GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève M 2986-A Date de dépôt : 6 mai 2025 Rapport de la commission de la santé chargée d’étudier la proposition de motion de Jennifer Conti, Pierre Nicollier, Murat-Julian Alder, Grégoire Carasso, Jean-Pierre Tombola, Thierry Oppikofer, Pascal Uehlinger, Marc Saudan, Marjorie de Chastonay, Jacques Jeannerat, Jean-Marc Guinchard, Lara Atassi, Nicole Valiquer Grecuccio, Sophie Demaurex, Jean-Charles Rielle, Oriana Brücker, Jacques Blondin, Véronique Kämpfen, Julien Nicolet-ditFélix, Thomas Wenger, Florian Dugerdil : Dossier électronique du patient Rapport de Jennifer Conti (page 3) ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 05.25 M 2986-A 2/51 Proposition de motion (2986-A) Dossier électronique du patient Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – les constats d’un rapport indépendant relatif au projet vitrine du dossier électronique du patient (DEP@Biopôle) 1 ; – le rôle central des cantons dans un déploiement réussi du dossier électronique du patient ; – les montants annuels investis dans l’Association CARA (9,4 millions en 2022) ; – les modifications récentes de la législation fédérale concernant le dossier électronique du patient (ordonnance sur le dossier électronique du patient, septembre 2023, ordonnance du DFI sur le dossier électronique du patient, juin 2023), invite le Conseil d’Etat – à proposer un plan d’action, assorti d’objectifs mesurables et d’indicateurs de performance pour chaque frein/défi identifié, en particulier : manque d’adhésion (patients et professionnels de la santé), interopérabilité, changement de logiciel et financement du projet ; – dans l’hypothèse d’une sortie de CARA, à analyser les impacts d’un tel retrait et à proposer une alternative viable, garantissant la continuité et l’efficacité du DEP pour les patients et les professionnels de santé. 1 Rizzotti N., Billotte J. (2022). Evaluation du projet DEP@Biopôle. Disponible sous : https://www.cara.ch/Htdocs/Files/v/7103.pdf/DEPBiopole/Rapport_final2_ 221122.pdf 3/51 M 2986-A Rapport de Jennifer Conti La proposition de motion 2986 a été traitée par la commission de la santé lors de ses séances du 20 septembre, du 11 octobre et des 8, 15 et 29 novembre 2024 ainsi que des 17 et 31 janvier et des 7, 14 et 28 mars 2025. La présidence a été assurée par M. Jean-Marc Guinchard. Après avoir eu la présentation de la motion par son auteure, la commission a auditionné M. Charles Pict, directeur du service d’audit interne (SAI), M. Thomas Lufkin, directeur du service de la santé numérique et du réseau de soins, M. Patrice Hof, secrétaire général CARA, le Prof. Christian Lovis, médecin-chef du service des sciences de l’information médicale HUG, et M. Baptiste Hurni, vice-président de l’Organisation suisse des patients. M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat (DSM), M. Panteleimon Giannakopoulos, directeur de l’office cantonal de la santé, ainsi que Mme Angela Carvalho, secrétaire scientifique (SGGC), ont participé aux travaux de la commission. Les procès-verbaux ont été tenus par Mme Lara Tomacelli, Mme Alicia Nguyen et M. Anthony Chenevard. Nous remercions ces personnes de leur contribution aux bons déroulements des travaux de la commission. Synthèse des travaux Origine de la motion La gestion du dossier électronique du patient (DEP) a fait l’objet de plusieurs évaluations externes. L’un de ces audits, réalisé par le service d’audit interne de l’Etat de Genève (SAI), a particulièrement retenu l’attention des députés. Ce rapport met en évidence, entre autres, des enjeux importants relatifs à la gouvernance de l’Association CARA 2. Compte tenu de la dimension stratégique du DEP pour le système de santé, et au regard des montants significatifs de fonds publics investis chaque année, les députés ont souhaité approfondir la question par le dépôt de la présente motion. 2 CARA fournit le dossier électronique du patient dans les cantons de Fribourg, de Genève, du Jura, du Valais et de Vaud. M 2986-A 4/51 Complexité de l’objet et évolution du contexte fédéral Les travaux de la commission de la santé ont été marqués par la complexité de l’objet examiné, tant en raison des enjeux techniques, institutionnels et financiers que du contexte fédéral évolutif dans lequel il s’inscrit. En outre, en mars dernier, la Poste CH SA, fournisseur de la plateforme technique du dossier électronique du patient et du service de transfert des documents, a annoncé la résiliation du contrat avec CARA. Résultats des travaux de commission Le projet du dossier électronique du patient se heurte à des difficultés persistantes. Parmi celles-ci figurent les défis de financement, l’accessibilité pour les usagers (patients comme professionnels), ainsi que la complexité technique du système (en particulier l’authentification, l’ergonomie et la protection des données). La question du retrait de l’Association CARA a été soulevée et a fait l’objet d’un amendement. A noter qu’aucun des auditionnés n’a recommandé un tel retrait. Les travaux de la commission ont permis d’identifier plusieurs pistes d’amélioration, en attendant une éventuelle centralisation nationale du dossier électronique du patient : garantir l’interopérabilité entre les différents systèmes informatiques ; rationaliser les interfaces pour améliorer l’ergonomie ; renforcer la participation des parties prenantes, en particulier les utilisateurs finaux ; et renforcer certaines composantes de la gouvernance de CARA. Vote de la motion amendée A l’issue des travaux, un amendement général a été proposé et voté à l’unanimité. Le président met aux voix l’amendement général de l’auteure de la motion : – à proposer un plan d’action, assorti d’objectifs mesurables et d’indicateurs de performance pour chaque frein/défi identifié, en particulier : manque d’adhésion (patients et professionnels de la santé), interopérabilité, changement de logiciel et financement du projet ; – dans l’hypothèse d’une sortie de CARA, à analyser les impacts d’un tel retrait et à proposer une alternative viable, garantissant la continuité et l’efficacité du DEP pour les patients et les professionnels de santé. 5/51 M 2986-A Oui : unanimité Non : – Abstentions : – L’amendement général de l’auteure de la motion est accepté. Le président met au vote la M 2986 telle qu’amendée. Oui : unanimité Non : – Abstentions : – La M 2986 ainsi amendée est acceptée. Catégorie de débat préavisée : III Unanimement, la commission a accepté la motion amendée et nous vous prions, Mesdames les députées, Messieurs les députés, de bien vouloir en faire de même. Détail des travaux Travaux du 20 septembre 2024 Présentation de la motion par son auteure Mme Conti indique que la M 2986 a été déposée en janvier 2024, et qu’il y a eu depuis de nouveaux éléments à ce sujet. Elle va donc structurer sa présentation en donnant la chronologie. 2018 : création de l’Association CARA. Une initiative des cantons de Genève, du Valais, de Vaud, du Jura et de Fribourg pour gérer le dossier électronique du patient. 2019 : audit du Contrôle fédéral des finances (CDF) sur l’introduction du dossier électronique du patient. 2022 : évaluation du projet pilote du DEP. Les recommandations sont assez alarmantes. 2023 : diffusion du rapport du SAI, « audit intercantonal de l’Association CARA et de la plateforme DEP » à la commission de contrôle de gestion. Constatant l’intérêt pour la commission de la santé de se saisir de cette thématique, la commission de contrôle de gestion a autorisé la transmission du rapport. Toutefois, pour permettre à la commission de la santé d’examiner le dossier, un objet formel était nécessaire, d’où le dépôt de la motion M 2986. A la suite de ces explications, Mme Conti recommande d’auditionner en premier lieu le SAI. M 2986-A 6/51 Janvier 2024 : dépôt de la M 2986. Février 2024 : entrée en vigueur de la Convention intercantonale en matière de santé numérique. Mme Conti lit deux articles pertinents pour la commission, à savoir l’art. 6 relatif au pilotage stratégique, et l’art. 8 dédié au financement, et dit que, en tant que députés, ils valident les autorisations de dépenses, ils doivent donc disposer d’une vision beaucoup plus claire de l’état actuel du dossier électronique du patient : l’objectif de cette motion. Mars 2024 : publication du rapport d’audit de suivi de la mise en œuvre des recommandations essentielles relatives au dossier électronique du patient et situation actuelle. Le Contrôle fédéral des finances a constaté que, pour le dossier électronique du patient, « […] il reste encore un long chemin à parcourir […] ». Les recommandations de 2019 sont loin de répondre aux besoins actuels. Mme Conti résume en disant que la principale source de difficultés réside dans la base légale. Dès le début, la gestion du dossier électronique du patient aurait dû être centralisée. Mai 2024 : publication du rapport d’activité de CARA. Mme Conti souligne qu’au 31 décembre 2022, 11 150 dossiers étaient ouverts dans l’ensemble de la Suisse romande, contre 19 484 fin 2023. Elle estime que cette progression reste peu significative au regard des montants investis, qui, eux, sont conséquents : 9,4 millions de francs fin 2022 et 10,477 millions fin 2023. Mme Conti explique que la motion demande que le Conseil d’Etat propose un plan d’action clair, avec des objectifs et des indicateurs de performance afin qu’il y ait une vraie vision concernant cet outil pour lequel des millions sont investis chaque année. Elle relève qu’amender la motion serait une possibilité. Elle préconise que le rapport du Conseil d’Etat se base sur l’ensemble des rapports d’évaluation, en particulier sur celui du SAI. Le président demande si, selon Mme Conti, la lenteur et la difficulté d’augmenter le nombre de participants ou d’adhérents au dossier électronique du patient viennent d’un problème de pilotage du projet, de sa mise en action, ou de la réticence des médecins à l’utiliser, ou encore de la difficulté d’accès au portail d’inscription. Il a lui-même essayé de s’inscrire et a abandonné après 25 minutes, car il a trouvé la plateforme très peu pratique et intuitive. Il a trouvé l’accès très mauvais. Mme Conti répond que le projet pilote montre que plus de la moitié des patients ont abandonné à cause de la complexité de la plateforme. Elle rappelle les constats du Contrôle fédéral des finances : le principe d’une gestion décentralisée prévue par le cadre légal pose problème. La complexité de la plateforme ainsi que le cadre légal inadapté expliqueraient le manque d’adhésion au dossier électronique du patient. 7/51 M 2986-A Un député MCG a des souvenirs très anciens du développement des dossiers électroniques médicaux qui datent de l’époque où il était journaliste. Il est choqué de la situation actuelle et trouve qu’il s’agit d’un gâchis financier. Il trouve que beaucoup de moyens sont mis dans des projets qui ne fonctionnent pas. Il approuve tout à fait la motion de Mme Conti et trouve que son but est louable. Il va la soutenir tout en étant désespéré : en effet, il trouve qu’il y a un immense gâchis. Il suggère la création d’une autre invite qui demanderait un bilan de tout ce qui a été fait jusqu’à maintenant. Un député PLR a déjà la réponse concernant les indicateurs de réussite. Pour réussir quelque chose, il est nécessaire de le vouloir, ce qui n’est pas le cas ici. Les médecins et la majorité des patients ne veulent pas du dossier électronique du patient. La Confédération et les cantons essaient de mettre des choses en place depuis des années, mais la situation reste la même. Pour lui, la situation est telle qu’elle est, car il n’y a pas de volonté d’utiliser cet outil. Il rappelle que CARA est une communauté régionale, ce qui constitue le fondement du problème. Il soutient la motion, mais souhaiterait poser le problème à sa base. S’il n’y a pas de volonté politique, qui doit être fédérale, de rendre cet outil obligatoire à une certaine date, les choses ne changeront pas. Il pense que la commission ne parviendra pas à révolutionner les choses, et propose d’au moins repréciser l’invite mais sans la complexifier. Mme Conti abonde dans son sens. En prenant en considération les nouveaux éléments qui viennent d’être exposés, elle affirme qu’elle est favorable à d’éventuels amendements. Pour répondre à l’autre question, il lui semble que, dans un récent rapport, il a été proposé un changement de cadre légal visant à ce que chaque assuré dispose automatiquement d’un DEP. Une députée S possède quelques éléments de réponse concernant CARA. Elle ne pense pas que les médecins n’en veulent pas : ils sont même au contraire demandeurs de plateformes d’échange qui faciliteraient les échanges d’informations. Cependant, elle trouve qu’il est problématique que les médecins et les patients doivent fournir un tel travail d’inscription, pour qu’au final l’outil ne serve à rien. Le second problème est la multiplication des différents dossiers. Elle trouve qu’il est nécessaire que les données soient centralisées au niveau fédéral. Elle informe ensuite qu’à Genève, un grand travail est fourni pour CARA alors qu’en parallèle les HUG développent actuellement une plateforme de partage d’informations. Il s’agit là encore d’un investissement dans un outil informatique ayant la même fonction que CARA. Elle ne comprend pas cette démarche, d’autant que les HUG sont aussi une institution cantonale. En termes de ressources publiques, elle n’est pas sûre que cela soit plus efficace : il y a un problème de vision et de direction. Il va être difficile d’avancer si le M 2986-A 8/51 canton de Genève développe en même temps deux outils ayant la même fonction. Un député PLR souligne que le cadre législatif fédéral a évolué depuis les prémisses du dossier électronique du patient, et a essayé de corriger certains éléments qui amenaient à des solutions qui semblaient utiles. Il souhaite savoir si Mme Conti est au courant d’autres solutions que CARA qui se sont développées en Suisse, et qui auraient eu plus ou moins de succès. Il lui semble que plusieurs projets ont été abandonnés, et qu’un seul subsiste. Mme Conti répond que l’objectif de cette motion est de disposer d’une vision plus claire du projet actuel, et qu’elle ne s’est donc pas intéressée aux alternatives. M. Giannakopoulos explique que CARA est une plateforme qui regroupe les données des cantons romands, sauf celles de Neuchâtel. En Suisse alémanique, il existe 2 autres communautés : la première est Sanitas, qui couvre l’ensemble de la Suisse alémanique et des Grisons, et la deuxième est utilisée dans le canton d’Argovie. Il souligne que CARA est la solution ayant le moins de succès et qu’elle rencontre des problèmes techniques très importants : en plus de la difficulté d’inscription, il y a aussi une problématique de migration des données, qui n’a pas encore été effectuée. Il indique ensuite que CARA est grandement financée par le canton de Vaud et de Genève, et ajoute qu’il existe aujourd’hui un effet centrifuge. En effet, les petits cantons n’ont plus la volonté de financer CARA. M. Giannakopoulos relève ensuite que le problème est que CARA a contractualisé la migration des données avec la Poste. Il n’y a pas eu de réponse de la part de cette dernière, et le bout du tunnel n’est pas encore visible. La question d’un changement de partenaire se pose et des discussions à ce propos sont aujourd’hui en cours. Il ajoute qu’il y a aussi la problématique de fond, et il se demande si ce dossier tel que présenté répond aux besoins de la motion. Il trouve qu’une des solutions serait de développer des modules qui seraient utilisés par les médecins et les soignants, et prend pour exemple le Plan de soins partagé, qui est la chose élémentaire qui n’a pas été possible jusqu’à présent à cause d’un problème de base qui est le carnet de vaccination. M. Giannakopoulos souligne ensuite que tous ces projets sont aujourd’hui en cours, et que cette motion vient rendre concrète l’ambivalence qui existe concernant le futur de CARA. Il demande si un financement est nécessaire. Il informe que, si le canton de Genève ainsi que le canton de Vaud venaient à quitter CARA, cette dernière disparaîtrait. Cette question a été abordée avec le magistrat, et une étude a été commandée afin de déterminer les avantages et les inconvénients de quitter CARA. 9/51 M 2986-A Il répète que le fait qu’il n’est pas possible de migrer les données sur la plateforme est lié à la contractualisation que CARA a passée avec la Poste. Une négociation sera menée l’année prochaine afin d’obtenir des résultats, mais cela est très difficile. Cependant, les différentes alternatives le sont aussi. Si le canton de Genève venait à devoir se débrouiller seul, il faudrait créer