiques. Mme Vbrica explique que des questions indirectes se posent, notamment s’il y aurait un déficit légal réglementaire qui serait à combler, car il y a déjà les articles 16 et 22 de la Constitution fédérale, qui sont déclinés à Genève par la loi sur les manifestations publiques. Elle ajoute que la charte éthique de l’université précise également des règles et des sanctions. Elle conclut qu’il serait intéressant d’entendre également l’université pour voir quelles sont les modalités de mise en œuvre du texte et des directives. Un député (LJS) demande s’il ne serait pas mieux de faire plutôt une question écrite pour l’université, car l’on peut déjà supposer leur réponse en regardant le site de l’université. Une députée (PLR) dit qu’une audition orale permettrait de challenger un peu, car cela dépend d’où se situe le curseur. M 3029 – Audition de M. Thomas Bruchez, auteur – 19 septembre 2024 M. Bruchez trouve important de revenir sur le contexte dans lequel cette motion a été déposée. Il y a maintenant presque un an, une attaque du Hamas est survenue et a fait 1195 morts, dont 1115 civils. Il y a eu des meurtres ainsi que la prise de plus de 200 otages, et d’autres infractions graves qui sont, selon Human Right Watch, constitutives de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. Un rapport a été publié à ce sujet en juillet dernier et comporte plus de 200 pages, dont le titre est « Je ne veux pas effacer tout ça de mon esprit ». Suite à ces attaques, Israël a lancé une guerre génocidaire à Gaza, qui a mené à la mort, à ce jour, de plus de 40 000 personnes. Il souligne que cette barre des 40 000 personnes a été franchie à la mi-août. Cela correspond à 130 personnes tuées par jour. Selon la revue médicale de l’INSEP, le bilan réel de morts serait plutôt au-delà de 186 000 personnes, ce qui correspond en fait à 9% de la population de Gaza. Cela est expliqué par une étude qui a été faite à la fin des années 2000, par la Déclaration de Genève, qui mentionne qu’il y a entre 3 et 15 morts indirects par mort violente, c’est-à-dire des personnes qui, en raison des conditions de guerre – la famine, la maladie, etc. –, meurent à leur tour. Pour arriver à ce chiffre donné par cette étude, ses auteurs ont choisi le multiplicateur 4, qui est un des plus bas : le nombre de morts pourrait être en réalité bien plus important. 15/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Cette motion demandant le boycott académique, il trouvait intéressant de donner des chiffres par rapport aux élèves et étudiants. Il indique qu’il y a plus de 10 000 élèves et étudiants gazaouis qui ont été tués, et 17 000 blessés. Il a parlé de guerre génocidaire, dont certains trouvent le qualificatif exagéré. Il renvoie la commission au rapport de la rapporteuse spéciale sur les droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Mme Francesca Albanese, qui a pour titre « Anatomie d’un génocide ». Au-delà de ces chiffres de morts, 82% des structures de santé sont détruites ou endommagées, et 92% des infrastructures scolaires, dont la totalité des universités. Il ajoute que 96% de la population de Gaza est au bord de la famine. Il y a d’ailleurs eu un message envoyé par plusieurs experts concernant leur inquiétude face à un possible scolasticide, qui est l’idée de détruire toutes les infrastructures qui servent à l’éducation d’une société. M. Bruchez rappelle que tout n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Il revient sur deux points qui lui semblent importants dans le cadre de cette motion. Il y a tout d’abord la question de l’occupation illégale. Il indique que, le 19 juillet 2024, un avis consultatif a été émis par la Cour internationale de justice sur les conséquences découlant des pratiques israéliennes sur le territoire palestinien, dans lequel elle souligne que cette occupation est en réalité une annexion de territoires, ce qui est interdit par le droit international. Le deuxième point est le terme d’apartheid. Souvent, ce dernier est extrêmement mal compris, souvent associé à la situation de l’Afrique du Sud. En réalité, quand ce terme est utilisé, cela est basé sur une convention internationale qui est la Convention internationale des Nations Unies de 1973 sur l’élimination et la répression de l’apartheid, dont l’article 2 définit ce terme comme un crime « qui englobe les politiques et pratiques semblables de ségrégation et de discrimination raciales, telles qu’elles sont pratiquées en Afrique australe, désigne les actes inhumains indiqués ci-après, commis en vue d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial d’êtres humains sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer systématiquement celui-ci ». Il attire ensuite l’attention de la commission sur la lettre c, qui donne un des cas de figure où il y a un apartheid, et qui vise à « prendre des mesures, législatives ou autres, destinées à empêcher un groupe racial ou plusieurs groupes raciaux de participer à la vie politique, sociale, économique et culturelle du pays et créer délibérément des conditions faisant obstacle au plein développement du groupe ou des groupes considérés, en particulier en privant les membres d’un groupe racial ou de plusieurs groupes raciaux des libertés et droits fondamentaux de l’homme, notamment le droit au travail, le droit de former des syndicats reconnus, le droit à l’éducation, le droit de quitter son pays et d’y revenir, le droit à une nationalité, le droit de circuler PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 16/78 librement et de choisir sa résidence, le droit à la liberté d’opinion et d’expression et le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques ». Il explique que cette définition juridique a été examinée afin de déterminer si ses conditions étaient remplies et pouvaient être appliquées en ce qui concerne la population palestinienne. Elle a été suivie par la CSAO, qui est une commission régionale des Nations Unies chargée du développement dans le monde arabe en 2007, ainsi qu’une ONG israélienne qui arrive à la même conclusion en 2018, et finalement par des ONG internationales, dont Human Right Watch et Amnesty International. M. Bruchez informe ensuite que l’année 2023 avait déjà été l’une des plus meurtrières pour la population palestinienne, et ce avant l’attaque du 7 octobre. Il relève donc que la situation actuelle n’était donc pas une réaction à cette attaque. M. Bruchez soulève finalement d’autres décisions de justice qui sont aussi importantes, notamment la décision de la Cour internationale de justice en janvier dernier, qui reconnaissait un risque plausible de génocide à Gaza, et indiquait sur cette base les mesures pertinentes. Il souligne qu’il s’agit d’un arrêt extrêmement important, et dont le fonctionnement est le suivant : il n’est jamais possible pour la CIJ, alors qu’un génocide est en cours, de déclarer qu’il y a effectivement un génocide en cours. Dans le cas de l’Afrique du Sud, cette dernière avait dû faire une requête et demander, face à ce risque génocidaire, des mesures conservatoires et c’est seulement des années plus tard que la CIJ a pu rendre une décision définitive. Il y a eu des cas de figure où la CIJ n’avait pas indiqué les mesures conservatoires, et où la conclusion avait tout de même été qu’il y avait effectivement eu un génocide. Il ajoute qu’il y a également des cas de figure où il y a déjà des mesures conservatoires, et où les injonctions qui ont été données à Israël, par exemple, ne sont pas du tout respectées. M. Bruchez mentionne ensuite la requête du procureur de la Cour pénale internationale, qui demandait 5 mandats d’arrêt, contre le Premier ministre israélien ainsi que son ministre de la Défense, ainsi que contre 3 hauts responsables du groupe armé palestinien du Hamas, dont un a été tué de manière extrajudiciaire, pour des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Face à cette situation générale, il y a eu beaucoup de manifestations à Genève ainsi que dans le monde entier, notamment dans les universités aux Etats-Unis et en Europe. Finalement, les étudiants de l’Université de Genève ont voulu faire quelque chose au sein de cette institution pour pouvoir agir contre ce génocide en cours, ces crimes de guerre et ces crimes contre l’humanité. C’est donc le 7 mai 2024 que les étudiants ont pacifiquement occupé le hall d’Uni Mail pour exiger que l’Université de Genève fasse face à 17/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A cette situation, et plus généralement face à ce contexte d’oppression systématique de la population palestinienne par l’Etat d’Israël. Ce mouvement d’occupation a été organisé par la CEP, qui a rapidement communiqué 6 revendications à l’intention du rectorat, qu’il lit : « 1. Une prise de position claire et ferme contre la destruction des institutions éducatives à Gaza et la répression des enseignant·es, académicien·nes et étudiant·es palestinien·nes. 2. La transparence totale sur toute collaboration de l’UNIGE avec des institutions académiques israéliennes et toute participation financière dans le système colonial et d’apartheid israélien. 3. La suspension de toute collaboration avec des universités ou instituts de recherche israéliens ainsi que des activités de normalisation du gouvernement israélien. 4. Une politique proactive de soutien aux étudiant·es et chercheur·euses palestinien·nes, ainsi que des partenariats avec les institutions d’enseignement palestiniennes. 5. Un appel institutionnel à Swissuniversities pour qu’elle prenne position contre le génocide en cours à Gaza. 6. Une prise de position claire sur le génocide perpétré par Israël à Gaza et un appel à un cessez-le-feu immédiat, dénonçant le colonialisme d’occupation et le régime d’apartheid israélien. » Suite à cela, le rectorat a systématiquement refusé de négocier avec la coordination étudiante pour la Palestine, et a même finalement déposé plainte le 13 mai dernier, ce qui a entraîné une intervention policière le lendemain matin pour vider les lieux. Il ajoute qu’il y a également eu une brève occupation à l’HEPIA le mardi 14 mai, qui a été évacuée le jour même, ainsi qu’une occupation de la HEAD. A son sens et à celui des cosignataires de ce texte, il est déplorable que l’université ne soit pas entrée dans un réel processus de négociations et n’ait pas entendu les différentes revendications. Il déplore également qu’elle ait eu recours à la force pour mettre fin à cette occupation qui était pacifique et garantie par la liberté d’expression. Finalement, le 20 mai, une semaine après l’évacuation d’Uni Mail, le rectorat de l’Université de Genève a publié une prise de position qui comportait les 6 points qu’il lit : « 1. L’Université de Genève exprime sa solidarité envers la communauté universitaire de Gaza, les victimes civiles du conflit ainsi que les otages et leurs proches, condamne la destruction des infrastructures scolaires et universitaires et s’inquiète des conséquences de la guerre sur l’éducation et la recherche. 2. L’Université de Genève appelle toutes les parties à respecter le droit international humanitaire et les droits humains internationaux. 3. L’Université de Genève s’engage à garantir la transparence des accords de collaboration et des partenariats conclus avec les universités étrangères et à renforcer les contrôles éthiques et déontologiques y relatifs. 4. L’Université de Genève s’engage à renforcer et à étendre les programmes disponibles (Horizon Académique, InZone, Gaza PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 18/78 Health Initiative, Scholars at Risk, Programme Peace) en faveur des étudiant·es ainsi que des chercheur·euses des universités de Gaza, obligé·es d’interrompre leurs activités académiques. 5. L’Université de Genève s’est engagée sur la voie d’une réflexion sur le rôle des universités dans le débat public notamment en cas de conflits armés et souhaite la promouvoir au sein de Swissuniversities et de la League of European Research Universities (LERU). 6. L’Université de Genève soutient les appels des organisations internationales humanitaires tendant à la libération des otages et à un cessez-le-feu afin d’éviter une catastrophe humanitaire. » M. Bruchez observe qu’il y a dans la prise de position du rectorat certains éléments des revendications de la coordination des étudiants pour la Palestine. Par contre, il n’y a malheureusement eu aucune mention du génocide en cours, ni de prise en compte de la 3e revendication de la CEP, et seulement une prise en compte partielle de la 4e revendication, où le rectorat n’a pas pris en compte par exemple la Cisjordanie, où il y a également énormément de morts et de blessés. Il explique qu’il s’agit là des principaux éléments manquants. Sur la question du boycott académique, qui est la question la plus centrale dans ce débat, elle comporte déjà une grande littérature sur la façon dont les universités israéliennes collaborent de manière étroite avec le gouvernement et l’armée israélienne. La Coordination des étudiants pour la Palestine a d’ailleurs publié un rapport concentré sur les questions de l’Université de Genève et de ses collaborations avec les institutions académiques israéliennes. Dans ce rapport, la CEP a souligné que les universités israéliennes sont fortement impliquées dans le développement du régime militaire, et collaborent notamment avec les entreprises d’armement, mais sont aussi impliquées dans les relations stratégiques militaires. Il ajoute qu’il y a également des actions qui pourraient être considérées comme propagandistes dans le domaine de l’histoire et de l’archéologie, par exemple avec des fouilles ou des recherches prouvant en quelque sorte qu’il y a un devoir historique des juifs sur l’ensemble des terres de la région, et qui visent aussi à effacer l’histoire de tous les autres peuples qui ont aussi vécu là. Il y a également des fouilles archéologiques réalisées de manière illicite sur les territoires palestiniens occupés. M. Bruchez va ensuite plus en profondeur sur la question des collaborations de l’Université de Genève, et relève que la plus problématique est celle avec l’Université hébraïque de Jérusalem, qui est extrêmement proche de l’armée israélienne, offre des bourses spécifiques aux étudiants qui sont aussi soldats et communique ouvertement son soutien à l’armée israélienne à travers des vidéos, y compris depuis le début de cette guerre génocidaire. Son personnel osant critiquer cette guerre risque une exclusion. Cela a d’ailleurs été le cas d’une professeure, à qui le rectorat avait demandé de démissionner 19/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A suite à un appel au cessez-le-feu. Elle a finalement été suspendue, et lorsqu’elle a été arrêtée par la police pour ses prises de position, l’université ne lui a apporté aucun soutien. Il mentionne ensuite que l’Université hébraïque de Jérusalem propose une formation en renseignement, dans le cadre de laquelle l’armée peut obtenir des informations personnelles sur des personnes engagées et qui travaillent pour cette formation. Selon le journal israélien Ha’Aretz, cela se traduit par une mise à l’écart assez systématique des conférenciers et des agents d’entretien. L’université propose également une formation en ingénierie militaire, dont les candidats sont directement sélectionnés par l’armée, portent l’uniforme pendant toute leur formation et vivent dans une zone militaire qui est sur le campus. Enfin, le campus de l’Université hébraïque de Jérusalem est lui-même problématique, car il s’est étendu au fil du temps sur des territoires qui sont illégalement occupés au regard du droit international. Il y a également une collaboration avec l’Université de Tel-Aviv, qui propose également des formations en collaboration avec l’armée israélienne, notamment en matière de renseignement et de cyberdéfense. Il ajoute qu’elle interdit à ses étudiants de commémorer la Nakba sur le campus. Cette université produit également des recherches et des analyses académiques qui ont pour but de justifier les opérations militaires en montrant en quoi elles seraient éthiques et raisonnables ou justes. Il mentionne la publication du Collectif de la lutte antiterroriste, qui justifie des exécutions extrajudiciaires, qui sont aussi interdites par le droit international, et donne également le droit de tuer des civils s’il s’agit de protéger la vie de soldats israéliens. Il indique finalement que l’Université de Tel-Aviv a un fonds d’investissement commun avec l’Agence de sécurité israélienne, et invite aussi sur son campus des entreprises d’armement pour des évènements de recrutement. La réponse qui est ici offerte par le rectorat de l’Université de Genève est simplement de dire qu’elle garantit la transparence des institutions avec lesquelles elle collabore. Il trouve cela insuffisant. Il est vraiment nécessaire qu’un boycott académique soit mis en place, et il précise le terme « académique » : il ne s’agit pas d’un boycott d’étudiants individuels. Il ne souhaite pas empêcher leur participation à un programme international d’échange, mais appelle à un boycott des collaborations avec l’institution en tant que telle, qui permettrait de faire en sorte que l’université agisse réellement en faveur de la paix, des droits humains et du droit international. Ce renforcement du contrôle éthique et déontologique mentionné par l’UNIGE est un critère extrêmement vague. C’est pour cette raison que la M 3029 propose de se fonder sur une procédure qui existe déjà, et qui a été adoptée par la Conférence des docteurs des universités d’Espagne, qui regroupent les directions de 58 universités PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 20/78 publiques et privées. Il explique la procédure qui est la suivante : rompre les accords et collaborations avec les universités et centres de recherche israéliens qui n’ont pas exprimé un engagement clair en faveur de la paix et un respect du droit international humanitaire. Pour ce qui est du soutien des étudiants et des chercheurs palestiniens, proposer des programmes est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier les autres populations qui ont subi une pression systématique de la part d’Israël. Il ajoute avoir lu que, depuis le 7 octobre, 113 élèves ont été tués en Cisjordanie, 548 blessés et 499 personnes arrêtées. Ce sont là des personnes qui auraient besoin de pouvoir étudier dans des conditions sûres. A son sens, il faudrait qu’il y ait une règle générale qui va dans le sens de la motion et qui s’appliquerait à l’ensemble des Etats qui sont en collaboration étroite avec une armée qui commet des crimes de guerre et des crimes contre l’humanité. Il ne faudrait alors pas perpétuer les liens avec ces institutions. Un député (LJS) indique ne pas remettre en cause la motion. Il demande si la position de la Suisse face à cette guerre ne dépend pas plutôt de Berne, et pas du canton de Genève. Il rappelle que la Suisse est un pays neutre. Il souhaite ensuite savoir si cette motion ne met pas en difficulté les institutions, et si la politique et l’éducation ne sont pas ici mélangées. Finalement, il relève que la 2e invite mentionne qu’il faut soutenir les étudiants et les chercheurs. Il souhaite savoir par quels moyens : financiers, en collaborant, en publiant des textes avec eux, etc. M. Bruchez répond par l’affirmative à la première question : la position de la Suisse dépend de tout le monde. Sur une situation aussi grave, il faut utiliser tout ce qui est à disposition pour pouvoir mettre fin au massacre d’une population entière. Les universités ne font pas partie des acteurs les plus centraux, mais ont des leviers. Si un grand nombre d’institutions académiques en Suisse cessent leurs collaborations, cela exercerait une pression sur les universités israéliennes, pour qu’à leur tour elles cessent de collaborer et soutenir les soldats, et de diffuser de la propagande en faveur de cette