Secrétariat du Grand Conseil PL 12901 Projet présenté par les députés : Mmes et MM. Murat-Julian Alder, Jean Romain, Pierre Nicollier, Jacques Apothéloz, Helena Rigotti, Alexis Barbey, Cyril Aellen, Véronique Kämpfen, Antoine Barde, Fabienne Monbaron, Charles Selleger, Jean-Marc Guinchard Date de dépôt : 23 mars 2021 Projet de loi modifiant la loi sur l’organisation des institutions de droit public (LOIDP) (A 2 24) (Transparence en matière de rémunération des dirigeants d’institutions de droit public) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit : Art. 1 Modifications La loi sur l’organisation des institutions de droit public, du 22 septembre 2017, est modifiée comme suit : Art. 42A Rémunération (nouveau) 1 La rémunération de la direction générale tient compte des spécificités du poste, des missions et des responsabilités liées à la fonction, ainsi que de l’expérience et des compétences de la personne qui l’exerce. 2 Elle fait l’objet d’une prescription autonome adoptée par le conseil et soumise à l’approbation du Conseil d’Etat. 3 Le montant de la rémunération de la direction générale, y compris de toutes éventuelles indemnités forfaitaires pour frais, est public. Art. 50A Rémunération (nouveau) 1 La rémunération de la direction ou du secrétariat tient compte des spécificités du poste, des missions et des responsabilités liées à la fonction, ainsi que de l’expérience et des compétences de la personne qui l’exerce. ATAR ROTO PRESSE – 100 ex. – 03.21 PL 12901 2/7 Elle fait l’objet d’une prescription autonome adoptée par le conseil et soumise à l’approbation du Conseil d’Etat. 3 Le montant de la rémunération de la direction ou du secrétariat, y compris de toutes éventuelles indemnités forfaitaires pour frais, est public. 2 Art. 2 Modifications à une autre loi La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) (B 5 15), du 21 décembre 1973, est modifiée comme suit : Art. 3, al. 5 (nouveau) 5 Le traitement de la direction générale, respectivement de la direction ou du secrétariat, d’institutions de droit public est régi par les articles 42A et 50A de la loi sur l’organisation des institutions de droit public, du 22 septembre 2017. Art. 3 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. 3/7 PL 12901 EXPOSÉ DES MOTIFS Mesdames et Messieurs les députés, I. Introduction La LOIDP1 règle l’organisation des institutions décentralisées cantonales de droit public (art. 1), lesquelles sont classées en quatre catégories : les établissements de droit public principaux (art. 3 al. 1 let. a à f), les autres établissements de droit public (art. 3 al. 1 let. g à l), les fondations immobilières (art. 3 al. 1 let. m à r) et les autres fondations de droit public (art. 3 al. 1 let. s à w). Chaque institution dispose d’un organe exécutif (« le conseil »), appelé conseil d’administration, conseil de fondation ou commission administrative selon la nature de l’entité concernée (art. 13 LOIDP). Le montant et les modalités de rémunération des membres de ces organes exécutifs sont fixés par voie réglementaire conformément aux principes de rémunération de la fonction publique et en respectant l’égalité de traitement, étant précisé que le montant de la rémunération de chaque membre, y compris de toutes éventuelles indemnités forfaitaires pour frais, est public (art. 22 al. 1, 1re phr. LOIDP). La loi prévoit que cette rémunération ne peut pas dépasser, pro rata temporis, toutes indemnités comprises, le maximum de la classe 33, annuité 22 selon l’art. 2 LTrait2 (art. 22 al. 1, 2e phr. LOIDP). Les établissements de droit public principaux (TPG, Aéroport international de Genève, Hospice général, HUG, SIG et IMAD) sont dirigés par un directeur général nommé par le conseil d’administration (art. 41 LOIDP) et responsable de la gestion opérationnelle de l’institution (art. 42 al. 1 LOIDP). Les autres entités de droit public soumises à la LOIDP sont, selon leur importance, assistées d’une direction ou d’un secrétariat (art. 49 LOIDP) responsable de la gestion opérationnelle de l’institution (art. 50 LOIDP). 