GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève RD 1614-A Date de dépôt : 30 avril 2025 Rapport de la commission législative chargée d’étudier le rapport d’activité du préposé à la protection des données et à la transparence pour l’année 2024 Rapport de Céline Zuber-Roy (page 2) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 05.25 RD 1614-A 2/7 Rapport de Céline Zuber-Roy La commission législative a examiné ce rapport divers sous la présidence de M. Vincent Canonica lors de la séance du 4 avril 2025. Le procès-verbal de cette séance a été rédigé par Mme Selma Bentaleb. Les travaux se sont déroulés en présence de Mme Athina Hanna, directrice des affaires juridiques de la Chancellerie d’Etat (DAJ – CHA), et de Mme Tina Rodriguez, secrétaire scientifique du Secrétariat général du Grand Conseil (SGGC). L’auteur de ce rapport remercie vivement toutes ces personnes. Audition de M. Stéphane Werly, préposé cantonal à la protection des données et à la transparence M. Werly commence par rappeler que la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles (LIPAD) comporte deux volets : la protection des données et la transparence. Le rôle du préposé à la protection des données et à la transparence (PPDT) est de veiller au respect de l’application de la LIPAD. Son équipe est composée de trois personnes, renforcée depuis le 1er août 2023 par deux collaborateurs supplémentaires. Dans leur rapport, ils constatent une augmentation de leurs activités. Ils ont rédigé 31 avis, préavis ou recommandations, un chiffre stable par rapport à 2023, mais nettement supérieur à celui des années précédentes. En plus de leurs tâches habituelles, ils ont effectué un contrôle Schengen, portant sur les quatre entités à Genève ayant accès aux fichiers SIS (le système d’information Schengen), lequel permet notamment de rechercher des objets volés ou des personnes faisant l’objet d’un mandat d’arrêt international. Un contrôle approfondi a notamment été réalisé auprès de la police cantonale. Ils organisent également des visites. Il précise qu’actuellement 186 institutions publiques sont soumises à la LIPAD : les 45 communes, les trois pouvoirs, le groupe de confiance, la Cour des comptes ainsi que le médiateur administratif. S’y ajoutent les établissements publics tels que les TPG, l’Hospice général et l’aéroport, ainsi que les fondations communales de droit public, notamment dans les domaines des crèches, du logement et des personnes âgées. Ils entretiennent aussi des contacts réguliers avec le groupe suisse Schengen. Par ailleurs, ils participent à un groupe transparence au niveau suisse, à un groupe de préposés à la protection des données nommé Privatim, également au niveau suisse, ainsi qu’à un groupe des préposés à la protection des données latins. M. Werly indique qu’ils réagissent très rapidement, dans un délai de 10 jours. Ils ont réalisé trois fiches informatives sur des thèmes d’actualité : la 3/7 RD 1614-A violation de la protection des données, l’analyse d’impact et l’intelligence artificielle. Ils publient également quatre bulletins d’information par an, en mars, juin, septembre et décembre, qui traitent de l’actualité, de la jurisprudence, etc. L’obligation de transparence comporte deux volets : la transparence active, qui consiste à publier des documents d’intérêt public, et l’information passive, soit la possibilité pour toute personne – quels que soient sa nationalité, son âge ou son lieu de résidence – de demander l’accès à des documents. Il précise que c’est à ce niveau que cela devient intéressant : lorsqu’une institution publique refuse de transmettre un document, les personnes peuvent s’adresser au préposé pour solliciter une médiation. Il souligne que les demandes de médiation ont fortement augmenté, passant de 36 à 57. M. Werly explique qu’il n’est pas nécessaire d’invoquer un motif pour demander une médiation. Cela explique pourquoi certaines personnes s’adressent à eux dans l’espoir d’obtenir des informations plus rapidement, y compris lorsqu’elles sont déjà engagées dans une procédure judiciaire. Lorsque la médiation aboutit, l’affaire est classée. Dans le cas contraire, ils rédigent une recommandation et transmettent le dossier. En 2024, ils en ont rédigé 14, alors que la moyenne se situe habituellement autour de 10. Il ajoute que la protection des données personnelles est un sujet complexe. Avec l’entrée en vigueur de la nouvelle loi fédérale sur la protection des données (LPD), de nombreux particuliers les sollicitent. La direction des affaires juridiques de la Chancellerie (DAJ – CHA) a travaillé à l’adaptation de la LIPAD cantonale afin de la mettre en conformité avec le droit supérieur. La nouvelle LIPAD a été adoptée par le Grand Conseil le 3 mai 2024. Il précise que le règlement a récemment été finalisé par la DAJ. En matière de données personnelles, il existe deux types d’actes : les préavis et les recommandations. M. Werly précise qu’ils reçoivent de nombreuses sollicitations par téléphone, par courrier et par e-mail. Il note que ces sollicitations ont augmenté depuis qu’il n’y a plus de médiateur administratif. Il explique que le rapport est alimenté tout au long de l’année, et