guerre. Il pense que tous les éléments comptent dans ce genre de situations, qui dépendent aussi des citoyens « lambda ». Si Genève venait à prendre de telles mesures, cela aurait certainement un impact sur d’autres cantons, voire peutêtre d’autres Etats. M. Bruchez indique ensuite que tout est aujourd’hui politique : le fait de ne pas prendre position est tout aussi politique. Il ne trouve donc pas que le mélange des études et de la politique soit ici inapproprié. L’UNIGE collabore allégrement avec des universités qui elles-mêmes aident au développement de technologies militaires qui servent à tuer des gens, et soutiennent ouvertement 21/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A un gouvernement qui a massacré une population. Il souligne qu’il s’agit là aussi d’une décision politique de ne rien faire. Concernant le soutien, il trouve la réponse du rectorat intéressante dans le sens où elle cite les différents programmes qui existent, qui sont des programmes de soutien à des étudiants dans les régions où les études sont justement compliquées. L’idée de la motion serait d’inclure plus largement les étudiants qui se trouvent aussi en Cisjordanie dans ce genre de programmes, et pas seulement les étudiants de Gaza. Un député (PLR) partage une large partie de son indignation au sujet de ce qu’il se passe à Gaza. Ce qui lui pose un problème c’est la volonté de viser le monde universitaire, qui est, dans une large partie, composé de personnes qui sont bien souvent opposées à la politique du Premier ministre israélien et aux compositions extrêmes et fascisantes de son gouvernent. Il se demande s’il ne serait pas nécessaire de maintenir ce canal de dialogue et d’échange, et justement de nouer des liens avec cette communauté. La particularité de la société israélienne est qu’elle est infiniment diverse, et qu’en son sein il y a des personnes qui souscrivent à une partie de ce que M. Bruchez a mentionné, et d’autres qui auraient envie de sortir leurs fusils. Il s’agit là du côté passionnant, fou de ce pays. Il s’interroge donc sur le fait de sanctionner ces universitaires qui ont besoin de dialoguer et non pas de se refermer sur euxmêmes. Une des tragédies de l’attaque du 7 octobre est qu’une partie de la société israélienne s’est ensuite repliée sur elle-même et a adhéré à un discours militaire sans aucune solution politique. M. Bruchez répond qu’il s’agit d’un argument souvent évoqué, que le monde universitaire est plus progressiste. Pourtant, la première chose à prendre en compte est que le climat dans ces universités n’est pas facile. Il rappelle qu’une professeure s’est fait suspendre pour sa position sur un cessez-le-feu. En s’imaginant à leur place, peut-être qu’il s’agirait de les soutenir dans leurs positions que de mettre les institutions dans lesquelles ils travaillent sous pression afin qu’elles laissent plus de place à d’autres discours, et qu’elles prennent leurs distances avec le gouvernement et l’armée. Sur la question des liens, il est d’accord qu’un repli serait une mauvaise chose. Il ne pense pas cependant que le boycott académique mènerait à un repli, s’agissant d’un boycott de l’institution et de la collaboration sur les grands projets. Rien n’empêche cependant, et cela est une bonne chose, des chercheurs de ces universités de mener des recherches communes avec d’autres universités. Il faut qu’il y ait des échanges, qui ne sont pas remis en question par la motion. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 22/78 Un député (PLR) relève que M. Bruchez a évoqué que la problématique de cette motion est son côté sélectif : Israël est visé, mais pas d’autres pays. En allant sur le site web de l’université de Genève, il y a beaucoup de collaborations, notamment avec des universités chinoises, camerounaises, égyptiennes, etc. Si la logique de M. Bruchez est suivie, il faudrait aussi boycotter toutes ces universités. Pour certains pays en difficulté, il serait dommage qu’ils se voient supprimer un accès vers l’extérieur et refuser des collaborations. Il demande si ce côté justicier et idéaliste ne doit pas aussi s’arrêter sur une certaine réalité, qui est aussi idéale, qu’il faut échanger, et que c’est en collaborant qu’il peut y avoir un progrès des droits de l’homme. Il voit qu’au sein de la motion il y a un aspect de repli : l’Université de Genève reste dans sa tour d’ivoire, et considère que la Suisse est un pays en dehors de tous soupçons. M. Bruchez ne pense pas qu’il s’agit là de l’idée de la motion, ni de ses effets, dans la mesure où il ne suffit pas de dire que tel ou tel pays viole les droits humains pour faire cesser la collaboration avec l’ensemble des institutions académiques de cette école. Il est tout d’abord nécessaire d’examiner à quel point ces institutions académiques sont intégrées à ce régime autoritaire. Il serait imaginable par exemple que des universités arrivent à garder une certaine indépendance, en ne faisant pas par exemple la propagande de l’armée. M. Bruchez ajoute que l’idée n’est pas de ne plus avoir de lien avec ces universités, mais de maintenir des échanges entre étudiants. Plus que de dire que la Suisse est au-dessus de tous soupçons, c’est de faire en sorte qu’elle participe à appliquer une pression extérieure de concert avec une pression interne appliquée par des chercheurs et étudiants israéliens. Il ne faut donc pas être recroquevillé, mais en coordination pour essayer d’exercer une pression sur l’université pour qu’elle change sa politique. Pour lui, le fondement même de cette stratégie est la collaboration avec les personnes sur place, et non pas de faire un amalgame avec toutes les personnes au sein de cette structure problématique. D’où l’idée qu’il est nécessaire de distinguer le boycott académique d’un boycott individuel. Une députée (UDC) ne croit pas au texte de cette motion. Elle trouve particulièrement dangereux dans ces circonstances d’assimiler les institutions académiques, universitaires, la recherche et la science au gouvernement. Ce sont pour elles des choses entièrement différentes. Elle relève que M. Bruchez a mentionné que ce texte n’a pas pour but de sanctionner les étudiants : elle voit comment cela serait possible. Elle demande comment il peut justifier, motiver le fait que, par hypothèse, si des collaborations avec des institutions académiques étaient suspendues, cela ne sanctionnerait pas aussi les étudiants. 23/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A M. Bruchez répond que l’idée est que ces systèmes de collaboration sont avant tout des grands projets de recherche, des cofinancements de projets. Les étudiants quant à eux peuvent continuer leur vie au sein de l’université, et peuvent participer à des programmes d’échange internationaux, et ne seraient donc pas touchés par ces questions-là. Le boycott s’appliquerait uniquement aux collaborations inter-institutionnelles. Il ne pense pas que cela poserait de problèmes à ce niveau-là. Concernant la question sur l’assimilation, il ne pense pas qu’il y en ait une. Le point de départ est de dire qu’il n’y a pas de problème a priori, mais dans le cas d’Israël, ainsi que d’autres Etats certainement, il y a une proximité extrêmement forte de ces universités avec le gouvernement et l’armée, qui est attestée. L’université diffuse par exemple des images de propagande. Il y a dans ce cas une situation qui est problématique. Il pense que tout l’enjeu est de prévoir un cadre, et il est convaincu que cela est possible, qui permette aux étudiants de continuer de bénéficier d’échanges, de voyager et de collaborer, en renonçant cependant à des programmes d’association des universités, lorsque ces dernières collaborent de manière étroite à des projets militaires, comme c’est le cas aujourd’hui avec l’Université hébraïque de Jérusalem. Une députée (PLR) aimerait revenir sur la première invite de ce texte, où il est proposé de museler les universités. Elle a discuté l’autre jour avec un professeur de sciences politique à l’Université de Genève, qui disait que la liberté académique est sacrée. Cette dernière veut qu’un professeur puisse avoir des collaborations, et être challengé. Son interlocuteur parlait des collaborations qu’il avait avec certains collègues en Israël, qui sont très pointus dans beaucoup de domaines. Elle souhaite rassurer M. Bruchez en lui indiquant qu’ils ne font pas tous partie du Mossad, contrairement à ce que M. Bruchez a pu affirmer ce soir. Dans le fond, elle demande si M. Bruchez n’a pas l’impression avec cette première invite, lui qui fait des discours magistraux sur les droits de l’homme depuis bientôt 45 minutes, qu’il est finalement absolument dans l’effet inverse de ce qu’il prône, c’est-à-dire qu’il veut luimême donner les directions aux universités, la façon dont elles doivent se comporter, comment elles doivent réfléchir, ce qu’elles ont le droit de faire ou non. Il lui semblait que, jusqu’à présent, tout ce qu’elle avait toujours entendu, et ce particulièrement dans le discours des groupes politique de gauche, c’est que l’université doit avoir cette liberté. Il l’a d’ailleurs encore démontré ce soir en venant s’offusquer que les manifestants aient été sortis de l’Université de Genève suite à l’occupation en soutien à la Palestine. Elle sent dans le discours de M. Bruchez quelque chose qui n’est pas du tout cohérent, et cette première invite tout comme l’ensemble de la motion, au-delà de la choquer, l’interpellent sur la façon dont son auteur peut la justifier. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 24/78 M. Bruchez laissera de côté ses nombreuses piques. Sur le fond, il pense que cela est assez simple, et il demande si la liberté académique existe réellement dans ces universités-là, lorsque par exemple des professeurs sont mis sous pression lorsqu’ils adoptent certaines prises de position, que des étudiants ne peuvent pas exprimer sur le campus certaines opinions. Il demande si là, vraiment, il s’agit de la liberté académique, et s’il faut garantir la liberté de ces universités de ne pas laisser la liberté aux professeurs et aux étudiants. Il ne le pense pas, et est d’avis que, pour garantir les droits des étudiants et des professeurs ainsi que les droits humains, il faut justement pouvoir exercer une pression sur les universités qui se rendent complices de violations des droits de l’homme, et qui ne laissent pas les étudiants et les professeurs exprimer leurs opinions sur le campus. Par conséquent, il ne relève pas le manque de cohérence que la députée (PLR) peut pointer. Une députée (Ve) soulève que ce qu’elle entend derrière cette motion est avant tout une question éthique plus qu’une capacité à agir concrètement sous un système complexe qui échappe à la commission. Elle comprend que, peutêtre, il y a une volonté de la part des étudiants de faire tout leur possible afin de pouvoir se dire qu’ils n’ont pas collaboré avec un système qui a tué beaucoup de monde. Concernant la 2e invite, elle trouve que, pour ne pas entrer dans un clivage complètement stérile, il serait bien de souligner la position de Genève, qui est en faveur de la paix, et de rappeler qu’une partie du peuple israélien l’est aussi. Elle serait en faveur de soutenir tous les étudiants et les projets en faveur de la paix, et précise que cela engloberait tout autant les projets palestiniens qu’israéliens dont la recherche serait autour de la paix. Un député (PLR) rappelle que les universités israéliennes sont à la pointe de la technologie. Il relève qu’aujourd’hui, les universités israéliennes qui reçoivent un financement du gouvernement ne vont pas en quelque sorte refuser la main nourricière. Il demande si le perdant ne sera pas l’Université de Genève, qui ne pourra plus bénéficier des connaissances israéliennes sur des technologies de pointe. Le boycott peut être une bonne chose, d’un point de vue éthique, mais il pense que le perdant restera le canton de Genève. M. Bruchez trouve qu’il s’agit d’un point de vue assez égoïste que de se demander comment cela va impacter l’Université de Genève, alors qu’il est question d’un boycott qui a pour but d’exercer une pression sur des institutions qui se rendent complices d’un génocide. Il ne pense cependant pas que l’Université de Genève sera perdante. Il rappelle que la stratégie du boycott universitaire avait été appliquée en Afrique du Sud concernant l’apartheid, et que, à l’époque, c’est le Congrès national africain qui avait demandé de le mettre en place. Cela montre qu’il y a aussi de chercheurs qui soutiennent 25/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A l’idée d’un boycott académique. Il pense qu’avoir peur de pénaliser l’Université de Genève c’est passer à côté du cœur de cette motion. Une députée (MCG) demande si la liberté d’expression et de réunion a des limites en Suisse. M. Bruchez répond que tous les droits fondamentaux peuvent être restreints. Une députée (MCG) rappelle que l’Université de Genève est un établissement de droit public doté de la personnalité morale. S’il y a une volonté d’y manifester, elle demande s’il ne serait pas nécessaire de demander une autorisation préalable. M. Bruchez répond qu’il s’agit tout de même là de la communauté étudiante qui manifeste, et qu’il s’agit d’un droit fondamental d’exprimer ses opinions, et ce peu importe le lieu. Une députée (MCG) fait part de son désaccord. M. Bruchez lui suggère de lire les rapports des rapporteurs sociaux sur la liberté d’expression et de réunion. Il s’agit d’un sujet assez important. Une députée (MCG) demande si elle est donc autorisée à venir manifester chez M. Bruchez pour s’exprimer si elle en a envie. M. Bruchez répond qu’il y a des groupes qui viennent régulièrement. Une députée (MCG) indique qu’elle a été invitée à la leçon d’ouverture du semestre d’automne de l’UNIGE, et que M. Romano Prodi devait présenter une leçon. Dans l’aula d’Uni Dufour, sur la partie gauche, s’est réuni tout un groupe de personnes avec des banderoles et le drapeau palestinien. La pauvre rectrice Audrey Leuba a été obligée de les mentionner, faute de quoi ces personnes faisaient un esclandre. Elle trouve qu’il s’agit là d’une atteinte à la liberté, et d’une contrainte au sens de la Constitution fédérale. Elle demande si une personne a tous les droits lorsqu’elle souhaite dire quelque chose sur un sujet, et si cela doit se passer dans l’Université de Genève. M. Bruchez remarque que certains groupes ont l’impression de faire face à un nouveau climat et qu’il y a d’un coup des groupes qui protestent au sein de l’université. Cela n’est pas vrai. L’université a toujours, à travers l’histoire, été un lieu de contestation. Cela fait partie de l’histoire et des dynamiques de l’université. Il faut avoir conscience de cela et ne pas chercher à réécrire l’histoire en disant qu’il s’agit d’un phénomène nouveau et qu’il n’est plus possible de ne rien dire. Un député (S) remercie M. Bruchez pour sa présentation très claire et le fait qu’il ait pris des pincettes dans ses explications, ainsi que les partis de droite pour leur volonté de tenter d’amener ce débat sur quelque chose de PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 26/78 rationnel. Il sait que ce n’est pas une thématique facile pour les uns et pour les autres. S’il y a une volonté de débattre et de proposer quelque chose de constructif, il faut que chacun sorte de sa posture. Un député (S) relève tout d’abord la remarque de la députée (UDC), qui trouvait que M. Bruchez associait les universités au régime. Il rectifie que ce sont ces universités, ou du moins certains chercheurs de ces institutions, qui s’associent au régime. Concernant la remarque d’une députée (PLR) que M. Bruchez affirmait que les étudiants et les enseignants israéliens faisaient tous partie du Mossad, l’auditionné n’a jamais dit cela et il aimerait que ce soit noté au procès-verbal. Un député (S) aimerait ensuite savoir si M. Bruchez aurait eu écho en tant qu’étudiant de certaines « voix dissidentes » parmi les enseignants, qui ne seraient pas d’accord avec cette motion, dont il est un des cosignataires. Il soulève que ces voix dissidentes pourraient avoir des arguments qui seraient entendus, et amèneraient peut-être des arguments concrets sur les conséquences qu’un tel boycott pourrait avoir sur les étudiants. M. Bruchez répond que les voix qui ont été entendues sur cette question étaient majoritairement celles de la coordination des étudiants pour la Palestine. Ce n’était que des personnes plus marginalisées qui ont tenté de perturber l’occupation. Il indique ensuite que les professeurs opposés au mouvement ont également été moins entendus. Il trouverait effectivement intéressant de connaître la position d’autres professeurs qui sont restés silencieux, ainsi que des personnes des corps intermédiaires qui n’ont pas encore exprimé leur position. M 3030 – Audition de M. Pierre Conne, auteur – 12 septembre 2024 M. Conne soulève qu’il a vu le monde changer avec le droit de vote des femmes, le mariage pour tous pour lequel il a voté, et la loi sur l’égalité sur laquelle il a travaillé. Puis sont arrivées les questions en lien avec les problèmes de transidentité chez les jeunes qui les préoccupent tous. Il raconte avoir été intéressé par un séminaire organisé en 2022 par la Société genevoise de psychanalyse, qui était un séminaire de formation continue pour les psychologues et psychothérapeutes. Il s’y est inscrit, mais le séminaire n’a malheureusement pas pu avoir lieu car interrompu par un charivari militant. C’est cette absence de débat qui lui a fait prendre conscience qu’il se passe des choses dans les universités. Il ajoute qu’il y a eu par la suite d’autres évènements, notamment en lien avec la guerre au Proche-Orient. En feuilletant régulièrement Le Temps, il est tombé le 24 mai dernier sur une prise de position dont le titre était « Un plaidoyer pour la neutralité académique », signé 27/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A par 20 professeurs de philosophie d’universités de Suisse romande – Genève, Lausanne, Fribourg et Neuchâtel. Il souligne que ces réflexions l’ont inspiré. L’activité politique locale était alors échauffée par l’occupation des locaux universitaires par des étudiants qui prenaient position sur la question de la guerre en Palestine. Le choc des agendas a fait qu’il a évoqué cette question en cocus, et la décision a été prise de déposer la motion qu’il présente aujourd’hui. Il lit le plaidoyer sur la neutralité académique, s’agissant de la source d’inspiration de la M 3030, et dit qu’il se situe exactement au niveau auquel le débat devrait se situer. Il leur transmettra le PDF de cet article ainsi que le nom des signataires afin qu’il figure au procès-verbal. Il rappelle que cette motion a été présentée en plénière, en premier débat. Il a encadré trois passages de ses propos et les lit. Il revient ensuite sur le texte de la motion, et lit les différentes invites. La première vise à « garantir la liberté de débat contradictoire afin que l’université soit le creuset des idées de demain, libérée de toute idéologie partisane ». La deuxième invite vise à « prévenir, interdire et, si nécessaire, mettre fin sans atermoiement à toute manifestation idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants à l’université et dans les hautes écoles ». Il soulève qu’il s’agit d’une invite très claire qui autorise le débat, mais à condition qu’il soit contradictoire et respectueux. La troisième quant à elle invite à « protéger les biens et les personnes au sein de l’université et des hautes écoles, cas échéant poursuivre les contrevenants ». Il précise que la poursuite des contrevenants se ferait dans le cas où ils exercent une atteinte contre des biens ou des personnes. Une députée (S) relève que, sans l’exposé des motifs, il était difficile d’imaginer sur quelle base factuelle se basait cette motion. Elle trouve que le plaidoyer et la