une infrastructure qui pourrait s’avérer coûteuse au début, mais pourrait par la suite donner des résultats qui permettraient de mettre en place tous ces modules qui feront en sorte qu’une telle plateforme devienne attractive, ce qui n’est pas le cas pour le moment. M. Giannakopoulos relève finalement que, les deux fois où il s’est rendu sur le lieu de pilotage, il en est sorti assez déprimé. Cependant, si la décision est prise de sortir de CARA, il est nécessaire d’avoir une autre alternative. Il souligne qu’il est nécessaire de séparer CARA de ce qui se fait au niveau du DPI, qui a été créé par les HUG et a été acheté par le Valais. Il souligne que le DPI contient les données du monde hospitalier, ce qui n’est pas la même chose que ce que fait CARA. Il pense que, si la commission souhaite avoir plus de renseignements à ce propos, il suggère d’auditionner des personnes qui pourraient lui donner encore plus de détails. Il soulève qu’il s’agit d’un sujet qui préoccupe beaucoup la DGS, la participation financière étant de quelques millions de francs, et ce uniquement pour une dizaine de milliers de patients et une insatisfaction très claire de la part du corps médical. Le président indique que tout cela lui rappelle fâcheusement les péripéties qu’il avait connues avec le vote électronique, où il avait aussi été question des relations entre la Confédération et la Poste, qui étaient déjà difficiles. Un député PLR relève que le président lui a enlevé les mots de la bouche concernant l’analogie avec le vote électronique. Les deux situations rencontrent des problématiques extrêmement similaires. Il relève ensuite que le DPI + est un outil développé par les HUG et est actuellement utilisé en Valais. Il souhaite savoir si la compétence historique des HUG pourrait venir en aide à CARA afin de déployer le dossier électronique du patient. Il rappelle cependant la réponse de M. Giannakopoulos, qui mentionnait que le DPI n’est pas fait pour cela. Il s’agit aussi d’une question de stratégie. Le problème aujourd’hui est qu’il y a une volonté de vendre aux patients et aux médecins quelque chose qui ne marche pas. Cependant, il relève que si cet outil n’est pas utilisé, il ne fonctionnera jamais. Au vu du manque de volonté centralisatrice planifiée avec une stratégie et évidemment des périodes transitoires, la situation risque de rester la même. Il demande s’il y a une volonté de la commission d’approfondir le dossier et de faire des auditions afin de maîtriser le sujet. Sinon, il propose de repréciser uniquement quelques points sans réécrire le texte. Il préférerait cette deuxième proposition. M 2986-A 10/51 Mme Conti insiste sur le fait qu’il est nécessaire d’auditionner le SAI pour qu’il puisse présenter son rapport d’audit. Une députée S souhaite donner des précisions à propos des HUG et du DPI. Elle explique que « Mon espace pro » a été créé pour remplacer « My HUG », qui était un espace professionnel extra-HUG. Dans « Mon espace pro », il est possible de partager des documents. Elle informe qu’il contient également des modules qui permettent de demander des consultations et de communiquer. Elle demande si cela ne pourrait pas être développé dans le cadre de CARA. M. Giannakopoulos confirme, et explique que, par la suite, il y a une volonté de migrer les données vers une plateforme commune, qui pourrait être CARA si elle fonctionne. S’ajouteraient aussi d’autres modules qui sont en train d’être développés aujourd’hui. Il souligne qu’il manque cependant encore le background. Un député PLR souhaite savoir si l’étude en train d’être réalisée a envisagé l’option de rejoindre Sanitas. M. Giannakopoulos explique que Sanitas, contrairement à CARA, est une communauté privée qui n’a pas un but de santé publique. Le DGS s’était cependant déjà posé la question, et avait même été invité par la Suisse alémanique à rejoindre Sanitas. Cela pourrait donc être une option, mais nécessiterait d’avoir un accord avec Sanitas pour faire la migration des données avant 2027, si le canton approuve ce changement. Le député PLR explique la différence entre un DPI et un DEP : dans le cas du DEP, les données sont contrôlées par le patient alors que, pour le DPI, les données du patient sont contrôlées par l’établissement. Travaux du 11 octobre 2024 Audition de M. Charles Pict, directeur du service d’audit interne (SAI) de l’Etat de Genève M. Pict rappelle avoir pris connaissance de la motion. Il souhaite rappeler la présence de l’audit réalisé en 2023 sur le dossier patient et CARA, en collaboration avec d’autres cantons, étant donné que CARA est une association intercantonale. Il relève que certains points mentionnés dans la motion, comme le rapport stratégique, ont déjà été traités dans le rapport de 2023. Il précise que la question du dossier patient dépasse le cadre cantonal et est de plus en plus pilotée par la Confédération. Les défis sont complexes en raison des 7 différentes communautés de référence, qui utilisent des systèmes et modes de financement variés. Lors de l’audit, ils ont découvert que Axsana était presque en faillite et que plusieurs cantons autofinançaient leurs 11/51 M 2986-A prestations, causant des pertes importantes pour l’association Axsana. Ce financement sera revu avec la réforme de la LDEP en 2025, qui devra définir clairement les responsabilités de financement. Le financement est l’un des principaux problèmes. La Confédération envisage de prendre en charge une partie du système informatique de base, mais les cantons devront probablement financer d’autres aspects. La motion mentionne un triplement des subventions genevoises d’ici 2030 en raison de l’augmentation de la population et des coûts de la plateforme CARA, qui incite les acteurs à y participer. Les subventions passeraient de 1,5 million de francs à 5 millions de francs. L’accessibilité au dossier électronique est également un enjeu majeur. Actuellement, le processus d’inscription est trop complexe, ce qui décourage les patients. Il faudra simplifier ce parcours et améliorer l’intégration du DEP pour les prestataires de services. Actuellement, les professionnels doivent gérer les dossiers dans deux systèmes différents, ce qui alourdit leur travail et freine l’adhésion, même si c’est une obligation légale. Il est impératif de régler ces trois points essentiels, dont le Conseil d’Etat est responsable. CARA a constaté des avancées, mais il faut fixer des objectifs clairs et mesurables, comme cela est souvent le cas avec le contrôle interne. Il est nécessaire de définir combien de personnes doivent être inscrites, et pas seulement d’indiquer qu’il faut améliorer la situation. Chaque canton va participer à CARA, et les activités cantonales peuvent avoir une influence sur le dossier électronique, mais elles ne sont pas encore coordonnées. Enfin, il est important de mieux organiser les mesures à l’intérieur de l’Association CARA, à laquelle Genève participe. Si rien n’est fait, le dossier électronique du patient risque de stagner. Beaucoup de prestataires de services, comme les médecins généralistes, ne sont pas encore obligés d’ouvrir un DEP, ce qui freine la motivation. Les points de blocage, bien mentionnés dans le rapport, concernent le financement, l’accessibilité du système pour les patients et les prestataires de services. Il faut simplifier le système pour qu’il s’adapte aux infrastructures existantes, et définir des indicateurs et des objectifs clairs pour assurer son bon fonctionnement. Un député PLR souhaite savoir s’il a suivi la mise en place du système DRG pour le financement des hôpitaux suisses entre 2008 et 2012. M. Pict répond qu’il sait ce que c’est, mais qu’il n’a pas suivi sa mise en place. Le député PLR explique qu’il s’agit de l’harmonisation du financement des hôpitaux, qui permet désormais une rémunération uniforme basée sur des critères spécifiques, alors qu’auparavant, les hôpitaux se finançaient de M 2986-A 12/51 manière indépendante, sans coordination fédérale. Pourquoi la Confédération ne s’organiserait-elle pas pour gérer le dossier électronique du patient de la même manière que le système DRG a été structuré ? M. Pict répond qu’une réponse plus précise pourra être donnée en mars 2025, car une analyse est en cours au niveau de la Confédération à ce sujet. La Confédération souhaite proposer une modification de la loi fédérale sur le dossier électronique du patient pour aborder cette problématique. Toutefois, ils ne souhaitent pas créer une société unique et envisagent de maintenir les communautés de référence actuelles. Les organismes responsables dans les différents cantons conserveront, pour l’instant, leur autonomie en tant qu’entités distinctes. M. Pict précise que c’est l’Office fédéral de la santé publique qui doit superviser ce dossier. L’approche actuelle est davantage fédéralisée que centralisée, même si la volonté de centralisation existe, elle n’est pas encore concrétisée. Il souligne qu’il n’y a pas encore de volonté politique ferme pour aller dans cette direction. Ils sont en attente des réflexions du groupe de travail dans ce domaine. Un député PLR note qu’il a mentionné trois éléments qui doivent être résolus et se demande pourquoi ces points posent problème et pourquoi cela complique la situation pour les patients. M. Pict explique que plusieurs facteurs entrent en jeu. Du côté des patients, la protection des données est une grande préoccupation. Les informations de santé sont sensibles et, si le système n’est pas perçu comme suffisamment sécurisé, cela ajoute de la complexité et peut créer une méfiance. Certains patients craignent que leurs données se retrouvent sur le dark web et préfèrent ne pas utiliser le système du tout. Même si cette crainte est réelle, elle n’est pas aussi répandue qu’on pourrait le penser. Un autre problème pour les patients est lié à la complexité des démarches. Bien que dans d’autres domaines, comme avec certaines applications, on puisse simplement scanner des documents, le processus pour accéder au dossier électronique du patient est bien plus compliqué. Il faudrait trouver une solution facile à utiliser pour les patients. Du côté des prestataires de santé, le problème réside dans la gestion de deux systèmes distincts. Ils doivent entrer les informations à la fois dans leur système interne et dans le DEP, ce qui double leur charge de travail. Cela pose des problèmes de temps et de coûts. Cette complexité est aussi liée aux exigences de sécurité, qui augmentent le niveau de difficulté. En ce qui concerne la sécurité, l’authentification est un processus complexe avec des mots de passe et des codes envoyés par SMS. Cette authentification 13/51 M 2986-A forte est nécessaire pour garantir que l’accès au système est sécurisé. Des audits stricts sont menés pour assurer la sécurité, comme ceux réalisés par la Poste pour gérer ces processus de manière conforme. Des tests de pénétration et autres contrôles sont réalisés pour garantir que le système fonctionne bien. Actuellement, c’est CARA qui gère ces questions de sécurité, mais, à l’avenir, cela pourrait être sous la responsabilité de la Confédération. Cependant, cela représentera toujours un défi technique, comme pour le vote en ligne, car garantir une sécurité à 100% est très difficile. Ils peuvent viser à sécuriser le maximum, mais une sécurité parfaite reste hors de portée. Un député PLR s’intéresse aux conditions-cadres sur lesquelles ils peuvent agir pour rendre le système plus simple. Il comprend que le système est complexe, mais il se demande quels éléments génèrent cette complexité et sur lesquels ils peuvent intervenir. Il aimerait savoir si certaines de ces conditions relèvent de leurs compétences, ou s’il faut demander l’intervention du Conseil d’Etat ou des conseillers nationaux pour garantir que le dossier électronique du patient soit plus efficace. Il cherche à identifier les conditions-cadres qui freinent le développement de solutions simples et qui pourraient être modifiées pour faciliter l’adoption et l’utilisation du système. M. Pict souligne que la loi fédérale en cours de révision est essentielle pour faire progresser le système. Actuellement, seules les grandes entités, comme les grands hôpitaux, sont obligées d’utiliser le DEP, tandis que d’autres prestataires, comme les médecins plus anciens et les pharmaciens, n’y sont pas contraints. L’extension de l’obligation à tous les prestataires de services de santé sera un point clé pour garantir l’adoption du DEP. Une fois que la technologie est en place, comme c’est le cas avec CARA, l’enjeu devient davantage de convaincre les prestataires de santé et les patients de l’utiliser. Il est également crucial de simplifier le système pour le rendre plus accessible à tous les utilisateurs, qu’il s’agisse des professionnels de santé ou des patients. Cela passe par une meilleure communication sur l’existence du DEP, ainsi que par des efforts pour le rendre plus facile à utiliser, afin que les personnes puissent en comprendre les avantages et soient encouragées à l’adopter. Un député PLR indique que, pour que le système soit plus largement utilisé, il faudrait le rendre obligatoire, mais il reconnaît que le système actuel est complexe et, selon lui, « mal conçu ». Il souligne que forcer la population à utiliser un système qui présente de telles lacunes n’est pas attractif. Il se demande donc, au-delà de la simplification, quels autres éléments peuvent être modifiés pour rendre le système plus performant. A son avis, même si on simplifie le système, s’il reste fondamentalement mal conçu, les gens ne l’utiliseront pas. Il invite donc à réfléchir à des améliorations plus profondes M 2986-A 14/51 sur lesquelles ils pourraient agir, en plus de la simplification, pour s’assurer que le système devienne véritablement efficace et attractif pour les utilisateurs. M. Pict ne pense pas que le système soit mal conçu, mais estime que sa complexité vient des exigences de sécurité. Il suggère de créer un système plus interconnecté pour éviter les redondances et faciliter l’accès aux données. Il évoque une solution qui ne reposerait pas uniquement sur le DEP, mais sur une sorte de lien entre les différents systèmes primaires des prestataires de santé, permettant ainsi de centraliser toutes les informations. Il propose d’analyser quel outil technique serait le plus pertinent pour rassembler toutes ces données. Le DEP est une bonne solution, mais il se demande comment relier tous ces systèmes de manière cohérente. Il souligne aussi l’importance de consulter et d’écouter les prestataires de services de santé sur le terrain pour ajuster et faire évoluer le système selon leurs besoins. Bien que la loi fédérale fixe les grands cadres, il pense que beaucoup de questions pratiques seront résolues au niveau des organisations cantonales, qui ont un rôle essentiel à jouer dans l’amélioration et la mise en œuvre du système. Une députée S a des questions concernant le suivi des recommandations, elle se demande s’il y a eu des améliorations en termes de gouvernance, et si les changements recommandés ont effectivement été mis en œuvre. M. Pict indique que, sur une dizaine de recommandations, six ont déjà été mises en œuvre, ce qui montre que des progrès ont été réalisés. Lorsqu’il y a une volonté de la part des médecins cantonaux, des conseillers d’Etat, des responsables de CARA ou des parlementaires impliqués, des avancées peuvent être faites. Concernant la gouvernance, bien que CARA soit encore jeune, des améliorations ont été apportées, notamment avec la mise en place d’une convention assurant un financement à long terme, ce qui est crucial. L’objectif fixé pour 2030 est de répondre à des critères précis, et des progrès sont visibles à cet égard. Bien que les critères définis par le SAI ne soient pas encore tous atteints, les avancées vont dans la bonne direction. Il reconnaît également que le système reste complexe, avec quelques réussites en termes de simplification, mais, si une plateforme nationale est envisagée, il faudra encore évaluer son développement. Tous les acteurs reconnaissent les problèmes, mais il reste à voir combien de temps il faudra pour les résoudre complètement. La députée S demande si un canton peut se retirer de CARA et quelles seraient les conséquences d’un tel retrait. M. Pict explique que, si CARA commence à mal fonctionner, un canton pourrait exprimer son souhait de ne plus participer, mais à long terme, ce n’est pas une solution viable. La convention à court terme oblige les cantons à financer leur participation pendant une période fixe, avec des engagements 15/51 M 2986-A financiers à moyen terme. Toutefois, d’après les discussions, aucun canton n’a l’intention de se retirer, et plus on avance, plus l’intérêt de