que celui de l’année 2025 est déjà en cours de rédaction. Il ajoute que certaines personnes s’affilient à des partis politiques, ne sont pas élues, puis demandent la suppression de leur nom du site de la Chancellerie fédérale. Celle-ci refuse ces demandes. M. Werly rappelle que la décision finale revient à l’institution publique concernée. Un recours peut être formé devant la Chambre administrative de la Cour de justice, puis, le cas échéant, devant le Tribunal fédéral. RD 1614-A 4/7 Questions des commissaires Une députée PLR remercie M. Werly pour la présentation du rapport. Elle indique qu’elle s’interroge sur les demandes d’accès qui poursuivent un objectif autre que celui de la transparence. A ce jour, aucun motif n’est requis pour formuler une telle demande. Elle lui demande s’il estime qu’il serait opportun de restreindre les possibilités de recours au PPDT. M. Werly répond qu’à sa connaissance, aucune loi cantonale en Suisse n’exige la mention d’un motif pour ce type de demande. Il précise qu’ils font ce constat depuis deux ou trois ans, notamment grâce aux nombreuses visites, conférences et formations organisées. Il observe que certains avocats utilisent ce mécanisme avec leurs clients – un phénomène particulièrement marqué l’année précédente. Il indique qu’en 2025, ils ont déjà enregistré 17 demandes de médiation, et que certaines sont retirées avant même d’aboutir à une médiation. Il rappelle que le fait d’exiger un motif serait contraire à la volonté du législateur genevois. Il lui arrive de discuter avec certains avocats pour leur faire remarquer qu’ils mènent des procédures parallèles. Parmi les 57 demandes de médiation enregistrées, 20 émanaient d’avocats, dont deux à eux seuls ont déposé neuf demandes chacun. Il précise qu’ils n’apprécient pas de voir des médiations en attente. Il conclut qu’à ce jour, la situation reste gérable, mais, si un jour ils n’arrivaient plus à suivre, son avis pourrait évoluer. La députée PLR fait remarquer que le PPDT représente le sommet de l’iceberg des demandes d’accès aux documents et elle lui demande s’il a le sentiment que cela entraîne un surmenage dans les administrations. M. Werly répond que non, sauf dans deux communes en particulier qui reçoivent un nombre important de demandes de la part de deux citoyens. En dehors de ces cas spécifiques, il ne perçoit pas de surcharge. Il affirme qu’aucune commune ne croule sous les demandes. Seule la Ville de Genève transmet des statistiques. Il souligne également une différence notable dans le volume des demandes entre les grandes communes et les plus petites. La députée PLR demande s’il existe une FAQ sur leur site internet, notamment sur la question des caméras, un sujet susceptible d’intéresser un large public. M. Werly précise que la question des caméras relève de la LPD, et que leur site redirige vers celui de la LPD, bien que ce sujet ne fasse pas partie de leurs compétences. Il ajoute que leur site contient tous les formulaires ainsi que les informations utiles. Leur bande dessinée paraîtra le 6 mai 2025. Il souligne qu’ils sont prêts pour l’entrée en vigueur de la nouvelle LIPAD, avec de nombreuses fiches informatives et recommandations disponibles. Il précise que, s’agissant de la protection des données, les recommandations ne seront 5/7 RD 1614-A émises qu’une fois toutes les voies de recours épuisées, conformément à une obligation légale. Un député socialiste mentionne le PL 13361-A, portant sur la procédure d’accès aux documents. Il s’interroge sur l’existence de discussions visant à harmoniser les pratiques entre les différents départements. Il souligne que ces derniers disposent d’une marge de manœuvre relativement large, ce qui peut entraîner des disparités susceptibles de soulever des interrogations. Il estime qu’il serait pertinent d’anticiper ces difficultés. M. Werly répond que l’article 28, alinéa 7 de la LIPAD, adopté en novembre 2024, prévoit que le Conseil d’Etat peut fixer un émolument lorsque la demande entraîne un surcroît de travail. Il précise qu’il s’agit d’une exception au principe de transparence. Il indique que très peu de litiges concernent les émoluments. Lorsque la recherche implique un travail disproportionné pour l’institution publique, un émolument peut être exigé. Il s’agit alors de démontrer que le nombre d’heures avancé par l’institution est excessif, ce qui doit être évalué au cas par cas. Il explique qu’un groupe interdépartemental LIPAD, composé des représentants des sept départements ainsi que d’une personne de l’OCSIN, se réunit une fois par mois, le mardi. Il souligne l’importance, pour les départements, de développer une pratique commune, compte tenu du nombre croissant de demandes. Le député socialiste réagit à l’un des propos tenus en relevant que le fait de devoir convaincre de respecter la jurisprudence soulève une difficulté. Il souligne que le PPDT ne peut pas formuler d’injonctions. M. Werly confirme que le PPDT ne peut émettre que des recommandations, sans pouvoir décisionnel. Il précise qu’ils sont également formés à la médiation. Il explique que la LIPAD est une loi fondée sur la sensibilisation et l’adhésion volontaire des institutions publiques. Il