1 2 RS/GE A 2 24 Loi sur l’organisation des institutions de droit public, du 22 septembre 2017 (LOIDP). RS/GE B 5 15 Loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers, du 21 décembre 1973 (LTrait). PL 12901 4/7 Si la rémunération des membres de l’organe exécutif est publique et plafonnée (art. 22 al. 1 LOIDP), tel n’est pas le cas de la rémunération de la direction générale des établissements de droit public, ni de la direction ou du secrétariat des autres institutions soumises à la LOIDP. En effet, cette question était une importante source de divergence politique lors de l’élaboration de la loi, qui avait fait l’objet de deux renvois en commission. Sur proposition du Conseil d’Etat, la commission législative chargée d’étudier la LOIDP avait donc décidé de ne fixer aucune règle légale en matière de rémunération des directions générales, respectivement des directions ou secrétariats3. Cette décision a été confirmée lors de l’adoption de la loi en plenum le 22 septembre 2017, la priorité du gouvernement et du parlement cantonaux ayant été à l’époque de doter enfin Genève d’une loi-cadre pour organiser les institutions de droit public après plusieurs échecs en votation populaire4. Le présent projet de loi n’entend nullement rouvrir le débat sous l’angle du plafonnement des rémunérations des directions générales, respectivement des directions ou secrétariats. En effet, les institutions soumises à la LOIDP doivent pouvoir bénéficier d’une autonomie aussi grande que possible en la matière. Toutefois, l’art. 2 let. f LOIDP dispose que l’un des buts de la loi est d’« assurer la transparence des rémunérations », étant précisé que, juridiquement, cette disposition est applicable à l’ensemble des institutions concernées. De plus, à Genève, la transparence de l’activité publique est un principe constitutionnel (art. 9 al. 3 Cst. GE5). Selon l’art. 18 LIPAD6 : « 1 Les institutions communiquent spontanément au public les informations qui sont de nature à l’intéresser, à moins qu’un intérêt prépondérant ne s’y oppose. 2 L’information doit être donnée de manière exacte, complète, claire et rapide. 3 4 5 6 Rapport n° PL 11391-C du 4 septembre 2017, pp. 15-16. Mémorial du Grand Conseil de la session des 21 et 22 septembre 2017. RS/GE A 2 00 Constitution de la République et canton de Genève, du 14 octobre 2012 (Cst-GE). RS/GE A 2 08 Loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles, du 5 octobre 2001 (LIPAD). 5/7 PL 12901 3 Les institutions informent par des moyens appropriés à leurs ressources et à l’importance des informations à diffuser. Dans toute la mesure du possible, elles utilisent les technologies modernes de diffusion de l’information. » En l’occurrence, la question de la rémunération des dirigeants d’institutions de droit public constitue de toute évidence une information de nature à intéresser le public7 et on ne voit pas quel intérêt prépondérant pourrait justifier la confidentialité autour d’une telle information. D’ailleurs, on ne voit pas non plus en quoi le montant et les modalités de la rémunération des dirigeants d’institutions de droit public pourraient tomber sous le coup de l’une des exceptions prévues par l’art. 26 al. 2 LIPAD, c’est-à-dire les informations propres à : « a) mettre en péril la sécurité de l’Etat, la sécurité publique, les relations internationales de la Suisse ou les relations confédérales ; b) mettre en péril les intérêts patrimoniaux légitimes ou les droits immatériels d’une institution ; c) entraver notablement le processus décisionnel ou la position de négociation d’une institution ; d) compromettre l’ouverture, le déroulement ou l’aboutissement d’enquêtes prévues par la loi ; e) rendre inopérantes les restrictions au droit d’accès à des dossiers qu’apportent les lois régissant les procédures judiciaires et administratives ; f) rendre inopérantes les restrictions légales à la communication de données personnelles à des tiers ; g) porter atteinte à la sphère privée ou familiale ; h) révéler des informations sur l’état de santé d’une personne ; i) révéler des informations couvertes par des secrets professionnels, de fabrication ou d’affaires, le secret fiscal, le secret bancaire ou le secret statistique ; j) révéler d’autres faits dont la communication donnerait à des tiers un avantage indu, notamment en mettant un concurrent en possession d’informations auxquelles il n’aurait pas accès dans le cours ordinaire des choses ; 7 Laurence Bézaguet, Salaire des patrons : débat animé en vue au Grand Conseil, La