rester ensemble se renforce. Actuellement, le financement est assuré jusqu’en 2030, mais les coûts risquent de tripler, ce qui pourrait peser lourd pour des cantons comme le Jura, qui devra probablement payer entre 1 et 2 millions de francs. Il mentionne qu’il n’est pas obligatoire, par exemple pour un Genevois, d’être connecté à CARA, il peut choisir une autre communauté de référence. Il se demande si cela est pertinent et souligne que la création de concurrence entre les différentes unités de référence pourrait poser des problèmes à l’avenir. La députée S exprime une inquiétude quant à une possible concurrence entre les communautés de référence qui entraînerait les mêmes problèmes que ceux rencontrés actuellement avec les assurances-maladie. Elle redoute que cela mène à une fragmentation des données, où celles-ci seraient dispersées entre différents systèmes, ce qui compliquerait davantage la gestion et l’accès aux informations médicales, au lieu de les centraliser de manière efficace. M. Pict indique que, bien que le montant soit négligeable et que l’accès soit gratuit pour les utilisateurs, il existe un souci lié au fait qu’une application genevoise ne serait, paradoxalement, pas utilisée par les Genevois eux-mêmes. En termes de pilotage et de gestion, il serait plus pratique que le canton de Genève optimise l’utilisation de ses propres outils, ce qui permettrait une meilleure coordination entre les prestataires locaux et le système genevois. Un député LJS se demande si des données ont été fournies concernant le taux d’acceptation de la population générale vis-à-vis du dossier électronique du patient, en particulier s’ils sont d’accord ou non pour l’utiliser. Il aimerait également savoir, parmi ceux qui sont inscrits dans CARA, quel est le taux de remplissage effectif du dossier. Il s’interroge sur le fait que certains patients pourraient refuser que leurs données soient intégrées au système, et il se demande s’il existe des statistiques ou des informations sur ce sujet. M. Pict répond ne pas avoir d’informations précises sur ce sujet, il suggère à la commission d’auditionner le secrétaire général de CARA. Un député Vert remercie pour avoir mis en lumière le problème de pérennité financière dû au faible usage du système. Il se demande si le rapport a correctement évalué les coûts ou s’il manque une analyse approfondie, rendant difficile une évaluation complète. Il s’intéresse particulièrement aux coûts liés à la duplication d’examens, par exemple lorsque deux mêmes examens sont réalisés alors que les résultats sont déjà disponibles dans le dossier électronique du patient. M. Pict trouve l’audit intéressant, mais souligne qu’il serait important d’avoir des informations à l’échelle de tout le pays, car un patient pourrait se M 2986-A 16/51 rendre dans un autre canton, ce qui complique la situation. Selon lui, il faudrait que la Confédération examine ce point ou que les caisses maladie jouent un rôle pour regrouper ces informations. Une solution pourrait être trouvée, mais cela nécessiterait une approche fédérale. Un député Vert comprend qu’il n’est pas exclu que des analyses en double puissent encore être réalisées, même avec l’utilisation du DEP. M. Pict indique que l’objectif du DEP est précisément de réduire cette redondance, mais cela nécessite aussi un changement de mentalité, notamment auprès des médecins. Un des arguments de la loi sur le DEP est de contribuer à la réduction des coûts de la santé. Un député Vert demande si CARA fonctionne sur une base privée. M. Pict précise que CARA est financée en grande partie par des fonds publics, bien qu’il y ait des acteurs privés impliqués. Un des enjeux concerne le financement du DEP, notamment si l’on oblige les prestataires à participer tout en leur demandant de contribuer davantage. Cela soulève la question de savoir qui paie : les impôts, les taxes, ou peut-être les assurances-maladie, comme c’est le cas pour d’autres services. Actuellement, il note une différence entre le système en Suisse alémanique, qui est plus privatisé, et celui en Suisse romande, qui est davantage étatisé, bien que cette distinction soit schématisée. Un député PLR souligne la complexité due à l’existence de systèmes parallèles. Il ne considère pas la sécurité comme un problème, car des entreprises comme UBS offrent déjà une sécurité robuste, même pour des données sensibles comme les données médicales. Il comprend que le système actuel pourrait fonctionner de manière similaire, où tout serait au même endroit, ou tout du moins sous une sécurité unifiée. Il donne l’exemple des hygiénistes dentaires pour illustrer une solution simple pour motiver les gens : ceux qui adhèrent au système bénéficient d’un tarif préférentiel, tandis que ceux qui refusent paient plus cher. Cela laisse la liberté de ne pas adhérer, mais avec une incitation financière forte. Bien que cette solution puisse prendre du temps à être mise en place, il la considère comme viable. M. Pict note qu’une solution pourrait être de dire que, si une personne ne veut pas adhérer au système, elle pourrait payer plus cher, mais via un système de rabais plutôt que de pénalisation directe. Actuellement, avec un système interconnecté et assez ouvert, la complexité persiste. Il mentionne que lorsqu’on vérifie avec des entités comme PWC et la Poste, qui gèrent certains aspects, il devient difficile de maintenir un tel système en permettant aux sept communautés de référence de s’organiser librement tout en respectant la loi 17/51 M 2986-A fédérale. Il estime que, pour simplifier les choses, une simplification au niveau fédéral serait nécessaire. Un député PLR comprend que le cadre fédéral accorde trop de liberté, ce qui finit par pénaliser le bon fonctionnement du système. M. Pict explique qu’il y avait initialement la volonté de laisser les acteurs s’organiser de manière autonome, mais avec l’exemple de AXSANA qui a fait faillite, cela a souligné la nécessité d’une intervention. La nouvelle loi vise à instaurer des règles pour rendre le futur DEP plus efficace et efficient. Cependant, la complexité du système actuel reste un enjeu sur lequel il faut encore travailler. Un député Vert souligne que le système actuel comporte deux niveaux : le système secondaire de CARA et les systèmes primaires, comme ceux des HUG et des médecins. Il se demande si l’Etat devrait intervenir pour simplifier les interfaces entre les nombreuses applications et logiciels, souvent anciens, qui sont utilisés. Il se demande également s’il est nécessaire, à ce stade, de viser une uniformisation des systèmes pour faciliter leur intégration et améliorer l’efficacité. M. Pict souligne qu’un critère important est de ne pas avoir à ressaisir les données entre les systèmes primaires et secondaires. Moins il y a d’interfaces, plus le processus est simple. Il reconnaît qu’il est impossible d’imposer un même système à tous les prestataires, comme les HUG et un médecin indépendant. Cependant, il faudrait mettre en place un mécanisme permettant aux informations de remonter plus facilement dans la plateforme, ou une structure de données standardisée qui facilite cette intégration. Il admet ne pas être technicien pour donner une réponse précise, mais il estime que c’est la voie à suivre. La dernière question à M. Pict sera adressée par un député PLR. Ce dernier souhaite savoir si M. Pict connaît le nom d’outils privés actuellement utilisés par des prestataires de soins. M. Pict répond par la négative. Discussion Une fois l’audition terminée, M. Giannakopoulos souhaite ajouter un complément : contractuellement, le canton de Genève est lié pour trois ans à CARA. Ensuite, il précise que le canton de Neuchâtel fonctionne seul, sans communauté de référence, ce qui le distingue des autres. Enfin, avec la décision prise au niveau fédéral, il y a de l’espoir qu’une plateforme pourrait fonctionner à l’échelle nationale. Des négociations vont débuter avec la Poste, ou peut-être un autre prestataire, pour garantir un fonctionnement fiable, ce qui manque aujourd’hui. Bien que cette approche soit plus simple, elle n’élimine M 2986-A 18/51 pas les problèmes de fond. Si l’inscription des citoyens tarde encore, il y a un risque que le système devienne une coquille vide. Un autre problème est la prise de décision : malgré ce que certains disent, il y a une tendance centrifuge claire au sein de CARA. Un canton a déjà exprimé son intention de ne plus payer, et d’autres pourraient envisager de réduire leur apport. Ces discussions, à différents niveaux, devront être surveillées de près. Il conclut en soulignant que, bien que les éléments présentés par la Confédération offrent des perspectives encourageantes pour une négociation globale, ils n’éliminent pas les problèmes fondamentaux. Le président précise que tous les cantons romands, à l’exception de Neuchâtel, ont signé la convention intercantonale CARA, laquelle a été adoptée par les Conseils d’Etat et les Grands Conseils de chaque canton concerné. Cette convention prévoit la mise en place d’une commission intercantonale de contrôle, dont les membres seront prochainement désignés et qui débutera ses travaux en 2025 pour vérifier l’application des mesures. En ce qui concerne l’objet dont ils sont saisis, il demande s’il serait pertinent de prévoir l’audition du secrétaire général de CARA, comme suggéré par M. Pict. Un député PLR estime qu’il est essentiel de clarifier l’objectif de ce projet, car on parle beaucoup de technologie et de complexité, mais il est important de savoir ce que l’on cherche à atteindre. Aujourd’hui, il existe déjà des médecins qui travaillent ensemble de manière coordonnée, et il a l’impression que l’on se perd dans la création de nouvelles structures, comme la commission intercantonale, qui vérifiera le suivi des accords. Si une évaluation est déjà en cours au sein du département pour définir ce qu’on veut réellement accomplir, il estime que cela pourrait rendre l’audition inutile, notamment pour des questions de timing. Il est également surpris qu’aucune étude n’ait été menée sur la façon dont les prestataires de soins collaborent déjà. Il se demande si l’on recrée quelque chose de nouveau, alors qu’on pourrait peut-être utiliser d’autres outils déjà en place. Par exemple, il mentionne MyHUG comme une référence, suggérant que, plutôt que de se concentrer sur les dysfonctionnements de CARA ou d’essayer de forcer les patients et les médecins à utiliser un système qui ne fonctionne pas, il serait plus judicieux de canaliser l’énergie ailleurs, sur des solutions plus efficaces. Le président note que la première esquisse du dossier électronique du patient remonte à 40 ans, avec des résultats plus ou moins efficaces. Ceux qui sont affiliés à CARA, qu’il s’agisse de patients ou de médecins, voient un système qui fonctionne : le partage d’informations, bien que pas idéal sur le plan électronique et pas toujours simple, existe néanmoins et fonctionne dans une certaine mesure. 19/51 M 2986-A Le député PLR exprime son désaccord, expliquant que le système actuel est inefficace. Lorsqu’un dossier contient de nombreux documents, ils sont mal nommés. Il faut ouvrir chaque fichier pour trouver l’information recherchée, ce qui prend un temps excessif et n’est pas viable dans la pratique. Il souligne que, malgré le fait que le système puisse fonctionner en théorie, il est loin d’être optimisé en termes d’usage quotidien. Le président note que l’utilisation de PDF n’est plus adaptée aujourd’hui. En revenant à la question de l’audition du secrétaire général de CARA, il estime qu’il serait inapproprié de ne pas procéder à cette audition, surtout si la motion concerne directement CARA. Une députée S propose d’avancer rapidement, car ce qui est intéressant, c’est d’obtenir un retour définitif du département. Plus la motion sera traitée rapidement, plus ils auront une réponse complète sur laquelle travailler. Ensuite, dans un second temps, il sera possible de prévoir de nouvelles auditions pour examiner les points qui n’auront pas été pris en charge. M. Giannakopoulos propose l’audition de M. Thomas Lufkin, directeur au service de la santé numérique et du réseau de soins (OCS, DSM). Cette audition permettrait d’avoir une vision complète du point de vue du département sur la question. Travaux du 8 novembre 2024 Audition de M. Thomas Lufkin, directeur du service de la santé numérique et du réseau de soins M. Lufkin informe qu’il est à l’administration depuis à peine deux mois. Selon lui, la motion est très intéressante et pertinente : des difficultés ont en effet été identifiées en lien avec CARA. Il explique qu’il y a plusieurs raisons à cela. Lors du lancement de l’outil, les difficultés étaient liées au processus permettant de créer une identité numérique afin de pouvoir se connecter à CARA. Ce problème a été résolu par l’OCSIN, qui a simplifié le processus d’enregistrement. M. Lufkin indique que de plus en plus de personnes ouvrent un dossier numérique directement en ligne sans passer par un guichet ou un service d’aide. Le « self-service » fonctionne aujourd’hui de manière majoritaire pour CARA, ce qui est une grande amélioration. En effet, cela a permis de démocratiser l’ouverture du dossier électronique. Il informe que CARA compte environ 14 000 dossiers électroniques genevois. Il souligne que Genève est le canton le plus avancé en la matière et compte le plus de DEP ouverts. Il explique cela par un volontarisme et un soutien très fort de la part des autorités – que ce soit le Conseil d’Etat ou le Grand Conseil. Il ajoute que M 2986-A 20/51 les HUG et l’IMAD ont été très tôt intégrés dans cette stratégie. L’idée était d’utiliser ces deux institutions pour promouvoir le dossier en l’utilisant dans le processus de soin et de traitement, et non pas uniquement en en faisant la publicité. Cela a pris beaucoup de temps pour être mis en place, des changements dans les pratiques des professionnels étant nécessaires. M. Lufkin explique que la stratégie était que le dossier électronique du patient devienne un élément clé dans les nouveaux projets de prise en charge et de collaboration interinstitutionnelle. Le système CARA devient aujourd’hui une logique, et les professionnels réfléchissent de manière systématique : lorsqu’un nouveau projet est créé, la question se pose toujours de la façon dont il faudra intégrer CARA, ou comment cette dernière permettra de faciliter la mise en place du projet. Il admet cependant que CARA ne se trouve pas encore au stade souhaité : des progrès et développements sont encore possibles. Il s’agit cependant d’une brique importante pour la santé numérique à Genève. M. Lufkin relève qu’il existe d’autres projets de santé numérique qui sont tout à fait complémentaires. Un des enjeux actuels est de définir la place de CARA dans l’écosystème de santé numérique existant. Il rappelle qu’avant la création de CARA, « Mon dossier médical » était le cœur du système. Lorsque celui-ci a été intégré à CARA, une partie des fonctionnalités s’est perdue, notamment certaines applications qui n’étaient pas centrales au dossier électronique du patient. Il s’agit là de tout l’enjeu du programme santé numérique, qui donne les moyens pour mettre en place cette infrastructure au niveau de la loi. Dans ce contexte, CARA ne sera plus le noyau du système, mais une brique importante du réseau de santé. M. Lufkin indique qu’en parallèle à ces démarches cantonales, la Confédération a pris des orientations très fortes au mois de septembre avec pour idée de réviser la loi fédérale sur le dossier électronique du patient. Il informe que le projet de loi final devrait aboutir au printemps 2025. Cependant, les premiers retours de l’OFSP suggèrent que la Confédération reprenne la gestion de l’infrastructure technique du DEP. La base de données et les logiciels permettant de faire fonctionner le DEP seront centralisés au niveau national. Il relève que cela permettra des économies d’échelle ainsi que d’avoir une interface qui sera identique dans toute la Suisse. Une députée S rappelle qu’en mars 2024, le Contrôle fédéral des finances avait clairement indiqué que le DEP n’était pas sur la bonne voie. Elle demande ce qui va concrètement se passer. Tout ce qu’elle lit en la matière n’est pas très rassurant. Elle n’a pas vu quel montant avait été voté au budget pour CARA et le DEP. Elle demande si le canton va continuer à investir. Elle souligne que le 21/51 M 2986-A rapport de CARA mentionne qu’en 2023, les montants investis s’élevaient à 10,5 millions de francs. M. Lufkin répond qu’une fois que la Confédération aura mis à disposition l’infrastructure technique, c’est-à-dire la fonctionnalité technique et informatique du DEP, CARA n’aura plus pour vocation d’exploiter