motion ne traitent pas du même sujet. Les philosophes parlent dans leur plaidoyer des institutions et des enseignants alors que les exemples donnés par M. Conne concernent les étudiants, qui n’ont pas la même appartenance à l’institution et ce devoir de neutralité. Elle pense qu’il y a ici une confusion de notions, car il est question de deux choses différentes. Il est vrai que les mouvements étudiants ont à plusieurs reprises été à l’origine de la révolution de plusieurs idées, il ne s’agit pas là de quelque chose de nouveau. Elle demande si M. Conne a des références concernant les évènements pendant les dix dernières années à l’université, si les choses se passaient différemment par rapport au mouvement estudiantin qui a lieu aujourd’hui. Elle a ensuite une question concernant les deux invites, qui ont l’air contradictoires. En effet, il faut d’un côté garantir la liberté de tous débats contradictoires, et de l’autre il faut interdire certaines manifestations si l’idéologie ne convient pas à telle ou PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 28/78 telle personne. Cela lui semble difficile de garantir la liberté si l’on doit interdire certaines expressions de vérité ou d’idéologie. M. Conne répond que la question des universités est une approche institutionnelle. Il est vrai que la prise de position des enseignants donne le cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent les étudiants. La question des débats entre les étudiants, quant à elle, peut se poser n’importe où. Cependant, dès lors qu’elle se pose dans l’université, sous son égide, elle doit répondre aux règles qui la régissent. Quand la manifestation se fait dans le respect de l’institution, et des règles du débat qui doit être contradictoire, il n’y voit pas de problèmes. Mais quand la manifestation se fait dans un but de négation des idées contraires, il considère que ça n’a pas sa place dans l’université. Il n’est pas possible de considérer que l’université est le lieu où des confrontations d’idées peuvent avoir lieu, et en même temps permettre l’appropriation de l’université pour manifester des idéologies, quelles qu’elles soient. Il se trouve qu’il est question aujourd’hui d’une thématique particulière, mais cela pourrait être une tout autre thématique qui pourrait être accaparée dans le futur. Il donne pour exemple des mouvements créationnistes, qui s’opposent par exemple à la théorie de l’évolution, et qui pourraient demain considérer qu’il s’agit de leurs valeurs et leur vision du monde qui doivent être affirmées, et utiliser l’université pour ce type d’expression. Il considère que chacun est libre d’avoir des idées créationnistes, mais si cela se passe dans un cadre académique, il ne faut pas donner l’illusion qu’il y a une caution académique au fait que c’est ce point de vue qu’il faut avoir. Là aussi, il doit y avoir des échanges et des points de vue contradictoires. Pour répondre à la question de la députée (S), il explique qu’il avait 16 ans en mai 1968, et qu’il a participé aux mouvements à l’époque. Il n’a jamais connu aucune manifestation qui ne soit pas contradictoire, il ne s’agissait pas d’un mouvement univoque. Ce qui est pour lui aujourd’hui problématique c’est ce glissement vers des points de vue univoques qui s’engagent dans une prise de position en refusant toute argumentation contraire, et qu’ils puissent être acceptés dans le cadre de l’université. Il soulève ensuite la question de l’ambigüité de la deuxième invite. Ce qu’il considère comme n’étant pas acceptable c’est un point de vue univoque refusant des argumentations contraires, et encore plus quand les attitudes sont menaçantes à l’égard du personnel et des étudiants lorsque cela se passe dans les universités. Il s’agit là d’un registre qu’il qualifie de violent. C’est ce registre-là qui à ses yeux est inacceptable. Une députée (S) comprend dans ce que M. Conne souhaite qu’il n’y ait pas de prise de position qui pourrait laisser penser que l’université accepte ce genre d’activités idéologiques. Cependant, ce n’est pas ce que demandent les invites 29/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A de cette motion. S’il y a une volonté de liberté, il faut accepter les différentes idées et le droit de manifester. Elle rappelle que l’université est un lieu public, et qu’il ne devrait donc pas être possible d’empêcher les gens de manifester parce qu’ils sont perçus comme ayant des idées fermées. Elle rappelle que, quel que soit l’extrême politique, les idées sont fermées, mais il faut quand même laisser la possibilité à ces personnes de manifester, et ce malgré leurs idées et la possibilité de discussion. Elle pense qu’il faudrait plutôt faire des invites qui parlent de l’université, alors qu’il est ici question de punir les gens et d’interdire les manifestations. Il lui semble que les propos tenus par M. Conne et ceux décrits dans les invites ne se rejoignent pas. M. Conne explique que pour lui les actions menaçantes ne doivent tout simplement pas être acceptées dès lors que cela s’inscrit dans ce qui doit être des prises de position. Il est pour les prises de position, mais pas dans un mode d’exclusion de l’autre. Ce qu’il n’accepte pas non plus cde sont les manifestations violentes. Dès lors que l’expression de quelque sujet qu’il s’agisse se fait de manière respectueuse de tout autre avis, alors l’université doit être le lieu où cela doit se faire. Une députée (S) relève que dans le texte il est écrit « toute manifestation », ce qui signifie qu’il ne doit pas être possible de manifester. Il n’est pas question de violence dans le texte, et elle ne trouve pas cela clair. M. Conne répond qu’il pourra rectifier cela si nécessaire. Il souligne qu’il souhaite parler de toute manifestation qui s’inscrit dans la violence. Un député (S) partage l’avis de sa préopinante (S) concernant le décalage entre le plaidoyer des enseignants et le texte de la motion, notamment sur la question qui vient d’être discutée. Il salue cependant le fait que M. Conne reconnaisse cette ambigüité dans le texte et cette volonté de potentiellement le réajuster. Il relève que M. Conne a utilisé le terme d’hégémonie, et a mentionné qu’il en existait une certaine forme dans la manière d’avoir une certaine perspective dans un conflit politique. Il trouve cela très intéressant. Il rappelle que ce concept a été inventé par Antonio Gramsci, et qui était à la base militant et a été par la suite objectivé. Son auteur explique que l’hégémonie est du côté du pouvoir et des institutions, et non pas du côté des étudiants. Lorsqu’il est question d’hégémonie, c’est donc du côté de l’université qu’il faut se tourner et non pas des étudiants. Il demande à M. Conne s’il trouve qu’il y a une contrindication, un décalage entre l’empirisme scientifique et le militantisme. Il souhaite savoir si, selon lui, ces deux concepts sont incompatibles. M. Conne répond qu’il ne trouve pas cela incompatible. Un député (S) lui demande dans quel contexte. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 30/78 M. Conne répond que cela n’est pas incompatible à partir du moment où il y a la volonté de progresser. Le militantisme permet de faire avancer la société. Les actions militantes doivent avoir un début et une fin par rapport à l’action en elle-même, car elles visent à un moment donné à provoquer une réaction. Tant que les militants sont dans cette démarche, il s’agit de faire progresser les idées, ce qui va inévitablement amener à un moment à un débat contradictoire. Il n’y a donc pas d’incompatibilité, il s’agit de moments différents et d’états différents, mais qui contribuent à faire avancer les idées et la société. Un député (S) relève que M. Conne a mentionné que certaines manifestations ont des positions arrêtées sur certaines thématiques, et qu’il trouvait cela inacceptable. Cependant, lorsque les manifestants expriment certains faits liés au droit international, à des chiffres ou encore à des arrêtés internationaux, aux questions de racisme qui sont factuelles, il souhaite savoir si M. Conne met ces situations sur le même niveau. Il demande si c’est le fond ou la forme qui pose un problème à M. Conne. M. Conne répond qu’il s’agit de la forme. A partir du moment où il existe des données formelles, elles sont solides et dès lors acceptées, car étant des faits et des chiffres. Cela est à mettre au crédit dans le débat. Il ne pourrait pas imaginer que de tels faits soient niés. Un des enjeux est d’accepter la science avec ce qu’elle a d’imparfait et de provisoire. C’est ce qui permet de se poser des questions par rapport à ce que l’on ne connaît pas. Il est évident que les données factuelles quantitatives doivent être considérées comme telles et ne peuvent pas être écartées pour des raisons d’idéologie, ou alors il s’agirait d’une approche totalitaire. Un député (S) demande si M. Conne décrédibilise les données solides d’un mouvement dont il n’approuve pas la forme. M. Conne comprend que le député (S) lui demande s’il rejetterait des idées qui seraient étayées par des faits, mais dont la forme de manifestation ne lui plairait pas. Un député (S) confirme, et prend pour exemple les évènements qui sont survenus ces derniers mois sans parler de l’aspect moral et de son soutien à telle ou telle cause. Il s’agit des faits que personne ne peut nier. M. Conne se demande qui pourrait nier la réalité et l’horreur des dizaines de milliers de morts à Gaza, et affirme que ce n’est en tout cas pas son cas. Une députée (MCG) indique avoir aussi vécu Mai 68, et rappelle qu’il n’y a pas eu d’occupation de collèges et d’universités. Elle demande s’il est difficile actuellement de réserver une grande salle pour organiser un débat afin que les gens puissent exprimer leurs idées. 31/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A M. Conne ne peut pas lui répondre, et lui propose de poser la question à la rectrice de l’université. Il a déjà réservé une aula et n’a pas trouvé cela difficile, mais il n’a pas la qualité pour répondre de manière définitive. Une députée (MCG) dit qu’elle assiste à beaucoup de conférences, et il ne lui semble pas très compliqué d’obtenir un lieu. Elle souhaite ensuite savoir ce que M. Conne entend par « manifestation idéologique ». M. Conne répond qu’il s’agit de l’expression d’une croyance pour laquelle il n’y a pas de volonté d’avancer autre chose que sa vision, croyance et conviction, et que cette affirmation se fait sans préoccupation d’argumentations et, et c’est ce qu’il critique, en niant et refusant toute possibilité de contradiction. Une députée (MCG) souhaite savoir en quoi consiste la manifestation. M. Conne répond que la manifestation est simplement un manifeste d’une idéologie et qu’il ne s’agit pas d’une manifestation dans le sens d’organiser un évènement, un défilé. Une députée (MCG) se rappelle la personne qui devait s’exprimer à l’aula des Bastions et qui en avait été empêchée par des étudiants, et avait dû finalement quitter la salle. Cet évènement l’avait profondément dérangée. L’occupation d’Uni Mail avec le fait qu’il y ait l’utilisation de la violence est pour elle plus qu’une manifestation, c’est une occupation des locaux sans droit. Elle rappelle que les manifestations, pour pouvoir se dérouler dans un lieu public, nécessitent une autorisation de la part de l’autorité compétente pour ce lieu. Il est aussi nécessaire de préciser le lieu, le jour, et de quelle manière la manifestation sera organisée et contenue par les personnes qui en sont responsables. Pour elle, le texte de la motion est un peu trop flou, notamment à cause du terme « manifestation idéologique ». Elle modifierait cela avec les termes « toute occupation des locaux universitaires sans droit, sans en avoir obtenu l’autorisation, permet de faire appel à la force publique ». Elle demande si M. Conne la rejoint. M. Conne répond que le but de cette motion est ce que la députée (MCG) a rappelé à l’instant, c’est aussi ce qui est mentionné dans le considérant et dans la présentation qu’il fait aujourd’hui. La députée (MCG) comprend que ce n’est donc pas l’occupation des lieux qu’il dénonce. M. Conne précise qu’il dénonce deux éléments : l’obstruction de la parole mais aussi l’occupation des lieux afin d’empêcher toute prise de parole contradictoire que celle de ceux qui occupent les lieux pour donner leur avis sur une thématique. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 32/78 Une députée (MCG) ajoute que toute occupation empêche les étudiants d’assister à leurs cours et d’aller à la bibliothèque. M. Conne ne se prononce pas à ce sujet, car il ne s’agit pas là de la thématique, mais il est évident que, si des étudiants ne peuvent pas se rendre à des cours ou des examens à cause de l’occupation des locaux qui vise à empêcher le bon déroulement des cours ou des examens, cela est inacceptable. Un député (Ve) pense qu’au fur et à mesure du débat en train de s’installer, la commission peut se rendre compte qu’il y a une distinction à faire entre ce qui relève des idées, du savoir, du fond de ce des thématiques qui sont véhiculées soit par des intervenants, soit par des militants dans le cadre de ce genre de conflits, et la forme. La façon d’exprimer son idée ou d’empêcher autrui de s’exprimer sur le fond est très délicate, et il est de même lorsqu’il est question de circonscrire ce qui est audible et inaudible dans le cadre universitaire. Il rappelle que M. Conne a utilisé l’exemple auparavant des créationnistes, qui sont profondément ascientifiques. Il n’est pas possible de demander à des biologistes d’inviter systématiquement des créationnistes à leurs présentations pour garantir la possibilité de débats contradictoires, alors que le débat sur cette question particulière est scientifiquement clos. Par analogie, il est relativement difficile de circonscrire avec précision quel est le champ de la liberté d’expression et de manifestation d’une vérité ou pseudovérité par rapport à une autre. A ce titre, la deuxième invite lui paraît compliquée à mettre en application. Cependant, il pense que la commission pourra s’entendre sur le fait que, sur la forme, toute manifestation violente ou contraire au code pénal est problématique. Il rappelle que les trois épisodes perçus par M. Conne sont très distincts – le premier qui n’était pas organisé par l’université, le second organisé par l’université, et dans ces deux cas il y a eu en tout cas des obstructions, voire des violences manifestes. Il rappelle que le troisième épisode quant à lui était de nature très différente, a duré beaucoup plus longtemps, mais, à sa connaissance, il n’y a pas eu de violence. Il n’y a pas eu de prise à partie ou d’interdiction de s’exprimer, bien au contraire. Sur ces trois évènements, s’il a bien compris le sens de la motion, M. Conne estime que les autorités universitaires ont failli et n’ont pas réagi de façon adéquate et suffisamment stricte. Pour ces raisons, cette motion va comprendre une forme de mise sous tutelle des autorités universitaires par le Conseil d’Etat. Il croit comprendre que cette motion invite le Conseil d’Etat à inciter les autorités universitaires à être plus réactives et interventionnistes dans ce genre de manifestations, qui sont parfois à la limite de la légalité, parfois manifestement illégales. Il demande si M. Conne a trouvé que l’université n’a pas réagi correctement dans ces trois situations. 33/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A M. Conne mentionne le séminaire qui n’a pas eu lieu, qui était organisé par la Société genevoise de psychanalyse et de psychothérapie, et non pas par l’université, même s’il s’agissait d’universitaires qui l’organisaient. Lors de cet évènement, il n’y avait eu aucune prise de position de la part de l’université. Si cette même réunion avait par exemple eu lieu dans une salle privée de l’association en question, la police serait manifestement immédiatement intervenue afin de demander l’évacuation des personnes empêchant le séminaire d’avoir lieu. Evidemment, il n’appartenait pas aux organisateurs de l’évènement de recourir à la force pour le faire. Dans la mesure où cela se passe à l’université, il y a ambigüité. C’est-à-dire que, dans le fond, il s’agissait d’un évènement à caractère professionnel, s’agissant d’une formation continue, mais sur une thématique sensible, et elle se voulait un débat. Il partage que, dans la salle, il y avait un certain nombre de personnes qui avaient une position très critique par rapport aux intervenants principaux, et qui auraient aimé pouvoir s’exprimer, mais qui n’ont pas pu. Cela s’est passé à l’université, dans un lieu justement où les débats doivent pouvoir survenir, alors qu’ils sont empêchés et que les autorités académiques ne font rien. Quant aux organisateurs et aux participants de l’évènement, ils ne peuvent rien faire non plus. Il y a là manifestement quelque chose qui ne va pas. C’est pour cela que l’introduction de la motion invite à « mettre en œuvre les moyens de droit existants ». Il rappelle qu’il s’agit d’une motion et non pas d’un projet de loi et qu’il appartiendra au Conseil d’Etat, s’il l’approuve, d’éclaircir cette situation. Le Conseil d’Etat décidera s’il s’agit simplement d’un manque d’attention ou d’information du rectorat qui aurait peut-être dû réagir et qui ne l’a pas fait, ou s’il y a manifestement un vide juridique. Le but n’est pas de dire au Conseil d’Etat qu’il faut serrer la vis, mais de lui dire qu’il s’est passé quelque chose d’inacceptable qui ne doit pas se reproduire. Et, si cela venait à se reproduire, il est nécessaire de connaître quels seraient les moyens de droit pour que cela soit empêché. Il conclut qu’il s’agit donc d’une invitation à se positionner. Il indique ne pas avoir échangé sur cette motion avec la conseillère d’Etat et n’a donc pas son avis. Un député (Ve) mentionne ensuite l’évènement du printemps passé. Il demande si l’analyse de M. Conne est que le Conseil d’Etat devrait prendre la main plus rapidement et imposer au rectorat une intervention ferme afin de libérer l’université de ses occupants, même si l’occupation est restée à sa connaissance complètement pacifique, et sans débordement. Il s’agissait plutôt des opposants aux occupants qui sont intervenus de manière violente, notamment en arrachant des drapeaux. Indépendamment de l’adhésion ou non aux arguments des occupants, ou encore de leur slogan, il demande si cela aurait été souhaitable que le Conseil d’Etat impose une évacuation des lieux PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 34/78 plus rapide et précoce. Il se demande à quel point cela aurait été de nature à garantir une meilleure liberté de débats et une meilleure liberté académique. Il a le sentiment que cela aurait eu l’effet contraire, mais il suppose que M. Conne ne partage pas son avis et qu’il a des arguments qui l’appuient. M. Conne rappelle que le Conseil d’Etat est finalement intervenu et a sonné la fin de l’occupation. Il soulève que l’intervention n’aurait peut-être pas dû venir du Conseil d’Etat, mais en interne, par l’Université de Genève. Finalement, cela va dans le sens de sa réponse précédente. A ses yeux, il y a un manque de clarification. Toujours est-il qu’il y a eu des débordements, et que la situation aurait pu déraper, même si cela n’est pas arrivé. Il demande si la presque catastrophe doit faire dire que tout va bien, ou si elle doit faire dire qu’il y a un flou qu’il faut clarifier de manière à pouvoir mieux prévenir en fixant peut-être des règles différentes par rapport aux manifestations et à l’utilisation des espaces universitaires. Cela pourrait s’appliquer aussi à une conférence, une exposition, etc. Il demande s’il faut donner des limites très claires aux étudiants qui organiseraient ce genre d’évènements, ou s’il faut plutôt laisser les choses se faire tout en fixant une limite nette qui ne peut pas être franchie. Il n’a pas de réponse à