Tribune de Genève, le 20 février 2021. PL 12901 6/7 k) révéler l’objet ou le résultat de recherches scientifiques en cours ou en voie de publication ; l) révéler des délibérations et votes intervenus à huis clos ou compromettre les intérêts ayant justifié le huis clos d’une séance ». En outre, on rappellera que les sociétés de droit privé dont les actions sont cotées en bourse sont tenues d’indiquer dans l’annexe au bilan toutes les indemnités qu’elles ont versées directement ou indirectement à la direction (art. 663b al. 1 ch. 2 CO8), étant précisé que les indications sur les indemnités doivent inclure le montant global accordé aux membres de la direction, ainsi que le montant accordé au membre de la direction dont la rémunération est la plus élevée, avec mention du nom et de la fonction de ce membre (art. 663b al. 4 ch. 2 CO). Au vu de ce qui précède, les auteurs du présent projet de loi proposent de consacrer dans la LOIDP la transparence de la rémunération des dirigeants d’institutions de droit public, tout en garantissant l’autonomie de ces dernières, essentielle pour en assurer la bonne gouvernance. II. Commentaire article par article Article 42A Cette disposition concerne uniquement les directions générales d’établissements de droit public principaux (TPG, Aéroport international de Genève, Hospice général, HUG, SIG et IMAD). Elle consacre une règle générale en matière de rémunération (al. 1), que chaque institution pourra décliner et développer en fonction de ses propres besoins à l’interne. Afin de garantir la publicité tant du montant (al. 3) que des modalités de rémunération des directeurs généraux d’établissements de droit public principaux, il est proposé d’avoir recours à l’outil juridique de la prescription autonome (al. 2), étant rappelé que les prescriptions autonomes sont publiées par la chancellerie d’Etat (art. 12 al. 3 LOIDP). Afin que le Conseil d’Etat puisse exercer pleinement sa tâche de surveillance (art. 8 LOIDP), il est en outre prévu que les prescriptions autonomes en matière de rémunération des directeurs généraux d’établissements de droit public principaux soient approuvées par le gouvernement cantonal (al. 2 in fine). 8 RS/CH 220 Loi fédérale complétant le Code civil suisse (Livre cinquième : Droit des obligations), du 30 mars 1911 (Code des obligations suisse ; CO). 7/7 PL 12901 Article 50A Cette disposition concerne les directions ou secrétariats d’institutions autres que les établissements de droit public principaux. Elle consacre une règle générale en matière de rémunération (al. 1), que chaque institution pourra décliner et développer en fonction de ses propres besoins à l’interne. Afin de garantir la publicité tant du montant (al. 3) que des modalités de rémunération des directions ou secrétariats, il est proposé d’avoir recours à l’outil juridique de la prescription autonome (al. 2), étant rappelé que les prescriptions autonomes sont publiées par la chancellerie d’Etat (art. 12 al. 3 LOIDP). Afin que le Conseil d’Etat puisse exercer pleinement sa tâche de surveillance (art. 8 LOIDP), il est en outre prévu que les prescriptions autonomes en matière de rémunération des directions ou secrétariats soient approuvées par le gouvernement cantonal (al. 2 in fine). Art. 3, al. 5 LTrait Afin de préserver leur autonomie et que les institutions de droit public ne soient liées par aucun plafond de rémunération, conformément à la volonté exprimée par le Conseil d’Etat et par le Grand Conseil en 2017, le présent projet de loi propose de modifier également l’art. 3 LTrait, intitulé Traitements « hors classe », en y insérant une précision sous la forme d’un renvoi à la LOIDP. III. Conclusions Les auteurs du présent projet de loi proposent d’ores et déjà son renvoi sans débat pour examen à la commission législative, qui avait étudié le PL 11391 durant la 1re législature (2013-2018). Ils suggèrent en particulier à ladite commission d’auditionner le Conseil d’Etat et de consulter l’ensemble des institutions de droit public soumises à la LOIDP. Vu leur nombre, le cas échéant, la commission pourra procéder à une consultation écrite. Au vu de ces explications, nous vous remercions d’avance, Mesdames et Messieurs les députés, de l’accueil favorable que vous voudrez bien réserver au présent projet de loi.