cette infrastructure. La Confédération n’a pas encore communiqué sous quelle forme cela allait se faire, et il rappelle que plus d’informations devraient être fournies au printemps 2025. Il souligne que le rôle des communautés de référence telles que CARA va complètement changer une fois que ce nouveau système sera mis en place, mais sans pour autant perdre de leur utilité. Les communautés de référence pourront servir de « service client », elles permettront d’enrôler les patients et seront le point de contact pour les professionnels et les éditeurs qui souhaiteront se brancher sur le DEP. La Confédération ne sera pas leur interlocuteur direct, mais les communautés de référence. Ces dernières n’auront plus besoin de mettre à disposition toute l’infrastructure permettant de faire fonctionner le DEP. Elles seront un fournisseur de service, et non plus l’exploitant d’une solution informatique. M. Lufkin indique que le mode de financement fédéral pour le DEP n’est pas encore formalisé. Les premières indications sont que les communautés devront payer la Confédération pour son service. Il imagine que la clé de ventilation des coûts dépendra soit du nombre de dossiers du canton, soit de la taille de la population des cantons. M. Lufkin répète qu’une contribution des cantons restera nécessaire, car la Confédération ne prendra pas entièrement cette charge. Il soulève que les coûts seront probablement moins élevés, car ils seront mutualisés, mais qu’un financement public restera nécessaire. M. Lufkin informe que le budget de CARA ne passe pas par son service. Il suggère donc à la députée S de poser sa 3e question directement aux représentants de CARA, qui pourront lui indiquer de manière plus précise les contributions des cantons. Il précise que ces dernières sont également basées sur des clés de répartition proportionnelles à la taille des cantons. Un député PLR indique que cette motion demande de préparer un rapport. A titre personnel, il soutient tout à fait cette démarche. Il demande si, en tant que députés, ils pourraient faire mieux pour soutenir CARA que de préparer un rapport synthétique. Il souhaite ensuite savoir, dans la mesure où les niveaux d’action se trouvent au niveau des communautés de référence et de la Confédération, comment le Grand Conseil pourrait activer les bons leviers pour mobiliser au mieux CARA dans la Confédération. M 2986-A 22/51 M. Lufkin pense que le Grand Conseil soutient déjà beaucoup la santé numérique. Il mentionne le projet de loi qui a été voté et qui a pour but de développer des outils numériques dans le canton, qui est pour l’instant tout à fait bien dimensionné. Il admet que même si le Grand Conseil augmentait son investissement, le travail ne pourrait pas être effectué plus rapidement. En effet, il est nécessaire que les choses soient faites les unes après les autres. Certaines infrastructures de base doivent être installées afin que d’autres services puissent s’y ajouter. L’embryon d’une telle démarche était « Mon dossier médical », ce qui fait qu’il est aujourd’hui nécessaire de développer les fonctionnalités sur la même base. Cela ne veut pas dire qu’il faudra repartir de 0, mais qu’il sera nécessaire, pour développer l’interconnexion entre les institutions et les médecins, de créer un portail pour les patients. M. Lufkin répète que le DEP va continuer d’exister, mais ne sera plus qu’une partie du périmètre qui permettra notamment de consulter des rapports et certaines données médicales. L’idée de ce portail est plutôt d’offrir des services. Il prend pour exemple les HUG qui ont mis plusieurs services à la disposition de la population. L’idée serait de les intégrer à ce portail pour qu’il ne soit pas utile qu’aux HUG, mais qu’il le soit également pour l’ensemble des acteurs du domaine de la santé. Le budget nécessaire pour mettre cela en place est déjà réuni, et ce projet est en cours. M. Lufkin soulève que, dans ce contexte, une planification plus fine est également en train d’être travaillée. Il ne faudrait pas que cela soit uniquement un outil permettant de consulter des données pour les patients, mais aussi un outil de travail pour les professionnels afin qu’ils puissent interagir entre eux de manière plus simple, directe et rapide. Il mentionne un projet pilote qui démarrera en 2025, et qui aura pour but de coordonner les plans de soin entre différentes institutions. Il indique que l’IMAD et la Maison de santé sont très impliquées dans ce projet. Il précise que même si le projet est encore dans sa phase pilote, l’outil existe déjà, ce qui permet de voir comment les professionnels se l’approprient et la façon dont il serait possible de le brancher sur les systèmes informatiques des différentes institutions. Différents éléments se mettent aujourd’hui en place, et sont très complémentaires. Il souligne que Genève ne se contente pas de travailler sur le DEP, mais développe également toutes les solutions utiles permettant aux institutions et aux professionnels genevois de travailler au XXIe siècle dans le domaine de la santé. M. Lufkin indique ensuite que plusieurs leviers sont déjà activés : les cantons sont impliqués de manière très active dans une initiative de la Confédération qui se nomme DigiSanté. Cette dernière regroupe plusieurs initiatives ayant pour but le développement de projets dans le domaine de la santé numérique. Pour l’instant, cela n’est pas encore très visible. En effet, 23/51 M 2986-A seuls des experts et des professionnels sont pour l’instant impliqués, et peu de communication grand public a été faite. Il précise que le canton de Genève est très actif et participe à énormément de groupes de travail dans ce domaine afin de faire valoir les intérêts du canton et de s’assurer qu’il y ait une cohérence ainsi qu’une complémentarité entre ce qui est développé par la Confédération et ce qui est fait par le canton. Ce dernier s’est également impliqué dans la démarche de s’assurer qu’il y ait un appel d’offres lancé par la Confédération pour le nouveau système de DEP. Il est également nécessaire que ce dernier soit compatible avec le système genevois afin de s’assurer qu’il s’agisse d’un écosystème entièrement intégré. La Conférence des directeurs et directrices de la santé, où les cantons sont représentés, est également consultée. Genève est un acteur important et très actif dans ce forum. M. Lufkin continue en disant qu’il faut s’assurer que la loi prévoie des garanties formelles permettant aux cantons d’être impliqués dans le pilotage du système. Il n’a pas l’impression que la Confédération souhaite faire une OPA sur la santé numérique : la démarche était plutôt de mettre en avant le besoin de synergie, et d’éviter que chaque communauté développe son propre système. La Confédération va bientôt décider de s’investir dans ce domaine, mais il n’a pas l’impression que celle-ci a la volonté de prendre des prérogatives aux cantons. Elle souhaite plutôt intervenir là où cela a du sens. Il pense qu’il est plutôt positif que la Confédération s’investisse, car cela permettra de mener à bien des actions qui ne seraient pas possibles à une échelle uniquement cantonale. M. Lufkin relève cependant que les choses mises en place par la Confédération prennent du temps. Il explique qu’il y a beaucoup de consultations, de comités, de commissions, de groupes d’experts, etc. Cependant, les choses avancent. Il ajoute qu’il y a une feuille de route sur le sujet. Une députée S imagine qu’après la décision fédérale, l’inscription à CARA ne sera pas valable au niveau du DEP et qu’il faudra effectuer une nouvelle inscription. Elle demande pourquoi continuer à encourager les patients à s’inscrire sur CARA en attendant la décision fédérale, alors qu’ils devront fournir un nouvel effort dans 6 mois ou 1 an. Elle craint que cela ne crée une fatigue auprès des usagers. M. Lufkin précise que le délai sera plus long que 6 mois ou 1 an. Il trouve qu’il s’agit d’une très bonne question, d’autant plus que, lors de la migration de « Mon dossier médical » vers CARA, ce scénario précis était survenu. La transportabilité des données est l’un des prérequis qui ont été identifiés par la Confédération comme étant fondamentaux. C’est pour cette raison que ce projet va prendre du temps : une des conditions pour aller de l’avant est que M 2986-A 24/51 les données soient reprises. Il ne peut cependant pas garantir que cela sera fait, mais il s’agit aujourd’hui d’un des prérequis et il a été relevé par tous les acteurs et partenaires. Il ajoute que les différents acteurs vont même plus loin dans la réflexion actuelle, et se disent qu’il faudrait reprendre les investissements qui ont été faits. En plus de récupérer les données, il y a la volonté de récupérer les développements informatiques qui sont transférables. M. Lufkin mentionne ensuite un autre projet qui n’a en théorie rien à voir avec celui-ci, mais qui va également être déterminant pour la connexion au dossier informatique fédéral : le développement de l’identité numérique fédérale. Il s’agit là aussi d’un projet qui avance très lentement, mais son service a bon espoir que les deux seront finalisés en même temps. L’identité numérique fédérale sera utile dans beaucoup de domaines, ce qui sera un incitatif assez fort pour les citoyens de se la procurer. Les démarches pour la santé seront également facilitées. Il informe que le canton de Genève essaie de faire en sorte que les GenèveID puissent être utilisées dans le cadre du DEP fédéral. Il pense cependant qu’à terme, la population n’aura plus d’intérêt à avoir une GenèveID, l’identité numérique fédérale étant plus utile, car elle permettra d’avoir accès à beaucoup plus de services. L’administration cantonale a en plus confirmé que tous les services développés à Genève avec GenèveID pourront être accessibles avec l’identité numérique fédérale. M. Lufkin indique que la version de la loi fédérale sur le dossier électronique du patient qui était en consultation prévoit un modèle où un DEP est créé par défaut pour chaque citoyen. Ce dossier pourrait rester vide et ne pas être utilisé, mais il ne serait pas nécessaire, grâce à cette automatisation, de faire des démarches pour l’ouvrir le moment venu. Les formalités d’affiliation seront également plus simples qu’aujourd’hui. Un changement de la loi est cependant nécessaire pour cela : en effet, il n’est aujourd’hui pas possible de créer un DEP pour une personne qui ne l’a pas demandé. M. Lufkin pense qu’il ne serait pas une bonne idée à court terme de sortir du projet CARA, car cela voudrait dire qu’il faudrait développer toute une infrastructure pour un retour sur investissement assez court. En effet, la Confédération va développer son DEP d’ici quelques années. Jusque-là, il n’y aurait aucun intérêt à quitter CARA. Le moment venu, la question de rester dans CARA ou de devenir indépendant une fois que la Confédération aura mis à disposition son infrastructure sera pertinente. Il pense qu’il est encore trop tôt pour répondre à la question. Une députée S demande si une évaluation n’a pas été faite par le département. 25/51 M 2986-A M. Giannakopoulos répond que cette évaluation a commencé à être entreprise lors de l’annonce fédérale. Pour le moment, développer une stratégie qui sera par la suite annulée n’a pas de sens. Il est nécessaire pour le département de savoir ce que la Confédération met exactement en place avant de prendre des décisions. Il informe que le canton doit payer pour CARA pendant trois ans. Travaux du 15 novembre 2024 Audition de M. Patrice Hof, secrétaire général CARA M. Hof remercie pour l’invitation et la possibilité de s’exprimer sur la motion. Il souligne que CARA, fondée par cinq cantons (Fribourg, Genève, Jura, Valais et Vaud), a pour objectif de renforcer et de favoriser le partage d’informations de santé entre les patients et les soignants. Cependant, il reconnaît que cette infrastructure met du temps à se déployer en raison de défis techniques et culturels. Il souligne que l’un des enjeux majeurs de l’infrastructure nationale concerne la Suisse occidentale, nécessitant des investissements en ressources humaines et techniques pour atteindre une masse critique d’utilisateurs. Ce processus transformera les pratiques de soins, en intégrant le dossier électronique du patient dans les pratiques cliniques. Il note que ce changement culturel explique en partie la lenteur du déploiement du dossier électronique. Il mentionne un rapport de CARA, datant de deux ans, qui avait dressé un constat sévère. Bien que les résultats d’utilisation restent limités, la situation s’améliore. Un point positif est l’effort des patients pour ouvrir leur dossier électronique, avec des retours favorables sur l’accès et le partage de leurs documents de santé avec les professionnels. Il note toutefois la réticence de certains professionnels de santé, souvent alimentée par des craintes concernant le temps supplémentaire qu’ils jugent nécessaire pour utiliser le dossier électronique. Le manque de connectivité entre les systèmes des cabinets médicaux et le dossier électronique crée une double saisie des informations, ce qui génère des résistances. Il fait un parallèle avec la construction des réseaux ferroviaires au XIXe siècle, soulignant qu’une infrastructure efficace nécessite des investissements publics et une unification des systèmes. Aujourd’hui, il est crucial de définir un langage commun pour que les différents systèmes de santé puissent fonctionner de manière fluide. Enfin, il conclut que, grâce aux investissements cantonaux, un premier pas a été franchi, mais qu’il reste encore beaucoup à faire pour faire du dossier électronique du patient un outil utilisé naturellement par les patients et les professionnels, sans obstacle technique. M 2986-A 26/51 Un député PLR a plusieurs questions. La première concerne la gouvernance du projet : qui décide de l’évolution du dossier électronique du patient, notamment sur les délais et l’implication des patients, médecins, etc. Il a l’impression qu’il manque une vision claire pour ce projet national, avec beaucoup de personnes impliquées, mais peu de direction. La deuxième question porte sur l’analogie avec le réseau ferroviaire. Bien qu’elle soit pertinente, il estime que l’enjeu est d’éviter que l’accès aux services soit complexe. Actuellement, il semble que les utilisateurs n’aient pas un accès fluide au système. Comment rendre l’accès plus fluide et accessible pour tous ? Il mentionne qu’il a posé une question écrite au Conseil fédéral il y a six mois, et que, bien que des médecins formés aux HUG utilisent le système, ce n’est pas le cas de tous. Il s’interroge sur la manière d’éviter de redémarrer chaque fois avec de nouveaux investissements si le système échoue. Enfin, il se demande comment résoudre le problème d’interopérabilité pour améliorer la fluidité d’utilisation du système. M. Hof soulève un problème de gouvernance concernant la responsabilité du pilotage du dossier électronique du patient aujourd’hui. L’Office fédéral de la santé publique n’a pas la compétence pour le pilotage. Le système décentralisé imaginé par le législateur, avec une multitude de fournisseurs et d’hôpitaux travaillant indépendamment, montre aujourd’hui ses limites. La réalité exige une rationalisation technique. Le coût du développement, la certification et l’obstacle à une forte décentralisation sont des défis majeurs. Dans ce contexte, l’initiative des cinq cantons romands, qui ont décidé de travailler ensemble, a permis à CARA d’avancer rapidement, en s’appuyant sur l’expérience genevoise. Cependant, il est évident qu’une gouvernance centralisée est nécessaire, comme le montre la révision de la loi en 2023, qui a décidé de mettre en place une infrastructure unique et nationale, remplaçant les systèmes multiples existants. Cela permet des économies d’échelle, une meilleure sécurité et une gestion centralisée, avec un seul éditeur de logiciels et une plateforme unique. Aujourd’hui, la Confédération soutient la centralisation pour mieux piloter le système et clarifier le partage des responsabilités dans la loi. Actuellement, les cantons n’ont aucune responsabilité en matière de gouvernance, mais le volontarisme des cinq cantons romands a permis de créer CARA et d’établir une convention intercantonale. Ainsi, ce sont actuellement les cantons romands qui pilotent le DEP sur leur territoire. Une des réponses à cette question est la décision du Conseil fédéral de simplifier le système, ce qui facilitera le travail des petites entreprises et des prestataires de soins. En Suisse, il existe environ 150 systèmes d’information clinique ambulatoire, principalement gérés par de petites entreprises. Ces 27/51 M 2986-A systèmes doivent s’adapter pour pouvoir