cela, mais toujours est-il qu’il y a eu une presque catastrophe qui devrait constituer un signal d’alarme. Il s’est passé un évènement qui aurait pu déraper plus gravement, et heureusement cela n’a pas été le cas. Mais cela pourrait se reproduire et il faudrait qu’il y ait des éléments permettant de faire en sorte que tout se passe au mieux, sans dérapage. Un député (LJS) demande si M. Conne a les données sur ce genre d’évènements qui ne peuvent pas avoir lieu pour cause d’obstruction. Il demande ensuite si la deuxième invite de la motion ne va pas à l’encontre du droit constitutionnel. Il rappelle que ce dernier exprime clairement que la liberté de réunion et de manifestation est garantie sur le domaine public. Il souhaite finalement savoir si M. Conne a consulté le site de l’Université de Genève, qui contient un règlement bien détaillé qui décrit les règles académiques. Il souligne que des règles existent, et il demande si M. Conne ne pense pas qu’il serait préférable d’envoyer une question écrite au Conseil d’Etat afin de leur partager ses inquiétudes au lieu de leur faire parvenir une motion. M. Conne dit ne pas avoir eu d’autres expériences personnelles, mais il a lu des articles sur ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, notamment aux Etats-Unis et en France. Il y a effectivement une tendance à ce genre d’évènements. Lui n’a personnelle été confronté qu’une seule fois à la question en 2022. Mais il n’a pas déposé cette motion cette année-là. Il y a ensuite eu à un moment donné une montée en puissance de ces évènements, et il a jugé nécessaire de proposer cette motion. Le but de cette dernière est d’inviter le 35/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Conseil d’Etat à mettre en œuvre les moyens de droit existants. Il répète que, pour lui, l’évènement qui s’est produit était limite, malgré les moyens de droit existants, et il pense qu’il s’agit d’éventuellement adapter le droit si les moyens de droit ne suffisent pas. Le message qu’il souhaite envoyer au Conseil d’Etat avec cette motion est soit que le règlement n’a pas été appliqué, soit qu’il n’est pas suffisant pour permettre d’éviter ce genre de situations. Un député (LJS) mentionne ensuite la deuxième invite, qui lui semble contraire au droit constitutionnel. M. Conne rappelle la première question de la députée (S) concernant l’ambigüité de la formulation de la deuxième invite. Il ne s’agit bien évidemment pas d’interdire toute manifestation. Il est question des manifestations à caractère violent et menaçant. Un député (PLR) réagit aux propos du député (S) concernant le concept d’hégémonie. Il s’agissait là du cœur de la thématique lorsqu’il a mentionné que l’hégémonie est représentée par l’institution, qui représente une forme de perpétuation d’un affront. Il s’agit alors d’un renversement des rôles où l’agresseur n’est pas la personne qui agresse mais l’institution. Sur ce point-là, il y a des questions de forme qui sont absolument essentielles dans ce débat. Il y a beaucoup de débats qui peuvent être portés, des causes, telles que la cause palestinienne, qui sont des débats parfaitement justifiés à son sens. Cependant, la question est la façon dont cela est dit. A ce titre, il a été assez choqué d’apprendre que la CUAE, qui est la principale association d’étudiants, qui est en partie financée par l’université, a produit un calendrier. Il lui semble que c’est le cas chaque année. Dans celui de cette année, il célèbre certaines dates. Par exemple, au samedi 6 d’un certain mois, il y a la célébration des 55 ans du triple détournement d’avions par le Front de libération de la Palestine. La semaine du 8 au 14 septembre, le slogan abominable « from the river to the sea » est écrit, et il rappelle que celui-ci est malheureusement utilisé par des ministres israéliens extrémistes et fascistes. Il demande ce que doit faire l’université selon M. Conne par rapport à ce type de manifestations qui à son sens s’inscrivent dans le cadre de cette motion. M. Conne répond que cet évènement est récent et qu’il a déposé la motion avant. N’ayant pas parcouru le calendrier en question, il n’a pas de réponse à fournir. Il va se faire volontairement l’avocat du diable, car il défend la diversité des points de vue. Il raconte que son beau-père est né en Palestine, et qu’il ne la considérait pas comme un pays. Il avait alors 15 ans et la guerre des 6 jours venait de commencer. Il avait trouvé ces paroles très difficiles. Il avait donc choisi cette thématique pour son travail de géographie, et l’avait intitulé « Et les Palestiniens dans tout ça ». Il pense qu’il y a une réalité historique qui est extrêmement complexe, et qui aujourd’hui malheureusement se cristallise, PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 36/78 et ce peu importe le bord sur lequel on se trouve. Ce qu’il trouve très dangereux c’est que cette cristallisation pourrait malheureusement susciter des affrontements communautaires en Suisse, ce qu’il trouve très grave. Il en vient ensuite à la question du calendrier. Si effectivement ce dernier devait égrener des dates anniversaires de tous les évènements qui concernent aussi bien le peuple juif que palestinien dans son histoire, ça serait une façon de montrer qu’il y a eu des évènements regrettables ou pas qui ont touché ces communautés. Mais il répète qu’il ne sait pas, car il n’a pas lu le calendrier. Cependant, il est sûr que si ce dernier est le support pour des prises de position qui soutiendraient les actions terroristes des uns contre les autres, cela n’est pas acceptable. En l’occurrence, il ne sait pas quel est le pouvoir de l’université sur cette association, car il ne connaît pas le règlement par cœur. Mais il est certain que, s’il s’agit de l’utilisation d’une association d’étudiants et de son calendrier distribué gratuitement, pour être un support qui vise à exacerber des conflits communautaires, cela devrait être immédiatement sanctionné. Mme Vrbica informe que le rectorat a publié aujourd’hui une prise de position qui rappelle en préambule la question de la liberté de débat et d’expression au sein de l’université. A cet égard, il organise un évènement ouvert au public le 18 septembre afin de discuter de la place de l’université dans un débat public. A cette occasion, le rectorat rappelle la charte éthique qui a déjà été présentée à la commission plusieurs fois. La publication du rectorat se termine sur la question de l’agenda, qu’elle condamne. Dans le passage qu’elle lit, il est écrit que « la CUAE a mis à disposition des étudiants et étudiantes un agenda gratuit contenant des messages et illustrations heurtant tant des membres de la communauté universitaire que de la cité. Nous les condamnons fermement. Ils vont en effet à l’encontre des valeurs de respect, de diversité et d’inclusion que nous promouvons et nous veillerons à remédier à cette situation ». Une députée (Ve) aimerait revenir à l’origine de la réflexion de M. Conne qui est ce manifeste qui appelle à la neutralité de l’institution. Son impression est qu’il y a de la politique partout, que ce soit en ouvrant un article sur l’étude du genre ou lorsque des fonds universitaires sont donnés pour une étude en médecine sur les problèmes cardiovasculaires des femmes. Dans ce cas, ces dernières sont favorisées par rapport aux hommes car il manque d’études les concernant. Elle demande si M. Conne ne pense pas qu’il s’agit là d’une décision politique et, si tel est le cas, elle souhaite savoir s’il trouve cela illégitime de la part de l’université de prendre cette décision. M. Conne répond que faire des études sur les biais épistémologiques qu’on connaît, ce n’est pas de l’idéologie. Il répond que ce n’est donc pas illégitime. Il s’agit là de l’imperfection de la science comme il le mentionnait 37/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A précédemment, et de l’aspect provisoire des données scientifiques qu’heureusement on peut corriger. Il reprend le premier exemple de Mme Atassi sur les études de genre, et soulève que la question est de savoir comment articuler les questions de l’évolution biologique et sociale de l’humain. Cela est de l’ordre de la biologie des sexes. Il ajoute qu’il y a eu de vastes recherches en sociologie sur les notions de construit social. La liberté académique n’est pas dans l’idéologie ni dans la politique. Une députée (Ve) soulève qu’il y a pour elle une ambigüité entre la liberté et la neutralité et elle se demande où la limite doit être fixée. Elle aimerait ensuite revenir sur le fond de la deuxième invite de M. Conne. Pour elle, il manque un sujet, c’est pourquoi elle est allée lire sa proposition d’amendement qui était en collaboration avec le rectorat. Elle imagine donc que ce n’est pas le rectorat qui a priori interdirait les manifestations. Elle demande donc qui aurait ce rôle. Elle demande finalement si M. Conne souhaiterait, si tant est que ce soit le rôle du rectorat, que sa marge de manœuvre soit limitée afin de le forcer à prendre systématiquement une décision et à peut-être systématiquement appeler les forces de l’ordre. M. Conne pense que c’est au Conseil d’Etat et au rectorat de répondre. Il rappelle que la motion demande de mettre en œuvre la législation. Il n’a pas d’a priori sur la question. Pour lui, l’important est que la parole puisse être exprimée quelle qu’elle soit dans l’idée d’une écoute et d’une contradiction respectueuse, et que tout ce qui va dans le sens d’une expression ou d’un déroulement d’évènements à caractère menaçant et violent ne soit pas autorisé. Il répète l’ambigüité des termes utilisés dans la deuxième invite, mais il pourrait conclure en regardant un député (Ve), qui lui avait fait la remarque lors de la précédente plénière que son texte était un peu bâclé, que ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. Il rappelle que ce qui lui importe ici est plus le fond que la lettre. Le message qui doit être entendu ici est que l’université soit un lieu de débat respectueux, que ce soit au niveau des étudiants ou du corps enseignant. Un député (PLR) demande, si une entité de l’université venait inviter Bertrand Cantat pour parler de la musique française, si M. Conne serait pour interdire ou non sa venue ainsi que les manifestations qui s’en suivraient. Il souligne que la liberté d’expression existe dans le cadre universitaire. Il rappelle que Bertrand Cantat a fait une chose assez atroce et qu’il a purgé sa peine. Cependant, à chaque fois qu’il souhaite faire quelque chose, il est sanctionné par des manifestations ou des tentatives de manifestation assez violentes. Il demande s’il serait nécessaire ou non d’interdire son invitation, ou les manifestations qui suivraient l’invitation. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 38/78 M. Conne n’a pas de réponse personnelle à la question qui soit utile au débat. Ce qu’il serait important de connaître dans ce cas serait le positionnement de l’université. A titre personnel, il considère qu’à partir du moment où un criminel a payé sa dette à la société, il doit pouvoir effectivement reprendre sa vie d’une manière générale. Sinon, le droit pénal n’a absolument aucun sens. Il ne pense cependant pas que son avis soit pertinent dans le cadre de cette discussion. La présidente croit comprendre que M. Conne entend par le terme « prévenir » qu’il faut éviter d’inviter une personne qui pourrait susciter un débordement. Elle demande quelle est son interprétation de ce mot. M. Conne répond que ce n’est pas son interprétation. Il s’agirait là d’autocensure, ce qu’il trouve dangereux et est à l’encontre de ce qu’il défend. Il suggère ensuite l’audition du premier auteur de plaidoyer, Olivier Massin, qui est un professeur de philosophie à l’Université de Neuchâtel. La présidente propose d’attendre la deuxième présentation sur les universités de la semaine prochaine avant de décider des auditions. Travaux de la commission en commun sur les trois objets Audition de Mme Audrey Leuba, rectrice de l’Université de Genève, et de M. Didier Raboud, secrétaire général – 30 janvier 2025 Mme Leuba indique que la M 3029 soulève la question de la suspension des collaborations avec les institutions académiques israéliennes. Elle précise que le terme collaboration est large et recouvre différents types d’accords. Elle explique que le rectorat s’est interrogé sur une question politique plus large, à savoir la place des universités dans le débat public. Au-delà des collaborations avec des pays en conflit, d’autres enjeux doivent être pris en compte, notamment les questions environnementales et celles liées au statut des personnes, comme les questions de genre. L’ensemble de ces problématiques mérite une réflexion approfondie. Elle souligne l’importance pour l’université d’avoir une ligne claire sur ces sujets, ce qui a rapidement été communiqué. Elle précise que le rectorat a atteint les limites de ce qu’il pouvait faire sans répondre pleinement à la question de la place de l’université dans le débat public. Pour approfondir cette réflexion, un comité scientifique a été mandaté entre mi-mai et début juin. Ce comité, composé de membres de l’institution ainsi que de personnalités extérieures, siège régulièrement et devrait rendre son rapport courant février. 39/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Sur la base de ce rapport, le rectorat consultera les organes clés de l’institution, notamment l’assemblée et le CRD, conseil regroupant le rectorat et les doyens. Une discussion avec la communauté universitaire est également prévue avant que le rectorat ne prenne une décision. Elle insiste sur la complexité du sujet et indique que le rectorat en est conscient. Dans l’intervalle, des mesures ont été prises pour améliorer la transparence concernant les accords de collaboration internationaux. Une page dédiée sur le site web de l’université recense désormais les ressources relatives aux différents accords, projets et partenariats. Par ailleurs, l’université s’est engagée à renforcer les contrôles éthiques, et l’ensemble des procédures concernées est en cours de révision. Concernant les liens avec Gaza, Mme Leuba indique que l’UNIGE met en place des programmes spécifiques pour les régions touchées par des conflits armés et des crises humanitaires. Elle cite notamment le Programme Horizon Académique, le Réseau Scholars at Risk et le Programme InZone, soulignant que ces dispositifs sont en place et fonctionnent efficacement. Elle ajoute que l’UNIGE a cherché à apporter son soutien dans le domaine de la santé à travers la Gaza Health Initiative. Elle conclut en rappelant que l’université dispose de dispositifs d’accueil destinés aux académiques victimes de conflits armés et de crises humanitaires. Au sujet de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats et de tolérance », Mme Leuba rappelle que cette motion invite le Conseil d’Etat à mettre tout en œuvre pour garantir la liberté du débat contradictoire à l’université et qu’elle souligne aussi l’importance de prévenir, interdire si nécessaire, et mettre fin à toute manifestation idéologique imposant une vérité contre une autre, ainsi qu’à toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants. La motion insiste enfin sur la nécessité de protéger les biens et les personnes au sein de l’institution. Mme Leuba souligne les principes fondamentaux qui gouvernent l’université, notamment la liberté d’expression, garantie par la Constitution fédérale, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques. Elle insiste sur le fait qu’il s’agit d’une liberté fondamentale qui guide l’université. Cette liberté inclut la recherche de la vérité par la confrontation des points de vue, la présentation d’opinions et d’écoles de pensée diverses, ainsi que l’expression de critiques. Mme Leuba précise que cette liberté doit toutefois s’exercer dans le respect de la personne et qu’elle n’est pas absolue, pouvant être soumise à des restrictions. Elle cite la Déclaration de Bonn sur la liberté de recherche scientifique pour appuyer ses propos. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 40/78 Mme Leuba rappelle que les manifestations ont leur place à l’université, à condition de respecter les règles de sécurité, les limites légales et les principes éthiques définis dans la charte d’éthique. Elle précise que toute manifestation organisée au sein de l’UNIGE est soumise à autorisation préalable. Elle évoque les actions menaçantes qui ont eu lieu et précise que certaines manifestations portant sur des sujets particulièrement sensibles ont déjà entraîné des réactions vives, voire des interruptions temporaires. Elle note une polarisation croissante autour de certains thèmes et considère que les manifestations deviennent plus intenses et engendrent parfois des effets indésirables. Elle signale également que l’UNIGE a été confrontée à des intrusions menaçantes et à des situations que l’institution ne peut tolérer. Face à cela, une plainte pénale a déjà été déposée et le dispositif de sécurité a été adapté. Elle note que la société est aujourd’hui plus polarisée et parfois plus violente, ce qui se répercute sur l’université. Le débat doit être protégé, notamment en amont par des mesures de sécurité, et en aval par des dépôts de plaintes pénales si nécessaire. En conclusion, elle précise que les dispositifs de sécurité ont été renforcés, et que des sanctions administratives, civiles et pénales peuvent être engagées en cas de non-respect des règles. Elle rappelle enfin que les étudiants sont tenus de respecter la charte d’éthique de l’université. Mme Leuba aborde ensuite le PL 13536 modifiant la loi sur l’université. Elle commence par évoquer le cadre réglementaire encadrant les manifestations. Celles-ci sont ouvertes aux associations étudiantes, aux collaboratrices et collaborateurs, ainsi qu’aux personnes extérieures, mais sous réserve d’une autorisation préalable. Une demande doit être formulée, et l’université procède à un certain nombre de contrôles dans ce cadre. Elle mentionne le cas de l’occupation des locaux par la CEP, précisant que ladite occupation est toutefois intervenue sans autorisation. Elle rappelle que les activités organisées doivent être compatibles avec les missions de l’institution ainsi qu’avec sa charte d’éthique et de déontologie. Elle souligne que certains comportements et actions sont interdits à l’intérieur des locaux universitaires et aux abords des bâtiments de l’université. Elle cite un extrait de la directive « Utilisation des locaux de l’Université de Genève », qui proscrit notamment « tout procédé de réclame diffusant une information ou un message contraire à la loi, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ; toute activité de propagande et de prosélytisme politique et religieux, y compris les récoltes de signatures, les campagnes d’adhésion à une entité extérieure à l’Université, etc. ; toute activité cultuelle ». 