GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève PL 13204-B Date de dépôt : 3 juin 2024 Rapport de la commission des transports chargée d’étudier le projet de loi de Murat-Julian Alder, Alexandre de Senarclens, Fabienne Monbaron, Jean Romain, Yvan Zweifel, Jean-Pierre Pasquier, Raymond Wicky, Céline Zuber-Roy, Cyril Aellen, Helena Rigotti, Antoine Barde, Jacques Béné, Beatriz de Candolle, Francine de Planta, Florian Gander, Stéphane Florey modifiant la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE) (H 1 21) (Pour le respect de la hiérarchie du réseau routier de notre canton et une stratégie routière démocratique) Rapport de majorité de Pascal Uehlinger (page 5) Rapport de première minorité de Cédric Jeanneret (page 7) Rapport de seconde minorité de Matthieu Jotterand (page 10) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 06.24 PL 13204-B 2/11 Projet de loi (13204-B) modifiant la loi pour une mobilité cohérente et équilibrée (LMCE) (H 1 21) (Pour le respect de la hiérarchie du réseau routier de notre canton et une stratégie routière démocratique) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit : Art. 1 Modifications La loi pour une mobilité cohérente et équilibrée, du 5 juin 2016, est modifiée comme suit : Art. 5, al. 4 (nouvelle teneur) 4 La moyenne ceinture routière n’est pas soumise au régime de priorité défini dans ces zones. La vitesse y est appliquée de manière uniforme de jour comme de nuit, de manière à assurer la fluidité du trafic. Art. 5A Limitation de vitesse (nouveau) 1 Le département fixe une vitesse maximale garantissant la fluidité du trafic et conforme à la hiérarchie du réseau routier. 2 Il élabore une stratégie routière de vitesse maximale qui tienne compte : a) de la hiérarchie du réseau routier et de la fluidité du trafic ; b) du principe de proportionnalité ; c) des conséquences de la réduction de la vitesse maximale sur les services d’urgence et de secours, les transports publics, les taxis et voitures de transport avec chauffeur, et le transport professionnel ; d) des autres facteurs que le bruit routier, tels que l’accidentologie et la pollution ; e) d’un examen, au cas par cas, de la situation sur les différents axes routiers du canton. 3 Cette stratégie est soumise à l’approbation du Grand Conseil, qui statue par voie de résolution, conformément à l’article 13 de la loi sur la mobilité, du 23 septembre 2016. 3/11 PL 13204-B Art. 7, al. 3, lettre a (nouvelle teneur), et al. 4, lettre b (nouvelle teneur) 3 En zone I : a) le département prend les mesures visant à limiter la vitesse à 30 km/h au maximum selon les conditions prescrites par le droit fédéral, en privilégiant sur les axes structurants des mesures d’assainissement excluant la réduction de vitesse ; 4 En zone II : b) des axes routiers structurants, soumis à une limitation de vitesse de 50 km/h au moins, sont aménagés de façon à garantir la fluidité du transport individuel motorisé ; Art. 2 Modifications à d’autres lois La loi sur la mobilité (LMob) (H 1 20) du 23 septembre 2016, est modifiée comme suit : Art. 12A Stratégie et plan d’action en matière de vitesse (nouveau) 1 Le Conseil d’Etat tient compte d’une vitesse maximale sur les différents axes routiers garantissant la fluidité du trafic conforme à la hiérarchisation du réseau routier. 2 Il élabore une planification en ce sens, soumise à l’approbation du Grand Conseil. Art. 13, al. 3 (nouveau) 3 Pour l’adoption du plan d’action en matière de vitesse et ses modifications, la procédure décrite à l’alinéa 1 est applicable. *** La loi sur le réseau des transports publics (LRTP) (H 1 50), du 17 mars 1988, est modifiée comme suit : Art. 2, lettre b (nouvelle, les lettres b à e anciennes devenant les lettres c à f) Par étapes, le plan d’actions du réseau des transports collectifs conduit à la réalisation d’une offre de transports publics répondant au moins aux objectifs suivants dans tout le canton : b) la planification du Conseil d’Etat en matière de vitesse sur les différents axes routiers ne doit pas affecter la vitesse commerciale ; PL 13204-B 4/11 *** La loi sur les routes (LRoutes) (L 1 10), du 28 avril 1967, est modifiée comme suit : Art. 3, al. 2 (nouvelle teneur) 2 Elle tient compte des principes du libre choix et de la complémentarité des modes de transport, ainsi que de la fluidité du trafic. Art. 3 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. 