communiquer avec la plateforme unique du DEP, cela nécessite des exigences claires en termes de sécurité des informations pour que ces outils répondent aux standards nécessaires. Le jour où ces obstacles seront levés, les professionnels de santé n’auront plus à effectuer des saisies doubles, ce qui allégera leur charge de travail. Un député UDC transmet une question de l’auteure de la motion, qui ne peut être présente : quel est le budget de CARA et quel montant est financé par les différents cantons ? M. Hof précise que le budget de CARA, incluant les charges d’exploitation et les investissements, s’élève à 12 millions de francs par an. En retirant les subventions modestes de la Confédération, les cinq cantons membres financent entre 11 et 11,5 millions de francs, répartis entre les cantons en fonction de leur population : Genève à hauteur de 25%, Vaud à 40%, etc. Un député MCG le remercie pour l’explication. Il pose une question : il est vrai qu’au début du projet, CARA était uniquement genevois, puis l’idée a été reprise par la Confédération. Ce qu’il ne comprend pas, c’est pourquoi seulement cinq cantons participent à ce projet, surtout lorsque l’on parle d’une initiative fédérale. Pourquoi tous les cantons suisses ne se sont-ils pas joints au projet dès le départ ? S’il se souvient bien, il semble qu’il avait été dit qu’on attendait d’autres cantons, mais qu’ils n’ont pas rejoint l’initiative. Il trouve la situation absurde : la Confédération a exercé une pression importante en prenant en charge la responsabilité du dossier, mais il trouve que cette situation est frustrante. Il se demande pourquoi cela n’avance pas plus rapidement. Il trouve compliqué de comprendre qui prend réellement les décisions et pourquoi il n’est pas possible de faire quelque chose de plus ambitieux. M. Hof explique que le chemin suivi par tous se dirige vers une concentration des efforts. Au départ, la responsabilité de la mise en place du DEP n’était confiée ni à la Confédération ni aux cantons. La volonté politique initiale venait des cinq cantons romands qui ont choisi de travailler ensemble pour offrir un service public commun. En revanche, en Suisse alémanique, les cantons n’étaient pas présents ou très peu impliqués, et les décisions étaient prises par des associations professionnelles ou institutions de santé, souvent avec des subventions marginales, ce qui explique le retard pris par ces cantons. Aujourd’hui, la consultation sur la révision totale de la loi est assez claire. Il ne s’attendait pas à une telle majorité en faveur de la centralisation. Il se rend compte qu’à l’échelle de la Suisse, il n’y a pas de réelle plus-value clinique à avoir plusieurs systèmes. La vision décentralisée du DEP, qui était en phase avec la culture décentralisée au niveau national, semble ne rien apporter ni à la population ni aux professionnels de santé. Il note maintenant un mouvement M 2986-A 28/51 en direction d’une infrastructure centralisée, bien qu’il reste encore des débats parlementaires à ce sujet au niveau national. La question qui demeure est celle des investissements nécessaires, une question qu’il a posée à la Confédération, mais les réponses sont très limitées. Il se demande donc comment ce dossier pourra avancer. Le député MCG demande quelle est la situation en Suisse alémanique. M. Hof indique que la problématique a été de taille, car, pendant longtemps, la Suisse alémanique a été à la traîne en matière de dossier électronique. Cependant, avec l’arrivée de SANELA, la situation a évolué. SANELA a bien réagi et a ouvert de nombreux dossiers électroniques. Actuellement, sur 4500 prestataires de soins, une grande majorité, soit les trois quarts, provient de Suisse romande. Cela montre que, grâce à la volonté d’investissement des cantons romands, un progrès a été réalisé. Malgré les obstacles mentionnés, la Suisse romande a continué d’avancer dans l’implémentation du dossier électronique, et les efforts pour surmonter ces défis se poursuivent avec les moyens dont ils disposent. Le député MCG explique qu’il a été un ancien utilisateur du système de dossier médical, mais qu’il a ensuite dû repartir avec CARA, ce qui a été compliqué. Il se demande si cela ne présente pas le même risque, à savoir l’arrêt du système et une nouvelle centralisation. M. Hof souligne le risque lié à cette situation, raison pour laquelle un conseiller d’Etat, membre de l’assemblée générale, a écrit pour demander à être intégré dans les travaux de définition du cahier des charges de la future plateforme fédérale. Il reconnaît que ce risque doit être pris au sérieux, tant sur le plan opérationnel que sur d’autres aspects. Il précise qu’ils essaieront d’agir dans les mois à venir pour éviter que ce risque ne survienne. Une députée S soulève la question de l’utilité de continuer à s’engager activement dans le projet en période d’incertitude, en attendant la décision fédérale. Elle estime qu’une pause pourrait être plus judicieuse, car poursuivre risquerait de créer de la fatigue. Si le projet est repris dans deux ans, il serait peut-être plus pertinent d’investir dans quelque chose de durable. Elle souligne les difficultés liées à la mise en place des systèmes d’information, notamment pour le DEP, et se demande ce qu’il en sera d’ici 2025-2030, sachant qu’il y a déjà 30 000 patients utilisant le système dans son canton, ce qui prouve les avantages d’un système de santé plus fluide. M. Hof indique que la question touche à la fois les professionnels de santé et les patients, et que, malgré les difficultés actuelles, l’expérience des utilisateurs du DEP est positive. Actuellement, 10 professionnels de santé s’affilient chaque semaine à CARA, et 800 nouveaux dossiers sont ouverts 29/51 M 2986-A chaque mois en Suisse romande, répondant ainsi aux besoins de la population et des professionnels. La députée S indique qu’il faut discuter avec les professionnels et les patients, mais elle pense que CARA doit également avoir cette discussion. D’un côté, il y a des gens satisfaits, mais, de l’autre, des insatisfaits. Les professionnels de santé s’inscrivent, mais l’outil n’est pas encore pleinement utilisable. Même aujourd’hui, les patients inscrits se demandent ce que cela leur apporte, car l’outil ne répond pas encore à leurs attentes. M. Hof note qu’en l’absence de raccordement, la communication ne s’améliore pas. Un député PLR précise que la convention intercantonale a été signée, et qu’elle a été votée par la commission. La convention a été élaborée, préavisée et finalisée par leurs soins, puis rendue publique. Cela montre un véritable engagement politique pour fonder CARA, mais il reconnaît que le chemin reste encore un peu cahoteux. Discussions Le président demande si les commissaires sont prêts à voter. Un député LJS pose la question de savoir si cela vaudrait la peine d’attendre et d’auditionner le département, afin de voir comment ils se positionnent après avoir entendu les échanges d’aujourd’hui. Le président estime que la position du département est claire, comme l’a exprimé la convention intercantonale qui a été présentée et approuvée en plénière. Il rappelle la volonté des cinq cantons romands et mentionne que M. Hof l’a déjà souligné : avant que la Confédération ne prenne des mesures, rien ne bougeait. Un député PLR pense que la commission a tous les éléments en main pour voter. Il considère que la motion est aussi un instrument de pression pour établir un dialogue formel avec le Conseil d’Etat et le département. La situation pourrait évoluer au cours des six prochains mois, il suggère de revenir sur ce point dans six mois pour avoir une mise à jour sur la situation du département à ce moment-là. Ce serait une manière de ne ni voter ni refuser la motion immédiatement. Si la motion est votée maintenant, elle risquerait d’être prématurée. En revanche, la garder pendant six mois permettrait d’avoir une réévaluation plus pertinente. Le président explique que, dans les six prochains mois, une commission intercantonale de contrôle sera mise en place, composée de trois députés par canton, et qu’elle est en train de se constituer. Cette commission commencera M 2986-A 30/51 ses travaux ce printemps. A titre personnel, il aurait souhaité que la motion soit votée ce soir, afin d’exercer une pression pour que la commission de contrôle soit mise en place plus rapidement et que les travaux puissent commencer. Un député MCG exprime son inquiétude sur ce qu’attendre pourrait donner et, selon lui, la sagesse serait d’agir maintenant. Toutefois, il est ouvert à l’idée de prendre le temps de discuter, si c’est le souhait de l’auteure de la motion et si c’est nécessaire. Un député S aimerait comprendre où se situe l’urgence et pourquoi il faut donner un signe maintenant. Il se demande si un signe supplémentaire est nécessaire, surtout que la position de Genève semble relativement claire et qu’aucun suivi n’a été fait depuis. Avec un horizon à 2030, il se questionne sur la réelle urgence de la situation. Il prend également en compte l’avis de l’auteure de la motion. Le président pense que ce qui va réellement débloquer la situation, c’est une reprise en main par la Confédération, de manière centralisée. Tant que les cantons et les prestataires de soins continuent de gérer séparément, à l’exception de l’exemple de CARA et des cantons romands, cela ne fonctionnera pas. Il pense que la Confédération et les Chambres devraient voter un montant supplémentaire pour soutenir cette centralisation et permettre la mise en place de cette solution. Une députée S pense que la question d’attendre ou non peut être discutée. Ce qui serait peut-être utile, c’est de préciser davantage la motion, en demandant quelque chose de plus concret qu’un simple rapport. Si l’on fait référence aux points soulevés précédemment, il serait important de préciser comment la gestion de la transition sera effectuée, et comment éviter que le travail de CARA soit perdu. Ce qu’il faudrait clarifier, c’est que ce ne soit pas seulement un signal, mais un outil qui permette au Conseil d’Etat de travailler sur des points concrets. Il y a également un enjeu lié aux dépenses publiques et à la manière dont CARA va continuer à fonctionner dans ce cadre. Un député PLR souhaite simplement repréciser que l’auteure de la motion est d’accord sur le fait que cette motion ne peut pas être envoyée telle quelle. Il voit deux possibilités : soit reporter la question pour dans six mois avec le Conseil d’Etat, soit réécrire l’invite. Travaux du 29 novembre 2024 Discussion Le président rappelle les auditions qui ont déjà été énumérées, et que les députés avaient demandé une semaine supplémentaire afin de peaufiner leur position. Il comprend qu’il n’y a pas d’autres demandes d’auditions. Il rappelle 31/51 M 2986-A qu’au mois de janvier 2025, une commission interparlementaire de contrôle doit être instituée. Il explique qu’elle découle directement du concordat intercantonal qui a été signé entre les cantons romands, sauf Neuchâtel, sur le dossier électronique du patient. Il aimerait que le Conseil d’Etat reçoive cette motion avant que soit constituée formellement cette commission interparlementaire, qui doit être nommée par le Bureau dans ces prochains jours. Une députée S est ravie de savoir que la commission interparlementaire de contrôle va débuter ses travaux en septembre prochain. Elle rappelle que l’objectif de cette motion était initialement de montrer qu’il existait des problématiques avec le DEP, et que les députés avaient effectué leur travail de surveillance. Elle estime qu’à ce stade des travaux, hormis le contenu du rapport du SAI, nous n’avons pas énormément de contenu. Elle souhaiterait connaître la position du Conseil d’Etat. Elle sait que Genève est encore liée à CARA pendant 3 ans, mais soulève qu’il n’y a pas de ligne claire au budget 2025 mentionnant le montant d’argent public qui sera investi dans CARA. Elle demande si Genève va continuer à financer une solution dont personne n’est sûr du retour sur investissement. Elle ajoute qu’il manque un élément centralisateur pour mener ce projet à bien. Elle souhaiterait rendre le rapport avec une vraie position du Conseil d’Etat. Elle estime ne pas être en possession de tous les éléments nécessaires à une prise de décision. Elle demande, avant de voter cette motion, à connaître la position stratégique et le plan d’action du Conseil d’Etat. Le président rappelle que l’orientation centralisatrice souhaitée par la députée S va intervenir : en effet, le Conseil fédéral reprend la main. Il souligne que ce dernier a par ailleurs prévu en budget à cet effet, et que ce projet aura bel et bien un pilote. Il indique ensuite que le meilleur moyen d’obtenir une vision claire du Conseil d’Etat est de voter cette motion. Il souligne ensuite qu’à chaque fois qu’il y a la conclusion d’un concordat intercantonal sur un sujet ou un autre, il est institué une commission de contrôle interparlementaire. Il explique que chaque canton délègue 3 députés. Il informe que la commission des affaires communales, régionales et internationales a proposé une députée S et lui-même. Il propose que la commission de la santé désigne un député PLR, qui est également membre de la commission de contrôle de gestion et qui a donc l’habitude de ce type d’investigations. Le député PLR accepte. La délégation à la commission interparlementaire de contrôle (CISN) est donc composée de M. Jean-Marc Guinchard, Mme Jacklean Kalibala et M. Pierre Nicollier. M 2986-A 32/51 M. Giannakopoulos indique qu’il n’est pas possible de répondre à la question de la députée S, et explique que la réalité est aujourd’hui très mouvante. Il soulève que la Poste a résilié le contrat qu’il avait passé avec le hardware qui pose problème. Un nouveau contrat avec un nouveau fournisseur est donc nécessaire. Il souligne que la situation évolue chaque semaine. Il soulève que le DEP pourrait être repris par la Confédération, et que cela serait plus efficace. Il reste tout de même un positionnement à prendre de la part du canton, et il indique qu’une analyse sera effectuée. Il explique qu’une analyse du DEP est cependant actuellement impossible au vu de la situation en mouvement constant. Il relève qu’une étude pour sortir de CARA avait été commencée, mais a été bloquée. En effet, tout cela avait été effectué avec l’idée qu’il n’y aurait pas d’intervention de la part de la Confédération. Le président indique que la commission n’était pas au courant de ces derniers développements, et trouve cela dommage. Il soulève qu’il existe deux solutions : voter la motion, ou la geler. Un député PLR soulève que la motion demande qu’un rapport soit effectué. Il mentionne qu’il serait possible d’amender la motion, maintenant ou plus tard, afin de demander des choses précises. Un des points ressortant de l’ensemble des auditions est qu’un des facteurs critiques expliquant la nonutilisation du DEP est la diversité des outils qui sont utilisés dans les différents établissements médicaux, et il rappelle que ces logiciels ne sont pas interopérables. Les systèmes, individuellement, fonctionnent bien, mais dès lors qu’ils sont mis en commun, des copier-coller sont effectués et transformés en PDF, qui sont ensuite centralisés chez CARA. Il souligne que ces documents ne sont absolument pas utilisables. Il relève qu’un système doit être alimenté afin d’être utilisé. Cependant, comme il n’est pas utilisé, il n’est pas non plus alimenté. Il est ressorti des discussions qu’une des possibilités serait effectivement de mettre l’accent sur une invitation au Conseil d’Etat, par le biais d’une motion, de fixer un délai à 6-8 mois pour faire en sorte que tous les dossiers électroniques du patient des différentes institutions médicales deviennent interopérables. Le problème cependant persiste dans le fait que demander cela au Conseil d’Etat n’est pas réaliste, car c’est aujourd’hui la Confédération qui fixe les spécificités des différents outils pour que les utilisateurs puissent s’aligner sur un certain nombre de critères qui ne sont pas connus. Il souhaiterait que cette motion soit gelée pendant 4 à 6 mois, et demander un état des lieux lorsqu’elle sera remise à l’ordre du jour. Il imagine que le département continuera son travail entre-temps. Une députée S rappelle que l’un des objectifs de cette motion était d’apporter de la transparence concernant les éléments que la commission possédait, notamment le contenu du rapport du SAI, et de disposer d’une vision 33/51 M 2986-A claire du Conseil d’Etat. Elle pense que la solution du gel ne remplit pas l’objectif premier de la motion, et indique que le PS souhaite que les travaux déjà réalisés par la commission de la santé servent à la future commission