41/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Sur le plan politique, elle souligne que l’université observe actuellement une certaine réserve dans l’attente des conclusions du comité scientifique qui lui permettront d’adopter une ligne prévalant de manière générale chaque fois qu’un positionnement politique est demandé à l’université. Concernant la liberté d’expression, elle rappelle son importance et précise que celle-ci inclut également les propos qui peuvent choquer ou heurter. Cependant, cette liberté trouve ses limites dans les règles qui encadrent les institutions. Elle insiste sur le fait que toute forme d’appel à la violence, d’antisémitisme et d’islamophobie est strictement interdite, car contraire à la loi et aux valeurs fondamentales de l’université. Elle conclut en rappelant que l’université doit garantir ses missions essentielles, qui sont l’enseignement, la recherche et le service à la cité. Elle souligne enfin que l’université est un établissement public autonome, c’est-à-dire un établissement qui doit pouvoir rester autonome sur ces questions. Une députée (PLR) demande ce qu’est le renforcement du contrôle éthique (M 3029). Mme Leuba dit qu’il y a une commission dédiée qui procède au contrôle éthique d’un certain nombre de travaux de chercheurs. Le vice-recteur chargé de la recherche est en train de travailler avec cette commission ainsi que divers services pour avoir une vision plus complète des contrôles effectués et uniformiser les formulaires devant être remplis en cas de conclusion d’un accord de recherche. Elle ajoute qu’il y a une volonté de simplifier les choses et de les clarifier pour les chercheurs, sans alourdir les processus tout en étant le plus rigoureux possible. Cela est en cours. Une députée (PLR) demande si cette commission intervient en cas de manifestations, en particulier lorsque celles-ci se déroulent mal et soulèvent des questions éthiques. Mme Leuba répond que non, cette commission est spécifiquement chargée des questions d’éthique de la recherche. Toutefois, elle précise que le rectorat a eu un échange avec le comité d’éthique et de déontologie de l’université à propos des manifestations au sein des locaux. Une députée (MCG) s’interroge sur le processus de vérification des connaissances des étudiants migrants, notamment en ce qui concerne l’évaluation de leur niveau de langue. M. Raboud explique que, depuis 2016, une passerelle a été mise en place pour les étudiants migrants n’ayant pas pu achever leurs études dans leur pays d’origine. Ce dispositif, le Programme Horizon Académique, leur permet d’apprendre le français, de suivre des cours attribuant des crédits virtuels et de PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 42/78 bénéficier d’un accompagnement en vue de leur immatriculation à l’université. Actuellement, ce programme est aussi accessible à l’IHEID et à la HES-SO Genève. Il précise que de nombreux réfugiés ukrainiens ont rejoint ce programme et assure que l’université est prête à accueillir d’autres étudiants en cas d’afflux migratoire. Une députée (MCG) s’interroge sur une éventuelle inégalité de traitement entre les personnes venant d’un pays qui n’est pas en guerre, mais ayant des besoins similaires à ceux des étudiants migrants bénéficiant du programme. M. Raboud répond que ce programme est également accessible aux Suisses revenant de l’étranger. Il précise toutefois que les conditions d’immatriculation restent inchangées et que la seule aide offerte dans ce cadre est un programme passerelle. Une députée (MCG) souligne que la notion de bonnes mœurs a évolué depuis 1950 et qu’elle ne signifie plus la même chose aujourd’hui. Elle demande comment ces termes ont été intégrés dans le texte du règlement de l’université. Mme Leuba répond que ces termes ont été repris d’un règlement plus ancien. Elle précise toutefois que la notion de bonnes mœurs n’est pas une référence fréquemment utilisée dans l’application des règles universitaires. Une députée (MCG) fait référence au délit de blasphème prévu à l’article 261 CP et s’interroge sur les limites de l’islamophobie par rapport à l’antisémitisme. Mme Leuba répond que, ce qui ne peut être toléré, c’est le fait de s’attaquer à une personne en raison de ses croyances. Elle précise que chaque situation ferait l’objet d’une appréciation au cas par cas, en fonction du contexte et des circonstances spécifiques. Une députée (PLR) exprime sa frustration face aux réponses apportées. Elle indique avoir reçu une excellente réponse académique, mais estime qu’elle manque de pragmatisme. Elle ne comprend pas clairement la position de l’université sur les textes traités et perçoit un sentiment de flottement dans sa réaction. Elle a l’impression que l’université n’avait pas de ligne claire et qu’elle a pris beaucoup de temps avant de prendre des décisions, alors que les écoles polytechniques ont réagi rapidement. Elle se demande si le rapport en cours va fournir un fil conducteur avec des outils concrets. Elle dit qu’elle attendait une position plus courageuse et demande quelle est précisément celle de l’université. Mme Leuba répond qu’elle ne partage pas cette analyse. Selon elle, l’université a toujours eu une ligne claire et a réagi face à un sentiment fort de frustration et d’empathie face aux évènements à Gaza. Elle souligne que 43/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A l’institution a été en harmonie avec sa communauté et rappelle que l’Université de Lausanne a fait face aux mêmes manifestations à trois jours d’intervalle. Comme l’UNIGE, l’UNIL a mandaté un comité pour se pencher sur la question. Elle précise que les écoles polytechniques, relevant de la Confédération, sont soumises à des règles différentes. Elle indique que l’UNIGE ne soutient pas la M 3029. La première objection repose sur le principe d’autonomie de l’université. Au-delà de cet aspect, l’UNIGE considère que la question est complexe et délicate, nécessitant une réflexion approfondie. Une consultation interne est prévue au sein de l’institution. Elle invite ainsi la commission à s’écarter de cette motion. Concernant le PL 13536, qui modifie la loi sur l’université, Mme Leuba indique que des programmes existants répondent déjà aux objectifs de cette motion. Elle estime que l’UNIGE est à la pointe sur ces sujets après comparaison avec d’autres institutions. A propos de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats et de tolérance », elle rappelle que ce principe découle directement de la Constitution, à laquelle l’UNIGE est soumise. Elle considère qu’il n’y a pas de difficulté à ce sujet et que la retenue politique est déjà bien respectée. Selon elle, il n’est pas nécessaire d’introduire des dispositions supplémentaires dans la loi à cet égard. Une députée (Ve) fait référence à la manifestation de mai 2024 et demande à quoi ressemblerait une manifestation acceptée par l’université. Mme Leuba répond que la différence majeure aurait été l’absence d’occupation nocturne et le fait d’enlever une banderole contenant le slogan « From the river to the sea », qui est clivant et suscitait de fortes réactions au sein de la communauté. Elle précise que la manifestation a duré une semaine et qu’un cadre mieux défini, avec une autorisation préalable, aurait permis de réduire les mesures de sécurité nécessaires et, par conséquent, de limiter les coûts pour l’institution. Un député (S) mentionne la publication, ce mardi, du rapport du groupe de travail de l’UNIL sur le cadre éthique des collaborations externes et il demande si l’on peut s’attendre à un rapport similaire en termes de forme à l’UNIGE. Mme Leuba répond que les questions posées au comité ne sont pas exactement les mêmes et elle estime que la réponse de l’UNIGE pourrait dès lors être différente sur certains aspects. Elle précise que la question centrale pour l’université est de savoir si elle peut adopter une position politique, alors que cette question n’a pas été posée au comité scientifique de l’UNIL. Cependant, elle souligne que le contrôle éthique mis en place à l’UNIGE se rapproche de celui de Lausanne. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 44/78 Un député (S) demande quels seraient le processus et le calendrier si le rapport recommandait une réévaluation des collaborations. Mme Leuba indique que le positionnement de l’institution est prévu pour le mois de mai, après consultation des organes de l’université et des membres de la communauté universitaire. Les décisions devront ensuite être concrétisées. Elle précise que la réévaluation des procédures, déjà en cours, devrait être plus rapide. Un député (S) demande davantage d’informations sur les limites de la charte d’éthique et de déontologie de l’UNIGE. Mme Leuba répond que la liberté d’expression est plus large que ce que l’on imagine généralement et qu’elle inclut les propos qui choquent. Toutefois, l’université intervient lorsque cela est nécessaire pour qu’elle puisse assurer sa mission. Si une manifestation discrimine un groupe ou pose des problèmes de sécurité, l’université prendra également des mesures. Un député (PLR) reconnaît la complexité des questions abordées et la difficulté de leur application. Il comprend la volonté de mettre en place un comité scientifique, mais souligne que le rectorat devra incarner la position de l’université. Il exprime des inquiétudes quant aux consultations évoquées, craignant qu’elles n’attirent des personnes venant avec des revendications diverses. Il se demande comment cela sera géré. Mme Leuba admet que la situation est compliquée. Elle précise que le rectorat, même s’il décidera seul in fine, doit impliquer la communauté universitaire dans un dialogue. Elle assure que le rectorat n’hésitera pas à prendre position, mais qu’il est important de pouvoir au préalable sensibiliser la communauté aux difficultés des questions posées ; c’est le sens du débat avec la communauté. Le rectorat prendra ensuite ses responsabilités. Un député (PLR) souligne que la rectrice a la possibilité de fixer des limites et de ne pas aller au-delà de certains points. Mme Leuba réaffirme que le rectorat assumera pleinement ses responsabilités. Un député (PLR) interroge ensuite sur le rôle du recteur, se demandant s’il lui appartient d’exprimer un choc ou une empathie face à une cause, ce qui pourrait l’amener à se positionner sur de nombreux autres sujets. Il estime que l’émotion transmise à la communauté pourrait prendre une place trop importante. Mme Leuba répond que l’émotion vient de la communauté universitaire elle-même et que le rectorat ne fait que le relais. Elle considère que cela n’a pas suscité de réactions négatives et que cela ne pose pas de problème. Elle 45/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A reconnaît cependant qu’il n’est pas possible de le faire sur tous les sujets, car si cela devenait systématique, ces déclarations perdraient de leur impact. Un député (PLR) s’interroge sur le rôle de la CUAE, qu’il qualifie d’association en roue libre, estimant qu’elle n’est pas représentative de l’ensemble de la communauté étudiante. Il critique certaines de ses prises de position, qui ont choqué, et demande comment l’UNIGE peut reprendre le contrôle sur cette association. Mme Leuba précise que la CUAE était très impliquée dans cette cause, mais que l’UNIGE était dans les faits en discussion avec la CEP, qui est un collectif non reconnu par l’institution et qu’il convient de distinguer de la CUAE. Une députée (MCG) s’interroge sur le rôle du rectorat dans la gestion de la manifestation et demande si la peur de certaines personnes a pu influencer la durée du temps d’évacuation. Mme Leuba répond qu’elle a agi en juriste, en s’appuyant sur les libertés fondamentales, notamment celle d’expression. Elle explique que l’objectif était de ramener la situation à une stabilité par le dialogue, tout en garantissant la sécurité de chacun. Elle précise que, du mardi au vendredi, des négociations ont eu lieu pour tenter de trouver un accord, mais que, le samedi, il est apparu clairement que l’accord n’était pas possible. Une députée (Ve) s’interroge sur la perception du rectorat face à cette manifestation. Elle souligne que celle-ci portait des revendications précises et impliquait également des rapports de force, visant à exercer une pression sur l’institution. Mme Leuba reconnaît que la manifestation a eu un impact sur le rectorat. Elle rappelle ainsi que l’université a émis une prise de position concernant le conflit à Gaza, a renforcé la transparence des accords de collaboration et a pris les mesures évoquées précédemment. Une députée (Ve) demande davantage d’informations sur la réévaluation des collaborations et s’interroge sur l’origine des décisions à ce sujet. Mme Leuba répond que le rapport du comité scientifique apportera des précisions et des recommandations. Elle explique que le rectorat fera une première détermination, avant de consulter l’assemblée de l’université et les doyens. Mme Leuba répond que le rapport du comité scientifique apportera des précisions et des recommandations. Elle explique que le rectorat fera une première détermination, avant de consulter l’assemblée de l’université, les doyens et la communauté. Une députée (Ve) précise que sa question concerne la réévaluation des collaborations déjà existantes. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 46/78 Mme Leuba indique que cette question a été explicitement posée au comité scientifique, qui devra se prononcer sur le sujet. Un député (S) félicite Mme Leuba pour la cohérence de ses réponses, bien qu’il ne partage pas toutes ses positions. Il reconnaît que la forme des manifestations a posé problème, mais il s’interroge sur les échanges de fond qui ont eu lieu avec le collectif concernant ses revendications. Mme Leuba répond que l’université a rencontré le collectif, qui demandait une renonciation immédiate aux collaborations avec les universités israéliennes. Elle précise que le rectorat a rapidement indiqué que la question dépassait largement le cadre des collaborations avec Israël, et que les discussions ne sont pas allées plus loin sur ce point. Un député (S) demande si le rectorat a pu échanger sur le diagnostic de la situation, notamment sur l’état des lieux et les chiffres présentés par le collectif. Mme Leuba répond que les chiffres et autres données fournies ramenaient toujours à la question de savoir si les universités peuvent adopter un positionnement politique dans le débat public. Un député (S) interroge ensuite Mme Leuba sur sa perception, en tant que rectrice, de la neutralité de l’université. Il demande si aborder des questions factuelles et objectives à travers le droit international humanitaire ou des analyses sociologiques et politiques, notamment sur la ségrégation ou l’apartheid, constitue une prise de position politique. Mme Leuba répond car ces sujets sont traités par les chercheuses et chercheurs dans un cadre scientifique. Une députée (Ve) demande quel a été le processus suivi en 2022 lors de la suspension des collaborations avec les universités russes. Mme Leuba répond que la situation était différente, car Swissuniversities s’était ralliée à une décision du Conseil fédéral, qui condamnait fermement l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie. Elle précise que plusieurs recteurs d’universités russes avaient publiquement soutenu l’« opération spéciale » menée par le président Poutine. Dans ce contexte, les institutions politiques russes ne faisaient preuve d’aucune retenue, affichant clairement leur soutien à l’offensive militaire. Une députée (Ve) demande si cette décision reflétait la position propre du rectorat ou s’il s’agissait d’une directive de Swissuniversities. Mme Leuba précise que Swissuniversities a formulé une déclaration, que l’UNIGE a ensuite suivie. 47/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A La présidente souligne que le rectorat a choisi de soumettre la question au comité scientifique, mais que la liste des membres de ce comité ainsi que le détail de son mandat ne sont pas rendus publics. Elle s’interroge sur la raison de cette absence de transparence et sur le choix de ne pas confier cette réflexion au comité d’éthique et de déontologie. Mme Leuba explique l’importance d’inclure des experts possédant des connaissances pointues sur le sujet, d’inclure dans la réflexion les étudiantes et étudiants et le corps intermédiaire, et qu’il était important que les membres du comité, notamment les étudiantes et étudiants, ne fassent pas l’objet de pressions les empêchant de librement s’exprimer. Elle précise toutefois qu’elle est disposée à communiquer les noms des membres du comité si la commission le souhaite. Elle ajoute que, lorsque le rapport sera publié, les noms des membres seront rendus publics. Une députée (PLR) demande si Mme Leuba serait disposée à présenter le rapport une fois qu’il sera publié. Mme Leuba répond affirmativement. La présidente remercie les personnes auditionnées de leur présence. Une députée (PLR) propose de geler les travaux relatifs aux trois objets en question jusqu’à la publication du rapport du comité scientifique, tout en les maintenant groupés. La présidente demande si cette proposition convient à tout le monde. Aucune opposition n’est exprimée, et les travaux sur le PL 13536 ainsi que sur les M 3029 et M 3030 sont gelés. Deuxième audition de M me Leuba, rectrice de l’Université de Genève, et de M. Frédéric Bernard, membre du comité scientifique et président de la rédaction du rapport révisé – 15 mai 2025 La présidente accueille les auditionnés et leur cède la parole. Elle précise que Mme Leuba risque d’être interrompue par des messages et de devoir partir plus tôt. Mme Leuba remercie la commission de les accueillir. Elle indique qu’un groupe spécialement mandaté, appelé comité scientifique, a été chargé de traiter la question. Elle rappelle l’occupation du hall d’Uni Mail en mai 2024, et précise que la revendication principale de la Coordination étudiante pour la Palestine (CEP) est la fin des partenariats entre le rectorat et les universités israéliennes. La question fondamentale est la suivante : une institution académique peut-elle se prononcer dans le débat public ? Et, le cas échéant, peut-elle aller jusqu’à mettre fin à des partenariats ? PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 48/78 Elle indique que la question s’est posée à l’occasion de la guerre entre Israël et le Hamas à Gaza, mais qu’elle pourrait également se poser dans d’autres conflits, notamment Inde-Pakistan, en Syrie, au Soudan, ainsi que dans d’autres domaines comme les enjeux climatiques ou les questions de société. Elle précise qu’il ne leur a pas semblé opportun d’y répondre sous la pression de la CEP et qu’ils ont donc mandaté un comité scientifique, qui est paritaire et représentatif du corps intermédiaire, du corps professoral et du corps estudiantin. L’objectif est que la restitution de ce comité scientifique permette au rectorat de prendre position dans les années à venir s’agissant du positionnement de l’institution dans le débat public. Elle passe ensuite au rappel de quelques dates. En mai 2024, le rectorat a constitué un comité scientifique composé de représentants de la communauté universitaire ainsi que de membres externes. En février 2025, le comité scientifique a remis sept recommandations accompagnées d’un rapport. Elle précise qu’ils ont constaté que d’autres institutions académiques ont suivi une démarche similaire, c’est-à-dire qu’elles ont également fait appel à un comité ou à un groupe d’experts. Les restitutions ont eu lieu à peu près au même moment. En avril 2025, un cas de plagiat a été révélé dans le rapport genevois, qui a été retiré du site internet de l’institution. Le plagiat concerne un auteur et non l’ensemble du comité scientifique. En mai 2025, le comité scientifique doit remettre un rapport révisé. La précédente présidence était l’autrice du plagiat. M. Bernard a été nommé nouveau directeur du rapport révisé. Mme Leuba indique qu’ils ont repris un processus de consultation, initié à la suite du rapport remis par le comité scientifique. La situation liée au plagiat a suscité de l’émotion au sein de l’institution, ce qui a rendu difficile la discussion sur le fond. Le rapport révisé sera conforme aux règles de l’université ainsi qu’à la charte d’éthique et de déontologie. L’ensemble des organes ont été consultés : l’assemblée de l’université, le CRD (commission regroupant l’ensemble des doyens et deux directrices de centre), le comité d’éthique et de déontologie, le conseil d’orientation stratégique (COSt), ainsi que plus largement la communauté universitaire. Elle précise que la CUAE, association faîtière des associations d’étudiants, a organisé lundi un town hall meeting pour discuter de cette thématique. Elle ajoute qu’aucune date précise n’a été fixée pour la prise de position du rectorat, mais