rappelle qu’il y a actuellement 186 institutions concernées, alors qu’en janvier 2014, seules 10 y avaient initialement adhéré. Il leur a fallu huit ans pour convaincre l’ensemble des institutions d’y participer. Il indique qu’il se rend souvent sur place pour expliquer les enjeux de la loi. Il réaffirme que le PPDT ne peut émettre d’injonctions. Il se dit très satisfait que 100% des institutions publiques aient désormais déclaré leurs fichiers. Une personne au sein de son équipe est spécifiquement chargée de suivre la déclaration des fichiers par les institutions. Le député socialiste précise que sa question concerne plutôt les départements au niveau cantonal. M. Werly répond que les sept responsables LIPAD des départements remplissent tous leurs fonctions de manière exemplaire. Ils maîtrisent parfaitement la LIPAD ainsi que la jurisprudence applicable, et participent RD 1614-A 6/7 systématiquement aux formations et conférences organisées par le PPDT. Il affirme qu’il n’existe aucun problème à ce niveau. Un député PLR souligne que le PPDT n’est pas habilité à prendre des décisions et il demande s’il existe des garde-fous pour encadrer d’éventuels abus en matière de demandes. M. Werly répond qu’ils ne peuvent pas refuser une demande, même lorsqu’une même personne en a déjà formulé un grand nombre. Il précise que la LIPAD n’est pas une loi formaliste et qu’ils privilégient des moyens amiables pour traiter ce type de situation. Il rappelle que le principe fondamental est la transparence. Ainsi, lorsqu’ils recommandent de ne pas transmettre certains documents, ils s’appuient toujours sur des arguments solides. A titre d’exemple, il mentionne une demande qui portait précisément sur les salaires perçus par les députés, laquelle a été rejetée. Il explique que le respect de la sphère privée doit être concilié avec l’exigence de transparence. Le député PLR reconnaît que les cas d’abus peuvent être difficiles à gérer. Il demande à M. Werly s’il aurait des recommandations concernant une éventuelle modification de la base légale. M. Werly répond qu’en collaboration avec la DAJ, ils ont examiné les aspects de la loi susceptibles d’être modifiés. Il précise qu’un seul point pourrait éventuellement faire l’objet d’une révision. Toutefois, il estime qu’il serait préférable de laisser d’abord la nouvelle LIPAD entrer en vigueur, avant d’envisager d’éventuelles adaptations. Il indique également qu’ils souhaitent publier un commentaire spécialisé à l’intention des juristes, qui sera présenté à la fin de leur mandat, une fois la nouvelle LIPAD en place. Le député PLR évoque l’article 26 alinéa 2 LIPAD, qui énumère les exceptions de la lettre a à la lettre l. Il souligne que ce spectre relativement large permet de statuer rapidement en invoquant la prévalence d’une exception. Il estime que certains garde-fous pourraient être envisagés pour limiter les demandes abusives. M. Werly réaffirme que le PPDT est au service des citoyens. Il reconnaît recevoir parfois des demandes de médiation totalement farfelues, mais souligne que, dans certains cas, les personnes concernées sont simplement en quête d’écoute. Un député socialiste revient sur les questions soulevées par la députée PLR concernant l’absence de motivation dans les demandes d’accès. Il demande comment le PPDT distingue les demandes abusives ou problématiques des autres demandes. M. Werly répond qu’ils ne peuvent pas qualifier une demande d’abusive. Il précise que, lorsqu’il s’agit de journalistes, la situation est claire et relève de 7/7 RD 1614-A l’article 1 alinéa 2 lettre a de la LIPAD, relatif à la libre formation de l’opinion publique. En revanche, lorsqu’un particulier demande, par exemple, des informations sur son voisin, la transparence ne s’applique pas, car elle vise à garantir un accès égal à l’information pour tous, sans but subjectif. Il souligne qu’il n’existe pas de « but idéal » dans ce contexte. Le député socialiste demande si des échanges ont eu lieu avec d’autres préposés à ce sujet. M. Werly indique que cette problématique est également rencontrée par les préposés d’autres cantons et qu’elle n’est pas propre à Genève. Il précise qu’ils rencontreront leurs homologues jeudi prochain. Le député socialiste observe que, si l’on devait exiger un motif, une autorité devrait alors statuer sur la recevabilité des demandes. M. Werly répond que cela pourrait effectivement relever de leur compétence. Il ajoute qu’un tel système pourrait être envisagé pour les demandes de transparence, mais pas en matière de protection des données lorsqu’il s’agit de données personnelles de tiers. Dans ces cas, une pesée des intérêts est effectuée : si le demandeur n’a aucun intérêt légitime à obtenir les données, l’institution est en droit de refuser la demande. Vote sur le RD 1614 Le président met aux voix la prise d’acte du rapport d’activité du préposé à la protection des données et à la transparence pour l’année 2024 : Oui : Non : Abstentions : 9 (1 LJS, 1 LC, 2 S, 1 Ve, 1 MCG, 1 UDC, 2 PLR) – – La prise d’acte du rapport d’activité du préposé à la protection des données et à la transparence pour l’année 2024 est acceptée à l’unanimité. Catégorie de débat préavisée : IV