interparlementaire, en étant rendus publics. Un député LJS est d’accord avec les propos du député PLR. Il pense que le DEP est en train de subir des changements, notamment avec l’hypothèse d’une compétence fédérale amenant de nouvelles exigences. Le Conseil d’Etat pourrait effectivement produire un rapport sur l’échec de CARA, qui est principalement due à l’incompatibilité des programmes. Il pense que la population est au courant de cela. Il souhaiterait geler trois mois la motion, puis la voter en ayant connaissance des différentes évolutions, ce qui permettra à la commission d’effectuer un travail plus approfondi. Un député Vert trouve que le sujet de fond traité par cette motion reste très flou, et a l’impression qu’il s’agit aujourd’hui d’une sorte de pari. CARA n’est aujourd’hui pas très efficace, mais s’il vient à fonctionner dans le futur, le canton sera satisfait d’y avoir consacré des fonds. Il trouve qu’il est dur de se positionner concernant cette motion, la situation changeant continuellement. Il admet qu’un moyen d’ouvrir le débat public serait de voter cette motion aujourd’hui et de déposer un rapport avec les informations que la commission a déjà obtenues, qui deviendrait ainsi public. Il souligne que les députés restent tout de même dans une forme de non-savoir, n’ayant pas réussi à obtenir les informations nécessaires pour juger le contenu de cette motion. Une députée Verte suggère l’audition d’un informaticien d’un quelconque service. Un député PLR comprend que la proposition de la députée Verte montre un souhait de faire un pas de plus pour cette motion. Il pense que les HUG sont un établissement pionnier de l’informatique médical, et possèdent un savoirfaire dans ce domaine. Il pense qu’il pourrait être intéressant d’avoir le point de vue des HUG, bien qu’ils soient eux-mêmes des utilisateurs. Un député LJS propose l’audition du Prof. Lovis, qui est un spécialiste du domaine. Le président a eu la chance d’être associé au début des travaux du DEP. Il n’ose pas communiquer à la commission les montants investis à partir des années 80 pour la création de la Fondation Iris ainsi que toutes les autres étapes. Il souligne qu’il faut reconnaître qu’il s’agissait tout de même d’un projet visionnaire. M 2986-A 34/51 Le président met aux voix l’audition du Prof. Lovis : Oui : unanimité Non : – Abstentions : – L’audition du Prof. Lovis est acceptée. Travaux du 17 janvier 2025 Audition du Prof. Christian Lovis, médecin-chef du service des sciences de l’information médicale HUG M. Lovis remercie la commission de l’invitation. En abordant directement la motion, il explique qu’à sa compréhension, elle vise principalement à réfléchir à une révision de la situation législative actuelle dans le canton. Sa première observation en prenant connaissance de cette motion et des débats associés est qu’au niveau fédéral, des discussions importantes sont en cours concernant la digitalisation de la santé. Ces discussions devraient aboutir à des arbitrages entre la Confédération et les cantons, susceptibles de modifier les équilibres actuels en matière de santé numérique. Il souligne que la Confédération envisage un système centralisé, ce qui pourrait bouleverser les initiatives développées au niveau cantonal, notamment dans le cadre de la LDEP, comme à Genève. Il considère cet aspect comme un point clé des discussions. M. Lovis estime, sur le sujet du dossier électronique du patient, que le monde a évolué rapidement ces dernières années. L’importance accordée à la structuration rigide des données et aux systèmes standardisés avec des collectes de données clairement définies tend à s’atténuer. Il anticipe une réémergence des narratifs en médecine, tels qu’ils ont été prédominants pendant des siècles. Ces narratifs, qui sont contextuels et conversationnels, pourraient regagner en importance, car les besoins de simplification excessive des données pour les catégoriser, souvent au détriment de leur richesse et de leur pertinence, pourraient être dépassés. M. Lovis souligne que cette superstructuration des données médicales a contribué à un sentiment de perte d’idéal chez les professionnels de la santé, en particulier les jeunes médecins et infirmiers. Il rappelle que, selon des études menées dans les hôpitaux universitaires suisses, ces professionnels passent en moyenne six heures par jour sur des systèmes électroniques, contre seulement une heure auprès des patients sous leur responsabilité. Comparant cela à sa propre expérience de clinicien, où il consacrait 11 heures par jour aux soins cliniques et une heure à l’administration, il déplore une inversion des priorités. 35/51 M 2986-A M. Lovis pense que le retour à des données narratives et contextuelles permettra de dépasser les modèles actuels, souvent éloignés de la réalité. Il ajoute que les évolutions en cours, notamment celles autour de DigiSanté et les discussions sur le droit fédéral de la santé, vont considérablement modifier le rapport entre la santé cantonale, la santé fédérale et le DEP. Ces changements structurels lui semblent bien plus importants que des débats techniques ou financiers sur des modifications d’interfaces ou des détails d’implémentation. Enfin, il conclut en affirmant qu’à ce jour, le déploiement du dossier électronique du patient est un échec. Un député PLR salue l’oraison funèbre présentée par M. Lovis. Il rappelle que la motion n’a pas été rédigée avec une conclusion aussi formelle que « c’est un échec », bien que cela fasse des années que des investissements importants ont été réalisés sans progrès significatifs. Il demande où en est réellement le projet et souligne que c’est dans ce contexte que cette audition, assez informelle, a été organisée. Il estime que la vision critique de M. Lovis est précieuse. Il lui demande, si la motion devait être réécrite, quelle suggestion ou quel message politique il proposerait pour rendre ce texte plus clair et pertinent dans son objectif. M. Lovis explique qu’il est habitué à faire des oraisons funèbres ces derniers temps, notamment après avoir présidé la Fondation Iris jusqu’à sa fermeture récente. Se décrivant comme un scientifique pragmatique plutôt qu’un politicien, il estime qu’il est important de dire les choses telles qu’elles sont, pour pouvoir clore un projet, tirer des leçons de ce qui s’est passé, et trouver des solutions. M. Lovis compare la situation actuelle à une évolution technologique : entre le pigeon voyageur et l’iPhone, il ne s’agit pas d’ajouter un turboréacteur au pigeon, mais de changer entièrement le dispositif. Concernant le dossier patient informatisé et partagé, il pense que plusieurs aspects doivent être repensés. Si l’on souhaite réellement mettre le patient au centre du système, alors cet outil ne devrait pas être conçu uniquement pour les patients polymorbides ou ceux avec des pathologies lourdes et complexes. Selon lui, le DEP et CARA ne devraient pas être perçus comme une « mise sous morphine » pour ceux qui y figurent, mais plutôt comme des outils attractifs pour tout citoyen, y compris des jeunes, des sportifs et des personnes en bonne santé, qui souhaitent s’investir dans leur propre suivi médical. M. Lovis critique le fait que, pendant les années où il était impliqué dans « Mon dossier médical », les discussions se sont essentiellement concentrées sur l’utilité pour les professionnels de santé et les patients complexes. Il estime qu’il faut inverser la stratégie si l’on veut que cet outil devienne utile et attrayant pour les citoyens. Cela signifie concevoir une interface simple, M 2986-A 36/51 pratique, lisible et utile au quotidien, et non uniquement pour des situations médicales graves ou complexes. M. Lovis souligne également plusieurs raisons de l’échec actuel. D’abord, le choix de la Poste comme partenaire n’a pas suscité d’attractivité. Ensuite, les démarches pour s’inscrire sur la plateforme sont interminables, et l’outil lui-même est inutilisable. Il invite les députés de la commission à créer un compte sur CARA pour constater par eux-mêmes l’utilisabilité de l’outil. M. Lovis souligne que le système actuel manque totalement d’intuitivité. Selon lui, de nombreuses erreurs se sont accumulées, rendant l’outil non seulement peu attractif pour les populations cibles, mais aussi mal orienté dès le départ. Il critique le fait que l’outil soit largement hospitalocentré, avec 99% des données provenant des HUG, ce qui biaise fortement le contenu. Il remarque que la majorité des documents présents dans le système sont incompréhensibles pour les patients, donnant l’impression qu’ils concernent uniquement des chefs de service que les patients ne rencontrent jamais. Cela, selon lui, illustre la nécessité de repenser totalement l’approche. M. Lovis estime qu’actuellement, on « met des emplâtres sur des jambes de bois » pour tenter de sauver le DEP à l’échelle nationale, sous prétexte que la numérisation est essentielle et qu’elle pourrait « sauver l’humanité ». Cependant, il rappelle que ce n’est pas la numérisation en soi qui est importante, mais son utilisation pratique. Il critique l’objet actuel, qu’il considère comme défaillant sur tous les plans. M. Lovis s’étonne qu’en Suisse, avec une base légale, des ordonnances et un processus structuré auquel il a participé, on ait abouti à un système décentralisé, basé sur des standards multiples censés favoriser un marché libre et compétitif. Cela aurait dû produire des outils compatibles entre eux, comme une clé USB qui fonctionne sans difficulté, quel que soit l’appareil. Or, le résultat est tout autre : chaque canton dispose de ses propres standards et développements, sans aucune compétitivité sur le marché. Rien ne fonctionne avec les solutions déjà disponibles sur le marché. Pour intégrer un système au sein de CARA, il indique qu’il faut négocier individuellement avec chaque fabricant de dossiers patient pour rendre son outil compatible, ce qui est à ses yeux inconcevable. Une députée Verte trouve qu’il manque des informations pour comprendre comment un système avec autant de défauts a pu voir le jour. Elle se demande si cela est dû à un manque de volonté politique, de moyens, ou à une implication excessive de trop d’acteurs incapables de se mettre d’accord. Elle demande également si, en cas de refonte complète du système à l’échelle fédérale, les données contenues dans CARA pourraient être réutilisées dans un 37/51 M 2986-A nouveau dossier électronique du patient, ou si elles deviendraient incompatibles avec un système centralisé. M. Lovis répond à la première question en expliquant que la numérisation dans le domaine de la santé a été initialement portée par des visionnaires. A Genève, deux personnes en particulier ont permis d’utiliser ces outils comme un instrument au service de la santé dans le canton. Cependant, après cette phase visionnaire, le projet s’est alourdi, devenant un « carrosse » souhaitant embarquer tout le monde, en promettant trop et en décevant constamment. La dynamique consistait à promettre des fonctionnalités complexes jamais réalisées, plutôt que de se concentrer sur des objectifs simples, mais atteignables. Les grandes promesses finissent parfois par se concrétiser, mais avec 15 ans de retard et des efforts considérables. M. Lovis identifie, au niveau fédéral, un deuxième problème : le conflit entre les visions initiales et les lois du marché en Suisse, marquées par un noninterventionnisme étatique. L’industrie informatique dans le domaine de la santé a cherché à créer des marchés captifs, à l’image d’Apple, en évitant la mise en place de standards d’interopérabilité. Il cite l’exemple du système EPIC : une fois adopté, il devient impossible de migrer les données accumulées, car le système n’adopte aucun standard permettant leur exploitation ailleurs. L’intégration des processus et la personnalisation du système représentent des masses considérables de temps, d’énergie, de compétences et d’argent, ce qui enferme les utilisateurs dans une dépendance. M. Lovis relève que dans d’autres pays, comme le Danemark ou la Norvège, des normes strictes d’interopérabilité sont imposées par la loi. Ces règles obligent tout logiciel destiné à un hôpital, à un EMS ou à un professionnel de santé à être conforme à ces standards. En Suisse, il n’existe pas de lois équivalentes. Il remarque qu’il y a plus de régulations concernant l’équipement des vélos (comme l’interdiction des feux arrière clignotants) que sur la prescription informatisée des médicaments. La députée Verte comprend qu’une partie du problème vient d’objectifs irréalistes et demande quels seraient des objectifs réalisables. M. Lovis pense qu’étant donné que CARA existe, il serait compliqué de tout arrêter. Il suggère donc de réfléchir à ce qui peut être fait dans la situation actuelle sans tout faire exploser. A son avis, la première étape serait de miser sur des documents textes, tout en imposant de manière contraignante que tous les systèmes informatiques utilisés soient interopérables. Ensuite, on pourrait investir dans des systèmes plus structurés et performants. M. Lovis insiste sur le fait qu’il ne faut pas imposer aux médecins d’utiliser CARA, car cela reporte sur eux la charge de garantir le bon fonctionnement du M 2986-A 38/51 système. Cette responsabilité devrait incomber aux vendeurs des logiciels. Il propose qu’à Genève, une nouvelle loi oblige tout système informatique traitant des données de santé à être compatible avec les outils du dossier patient partagé. Cela permettrait aux professionnels de santé de se concentrer sur leur métier sans se soucier des problèmes techniques. Il fait l’analogie avec un téléphone portable : on s’attend à ce qu’il fonctionne avec le réseau, sans que l’utilisateur ait à se poser des questions techniques. Un député Vert comprend que CARA est actuellement une interface secondaire et que la priorité devrait être de se concentrer sur les interfaces primaires, à savoir les logiciels que les médecins utilisent pour saisir les informations. Une telle approche rendrait le système global plus facile à déployer. Sinon, CARA risquerait de rester un simple lecteur de PDF inutilement compliqué. M. Lovis compare le système actuel à des écrans et à des appareils capables de produire des informations visibles sur ces écrans, qu’il s’agisse de YouTube, de Netflix ou de lecteurs DVD. Il souligne que les écrans doivent être conçus pour les citoyens, pas pour les professionnels de santé. Les médecins et infirmiers utilisent des outils professionnels, pour lesquels des standards sont nécessaires pour garantir leur fonctionnement. Cependant, ces standards ne devraient pas être la préoccupation des utilisateurs finaux, qu’ils soient professionnels ou patients. M. Lovis rappelle que des standards informatiques existent depuis 40 ans et qu’une liste est établie depuis presque 20 ans. Pendant ce temps, certains ont prôné un laisser-faire en espérant que le marché trouverait sa propre solution, mais cela n’a pas fonctionné. M. Lovis affirme qu’un certain niveau d’interventionnisme étatique est nécessaire, bien que cela ne doive pas être massif. Il compare cette situation aux standards des clés USB, adoptés universellement sans difficulté. Une députée S indique être médecin généraliste et inscrite à CARA en tant que médecin et patiente. Elle mentionne partager le constat de M. Lovis. Elle demande s’il a été consulté dans le cadre du processus de mise en place de CARA et, si ce n’est pas lui, qui l’a été. Elle s’interroge sur l’origine des nombreux défauts constatés dans ce système. Concernant le dossier patient informatisé (DPI), elle demande si celui-ci pourrait être utilisé comme point de départ pour construire un dossier électronique du patient partagé. M. Lovis répond que le DPI ne peut pas être un point de départ. En effet, il s’agit d’un outil complexe, conçu pour fonctionner dans des environnements critiques avec des échanges de données en temps réel. Ces fonctionnalités ne sont pas nécessaires pour un dossier électronique du patient partagé. Ce dernier 39/51 M 2986-A requiert un langage formel permettant de décrire les données, afin qu’elles soient échangées sans difficulté, et des interfaces adaptées, textuelles, par exemple des PDF, pour faciliter la communication. Les systèmes informatiques des professionnels de santé devraient pouvoir lire ces données et les afficher dans leur propre environnement, tout en permettant leur transfert vers un répertoire partagé lisible par d’autres. M. Lovis insiste sur la nécessité de concevoir des interfaces compréhensibles, simples et ergonomiques pour les patients et citoyens. Il souligne la difficulté actuelle de CARA, même pour des actions simples comme imprimer un document. Il évoque une expérience