qu’elle n’interviendra pas avant la fin du semestre de printemps. Elle rappelle le mandat du comité scientifique, qui devait étudier deux questions : les universités peuvent-elles se positionner dans le débat public, et notamment sur des thématiques politiques ou des sujets clivants pour leur communauté (conflits armés dans certaines régions du monde, enjeux climatiques, certaines questions de société) ? Les universités peuvent-elles 49/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A suspendre ou interrompre des accords de collaboration et des partenariats scientifiques auxquels elles sont parties, en se fondant sur des motifs reposant sur des considérations politiques ou en lien avec des sujets clivants pour leur communauté ? Elle présente ensuite les membres composant le comité scientifique. Elle précise que certains ont une expérience davantage politique, d’autres davantage académique. Le comité comprend notamment trois représentants étudiants, une doyenne et deux professeurs. M. Bernard explique le fonctionnement du comité. Il précise le contenu des conclusions, et en quoi le plagiat – inacceptable et très regrettable – n’entache pas le travail du comité et ne devrait pas conduire à son rejet. Il indique qu’il y a eu, en réalité, deux phases : la première, dès le début de l’été 2024 jusqu’à l’automne 2024, durant laquelle le comité a mené toute une série d’auditions. Sur la base de ces auditions, ils ont réfléchi afin d’apporter des éléments de réponse aux questions posées par le rectorat. Il ajoute qu’ils sont ainsi parvenus à leurs conclusions. Le point de départ était de considérer que les recommandations devraient pouvoir être appliquées de manière générale, et qu’il fallait préserver une certaine cohérence, même si l’on se rappelle que le comité a été créé à la suite de la situation à Gaza. Il explique qu’ils ont tenté de définir des critères objectifs permettant d’identifier les situations dans lesquelles l’université pourrait ou devrait prendre position (en dehors de la défense de ses missions), et qui pourraient être appliqués sans sélectivité. Il conclut que le comité est progressivement arrivé à la conclusion que cette tâche était impossible. Il précise qu’ils ont admis que l’université pouvait se positionner lorsqu’elle était elle-même au cœur du débat public ou lorsque certaines de ses missions étaient directement concernées. Il cite comme exemple la question de l’expérimentation animale, sur laquelle l’université a pris position, étant donné que cela touche ses missions : une partie de ses activités est concernée par le résultat de la votation, ce qui aurait pu conduire à l’arrêt de certaines recherches en cours. Sous cette réserve, ils sont parvenus à la conclusion que définir des critères est impossible. Dans la nouvelle version du rapport, une annexe supplémentaire présentera toutes les questions auxquelles il faudrait répondre pour pouvoir établir de tels critères. Il ajoute que cela rejoint également certains avis exprimés lors des auditions : si l’université prend position de manière institutionnelle, les personnes ayant un autre point de vue pourraient être dissuadées de mener leurs recherches ou de s’exprimer au sein de PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 50/78 l’université. Il indique qu’une doxa officielle de l’institution ne leur paraît pas souhaitable. Il précise que cette position n’a rien d’original, car toute une série de sources viennent la conforter, notamment la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression, le rapport Kalven de l’Université de Chicago de 1967, ainsi que le rapport de la Ligue européenne des universités de recherche (LERU) consacré à la liberté académique. Ensuite, ils se sont interrogés sur le terme à utiliser. Les termes « neutralité institutionnelle » leur a semblé inadapté, car l’université n’est pas neutre en raison de ses missions et du fait qu’elle doit favoriser le débat. Le mot « neutralité » lui-même est également politiquement chargé dans le contexte helvétique. Ils ont donc préféré l’expression « réserve institutionnelle », et c’est précisément sur ce point qu’a porté le plagiat. Cette expression a été proposée par Mme Cécile Laborde en 2024, sur la base de réflexions menées aux Etats-Unis. A partir de ce principe, le comité scientifique a adopté sept résolutions : – La première consiste à affirmer le principe de la réserve institutionnelle au sein de l’Université de Genève. – La seconde, à défendre la liberté académique. – La troisième, à promouvoir la liberté d’expression. – La quatrième, à préserver les accords de collaboration et les partenariats scientifiques. – La cinquième, à harmoniser l’évaluation éthique et déontologique des projets de recherche. – La sixième, à clarifier l’affectation et l’utilisation des locaux de l’université. – La septième, à améliorer la diffusion de la charte d’éthique et de déontologie et son appropriation par l’ensemble de la communauté universitaire. Ils ont conclu qu’il n’appartient pas à l’université d’interrompre ses collaborations avec les universités d’un Etat, car cela constitue une forme de positionnement contraire au principe de réserve institutionnelle. Cela ne signifie pas pour autant que tous les partenariats sont admissibles ou doivent être maintenus. Il précise que, si un réexamen des partenariats doit avoir lieu, celui-ci doit être mené de manière fine, accord par accord, et qu’il n’y a pas lieu de prendre une décision de principe sur l’arrêt des collaborations. 51/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Concernant les universités russes, l’Université de Genève a mis fin à certaines collaborations à la suite d’une décision politique et d’un consensus partagé par de nombreuses universités européennes. Le comité scientifique a conclu, dans son rapport, que cette décision avait été prise trop rapidement et qu’elle allait à l’encontre du principe de réserve institutionnelle. Mme Leuba conclut en indiquant qu’ils invitent les députés à refuser ces trois objets parlementaires, car l’UNIGE dispose des moyens nécessaires pour répondre à ces questions. Une députée (Ve) demande ce qu’ils feront si, à la suite de la consultation des organes sur le rapport révisé, ces derniers ne sont pas d’accord. Mme Leuba répond qu’ils tiendront compte globalement des avis exprimés, et que le rectorat se positionnera par la suite, dans le respect de la diversité de sa communauté. Une députée (Ve) demande davantage d’informations sur le plagiat. Mme Leuba précise que le plagiat concerne une seule personne, et que celui-ci n’a pas été contesté par l’université mais immédiatement constaté. Elle ajoute qu’une procédure est en cours, laquelle pourra le cas échéant aboutir à des sanctions. Une députée (Ve) demande s’il y a bien, d’une part, la consultation des organes, puis, d’autre part, la prise de position du rectorat. Elle souhaite également savoir par quels moyens cette consultation est menée. Mme Leuba explique que la consultation des différents organes se fait au sein de l’institution. Elle cite l’assemblée, qui a reçu le premier rapport et a consacré une partie d’une séance à sa discussion. La consultation du Conseil rectorat-décanat (CRD) est prévue en plusieurs étapes ; elle précise qu’une autre séance avec eux est encore à venir. Elle indique que certains organes se sont exprimés par écrit, d’autres oralement lors d’une séance avec le rectorat. Elle ajoute que le town hall meeting organisé par l’université a été suspendu à la suite de la découverte du plagiat, car l’émotion suscitée empêchait une discussion de fond. La CUAE a alors organisé son propre town hall lundi dernier. Certains membres du rectorat y étaient présents, dont le vice-recteur, M. Gentaz. Le rectorat a pris note des avis exprimés lors de cette rencontre. Une députée (Ve) indique qu’il est délicat que le rectorat ne se soit pas encore prononcé. Elle rappelle que le contenu du rapport ainsi que ses conclusions stipulent que chaque projet et chaque collaboration doivent être examinés au cas par cas. Elle demande si, concernant les collaborations avec les universités russes, celles-ci seront également reprises et évaluées au cas par cas. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 52/78 Mme Leuba répond qu’ils ne se prononceront pas sur le fond à ce stade. Elle précise qu’ils n’ont pas abordé la question d’une éventuelle reprise des collaborations avec la Russie. Une députée (Ve) indique que l’université ne savait pas quels projets de recherche étaient menés en collaboration avec les universités israéliennes. C’est pourquoi le comité scientifique a recommandé davantage de transparence sur les activités de l’université. Elle demande quelles mesures ont été prises par le rectorat. Mme Leuba répond qu’ils avaient connaissance de ces collaborations, mais que les informations étaient très dispersées sur leur site internet, ce qui les rendait difficilement accessibles. Elle précise qu’ils ont créé, l’année dernière, une page dédiée sur leur site internet. Elle affirme que la transparence est désormais assurée. Un député (PLR) affirme que le plagiat est un épiphénomène, présent depuis la nuit des temps, et que, s’il détruit la personne ayant rédigé le rapport, il ne remet pas en cause le rapport en tant que tel. Il revient sur les évènements survenus à l’université, en mentionnant les deux occupations, et estime que cela est dû à un certain laxisme. Il demande si de tels évènements auraient pu se produire dans les EPF. Mme Leuba répond que d’autres universités peuvent adopter des approches différentes, possiblement en raison de différences culturelles. Elle souligne que la population étudiante n’est pas la même dans les EPF que dans les universités. Elle ajoute que l’EPFZ a choisi de mandater un groupe de réflexion et s’est positionnée en mars 2025. Elle compare cette démarche à celle de l’UNIGE. Elle insiste sur le fait qu’il leur a semblé important d’encourager une prise de conscience et une réflexion au sein de l’institution. Le rectorat a immédiatement reconnu qu’il s’agissait d’une question difficile et a souhaité qu’une réflexion soit menée au sein de l’institution. Un député (PLR) demande s’il y a un intérêt à harmoniser les approches entre institutions. Mme Leuba répond que Swissuniversities a posé certains éléments en amont de la réflexion, en soulignant que les institutions devaient faire preuve de prudence dans leur positionnement. Elle précise que les universités disposent d’une marge de manœuvre, qu’elles utilisent de manière différente. Elle reconnaît qu’il est relativement difficile de parvenir à un accord commun. Une députée (PLR) indique que ce rapport était attendu. Elle précise avoir lu la première version, qu’elle a trouvée particulièrement intéressante. Elle regrette qu’il y ait eu un plagiat, car elle estime que le contenu méritait d’être valorisé. Elle souligne que le consensus exprimé dans les conclusions est très 53/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A helvétique. Elle demande s’ils ont aujourd’hui le sentiment de disposer d’outils suffisants pour sortir de cette crise. Mme Leuba répond que oui, les éléments de la discussion sont désormais posés, notamment en ce qui concerne le principe de réserve institutionnelle. Elle reconnaît que leur cheminement est critiqué par une partie des étudiants. A propos de l’occupation actuelle des locaux de l’institution, elle la regrette vivement, d’autant qu’un town hall meeting avait été organisé quelques jours plus tôt, donnant l’occasion aux étudiants de s’exprimer. Par ailleurs, elle rappelle qu’un processus de consultation est en cours au sein de l’institution, processus dans le cadre duquel les étudiants peuvent s’inscrire. Une députée (PLR) fait l’analogie entre cette situation et une grève d’enseignants contre des lois qui ne sont pas encore votées. Elle s’interroge sur le risque de stagnation. Mme Leuba affirme que l’essentiel réside dans les idées exprimées. Elle indique que le rectorat encourage les étudiants à construire des idées claires et argumentées. Elle précise que, selon elle, l’occupation non autorisée des locaux n’est pas le bon moyen d’exprimer une opinion. Un député (S) indique qu’il comprend la complexité et les enjeux de la situation dans laquelle se trouve l’université. Il précise toutefois qu’il n’est pas satisfait des conclusions du rapport. Il considère que l’université traite de questions sociales, humaines, de droit pénal international, de colonisation, etc., et estime qu’il existe suffisamment d’éléments objectifs pour reconnaître que la situation est problématique. Selon lui, ces éléments démontrent que le seuil justifiant une action est atteint. Il critique le fait de ne pas agir, sauf lorsque l’université est directement concernée. Il souligne que certaines universités israéliennes soutiennent clairement les actions menées par leur Etat, et que certains acteurs collaborent directement avec ce dernier. Il estime que cela place l’université dans une situation délicate. Selon lui, ces pratiques sont dénoncées de toutes parts, indépendamment des opinions sur le conflit au Proche-Orient. Il affirme qu’il existe suffisamment d’éléments pour justifier une prise de position. Mme Leuba reconnaît qu’il soulève une question fondamentale. Elle indique que, si l’université choisit de se positionner, elle devra également le faire dans d’autres conflits, en citant notamment la Syrie ou le conflit Inde-Pakistan. Elle reconnaît que le processus de prise de position est lent, ce que les étudiants reprochent à l’institution. Elle explique que l’ajout de la phase de consultation et le malheureux plagiat ont quelque peu ralenti le processus. Elle précise que personne ne conteste le caractère particulièrement choquant de la situation à Gaza. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 54/78 Un député (S) indique que certains des partenaires de l’université soutiennent l’Etat israélien. Il demande si cela n’est pas suffisant pour justifier une prise de position, ou au moins une interruption des collaborations avec ces universités en particulier. Mme Leuba répond que l’institution regarde si les recherches menées posaient problème au regard des règles éthiques et déontologiques, et non si les universités en tant que telles le sont. L’institution n’a rien constaté de problématique à ce niveau. Concernant l’analyse au niveau des individus, elle précise que cette question n’a pas été tranchée. Elle indique qu’ils ont actuellement un seul partenariat avec l’Université hébraïque de Jérusalem, lequel est inactif. Aucun étudiant de l’Université de Genève n’est actuellement là-bas, et, à sa connaissance, seul un étudiant de cette université est actuellement accueilli à Genève. Il n’y a par ailleurs plus eu d’appel à projets pour la recherche. Un député (S) demande s’ils ne trouveraient pas pertinent d’élargir la réflexion à l’ensemble de l’université partenaire, au sens large, et non uniquement aux projets de recherche. Mme Leuba répond que c’est effectivement la question centrale, et qu’elle se pose également pour d’autres pays comme les Etats-Unis ou la Chine. Elle affirme que la science se situe en partie en dehors du champ politique. Dans certains Etats, explique-t-elle, ce sont précisément les universités qui constituent des forces critiques, capables de faire évoluer la population et les gouvernements. Elle insiste sur le fait que la question est extrêmement délicate et qu’elle a été posée au nouveau rectorat dans un contexte difficile. Elle dit avoir été soulagée de constater que plusieurs grandes institutions avaient également choisi de prendre quelques mois de réflexion s’agissant de cette thématique compliquée. Un député (S) exprime sa frustration : il estime qu’une position unilatérale a été adoptée dans le cas de la Russie, tandis que, dans le cas d’Israël, l’université ne semble pas capable de nuancer sa position ni de proposer une réponse plus complète que « c’est trop compliqué ». Un député (PLR) remercie les auditionnés. Il indique que le rapport du comité scientifique permet de poser un cadre, qu’il souligne l’indépendance de l’institution et qu’il offre une réponse aux pressions politiques. Il estime que le travail a été bien mené et que l’université dispose désormais de bases solides. Il précise que la question de l’évaluation des projets se poserait si une université étrangère devenait un bras armé. Il prend l’exemple de Tel Aviv University : si cette dernière devenait un bras armé du gouvernement de Netanyahou, cela justifierait alors une réévaluation d’un éventuel partenariat. 55/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Mme Leuba indique qu’elle ne souhaite pas se prononcer sur ce point, mais précise que c’est l’un des exemples évoqués dans le rapport. M. Bernard précise que le rapport scientifique a identifié deux situations dans lesquelles un blocage complet pourrait être envisagé : d’une part, si la sécurité des étudiants de l’UNIGE envoyés à l’étranger n’est pas garantie ; d’autre part, si les conditions de la recherche ne sont plus réunies. Il ajoute qu’il ne s’agit plus de recherche universitaire dans le cas où une université deviendrait un bras armé. Ce type de situation constituerait une exception à la recommandation no 4. Un député (PLR) demande davantage de précisions concernant la recommandation no 6. M. Bernard explique qu’Uni Mail a été construite de manière très ouverte, avec une place centrale qui donne l’impression d’être un espace public. En réalité, il s’agit d’un patrimoine administratif affecté aux missions de l’université, ce qui implique que les règles applicables ne sont pas les mêmes que pour un domaine public. Il souligne que cela peut donner l’impression que les droits des particuliers y sont plus étendus qu’ils ne le sont en réalité. Il précise que ce patrimoine est destiné à servir les missions de l’université, et qu’un usage extraordinaire ne peut être envisagé que s’il n’entrave pas l’usage ordinaire des lieux. Un député (PLR) demande si le fait que ce soit du patrimoine administratif complique la situation, comparé à ce que ce serait si cela relevait du patrimoine financier. M. Bernard répond que l’université remplit une mission publique, ce qui implique que les biens en question relèvent du patrimoine administratif. Il précise que le patrimoine financier, quant à lui, n’est pas destiné à l’accomplissement d’une tâche publique. Un député (PLR) demande qui détermine le moment où un seuil est franchi. Mme Leuba indique que le service des autorisations se prononce sur l’utilisation des locaux, lesquels sont soumis à autorisation. Un député (PLR) précise qu’il parlait des collaborations avec les universités. Mme Leuba répond que c’est le rectorat qui détermine cela. La présidente demande si, finalement, le fait de collaborer avec des universités qui n’adhèrent pas au principe de réserve institutionnelle et qui expriment leur soutien au gouvernement de Netanyahou ne constituerait pas une limite à la collaboration. Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela ne remet pas en cause le principe même de la réserve institutionnelle. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 56/78 M. Bernard indique que c’est une excellente question. Il rappelle que les recteurs des universités russes s’étaient prononcés en faveur de la guerre en Ukraine. Il souligne que, selon le comité scientifique, la réaction de l’Europe occidentale à ce sujet a été trop rapide. Il mentionne que certaines discussions au sein du comité portaient sur des collaborations de recherche liées à des textes russes du XIe siècle, et que la question était de savoir s’il y avait vraiment du sens à interrompre ces collaborations en raison de la guerre en Ukraine. Il fait le parallèle avec certains chercheurs qui collaborent aujourd’hui avec des universités israéliennes, par exemple dans le cadre de recherches sur des textes religieux. Il affirme qu’il est difficile de comprendre pourquoi certaines de ces collaborations devraient cesser, dans la mesure où elles sont très dépolitisées. Il ajoute que la même question se pose avec certaines universités américaines. C’est à ce moment-là, dit-il, que le comité a pris conscience de la complexité de la situation. Il précise que la recommandation no 4 est la plus contestée et qu’elle a suscité quelques prises de position individuelles. Elle a également été un point de discussion lors du town hall meeting. Une députée (Ve) déclare que, lorsqu’un Etat entretient des relations commerciales, on peut juger que ce modèle économique permet à un dictateur de poursuivre ses activités criminelles. Elle ajoute que l’Université de Jérusalem participe à la colonisation, dans la mesure où ses locaux se trouvent en territoire palestinien occupé. Elle considère que cela contribue à un système d’apartheid. M. Bernard répond que le comité ne s’est pas prononcé sur ce point. Il souligne que les universités sont souvent des lieux de résistance, ce qui explique, selon lui, les fortes pressions exercées récemment sur les universités américaines. Il précise qu’aucun cas spécifique n’a été traité en détail dans le rapport. Une députée (Ve) fait remarquer que certains Etats ont été condamnés pour avoir maintenu une politique de business as usual avec d’autres Etats. Elle s’interroge sur les raisons pour lesquelles les universités devraient, elles, poursuivre ce type de relations. Mme Leuba répond que cet argument a effectivement été soulevé par le comité scientifique. Elle souligne qu’il est difficile pour une institution académique de mener ce type d’enquêtes de manière rigoureuse, car une réaction rapide serait nécessaire, alors que ce genre d’enquête demande du temps. Elle insiste sur la nécessité de mesurer le degré d’intervention réellement possible pour l’université. 57/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A M. Bernard ajoute que le principe de réserve institutionnelle s’articule avec la liberté des enseignants et des chercheurs. Il rappelle que des crimes de guerre ont également été commis par les forces ukrainiennes, et qu’il y a eu une forte pression pour que les universités se positionnent. Il en conclut que les collaborations devraient rester possibles. Une députée (PLR) demande quand le rapport révisé sera rendu public. Mme Leuba répond qu’elle ne le sait pas pour le moment. Prise de position et vote Un député (LC) indique que le groupe Le Centre refusera les trois objets parlementaires, s’alignant sur la position du rectorat. Un député (PLR) déclare que le groupe PLR a été convaincu par le travail mené par l’Université de Genève et respecte l’indépendance de cette institution. Il affirme que la notion de réserve institutionnelle les a convaincus. Ils considèrent qu’il n’est pas justifié de s’en prendre spécifiquement aux universités israéliennes, et estiment que c’est au sein de cette population d’intellectuels que des solutions doivent émerger. Le groupe refusera la motion M 3029, mais soutiendra la motion M 3030. En ce qui concerne le PL 13536, ils le jugent excessif, estimant que l’université est un lieu de débat politique ; à ce titre, ils refuseront ce projet de loi. Un député (S) souligne l’intérêt de confronter différentes perspectives et d’agir au sein de leur parti. Il indique que le groupe socialiste considère qu’il existe suffisamment d’éléments, en se référant notamment à la déclaration de la Conférence des universités en Espagne, selon laquelle un boycott de certaines universités peut être envisagé. Le groupe accepte la motion M 3029. Il note également un décalage dans la présentation faite par M. Conne de la motion M 3030. Le groupe refusera le PL 13536, qu’il juge trop extrême. Une députée (Ve) estime que la motion M 3030 ainsi que le PL 13536 limitent la liberté d’expression, et indique que ces deux textes seront donc refusés par son groupe. Un député (UDC) considère que le rapport n’est ni suffisamment détaillé ni pertinent, le jugeant trop vaste et général. Le groupe refusera la motion M 3029, qu’il estime largement traitée ailleurs. En revanche, ils apprécient la motion M 3030, plus large selon eux, et la soutiendront, tout comme le PL 13536. Un député (LJS) indique qu’il rejoint la position du groupe Le Centre et refusera les trois objets. Un député (UDC) annonce qu’il s’exprimera par son vote. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 58/78 Vote de la M 3029 La présidente met aux voix la M 3029 : Oui : 4 (3 S, 1 Ve) Non : 9 (1 MCG, 1 LJS, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC) Abstentions : 1 (1 Ve) La M 3029 est refusée. Vote de la M 3030 La présidente met aux voix l’amendement du député PLR à la 2e invite de la M 3030 : – à mettre en œuvre tous les moyens de droit existants, si nécessaire à adapter la législation ou la réglementation, pour prévenir, interdire et si nécessaire mettre fin sans atermoiement, en collaboration avec le rectorat, à toute manifestation refusant un débat contradictoire et à toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants, à l’université et dans les hautes écoles. Oui : 12 (2 S, 2 Ve, 1 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC) Non : – Abstentions : 2 (1 S, 1 LJS) L’amendement est accepté. La présidente met aux voix la M 3030 : 7 (1 MCG, 4 PLR, 2 UDC) Oui : Non : 7 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 1 LC) Abstentions : – La M 3030, ainsi amendée, est refusée. Vote PL 13536 1er débat La présidente met aux voix l’entrée en matière du PL 13536 : Oui : 2 (2 UDC) Non : 11 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 1 LC, 4 PLR) Abstentions : 1 (1 MCG) L’entrée en matière est refusée. Catégorie de débat préavisée : II, 30 minutes 59/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Annexes : 1. Présentation du rectorat sur les trois objets 2. Plaidoyer pour la neutralité académique présenté lors de l’audition de M. Pierre Conne PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 60/78 ANNEXE 1 Motions 3029 et 3030, PL 13536 Présentation du rapport du comité scientifique sur le rôle des universités dans le débat public Commission de l’enseignement supérieur Grand Conseil Audrey Leuba Rectrice Frédéric Bernard membre du comité et président de la rédaction du rapport révisé 15 mai 2025 CES | 15 mai 2025 1 Proposintroductifs CES | 15 mai 2025 2 61/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Calendrier Mai 24 Constitution par le Rectorat d’un comité scientifique composé de représentantes et représentants de la communauté universitaire ainsi que de membres externes Février 25 Remise par le comité scientifique de ses sept recommandations au Rectorat Avril 25 Révélation d’un plagiat et retrait du rapport du site Internet Mai 25 Remise par le comité scientifique du rapport révisé et conforme aux règles de l’Université et de sa charte d’éthique et de déontologie Mai/Juin 25 Suite du processus de consultation D’ici la fin du semestre de printemps Prise de position du Rectorat sur le rôle des universités dans le débat public CES | 15 mai 2025 3 Mandat du comité 1. Les universités peuvent-elles se positionner dans le débat public et notamment sur des thématiques politiques ou des sujets clivants pour leur communauté (conflits armés dans certaines régions du monde, enjeux climatiques, certaines questions de société)? 2. Les universités peuvent-elles suspendre ou interrompre des accords de collaboration et des partenariats scientifiques auxquelles les universités sont parties en se fondant sur des motifs reposant sur des considérations politiques ou en lien avec des sujets clivants pour leur communauté ? CES | 15 mai 2025 4 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 62/78 Membres du comité Hasni Abidi Chargé de cours, Global Studies Institute Frédéric Bernard Professeur, Faculté de droit Frédéric Esposito Chargé de cours, Global Studies Institute Marco Sassòli Professeur, Faculté de droit Francesca Serra Doyenne, Faculté des lettres Amiel Guyot Etudiant, Faculté des lettres Shukriya Shukhratova Étudiante, Global Studies Institute Hassan Yaseir Mahieldein Etudiant, Global Studies Institute Martine Brunschwig Graf Ancienne Présidente de la Commission fédérale contre le racisme Ruth Dreifuss Ancienne Présidente de la Confédération Isabelle Falconnier Directrice exécutive du Club suisse de la presse Pierre Hazan Conseiller auprès du Centre pour le dialogue humanitaire CES | 15 mai 2025 5 Fonctionnement du comité • Dans un premier temps (été-automne 2024), le comité a procédé à une série d'auditions (expertes et experts, étudiantes et étudiants, directrices des relations internationales et de la mobilité étudiante, enseignantes et enseignants confrontés à la problématique) • Dans un deuxième temps (automne 2024-printemps 2025), le comité a élaboré les éléments de réponse aux questions posées par le Rectorat. CES | 15 mai 2025 6 63/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Réflexion (1/3) • Le comité est parti du principe que ses recommandations devaient pouvoir être appliquées de manière générale, c'est-à-dire au-delà de la situation spécifique de Gaza. • Cela l'a placé face au défi suivant: comment définir des critères objectifs permettant d'identifier les situations dans lesquelles l'université pourrait/devrait prendre position (en dehors de la défense de ses missions) et pouvant être appliqués sans sélectivité ? • Le Comité est progressivement parvenu à la conclusion que cette tâche était impossible. CES | 15 mai 2025 7 Réflexion (2/3) • Par ailleurs, il a estimé qu'un positionnement institutionnel de l'université mettrait en péril la liberté académique de ses membres et la liberté d'expression de sa communauté. • Cette position s'appuie sur de nombreuses sources, en particulier: la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, le rapport Kalven de l'Université de Chicago (1967), le rapport de la Ligue européenne des universités de recherche (LERU) consacré à la liberté académique (2023). • Elle a par ailleurs été adoptée par plusieurs autres universités au cours des derniers mois (p. ex., l'Université de Yale aux Etats-Unis). CES | 15 mai 2025 8 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 64/78 Réflexion (3/3) • Le comité a ensuite discuté du terme qui devrait être retenu pour décrire cette position. • Dans les documents cités, le terme utilisé est souvent celui de "neutralité institutionnelle". • Le comité a cependant écarté ce terme, car il a considéré que l'Université n'était pas "neutre" et que la "neutralité" soulevait déjà de nombreuses questions dans le contexte helvétique. • Il a donc préféré l'expression "réserve institutionnelle", proposée par Cécile Laborde en 2024 sur la base de réflexions menées aux Etats-Unis ("institutional restraint"). • A partir de cette position de principe, le comité a adopté sept recommandations. CES | 15 mai 2025 9 Recommandations 1. Affirmer le principe de la réserve institutionnelle de l’Université de Genève 2. Défendre la liberté académique 3. Promouvoir la liberté d’expression 4. Préserver les accords de collaboration et les partenariats scientifiques 5. Harmoniser l’évaluation éthique et déontologique des projets de recherche 6. Clarifier l’affectation et l’utilisation des locaux de l’Université 7. Améliorer la diffusion et l’appropriation de la Charte éthique et de déontologie par l’ensemble de la communauté universitaire CES | 15 mai 2025 10 65/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Position sur les objets parlementaires (I) M 3029 • Selon le comité, il convient de préserver les accords de collaboration et les partenariats scientifiques; l’Université, en tant qu'établissement autonome, se déterminera sur la question de son positionnement sur des sujets politiques une fois la consultation sur les recommandations du comité scientifique achevée. • L’UNIGE s’est par ailleurs engagée à renforcer la transparence et les contrôles éthiques de ses collaborations. • Les dispositifs d’accueil existants sont ouverts aux chercheurs, chercheuses, étudiants et étudiantes palestiniens et des programmes de soutien leurs sont destinés. CES | 15 mai 2025 11 Position sur les objets parlementaires (II) M 3030 • L’UNIGE garantit la liberté académique et la liberté d’expression de sa communauté universitaire dans toute sa diversité; aucune manifestation, aucun colloque, etc. s'agissant de la situation à Gaza n'a jusqu'ici été interdit. A noter que la liberté d'expression protège également les propos qui heurtent voire choquent. L'université respecte cette définition de la CEDH. • En cas de non-respect de la charte d'éthique et de déontologie, resp. des directives de l'institution voire du droit pénal, l'UNIGE engage des sanctions administratives, civiles voire pénales. • L’UNIGE adapte constamment son dispositif de sécurité afin de protéger l’ensemble des membres de sa communauté ainsi que ses bâtiments. CES | 15 mai 2025 12 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 66/78 Position sur les objets parlementaires (III) PL 13536 • Toute activité de propagande et de prosélytisme politique et religieux (y compris les récoltes de signatures, les campagnes d'adhésion à une entité extérieure à l'Université, etc.) et toute activité cultuelle sont strictement interdites à l’intérieur des locaux universitaires et aux abords de ses bâtiments, quels qu’en soient la forme et le support. • Les services compétents de l'UNIGE interviennent dès que ce principe pourrait ne pas être respecté. En conclusion: l'UNIGE a les instruments permettant de répondre aux objectifs des objets législatifs susmentionnés et les utilise, resp. se déterminera dans le respect de son autonomie s’agissant du positionnement politique de l’institution. Elle propose dès lors respectueusement à la CES le rejet des deux motions et du projet de loi. CES | 15 mai 2025 13 Merci de votre attention Questions, Discussion CES | 15 mai 2025 14 67/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A ANNEXE 2 Plaidoyer pour la neutralité académique [Le Temps, 24 mai 2024, https://www.letemps.ch/opinions/debats/plaidoyer-pour-la-neutralite-academique] Les universités subissent une pression croissante pour se positionner sur des questions politiquement sensibles. Nous sommes des philosophes de sensibilités politiques diverses ; nos désaccords sont souvent profonds. Nous nous rejoignons cependant sur l’importance cruciale de la neutralité politique des universités. Les universités ont pour fin essentielle la conservation, la production et la transmission du savoir. Un engagement politique des universités, comme institutions, est incompatible avec la poursuite de ces buts, pour trois raisons. Premièrement, l’engagement politique des universités compromet leur crédibilité, auprès de leurs étudiants comme du reste la société. Une approche scientifique suspectée d’être politiquement orientée n’est plus digne de confiance, et cesse d’être un point de référence transpartisan dans les débats démocratiques. Deuxièmement, l’engagement politique met en péril la légitimité des universités : les citoyens de tous bords politiques n’ont pas de raison de consentir à financer des institutions qui favoriseraient certaines orientations seulement. Troisièmement, l’engagement politique met en péril la qualité de la science et de l’enseignement. La confrontation argumentée d’idées contraires constitue l’épine dorsale des institutions du savoir depuis leur origine. Sans elle, nous sombrons dans le dogmatisme : l’illusion que nos positions sont les seules raisonnables, et que celles de nos adversaires ne sont que les symptômes de vices cognitifs ou moraux. Quoique d’une importance cruciale, la neutralité des universités est souvent mal comprise. Implique-t-elle que les chercheurs s’abstiennent de prendre position dans le cadre de leur fonction ? Si oui, la neutralité n’est-elle pas incompatible avec le débat d’idée et la liberté d’expression académique ? Si non, en quoi consiste-t-elle et où tracer la frontière entre la science et le militantisme ? Pour répondre à ces questions, il convient de distinguer la neutralité de l’institution de la neutralité scientifique. La neutralité de l’institution veut que les institutions universitaires et leurs responsables (rectorats, décanats, facultés, départements) s’abstiennent de prendre position sur les questions politiques. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 68/78 En effet, lorsqu’une université choisit un camp, ceux qui, en son sein, sont d’un avis contraire sont encouragés à se taire, ne partageant plus les valeurs de l’institution. D’autre part, ceux qui, à l’extérieur, souscrivent à d’autres opinions sont découragés de la rejoindre. Le résultat est un appauvrissement du débat autour des sujets sur lesquels l’université s’est engagée. À l’exception des questions qui touchent directement à son fonctionnement interne et à la poursuite des valeurs du savoir, une université neutre se refuse à prendre position sur les questions politiques, même lorsque cela est demandé par une majorité de ses membres. La neutralité de l’institution n’interdit nullement aux enseignants et chercheurs de prendre position. Ceux-ci ont le droit de défendre de manière argumentée, dans le cadre de leur recherche comme de leur enseignement, toute hypothèse, aussi controversée et hétérodoxe soit-elle. Il n’y a donc pas de contradiction entre la neutralité de l’université et la liberté d’engagement des scientifiques. Peuvent-ils pour autant faire de l’université un lieu de militantisme ? Non : la liberté d’engagement des scientifiques n’est pas un permis de militer dans le cadre de leurs fonctions de recherche et d’enseignement (ils sont libres de le faire en dehors). La liberté d’engagement a pour contrepartie (i) le devoir de s’informer et de connaître de première main les opinions contraires aux siennes ; (ii) le devoir de ne pas les taire, mais de les présenter aussi précisément et charitablement que possible ; (iii) le devoir de ne pas les dénigrer, mais de ne les rejeter que sur la base de considérations argumentées. Ceci vaut pour la recherche comme pour l’enseignement. Ainsi, il est permis à un enseignant de défendre ou de critiquer la politique d’Israël dans le cadre de ses enseignements (comme il lui est permis de ne pas le faire) ; mais il ne peut ainsi s’engager sans se faire d’abord l’avocat le plus dévoué de la position adverse, qu’il aura cherché à connaître dans ses détails et s’efforcera de présenter aussi bien que le feraient ses partisans. En ce sens, l’engagement de chaque membre du corps académique est soumis à un impératif de neutralité scientifique dans la présentation de la controverse au sein de laquelle il prend position. Contrairement à la neutralité de l’institution, qui est une neutralité d’abstention, la neutralité scientifique est une neutralité d’équilibre entre des points de vue opposés. En science, comme en politique, nul ne veut d’un parti unique. Cependant, les forces du parti-pris et de la pensée de groupe ne sont pas moins puissantes à l’université qu’ailleurs et les meilleures intentions suffisent rarement à les surmonter. Le seul remède est de se confronter à des points de vue opposés, qu’il faut « pouvoir entendre de la bouche de ceux qui y croient », comme y insistait J. S. Mill. Aussi une université neutre placera-t-elle au cœur de son fonctionnement la culture du débat. Si elle ne 69/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A peut trouver, en son sein, de contradicteur sur telle ou telle question controversée, elle fera en sorte d’en inviter et d’encourager la lecture de ses travaux. Faut-il pour autant discuter de toutes les positions contradictoires, aussi extravagantes soient-elles ? Cela est infaisable. Mais quel que soit le filtre utilisé pour les exclure, celui-ci doit être aussi perméable que