GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève M 3166 Signataires : Jacques Blondin, Jean-Marc Guinchard, François Erard Date de dépôt : 3 novembre 2025 Proposition de motion Abaissons les frais de naturalisation afin de faciliter l’intégration des familles et des enfants de la deuxième génération Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – que l’accès à la nationalité suisse demeure un parcours exigeant et onéreux ; – que les émoluments cantonaux atteignent actuellement 1250 francs pour une personne seule de plus de 25 ans et jusqu’à 2000 francs pour un couple, sans compter les émoluments fédéraux et communaux ; – que ces coûts peuvent dépasser 2800 francs pour une famille, constituant un frein réel à la naturalisation ; – que d’autres cantons, comme Fribourg, Neuchâtel ou Berne, appliquent des émoluments nettement plus bas que notre canton ; – que Genève compte plus de 40% d’habitants étrangers, mais présente un taux de naturalisation inférieur à la moyenne nationale ; – que la naturalisation est un levier essentiel d’intégration civique et sociale, permettant une participation politique et une cohésion renforcée ; – qu’il est de l’intérêt de la collectivité de lever les barrières financières sans diminuer les exigences qualitatives liées à l’intégration, notamment à travers un test civique exigeant ; – que si un émolument doit, en principe, correspondre aux coûts de la prestation fournie, l’autorité peut décider d’en assumer une partie pour motif d’intérêt public, ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 11.25 M 3166 2/5 invite le Conseil d’Etat – à revoir le règlement d’application de la loi sur le droit de cité genevois (RDCG) afin d’abaisser significativement les émoluments de naturalisation et de fixer un montant de : a) 100 francs pour la personne étrangère mineure de 9 à 17 ans (procédure individuelle allégée) ; b) 350 francs pour la personne étrangère majeure de moins de 25 ans (procédure individuelle allégée) ; c) 500 francs pour la personne étrangère de plus de 25 ans (procédure individuelle) ; d) 600 francs pour les couples mariés ou liés par un partenariat enregistré, dont l’un des membres a moins de 25 ans (procédure pour couple) ; e) 1000 francs pour les couples mariés ou liés par un partenariat enregistré, dont les deux membres ont plus de 25 ans (procédure pour couple) ; f) 100 francs par enfant mineur compris dans la procédure de ses parents. – à introduire un renforcement qualitatif de l’évaluation civique, en s’assurant que les personnes requérantes maîtrisent les connaissances essentielles relatives à la géographie, l’histoire, les institutions, les droits et devoirs liés à la citoyenneté. 3/5 M 3166 EXPOSÉ DES MOTIFS L’accès à la nationalité suisse demeure un parcours exigeant et onéreux. Un candidat ou une candidate à la naturalisation doit attendre de nombreuses années et surmonter des écueils bureaucratiques importants avant de pouvoir obtenir sa citoyenneté. Son parcours est jonché d’étapes administratives et politiques ; il est également une épreuve personnelle. Une longue démarche qui se retrouve souvent entravée, dès le départ, par des considérations financières puisque d’importants émoluments sont dus dès le début de la procédure, quel que soit le résultat de la naturalisation. Cette situation soulève un enjeu de fond : l’égalité d’accès à la citoyenneté pour celles et ceux qui vivent durablement dans notre canton, y travaillent, y paient leurs impôts et y participent à la vie sociale, mais se voient freinés dans leur démarche par des obstacles purement financiers. Si la naturalisation doit rester un acte sérieux, encadré et fondé sur des critères d’intégration, elle ne doit pas devenir un privilège réservé à celles et ceux qui peuvent en supporter les coûts administratifs élevés. A Genève, les émoluments cantonaux s’élèvent à 1250 francs pour une personne seule de plus de 25 ans et jusqu’à 2000 francs pour un couple, auxquels s’ajoutent les émoluments fédéraux (jusqu’à 150 francs) ainsi que d’éventuels frais communaux. Dans le cas d’une famille avec enfants, la somme peut dépasser les 2800 francs. Ce coût constitue un véritable obstacle pour une part importante de la population, notamment les familles à revenu modeste, les jeunes adultes en début de parcours professionnel ou les enfants issus de la deuxième génération, souvent nés, scolarisés et socialisés à Genève. Il n’est donc guère étonnant que les coûts élevés figurent parmi les premiers facteurs de renoncement à la naturalisation. La comparaison