5/11 PL 13204-B RAPPORT DE LA MAJORITÉ Rapport de Pascal Uehlinger En préambule, rappelons que ce PL 13204 a été renvoyé en commission sur demande des rapporteurs, le motif principal étant le changement de magistrat en lien avec la nouvelle législature. Il convient donc de préciser que ce rapport de majorité commence à la fin du rapport PL 13204-A. Suite au retour en commission, les positions des partis restent similaires, mais les majorités ont changé. Le PS est toujours opposé à ce PL 13204, car il permet d’assurer la circulation des voitures à 50 km/h sur certains axes des centres urbains alors que la LMCE allait dans une direction différente. De plus, selon le PS, les accords trouvés avec les recourants rendraient ce PL 13204 caduque. Les Verts sont également contre ce PL 13204, ajoutant à l’argumentaire du PS la lutte contre le phénomène du bruit routier. Les partis (UDC, MCG, LC et PLR) conviennent que les accords sont des compromis qui peuvent évoluer plus facilement que des PL. L’avantage du PL 13204 est qu’il inscrit clairement les volontés du législatif dans la loi. La problématique du bruit n’est que partiellement réelle, car le phonoabsorbant en atténue une partie. Il résulte de la LMCE que la situation des véhicules d’urgence en est devenue presque machiavélique. Comme l’a expliqué le procureur, la vitesse dans les situations d’urgence peut atteindre 1,5 fois la vitesse autorisée, soit 45 km/h pour une zone 30 km/h et 75 km/h pour une zone 50 km/h. Mais une zone 50 km/h qui descend à 30 km/h le soir, pour diminuer le bruit, garde la limite de vitesse des véhicules d’urgence à 75 km/h. Alors comment les conducteurs peuvent-ils rapidement savoir si la zone est limitée à 30 km/h en permanence ou temporairement ? La gestion est définitivement trop compliquée. Pour conclure, ce PL 13204 tenant compte des normes de bruit et de pollution, il instaure simplement une cohérence et pose un cadre pour la définition des axes routiers et leurs limitations de vitesse, sans céder systématiquement aux 30 km/h en milieu urbain. PL 13204-B 6/11 Votes 1er débat Le président soumet au vote l’entrée en matière sur le PL 13204-A : Oui : 9 (2 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC) Non : 6 (3 S, 2 Ve, 1 LJS) Abstentions : – L’entrée en matière sur le PL 13204-A est acceptée. 2e débat Le président procède au vote du 2e débat : Titre et préambule Art. 1 Art. 5 al. 4 LMCE Art. 5A LMCE Art. 7 al. 3 let. a et al. 4 let. b LMCE Art. 2 Art. 12A LMob Art. 13 al. 3 LMob Art. 2 let. b LRTP (nouvelle, les lettres b à e anciennes devenant les lettres c à f) Art. 3 al. 2 LRoutes Art. 3 Pas d’opposition, adoptés dans leur ensemble 3e débat Le président soumet au vote le PL 13204-A : Oui : 9 (2 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC) Non : 6 (3 S, 2 Ve, 1 LJS) Abstentions : – Le PL 13204-A est accepté. Catégorie préavisée : II (30 min) Pour toutes ces raisons, la majorité vous recommande de voter ce PL 13204-A. 7/11 PL 13204-B Date de dépôt : 3 juin 2024 RAPPORT DE LA PREMIÈRE MINORITÉ Rapport de Cédric Jeanneret Ce projet de loi refusé lors de la précédente législature revient sur la table alors que le département a volontairement choisi de ne pas généraliser le 30 kmh/h la nuit. Selon le rapport de l’ancienne minorité (Ivanov) « Ce PL 13204 demande une approche différenciée qui souhaite instaurer un 30 km/heure là où cela est possible et l’éviter là où ce n’est pas nécessaire »… Or, c’est exactement ce qui a été négocié et obtenu par le nouveau magistrat chargé des mobilités ! Les majorités changent, mais les personnes qui souffrent du bruit non : aujourd’hui à Genève 120 000 personnes subissent un niveau de bruit qui dépasse les normes fédérales. La liberté des uns s’arrête où celle des autres commence : il faut bien admettre de vivre avec les limites… sinon, ce seront les juges qui nous le rappelleront, et le risque financier des futures demandes d’indemnisation pour bruit excessif pourrait s’élever pour Genève à 1,5 milliard de francs que l’Etat et les communes devraient verser. La limitation nocturne de la vitesse semble pourtant logique et est bien acceptée, comme le rappelle une consultation menée par le canton en 2021 : 44 communes sur 45 l’approuvent et 79,1% des entités ayant répondu au questionnaire considèrent la réduction de la vitesse comme une mesure efficace de lutte contre le bruit. De nombreuses villes ont d’ores et déjà implémenté ce type de mesures : Bruxelles, Lausanne, Grenoble et Zurich, par exemple. Elles l’ont fait pour des raisons de qualité de vie, de santé publique, en se basant sur des études scientifiques et objectives. Impact sur la santé 95% du réseau routier cantonal a été recouvert de revêtement phonoabsorbant. Malgré cela, 120 000 personnes subissent un niveau de bruit qui dépasse les normes fédérales. Ce thème a été largement débattu lors des dernières rencontres des élus du Grand Genève à Nyon : des études PL 13204-B 8/11 scientifiques démontrent qu’il existe des liens établis entre le bruit et la diminution de la durée de vie. L’exposition prolongée au bruit augmente le risque d’hypertension artérielle ou de diabète. De plus, elle induit un sommeil non réparateur, car les phases de sommeil profond sont diminuées, d’où un risque de somnolence diurne, ce qui en fonction du métier exercé peut être très problématique. Il ne faut pas non plus négliger les problèmes de productivité qu’induit une exposition à un bruit important en journée, sur son lieu de travail par exemple. Le manque de sommeil provoque aussi des difficultés d’apprentissage, notamment chez