possible, au risque de devenir un instrument d’hégémonie idéologique. En matière de questions politiquement sensibles, le défi réside souvent davantage dans l'élargissement du spectre des opinions jugées dignes de discussion que dans sa restriction. Plutôt que de prendre des positions politiques, les universités doivent cultiver le goût du débat et l’aversion pour l’absence de contradiction. La diversité idéologique est notre meilleur garde-fou contre le conformisme intellectuel, le dogmatisme et l’esprit partisan. Prof. Olivier Massin (UNINE), Prof. Fabrice Teroni (UNIGE), Prof. Anne Meylan (UZH), Prof. Simon-Pierre Chevarie-Cossette (UNINE), Prof. Ralf Bader (UNIFR), Prof. Markus Wild (UNIBAS), Prof. Marcel Weber (UNIGE), Prof. Gianfranco Soldati (UNIFR), Prof. Paolo Crivelli (UNIGE), Prof. Francis Cheneval (UZH), Prof. Michael Esfeld (UNIL), Prof. Peter Schaber (UZH), Prof. Richard King (UNIBE), Prof. Christian Wüthrich (UNIGE), Prof. Béatrice Lienemann (UNIFR), Prof. Kristell Trego (UNIFR), Prof. Alexandrine Schniewind (UNIL), Prof. Fabrice Correia (UNIGE), Prof. Simone Zurbuchen (UNIL), Prof. Carole Maigné (UNIL) PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 70/78 Date de dépôt : 30 mai 2025 RAPPORT DE LA MINORITÉ SUR LE PL 13536 Rapport de Virna Conti Introduction Le projet de loi susmentionné a été traité lors de trois séances de commission. Ledit projet de loi pointe du doigt que l’université doit d’abord être un lieu de formation et de recherche et qu’elle ne doit en aucun cas être la tribune d’un quelconque militantisme. Autrement dit, le projet de loi propose d’interdire les manifestations au sein de l’université. Le militantisme, bien qu’important dans une société démocratique, peut devenir problématique lorsqu’il perturbe la mission première de l’université, qui est l’éducation et la recherche. Les universités doivent être des lieux de débat libre, rationnel et nuancé, où les idées peuvent être examinées sans pression idéologique ou intimidation. Or, certaines formes de militantisme peuvent engendrer des tensions, polariser les étudiants et même empêcher certains enseignants ou étudiants d’exprimer leurs idées librement. Cela peut créer un climat de peur ou d’autocensure, contraire à l’idéal académique fondé sur le questionnement critique et l’ouverture d’esprit. De plus, un militantisme excessif peut détourner les ressources et l’attention des universités de leurs fonctions fondamentales : transmettre des connaissances, former des compétences, et produire de la recherche de qualité. Lorsqu’une université devient le théâtre constant de mobilisations, de blocages ou de confrontations idéologiques, cela peut nuire à l’expérience éducative des étudiants. D’autre part, lorsque le militantisme devient excessif, il tend à refuser le compromis et démonise les opinions divergentes. Cela peut créer un climat de polarisation où le dialogue constructif devient impossible, isolant le mouvement au lieu de rassembler autour de sa cause. L’université doit être un sanctuaire du savoir, un espace où la pensée critique peut s’exercer librement, sans pression ni intimidation. Pourtant, ces dernières années, on assiste à une montée du militantisme dans de nombreuses universités, avec des effets de plus en plus visibles : blocages de cours, 71/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A conférenciers annulés, tensions croissantes entre étudiants, et parfois même une certaine forme de censure intellectuelle. Loi proposée Modification Art. 1 La loi sur l’université, du 13 juin 2008, est modifiée comme suit : Art. 3A Neutralité politique et religieuse (nouveau) 1 L’université observe une stricte neutralité politique et religieuse. 2 L’université interdit toute manifestation de nature politique ou religieuse à l’intérieur de ses bâtiments et dans leurs périmètres extérieurs. Art. 2 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. Motivation L’Université de Genève doit-elle continuer à développer son rayonnement international dans un esprit d’excellence académique et de respect des individus ou doit-elle se muer en une courroie de transmission pour toutes sortes de revendications, politiques notamment ? Au printemps 2024, l’Université de Genève a été le théâtre de débordements et d’occupations consécutives à l’attaque terroriste du Hamas contre Israël et à l’intervention de l’Etat hébreu contre le mouvement islamiste palestinien. Sous couvert de revendications propalestiniennes, l’université s’est retrouvée prise en otage par des activistes. Ces occupations n’ont pas manqué de provoquer un sentiment d’insécurité pour certains membres du corps enseignant et estudiantin. Quelles que soient leurs motivations, l’occupation d’un bâtiment pose différents problèmes (accès aux cours, aux bureaux et la garantie d’un espace de recherche et formation sécure). Le slogan « de la rivière à la mer » sur une banderole a heurté de nombreuses personnes, car compris comme un déni du droit d’Israël d’exister et un soutien au Hamas. Ce slogan extrême a d’ailleurs été interdit par le ministère de l’Intérieur allemand. Loin d’être isolés, ces débordements ont été précédés par plusieurs « expositions » comportant des excès politiques insoutenables qui se sont tenues au milieu d’Uni Mail. Véritable opération de désinformation, ces expositions consistaient à faire l’apologie du Hamas en le considérant comme PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 72/78 un mouvement de résistance et dont les actions se justifieraient dans un but de libération. Dans les bâtiments de l’UNIGE, la présence d’affiches « intifada jusqu’à la victoire » posées par des associations reconnues avait également interpellé. Au mois de mai 2024, l’UNIGE est devenue pendant une semaine le centre de revendications politiques violentes et non plus un lieu de recherche et de savoir. Une honte pour les étudiants, pour les enseignants ainsi que pour tous les contribuables qui paient pour que l’université – notre université – remplisse sa mission académique. L’absence de réaction immédiate face aux manifestations organisées à l’intérieur des bâtiments universitaires a permis de donner une tribune à toutes sortes de revendications extrêmes et de lancer une chasse aux sorcières, en demandant l’arrêt des collaborations scientifiques entre l’UNIGE et les universités israéliennes. Des professeurs étaient ainsi « blacklistés » et leur rédemption – aux yeux des activistes – ne pouvait s’envisager que par l’arrêt des collaborations avec les Israéliens. Or, nul professeur ne devrait être mis sous pression de cesser ses collaborations scientifiques pour un motif de revendications politiques. Aucune tentative d’intimidation n’est tolérable, tout est aussi intolérable qu’un certain nombre de professeurs, par hypothèse, prennent fait et cause et s’éloignent ainsi d’une neutralité politique dont ils doivent faire preuve dans le cadre académique. L’occupation du bâtiment universitaire d’Uni Mail par la coordination étudiante pour la Palestine (CEP-UNIGE) dès le 7 mai 2024 a eu pour conséquence de mandater un comité scientifique sur le rôle des universités dans le débat public. Jusqu’à présent, il est fait référence au conflit israélo-palestinien, étant entendu que plusieurs autres manifestations se sont déroulées uniquement pour empêcher la tenue de débats publics. A titre d’exemple : A/ En décembre 2022, lors d’une joute oratoire organisée dans les murs de l’université et par l’Association Foraus et le Club genevois de débat de l’université, neuf individus masqués ont tenté d’interrompre la joute oratoire en cours qui réunissait 200 personnes et d’entarter l’élue. Au moins l’une des personnes à l’origine de l’attaque ferait partie du comité de la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE), d’après un communiqué du Club. Le geste a été revendiqué via un billet publié sur le site du média de gauche radicale Renversé. Ses auteurs y ont menacé même de recommencer. 73/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A De plus en plus d’activistes se prennent pour des justiciers, estimant pouvoir s’affranchir des lois en toute impunité au nom de leur cause ayant pour conséquence une prise d’otage violente du débat public. B/ Au printemps 2022, le professeur de littérature française contemporaine M. Eric Marty devait présenter son livre « Le Sexe des Modernes. Pensée du neutre et théorie du genre ». Il n’a finalement jamais pu s’exprimer : une trentaine de militants ont fait irruption dans la salle qui accueillait l’évènement. Après avoir déployé une banderole, ils s’en sont pris au professeur, chiffonnant ses notes. La directrice du département a tenté en vain d’apaiser la situation. Les militants ont refusé le dialogue avec « une femme blanche non trans ». C/ Dans le même registre mais cette fois-ci à l’Uni Bastions de Genève, une conférence sur le livre « La fabrique de l’enfant-transgenre », présentée par ses deux autrices Caroline Eliacheff et Céline Masson, a été interrompue par plusieurs individus. Organisée par le Centre de psychanalyse de la Suisse romande, la rencontre a commencé à 19h. Mais, au cours de la conférence, des militants LGBTQIA+ ont fait irruption dans la salle, venus pour protester contre l’ouvrage. Le présent projet de loi part du principe que l’université doit d’abord être un lieu de formation et de recherche et non de militantisme, qui plus est générateur de peur. Un militantisme envahissant a pour conséquence de créer des conflits idéologiques qui entravent le dialogue critique. De plus, cela favorise également, et malheureusement, une pensée dogmatique à sens unique, au détriment du doute méthodique, fondement de toute recherche. Ainsi, force est de constater une érosion de la frontière entre science et opinion, ce qui provoque inévitablement un manque d’objectivité et de neutralité. Les étudiants et le corps enseignant, indépendamment de leur origine ou de leur confession, ne devraient pas être confrontés à de telles actions, et ne plus se sentir en sécurité dans notre université. Cela implique évidemment que les étudiants et le corps enseignant s’abstiennent d’organiser ou de participer à de telles actions militantes, le corps enseignant devant tout particulièrement faire preuve d’une grande retenue en s’abstenant de prendre part à des actions qui violent la neutralité académique de l’établissement qui les emploie et qui de surcroît se font souvent au détriment du programme d’études choisi par les étudiants. Cela nuit à la qualité de l’enseignement et compromet la liberté académique, qui est un pilier fondamental des institutions d’enseignement supérieur. L’utilisation des espaces intérieurs à des fins de propagande politique ou religieuse d’un établissement en principe voué à l’enseignement supérieur, à la PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 74/78 recherche scientifique et à la formation n’est pas acceptable. Rappelons que la liberté de réunion en un lieu privé suppose l’accord de son propriétaire et que la liberté de réunion « ne comprend en tout cas pas le droit de s’assembler sur le fonds d’autrui » 12. L’expression des opinions politiques pourra aisément continuer à s’exercer dans l’espace public, tout comme les manifestations dans le respect de la loi sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu) (F 3 10). L’objectif du projet de loi est également de donner à l’université les moyens de mettre fin immédiatement aux actes de propagande politique ou religieuse s’ils venaient à se produire en ses murs en évitant tout flottement quant à la marche à suivre. Conclusion Le militantisme, s’il part souvent de bonnes intentions, finit trop souvent par détourner l’université de sa mission première : transmettre des connaissances et former des esprits autonomes. Lorsque les salles de classe deviennent des tribunes politiques ou que des cours sont empêchés au nom d’une cause, aussi légitime soit-elle, on franchit une ligne dangereuse. L’apprentissage ne peut se faire dans un climat de tension permanente. Ensuite, parce que ce militantisme radical tend à instaurer une forme de pensée unique. Le débat contradictoire, pourtant au cœur de toute formation universitaire, cède parfois la place à des jugements moraux, à des oppositions binaires (« avec nous ou contre nous ») et à la disqualification de toute voix dissonante. Certains enseignants, comme certains étudiants, finissent par s’autocensurer, par peur de représailles symboliques, voire réelles. Enfin, parce que l’université n’est pas un champ de bataille idéologique. Elle doit rester un lieu neutre, ouvert à toutes les opinions tant qu’elles respectent les principes démocratiques. Lorsqu’elle devient le relais d’un combat politique ou identitaire, elle perd en crédibilité, y compris vis-à-vis de la société qui la finance et attend d’elle rigueur, innovation, et excellence. Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille interdire toute forme d’engagement sur les campus. Les universités ont toujours été un creuset de débats, de contestation et de réflexion sociale. Mais il y a une différence entre débattre et imposer, entre s’engager et perturber, entre critiquer et censurer. Il est temps de réaffirmer ce principe fondamental : à l’université, le savoir doit primer sur l’idéologie. Car sans cette exigence de neutralité et de rigueur, c’est l’esprit même de l’université qui s’efface – et, avec lui, notre capacité à penser librement. 12 ATF 97 I 911, 914 75/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A Le militantisme universitaire n’est pas illégitime en soi – il peut même être utile pour faire avancer des causes justes. Mais, lorsqu’il devient omniprésent ou radicalisé, il menace l’équilibre fragile entre liberté d’expression, neutralité institutionnelle et qualité académique. L’université ne peut pas être un champ de bataille idéologique permanent : elle doit rester un espace de savoir, de débat apaisé et d’émancipation intellectuelle. PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 76/78 Date de dépôt : 30 juin 2025 RAPPORT DE LA MINORITÉ SUR LA M 3030 Rapport de Alexandre de Senarclens La motion M 3030 vise principalement à rappeler et à défendre la liberté académique pour que l’université demeure un lieu de débat, de recherche et de dialogue. Elle vise principalement à garantir des débats contradictoires, à prévenir, à interdire et, si nécessaire, à mettre fin à toute manifestation idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à protéger les biens et les personnes au sein de l’université et des hautes écoles. Comme l’a rappelé le premier signataire, il y a eu ces dernières années des débordements qui enfreignaient ce cadre, par exemple : – le 29 avril 2022, à Genève, des militantes et militants ont interrompu une conférence donnée à l’Université de Genève et organisée par le Centre de psychanalyse de Suisse romande, avec les professeurs Bertrand Cramer et Antonio Andreoli. La conférence devait présenter un livre sur la transidentité, un ouvrage et un discours jugés transphobes par les activistes ; – le 17 mai 2022, des activistes LGBTIQ+ ont censuré une conférence organisée par la faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle accueillait un professeur français, invité pour évoquer son livre « Le Sexe des Modernes », jugé transphobe par des militants. Les notes de l’invité ont été déchirées, l’orateur a été aspergé d’eau et son ouvrage jeté dans la salle. Il y a eu des empoignades, des insultes, des crachats. Un assistant de l’université s’est vu menacé de recevoir du gel hydroalcoolique sur le visage. Alertées, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues, mais étaient stationnées à la sortie du bâtiment. Las, les participants, en grande partie issus de l’université, ont finalement quitté la salle après environ une heure, applaudis par les activistes LGBTIQ+. Confrontée pour la seconde fois à de telles pratiques, l’alma mater a déposé une plainte pénale pour la retirer 48 heures plus tard ; – l’occupation récente des locaux universitaires par des militants propalestiniens, exhibant des slogans nationalistes, voire antisémites, tels que « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », ou faisant pression sur 77/78 PL 13536-A M 3029-A M 3030-A les autorités académiques pour ficher certains universitaires israéliens et les bannir. Entendue par la commission, la rectrice de l’Université de Genève, Mme Audrey Leuba, souligne les principes fondamentaux qui gouvernent l’université, notamment la liberté d’expression, garantie par la Constitution fédérale, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Pacte des Nations Unies sur les droits civils et politiques. Elle insiste sur le fait qu’il s’agit d’une liberté fondamentale qui guide l’université. Cette liberté inclut la recherche de la vérité par la confrontation des points de vue, la présentation d’opinions et d’écoles de pensée diverses, ainsi que l’expression de critiques. Mme Leuba précise que cette liberté doit toutefois s’exercer dans le respect de la personne et qu’elle n’est pas absolue, pouvant être soumise à des restrictions. Elle cite la Déclaration de Bonn sur la liberté de recherche scientifique pour appuyer ses propos. Mme Leuba rappelle que les manifestations ont leur place à l’université, à condition de respecter les règles de sécurité, les limites légales et les principes éthiques définis dans la Charte d’éthique. Elle précise que toute manifestation organisée au sein de l’UNIGE est soumise à autorisation. Elle évoque les actions menaçantes qui ont eu lieu et précise que certaines manifestations portant sur des sujets particulièrement sensibles ont déjà entraîné des réactions vives, voire des interruptions temporaires. Elle note une polarisation croissante autour de certains thèmes et considère que les manifestations deviennent plus intenses et engendrent parfois des effets indésirables. Elle signale également que l’UNIGE a été confrontée à des intrusions menaçantes et à des situations que l’institution ne peut tolérer. Face à cela, une plainte pénale a déjà été déposée et le dispositif de sécurité a été adapté. Elle note que la société est aujourd’hui plus polarisée et parfois plus violente, ce qui se répercute sur l’université. Le débat doit être protégé, notamment en amont par des mesures de sécurité, et en aval par des dépôts de plaintes pénales si nécessaire. En conclusion, elle précise que les dispositifs de sécurité ont été renforcés, et que des sanctions administratives, civiles et pénales peuvent être engagées en cas de non-respect des règles. Elle rappelle enfin que les étudiants sont tenus de respecter la Charte d’éthique de l’université. Elle a enfin présenté les résultats du comité scientifique composé de représentants de la communauté universitaire ainsi que de membres externes et, en particulier, le principe de « réserve institutionnelle ». Au sujet de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats et de tolérance », Mme Leuba rappelle que cette motion invite le Conseil d’Etat à mettre tout en œuvre pour garantir la liberté du débat contradictoire à l’université et qu’elle souligne aussi l’importance de prévenir, interdire si nécessaire, et mettre fin à toute manifestation idéologique imposant PL 13536-A M 3029-A M 3030-A 78/78 une vérité contre une autre, ainsi qu’à toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants. La motion insiste enfin sur la nécessité de protéger les biens et les personnes au sein de l’institution. Malgré ses déclarations, la rectrice a annulé le 3 juin 2025 une conférence de presse sous la pression d’un groupe de manifestants. Ainsi, au vu des auditions et de ces récents évènements, la minorité considère qu’il est essentiel de rappeler les invites de la motion qui reste pleinement d’actualité, raison pour laquelle la minorité invite le Grand Conseil à accepter la présente proposition de motion.