intercantonale révèle d’importantes disparités. Certains cantons comme Fribourg ou Neuchâtel appliquent des émoluments significativement inférieurs. Ainsi, Fribourg demande environ 400 à 500 francs pour une personne seule, alors que dans le canton de Vaud, les frais varient entre 500 et 1000 francs. Le canton de Berne facture en moyenne 500 francs par adulte. Ces montants contrastent fortement avec ceux de Genève, qui figure parmi les cantons les plus chers du pays en matière de naturalisation. Cette disparité pose question, d’autant plus que Genève est aussi l’un des cantons avec la plus forte proportion de résidents étrangers M 3166 4/5 (plus de 40%), mais avec un taux de naturalisation inférieur à la moyenne nationale. Sur le plan national, le taux de naturalisation avoisine 2% par an. Ce chiffre demeure bas, particulièrement au vu du nombre de personnes éligibles (plus d’un demi-million à l’échelle suisse). Dans un contexte où la Confédération et les cantons encouragent l’intégration, ce paradoxe traduit un écart entre les discours et les moyens réellement mis en œuvre pour favoriser l’accès à la pleine citoyenneté. Favoriser l’intégration par une politique d’ouverture à la citoyenneté est un choix de société. La naturalisation ne confère pas seulement un passeport : elle signifie l’accès aux droits politiques, la participation aux décisions collectives, la reconnaissance pleine et entière d’une appartenance. C’est aussi un levier essentiel pour renforcer le lien social, réduire les inégalités et prévenir les risques de marginalisation. A Genève, où les enjeux de cohésion sont particulièrement vifs dans certains quartiers multiculturels, il est essentiel de faire de l’intégration un projet concret, tangible, inclusif. Cette motion propose ainsi une réduction ciblée des émoluments cantonaux, en particulier pour les jeunes de moins de 25 ans, les familles avec enfants et les mineurs de la deuxième génération. L’idée n’est pas d’ouvrir un accès automatique à la nationalité, mais de lever les barrières purement financières qui découragent des personnes parfaitement intégrées de déposer une demande. Il s’agit d’un geste politique fort qui reconnaît que l’intégration est un processus réciproque : à des personnes prêtes à s’engager, la collectivité doit offrir un cadre accessible et équitable. D’un point de vue économique, cette mesure ne représente pas une dépense, mais un investissement. Les effets de la naturalisation sont positifs : meilleure insertion professionnelle, engagement civique accru, stabilité sociale renforcée. Plusieurs études, en Suisse et à l’étranger, montrent que les personnes naturalisées sont plus actives électoralement, plus engagées dans la vie publique et plus enclines à s’impliquer dans les structures locales. Cet allégement des frais administratifs envoie un signal clair aux jeunes générations : elles sont attendues, reconnues et considérées comme des membres à part entière de la société genevoise. Dans un canton où un enfant sur deux naît de parents étrangers, refuser de faciliter l’accès à la nationalité revient à entretenir une fracture civique durablement préjudiciable à notre démocratie. Enfin, nous introduisons un renforcement des exigences qualitatives en matière d’intégration civique en nous assurant que les nouveaux citoyens 5/5 M 3166 possèdent une connaissance approfondie des fondements et valeurs de la collectivité qu’ils rejoignent. Cette exigence accrue répond à une volonté d’équilibrer l’allégement de la charge financière par une garantie que la naturalisation ne soit accordée qu’à celles et ceux qui démontrent une compréhension claire et approfondie du cadre institutionnel et sociétal dans lequel ils s’inscriront comme membres à part entière. Concrètement, il s’agira d’évaluer la maîtrise de notions essentielles telles que la géographie, l’histoire, la nature de nos institutions publiques, les grands principes constitutionnels ainsi que les particularités sociales de notre pays et de notre canton. Le test portera également sur les droits et devoirs attachés à la nationalité suisse, afin de s’assurer que le requérant comprenne pleinement ce que signifie devenir citoyen. En abaissant les frais de naturalisation et en précisant les critères genevois de naturalisation, Genève réaffirme son attachement à une intégration ouverte, exigeante mais équitable, fondée sur des valeurs de réciprocité et de respect. Au vu de ces explications, nous vous remercions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à la présente proposition de motion.