personnelle où il a extrait plusieurs documents de son dossier CARA, dont certains remontent à 2002. Il a ensuite demandé à ChatGPT de résumer ces documents dans un langage accessible aux non-professionnels, ce qui a donné des résultats clairs et pertinents. Cela illustre, selon lui, l’importance de fournir aux utilisateurs des outils ou navigateurs capables de filtrer et de simplifier les données brutes en informations lisibles et utiles. M. Lovis reconnaît sa part de responsabilité dans les échecs du système, ayant participé à plusieurs groupes de travail liés à ces projets. Il admet avoir parfois été perçu comme trop direct ou véhément, ce qui a limité son influence dans certaines réunions. Et, pour une bonne partie de ces dernières, il ne s’y est pas rendu. Un député PLR indique n’être ni médecin ni inscrit à « Mon dossier médical » ou CARA, et il est heureux de ne pas avoir perdu de temps avec ces systèmes. Il travaille dans les assurances et les bases de données, où il accède à des documents très confidentiels. Selon lui, le domaine médical souffre d’une surenchère en matière de protection des informations, ce qui complique inutilement l’utilisation des systèmes. Il pense que l’utilisation d’une IA ne sera jamais admise dans le domaine de la santé. Il compare cela aux données fiscales, souvent mal classées et difficiles d’accès malgré leur grande protection. Il estime que les données médicales sont les plus protégées, alors qu’un traitement équivalent à celui des données bancaires pourrait suffire. Il demande si le « sacro-saint » secret médical n’est pas, en réalité, un frein majeur à la mise en place de systèmes simples et efficaces. M. Lovis répond que, contrairement à l’idée reçue, les données médicales ne sont pas si protégées. Il prend pour exemple la LAMal, notamment l’article 42, qui régit les communications entre les fournisseurs de prestations médicales et les payeurs de prestations. Il explique que si, par exemple, une recherche d’un certain pathogène sur l’utérus donne un résultat positif ou négatif, cela n’a pas le même code. Il souligne que la protection des données médicales a deux visages : d’un côté, le fonctionnement logistique et financier M 2986-A 40/51 des soins, où la protection est faible pour permettre une fluidité du système, et de l’autre, les personnes concernées (patients et professionnels), où la protection est plus stricte. Ces barrières varient selon que l’on soit un professionnel, un patient intéressé par ses données ou une personne chargée des aspects logistiques, financiers ou opérationnels. Un député MCG fait part de sa déception concernant « Mon dossier médical ». Il demande si la solution ne serait pas d’intégrer un ou plusieurs systèmes d’intelligence artificielle à CARA. M. Lovis répond qu’il est favorable à toute initiative intégrant l’IA. Cependant, il estime qu’il faut d’abord se concentrer sur les normes et standards minimaux à imposer à tous les systèmes utilisés dans le canton. Il suggère d’instaurer une phase de transition de cinq ans, après laquelle tous les systèmes informatiques vendus devront respecter ces standards. Ensuite, il propose de développer une interface destinée aux citoyens, conçus par des ergonomes et des psychologues, plutôt que par des professionnels de santé pour d’autres professionnels de santé. Cette interface doit être simple, accessible et parlante pour la population générale. M. Lovis insiste également sur l’importance d’une stratégie de marketing ciblant les jeunes et les populations actives, afin que le système ne soit pas uniquement utilisé par des personnes âgées ou gravement malades. Il rappelle que l’objectif principal d’un tel outil ne devrait pas être une simple ordonnance électronique, mais la promotion de la santé dans la population. Il suggère d’introduire des incitations pour encourager les citoyens à utiliser le système. Discussion Une députée Verte a une question de procédure parlementaire et demande s’il existe une compétence pour qu’une commission élabore un projet de loi. Le président répond que c’est possible, mais cela nécessite l’unanimité. Il rappelle également qu’aucune autre audition n’est prévue pour ce point. Un député PLR revient sur un point critique discuté par la commission : l’interopérabilité. Il estime qu’il s’agit d’un domaine nécessitant une législation, mais que celle-ci devrait être adoptée au niveau fédéral. Selon lui, les cantons ne disposent pas de la compétence nécessaire pour imposer des standards. Il considère que toute tentative cantonale de légiférer sur l’interopérabilité serait inefficace, notamment en raison de la libre circulation des patients. Le président partage cet avis, soulignant que la Confédération cherche actuellement à centraliser cette compétence et à éviter que chaque canton développe son propre système. Il précise cependant que la motion actuelle ne 41/51 M 2986-A demande pas de légiférer, mais plutôt d’inviter le Conseil d’Etat à faire un point sur la situation, ce qui permettrait à la commission d’obtenir une réponse dans un délai relativement court. Un député PLR propose d’amender la motion pour inclure une invite visant à prendre des mesures législatives afin de standardiser l’interopérabilité des dispositifs du DEP, et de voter cette motion immédiatement. Le président pense qu’une telle invite devrait plutôt demander au canton d’intervenir auprès de la Confédération, ce qui relèverait davantage d’une résolution. Il suggère d’ajouter une invite dans ce sens. M. Giannakopoulos informe que la Poste a récemment annoncé son intention d’arrêter de collaborer avec CARA et que la fusion de CARA avec une autre communauté est actuellement envisagée. Il considère que la situation est instable, mais que cela ne doit pas empêcher de favoriser l’interopérabilité, qui reste une priorité malgré l’incertitude actuelle. M. Maudet trouve que la question posée par la députée S est particulièrement pertinente. Il ne partage pas entièrement l’analyse de M. Lovis, qui décrit l’approche de CARA comme top-down. Selon lui, une approche bottom-up, en partant du DPI, pourrait être plus efficace. Il souligne que le DPI (et son évolution en DPI+) utilisé par les HUG et d’autres cantons, comme le Valais et Fribourg, pourrait constituer une piste intéressante à explorer. Il relie cela au sujet de la caisse d’assurance-maladie publique, où une meilleure coordination des soins et un vrai partage de données, via le DEP, pourraient engendrer des économies substantielles. Travaux du 31 janvier 2025 Discussion Le président rappelle que la dernière audition a été celle du Prof. Lovis et qu’aucune autre audition n’est prévue. Il se souvient qu’un député PLR avait émis la proposition d’éventuellement reformuler l’invite en fonction des conclusions de cette audition. Le député PLR confirme, mais indique qu’il n’a pas d’amendement formel à proposer. Il présente cependant cinq points clés, synthétisant la position du Prof. Lovis. Le premier point, déjà évoqué, est que les systèmes doivent être interopérables entre eux, en particulier avec la communauté CARA. Les professionnels de santé doivent pouvoir continuer à utiliser leurs propres systèmes, l’interopérabilité devant être garantie par les fournisseurs de solutions (opérateurs et éditeurs de dossiers électroniques), et non par les prestataires de soins. Il insiste sur l’importance de ce point : par exemple, amender la motion pour imposer à tous les prestataires d’utiliser des dossiers M 2986-A 42/51 électroniques interopérables serait irréaliste, car cela ferait peser la charge sur les médecins. Le député PLR ajoute qu’un autre élément est que les systèmes doivent être conçus pour l’usage final des citoyens, c’est-à-dire les patients, et non des prestataires de soins. Actuellement, les dossiers électroniques sont essentiellement des outils de gestion pour les cabinets médicaux, sans réelle prise en compte des besoins des patients qui doivent pourtant avoir un accès direct à leurs données. Dans le même esprit, la plateforme CARA devrait être orientée vers les patients. Le député PLR note finalement que la population ciblée aujourd’hui se compose principalement de personnes âgées, de patients chroniques, polymorbides, ainsi que des résidents d’EMS et d’IMAD. Il n’est donc pas surprenant que l’intérêt général soit limité. Il serait plus pertinent de cibler des populations jeunes, actives, sportives, ainsi que les femmes enceintes. Il interroge la commission : doit-on se contenter d’un état des lieux pour comprendre pourquoi le système ne fonctionne pas, ou amender la motion pour demander des mesures législatives et réglementaires alignées sur les recommandations du Prof. Lovis ? Il adhère à ces propositions et les trouve pertinentes. Un député LJS pense qu’après tous les travaux et auditions, il est évident que CARA est un échec. Il propose d’inclure dans le bilan du Conseil d’Etat une invite à examiner la possibilité d’utiliser l’architecture du DPI, qui contient déjà de nombreux documents médicaux de la population genevoise, comme base pour le DEP à Genève. Certaines institutions et certains cantons s’appuient déjà sur ce modèle. Une deuxième invite consisterait à demander au Conseil d’Etat d’explorer la mise en place de passerelles informatiques entre les différents logiciels médicaux, compte tenu des exigences croissantes en matière de dossiers électroniques pour les médecins. Une députée S rappelle que le Prof. Lovis avait précisé qu’il n’était pas possible de reprendre l’architecture du DPI. Elle souligne également l’importance de l’orientation patient mentionnée par le professeur. Elle regrette qu’aucune audition n’ait été organisée avec un représentant des patients et elle propose de solliciter leur avis avant de finaliser la motion, qui vise à obtenir une position claire du Conseil d’Etat. Un député PLR exprime ses inquiétudes quant à l’idée que la commission propose des solutions toutes faites. Il pense qu’il serait plus judicieux de demander au Conseil d’Etat de présenter une stratégie. Le constat sur CARA sera probablement sévère, mais le Conseil d’Etat pourrait développer une 43/51 M 2986-A approche parallèle au DEP, visant à résoudre les problèmes de partage d’informations sans reproduire les échecs actuels. Il cite le projet BELUGA, présenté la semaine précédente, comme une solution potentielle en dehors du cadre du DEP. M. Maudet confirme que le projet BELUGA est un axe qu’il souhaite développer. Il précise que, bien que le Prof. Lovis ait été catégorique sur l’impossibilité de reprendre le DPI, il convient de rappeler que celui-ci était à l’origine du DPI avant d’en être écarté, ce qui pourrait influencer sa perspective. Toutefois, le département considère la piste du DPI pertinente, notamment en dehors du cadre strict du DEP, pour créer une sorte de plateforme sécurisée de partage d’informations, comparable à un « WhatsApp » médical. M. Maudet informe également qu’à l’horizon du 28 février 2025, la Poste pourrait rompre son contrat avec CARA. Actuellement, les prestations fournies coûtent 5 millions de francs par an, mais elles sont jugées insatisfaisantes, entraînant un litige judiciaire avec la Poste. Celle-ci refuse d’intégrer de nouveaux modules, comme celui sur la vaccination, bien que cela fasse partie de ses obligations contractuelles. En contrepartie, elle propose une réduction de 100 000 francs sur la facture annuelle. Des négociations, menées par son collègue fribourgeois, sont en cours, mais s’annoncent difficiles. Il voit dans cette situation une opportunité pour Genève de se détacher de la Poste, de conserver les éléments pertinents de CARA, et d’envisager une migration vers la plateforme BINT, déjà utilisée par les médecins argoviens et les pharmaciens de Suisse orientale. Cette transition pourrait se concrétiser dans un délai d’un an. L’enjeu est de préserver les investissements déjà réalisés tout en garantissant un partage sécurisé des données médicales. M. Maudet mentionne finalement qu’il rencontrera prochainement la conseillère fédérale compétente pour discuter des perspectives législatives et obtenir des clarifications sur la stratégie de la Confédération en matière de dossier électronique du patient. Le président met au vote l’audition de l’Organisation suisse des patients : Oui : Unanimité Non : – Abstentions : – L’audition de l’Organisation suisse des patients est acceptée. M 2986-A 44/51 Travaux du 7 mars 2025 Audition de M. Baptiste Hurni, vice-président de l’Organisation suisse des patients (OSP) Le président accueille M. Hurni. Il rappelle que la commission souhaite obtenir l’avis de l’OSP sur la motion M 2986, mais qu’elle sera également intéressée de connaître la vision fédérale de M. Hurni sur la question, puisqu’il est conseiller aux Etats à Berne. M. Hurni remercie la commission de son accueil et s’excuse de ne pas avoir pu se déplacer à Genève pour cette audition, des sessions parlementaires ayant cours à Berne. Il rappelle que l’OSP a toujours été favorable au dossier électronique du patient et souligne que la Suisse est très en retard dans le domaine de la digitalisation du système de santé, fait particulièrement visible durant la crise du covid où certaines informations devaient être encore transmises par fax. Selon l’OSP, le DEP est une nécessité, car il permettrait au patient de savoir que l’ensemble de ses données médicales ne sont stockées que dans un seul endroit, tandis qu’actuellement celles-ci sont éparpillées auprès de différents prestataires – du médecin traitant aux différents spécialistes ou hôpitaux – et dans un format parfois papier, parfois électronique. M. Hurni souligne qu’il existe de grands dangers en termes de cybersécurité dans le domaine médical et rappelle qu’en 2022 des milliers de données médicales neuchâteloises avaient été piratées puis publiées sur le darknet. L’OSP estime que le DEP permet de stocker les données, mais aussi de les relire, de consulter le parcours du patient et, pour ce dernier, de se conscientiser et de devenir acteur de sa santé. Le développement du DEP serait par ailleurs une source de grands bénéfices en termes de prévention personnalisée. A l’heure des réseaux de soins intégrés, l’accès aux données permet d’analyser et de proposer des mesures de prévention pour le patient. Pour ces différentes raisons, l’OSP n’a aucun doute sur les objectifs et l’outil en tant que tel. M. Hurni regrette en revanche un constat d’échec par rapport à la gestion du DEP en Suisse. Cet échec concerne autant son utilisation que son utilité, puisqu’il n’existe pas aujourd’hui un système permettant aux praticiens d’utiliser les données et très peu de hiérarchisation et de catégorisation des données elles-mêmes, c’est pourquoi il est parfois reproché au DEP de n’être qu’un « cimetière de fichiers PDF ». L’expression peut sembler un peu exagérée, mais M. Hurni estime qu’elle n’est pas totalement fausse. Dans le système du DEP neuchâtelois – le seul qui n’appartient pas au système romand CARA – la recherche d’informations est en effet compliquée et les données ne sont pas suffisamment lisibles, ni pour les médecins ni pour les patients. 