les enfants. En outre, selon le BPA, plus la vitesse est élevée, plus le risque d’accident augmente. L’augmentation de la limite 30 km/h permet de réduire les accidents graves de 33%. Arguments scientifiques et techniques Au-dessus de 30 km/h l’électrification des véhicules ne les rend pas plus silencieux : jusqu’à 30 km/h, le bruit provient essentiellement du moteur, à partir de 30 km/h, il provient des pneumatiques. Concernant les véhicules en urgence (feux bleus), le Tribunal fédéral a récemment confirmé la jurisprudence selon laquelle le « délit de chauffard » peut ne pas être retenu si l’excès de vitesse est commis dans un secteur où la limitation de vitesse n’a pas pour objet la sécurité routière, par exemple des motifs écologiques (bruit, etc.). Respectons le droit supérieur SVP ! Ce projet de loi est de surcroît non conforme au droit fédéral : l’obligation d’uniformisation des vitesses diurnes et nocturnes est contraire au droit supérieur (art. 108 al. 4 OSR), qui prévoit également explicitement que des diminutions de vitesses peuvent être décidées pour réduire le bruit (art. 108 al. 2 let. d OSR, art. 3 al. 4 LCR, art. 11 al. 1 LPE et 13 al. 3 OPB). Fixer dans une stratégie validée par le pouvoir législatif une prescription, telle que la vitesse maximale, contrevient en outre aux articles 2, alinéa 2 Cst-GE, 2, alinéa 2, 3, alinéas 1 et 6 LaLCR (pris en application de l’article 3, alinéas 2 et 4 LCR) en ce sens que cela empiète sur la compétence du département (pouvoir exécutif) de règlementation du trafic. Et le principe constitutionnel de libre choix du moyen de transport est bel et bien respecté, car limiter la vitesse à 30 km/h lorsque c’est nécessaire n’empêche personne de se déplacer avec le moyen de transport de son choix, 9/11 PL 13204-B il permet juste à ceux qui veulent dormir tranquilles de le faire en conformité avec les normes OPB. Ce projet de loi est de fait un recours déguisé en texte parlementaire afin d’empêcher la mise en œuvre d’une stratégie de diminution de bruit qui est gratuite, immédiate, efficace et efficiente, prouvée scientifiquement par de nombreuses études. Ce PL constitue à tous points de vue un combat d’arrière-garde et il convient de refuser son entrée en matière, pour le bien-être de l’énorme majorité de la population qui a la malencontreuse idée d’habiter en ville et pas à la campagne ! PL 13204-B 10/11 Date de dépôt : 27 mai 2024 RAPPORT DE LA SECONDE MINORITÉ Rapport de Matthieu Jotterand Un changement de magistrat peut faire évoluer bien des opinions. En effet, le présent projet de loi avait été traité en commission avant les élections, les positions des uns et des autres semblaient claires et l’on se dirigeait vers un refus clair. Après les élections, la majorité ayant évolué, certain·es commissaires ont tourné leur veste de manière spectaculaire. Lors du passage en plénière du PL 13204 traité en commission, une majorité a alors souhaité renvoyer ce texte en commission. Le nouveau magistrat chargé des transports avait lui aussi demandé ce renvoi et la commission a souhaité l’auditionner. Concernant le fond du texte, rien n’a fondamentalement changé : il s’agit d’un projet d’élu·es de droite probablement très peu concerné·es personnellement par le bruit routier qui veulent donc figer la vitesse de 50 km/h dans les zones urbaines au détriment de la santé de la population pour des considérations peu étayées de temps de parcours. Ce projet de loi, outre le fait qu’il constitue une entrave à l’application de la LMCE largement approuvée en votation populaire, représente un blocage à la mise en œuvre de politiques de vitesse raisonnables et raisonnées, en tenant compte des aspects financiers, de la protection de la population et du risque relativement faible de manque de fluidité du trafic la nuit. Tous les arguments détaillés sont à retrouver dans ce qui était alors un rapport de majorité de la députée Marjorie de Chastonay. L’audition du magistrat lors de ce second traitement du texte n’a rien changé au dogmatisme des auteur·rices. Il a souligné que ce texte était d’un autre temps et figeait des situations qui devenaient inextricables. Il déplorait également que des élu·es du même bord politique tentent au niveau fédéral de limiter les compétences cantonales et communales en matière de gestion du trafic et de lutte contre le bruit routier. Limiter les compétences locales d’acteurs politiques qui connaissent bien les problématiques auxquelles ils sont confrontés pour appliquer aveuglément 11/11 PL 13204-B les volontés des lobbies pro-automobiles, voilà un bel exemple d’une idéologie appliquée sans tenir compte des besoins de la population. Pour toutes ces raisons, l’ex-majorité devenue minorité a des convictions concernant le besoin de protection de la santé des riverain·es suffisamment solides pour qu’un changement de magistrat ne bouleverse pas ses convictions et continue de vous inviter à rejeter ce texte allant contre l’application de la LMCE voulue par le peuple.