45/51 M 2986-A M. Hurni souligne par ailleurs que l’instruction du DEP est complexe et qu’il s’agit d’une procédure soutenue pour le patient, qui n’en retire au final que peu de bénéfices. Il estime que le patient doit y trouver un intérêt pratique et immédiat, sans quoi le DEP ne pourra pas fonctionner. A titre de comparaison, les patients ont commencé à s’inscrire sur les portails des assurances-maladie lorsque la possibilité leur a été donnée de transmettre leurs factures médicales en ligne. En conclusion, M. Hurni estime que faire un état des lieux est une bonne chose, mais il lui semble difficile de se prononcer sur l’avenir du DEP. L’ambition affichée en Romandie lui paraît aller dans le bon sens, mais il ignore encore si celle-ci pourra se concrétiser au travers de la plateforme CARA. Il estime personnellement que le DEP devrait subir une modification légale au niveau fédéral de façon qu’il n’y ait qu’un seul DEP au niveau national, comme cela se fait pour les registres d’actes notariés. La Confédération n’a pas souhaité suivre cette voie pour le DEP, en vertu du principe du fédéralisme, mais M. Hurni pense que tant qu’il y aura de multiples DEP, aucun outil ne pourra véritablement s’imposer et atteindre un degré d’utilisation et de facilité d’usage suffisant. Avant de terminer, M. Hurni ajoute encore qu’il s’est décidé à ouvrir un DEP pour sa fille, mais souligne à quel point la démarche n’a pas été très simple et qu’il n’y a pas trouvé une véritable plus-value. Un député PLR s’interroge sur l’interopérabilité des outils, qui n’existe pas ou très peu. L’interopérabilité pourrait être imposée aux fournisseurs, mais le législateur fédéral a préféré la concurrence du marché et les éditeurs ont de leur côté plus d’intérêt à entretenir une clientèle captive. Les acheteurs, soit les praticiens, se retrouvent piégés. Il se demande donc s’il est encore temps de revoir la législation au niveau fédéral afin d’imposer l’interopérabilité des systèmes. Il pose également à M. Hurni la question de la façon de réconcilier l’usage du DEP pour les médecins et celui qu’en font les patients, puisque la logique professionnelle et l’utilisation par le public ne répondent pas aux mêmes exigences. M. Hurni répond que l’interopérabilité du DEP est en principe acquis du point de vue légal. Cela signifie que, si un patient ouvre un dossier à Neuchâtel et qu’il déménage à Genève, son DEP doit pouvoir être transféré d’un système à l’autre sans problème. Il ignore néanmoins si cela est vrai en pratique, mais la loi le précise. La loi ne précise pas en revanche comment les données sont organisées. En réalité, le DEP n’est pas un outil pour le médecin ou pour le patient, mais une simple base de données. La loi fédérale se borne donc aux normes techniques et aux données que le DEP peut héberger. M 2986-A 46/51 M. Hurni explique que le problème aujourd’hui réside dans le fait que toutes les institutions médicales, de même que les petits cabinets, ont leur propre programme, qui réunit les données et un programme pour les utiliser. Or il n’existe pas aujourd’hui de programme unique qui permette une utilisation et une communication entre les systèmes. La façon d’exploiter les données n’est pas réglée dans la loi. Il est possible de le faire, mais M. Hurni estime que cela reste techniquement assez difficile. La FMH travaille sur ce sujet, pour développer un programme utile aux médecins, qui pourrait utiliser les données existantes et alimenter le système directement avec de nouvelles données. Il relève que la situation actuelle nécessite en effet de la part du médecin qu’il inscrive les données à deux reprises, ce qui est particulièrement pénible, car il n’y a pas de communication entre le dossier du praticien et le DEP. M. Hurni relève par ailleurs que le fait que la base de données actuelle est relativement réduite, car trop peu de gens ont un DEP, les tentatives de développer un système efficace sont rendues plus compliquées, car la dimension est peu intéressante en termes d’investissement pour les développeurs. En ce qui concerne le fait d’inscrire dans la loi la question de l’interface utilisateur, M. Hurni explique que ce n’est pour l’instant pas prévu et il estime qu’il y a peu de chances que cela soit traité rapidement au niveau fédéral, à moins que cela ne soit lié aux grands projets de digitalisation du programme DigiSanté, qui est cependant encore assez nébuleux. Un député PLR demande, d’une part, si le fait qu’il n’existe pas de standards pour les logiciels de cabinet est un sujet à Berne ou au sein de l’OSP. Il s’interroge, d’autre part, sur les intentions existantes quant à une révision du cadre légal du DEP. Enfin, il relève que le marché trouve des solutions lorsqu’il existe des besoins. Sachant que des solutions privées existent, il se demande s’il n’est pas plus utile d’exploiter celles-ci, plutôt que de constituer un nouvel environnement. M. Hurni répond qu’il n’y a pas de standards sur l’interopérabilité des systèmes primaires, sauf en termes de sécurité des données, où la FMH a émis des recommandations, qui n’ont pas force de loi, mais sont respectées par la plupart des institutions médicales. Il explique qu’il n’y a pas de discussions à Berne ou à l’OSP au sujet des standards, car cela revient à s’immiscer dans la façon de travailler de chaque cabinet médical. En ce qui concerne la volonté de revoir le cadre, il ne peut se prononcer clairement, mais sait qu’il existe une volonté d’accélérer l’inscription de patients sur le DEP, grâce à des moyens financiers débloqués à Berne. La difficulté de revoir le cadre réside dans le fait 47/51 M 2986-A que le niveau de sécurité optimal, souhaité et souhaitable, rend le système difficilement compatible avec des logiciels du monde privé ou existants. M. Hurni souligne qu’il n’est pas possible d’envisager un programme en dehors du DEP qui permette de partager des données entre les différents acteurs, car cela serait contraire à la nLPD. Il estime que la solution, à terme, devrait être l’existence d’une base de données utilisable, sur laquelle vient se greffer toute une série de systèmes différents. Cela exige néanmoins une base avec des standards de qualité élevés. M. Hurni se réfère à l’image du portedocument et explique que ce qui manque aujourd’hui c’est la personne pouvant ouvrir tout ou partie du porte-document et lire ce qui s’y trouve, de façon référencée et utilisable pour le professionnel et pour le patient. Il estime qu’il devrait n’y avoir qu’une ou deux communautés de référence, avec lesquelles discuter et définir comment cette interopérabilité entre un système d’utilisation des données et le DEP peut se faire et sous quelles modalités, tout en respectant la loi et la protection des données. Il avertit enfin que, si le DEP étatique est abandonné, chaque institution médicale développera son propre système et il souligne que l’enjeu est donc aujourd’hui de proposer une base de données qui intéresse l’économie privée. Actuellement, le serpent se mord la queue, car très peu de patients utilisent le DEP, ce qui n’attire pas l’économie privée. Et comme l’utilisation n’est pas efficace ou attirante pour les patients, ils ne s’y inscrivent pas. Une députée S demande, au vu de tous les différents défis évoqués (coûts, manque d’adhésion…), quelle est la position de l’OSP : est-ce que le projet CARA doit être maintenu ou pas ? M. Hurni répond qu’il ne lui appartient pas de dire s’il faut arrêter CARA, mais il estime que, pour pouvoir interrompre un système, il faut prévoir une alternative. Compte tenu du travail effectué jusqu’ici, il ajoute que le fait que chaque canton retourne faire sa propre cuisine serait la mauvaise direction à prendre. Il serait néanmoins intéressant de mieux comprendre quelles sont les difficultés de la plateforme CARA et pourquoi ce système ne fonctionne pas mieux. Soulignant que la digitalisation est un processus qui prend du temps, souvent des années, et qu’il s’agit de processus complexes, il répète que l’idéal serait aujourd’hui de pouvoir constituer un DEP au niveau national, grâce à une base de données exhaustive, qui soit utilisable en y greffant différents usages, selon les spécialités et nécessités des praticiens et institutions. Une députée Verte s’interroge sur l’importance d’une base de données au niveau national. M. Hurni répond que cela rend possible une intervention médicale dans n’importe quel canton, comme le prévoit la LAMal. Il n’existe pas de tourisme médical en Suisse, mais une hospitalisation dans un autre canton peut arriver. M 2986-A 48/51 Si le DEP n’existe qu’au niveau cantonal, l’information ne pourra y être transmise. Par ailleurs, l’existence d’un DEP unique permettrait aussi à tous les acteurs d’être formés pour l’utilisation du même dossier, lorsque par exemple un médecin passerait d’un canton à un autre. Enfin, les entreprises seront plus intéressées pour développer des systèmes primaires d’utilisation des données du DEP si celui-ci s’applique à toute la Suisse, plutôt qu’à un seul canton. M. Hurni estime qu’il est par ailleurs illusoire de penser qu’un seul canton a les ressources pour construire un outil efficace. Un député LJS demande comment pousser les patients à adhérer au DEP, puisque comme M. Hurni l’a dit, si les patients ne s’inscrivent pas, le DEP ne peut fonctionner. M. Hurni répond que le législateur fédéral a pensé le DEP de façon qu’il puisse être mis en concurrence, de façon très fédérale, et a assez peu travaillé sur l’attractivité du DEP. La loi fédérale pose donc un cadre minimal, car la Confédération considère que son rôle est de définir les normes minimales de qualité et non de mettre en place des mesures pour que les patients adhèrent au DEP. Une large majorité à Berne est par ailleurs convaincue qu’il est dangereux d’imposer le DEP au patient. M. Hurni réitère le fait que le DEP se développera à partir du moment où le patient y trouvera un intérêt. Cela pourrait concerner le suivi des factures, des possibilités de se former, ou encore la capacité de se connecter à d’autres systèmes, par exemple à un chatbot médical. La difficulté réside dans le respect de normes très élevées tout en proposant une utilisation et des prestations utiles. Ce n’est pas encore le cas aujourd’hui, mais M. Hurni estime que ce qui est fait actuellement est un précédent nécessaire pour aller de l’avant. Travaux des 14 mars et 28 mars 2025 Discussion portant sur les amendements Le président rappelle que la commission a auditionné, la semaine précédente, le vice-président de l’Organisation suisse des patients. Il rappelle également que l’auteure de la motion a remanié ses invites, qui sont les suivantes : 1. à proposer un plan d’action, assorti d’objectifs mesurables et d’indicateurs de performance pour chaque frein/défi identifié, en particulier : manque d’adhésion (patients et professionnels de la santé), interopérabilité, financement du projet ; 2. dans l’hypothèse d’une sortie de CARA pour certains cantons, à analyser les impacts d’un tel retrait et à proposer une alternative viable, garantissant la continuité et l’efficacité du DEP pour les patients et les professionnels de santé. 49/51 M 2986-A Le président demande la position des groupes. M. Maudet lit la deuxième invite et s’interroge sur l’hypothèse de la sortie de CARA. Il précise qu’il n’est pas prévu de sortir de CARA, mais plutôt de changer de prestataire. Il évoque la possibilité d’une extension de CARA ou d’un rattachement à d’autres plateformes et peine à comprendre cette hypothèse. Il demande si l’auteure de la motion faisait référence à la Poste. M. Giannakopoulos indique qu’il pense que cela concerne la sortie de certains cantons de CARA. Le président souligne que le département pourrait répondre à cette question ou que la commission pourrait modifier l’amendement en précisant « dans l’hypothèse d’une sortie de CARA pour certains cantons, (…) ». Un député PLR demande s’il existe un risque que Genève sorte de CARA. M. Maudet répond que non, qu’il n’y a aucune raison pour Genève de quitter CARA, car c’est dans ce cadre que les investissements ont été réalisés et que les actifs existent. La question qui se pose est celle du futur prestataire. Il se dit confiant quant à la capacité de basculer vers une autre plateforme sérieuse et rappelle qu’ils ont jusqu’au 28 février 2026 pour effectuer cette transition. Si cela se concrétise, cela signifie que CARA restera la communauté de référence. Le président propose, sur cette base et en lien avec la résolution d’un député PLR adressée à l’Assemblée fédérale reçue cet après-midi, de reporter cet objet à une prochaine séance afin d’étudier le texte de ce dernier et de lier les deux objets dans les travaux pour les voter. Suite des travaux Le président rappelle que le département s’est interrogé sur la deuxième invite déposée par l’auteure de la motion, car Genève n’a pas prévu de sortir de CARA. La commission avait donc décidé d’attendre la position de l’auteure de la motion, qui a exprimé son souhait de maintenir son amendement. Une députée S indique, en préambule, que la Poste s’étant retirée du projet CARA, elle s’est permis d’ajouter au premier amendement : « changement de logiciel ». En ce qui concerne le second amendement, elle estime qu’il doit être maintenu : elle considère qu’il est important d’expliquer clairement à la population le raisonnement du Conseil d’Etat qui justifie le choix de rester dans CARA, malgré les coûts, le manque d’adhésion et les risques liés à ce système. La députée S rappelle que le département avait informé la commission (elle se réfère au PV du 20 septembre 2024) qu’il avait mandaté un expert externe pour analyser l’éventuelle sortie de CARA. Elle aimerait obtenir cette position M 2986-A 50/51 de manière claire. Comme la commission interparlementaire de contrôle débutera ses travaux en septembre 2025, elle estime qu’il est important de fournir le maximum d’informations d’ici là. Dans cette perspective, elle espère que la commission votera cette motion avec les deux amendements. La députée S rappelle les amendements en question : – à proposer un plan d’action, assorti d’objectifs mesurables et d’indicateurs de performance pour chaque frein/défi identifié, en particulier : manque d’adhésion (patients et professionnels de la santé), interopérabilité, changement de logiciel et financement du projet ; – dans l’hypothèse d’une sortie de CARA, à analyser les impacts d’un tel retrait et à proposer une alternative viable, garantissant la continuité et l’efficacité du DEP pour les patients et les professionnels de santé. M. Giannakopoulos précise que le département était en train de mener une analyse, mais celle-ci a été interrompue avec l’annonce du départ de la Poste. Aujourd’hui, nous sommes dans un nouveau paradigme, celui de créer une communauté plus large, en collaboration avec une autre communauté. La question de fond reste : il y a aussi une motion dans le canton de Vaud. M. Maudet demande à la députée S si elle souhaite que le département clarifie sa position. La députée S explique avoir repris les propos du département, dans le procès-verbal de la séance du 20 septembre 2024, lors de laquelle M. Giannakopoulos avait indiqué qu’un mandataire externe avait été engagé pour cette analyse. Elle souhaite maintenant une position claire du département à ce sujet. Un député PLR remarque que nous évoluons dans un environnement très mouvant. Il se questionne sur le timing et demande à M. Maudet quel est l’horizon auquel il estime que les choses seront plus claires. M. Maudet répond qu’à brève échéance, dans les semaines à venir, il devrait y avoir une clarification sur la migration vers un autre prestataire technique qui se substituerait à CARA. A l’horizon de quelques mois, et vraisemblablement avant l’été, le département fédéral devrait prendre une décision sur la question centrale du leadership de CARA, déterminer jusqu’où cela va aller et comment cela sera intégré dans la loi. Ce sont les deux horizons de temps qui semblent réalistes et raisonnables. Après ces étapes, des changements peuvent intervenir rapidement. La Poste imaginait que, en « tirant la prise », elle forcerait l’Etat à négocier des conditions plus favorables pour elle. Finalement, ce qui s’est produit c’est que, en se retirant, la Poste a été confrontée à l’incertitude et a dû discuter avec ses concurrents. La Poste est maintenant dans une position délicate et cherche à se repositionner, car la 51/51 M 2986-A perspective du retrait de CARA a réduit ses options de concertation. Cela pourrait inciter la Confédération à se repositionner et à accélérer les démarches pour une unification. Cependant, il précise qu’il s’agit pour l’instant de rumeurs et de spéculations. Le troisième horizon, moins certain, est celui de la fin de l’année. Mais il est convaincu que des évolutions importantes se produiront. Le département travaille également sur les perspectives de l’EFAS et sur le déploiement du nouveau dispositif de financement unique. Il est évident qu’il faudra revenir à la question de la plateforme unifiée, qui permettrait une meilleure connaissance des parcours des patients, et que le département pourrait suivre les propositions de l’auteure de la motion, aboutissant à une conclusion rapide et à un rapport qui servirait de base pour la prochaine discussion. Cependant, il souligne le risque que certaines choses changent dans les semaines à venir. Le président rappelle que trois députés de cette commission font partie de la commission intercantonale de contrôle de CARA. Il estime qu’il serait intéressant d’envoyer un dossier maintenant afin d’envoyer un signal dans le cadre de cette commission intercantonale, notamment aux autres cantons romands. Une députée S pense qu’il est judicieux d’envoyer un dossier dès maintenant pour fournir des éléments concrets pour cette discussion, qui aura lieu en septembre. Elle considère que, si des éléments clés et la conclusion du département sont déjà disponibles, cela facilitera le travail de la commission intercantonale. M. Giannakopoulos rappelle qu’il existe une obligation fédérale. Les choses sont en mouvement. Il mentionne également que le problème d’interopérabilité reste entier, et que la situation pourrait évoluer en fonction des décisions prises au niveau des chambres fédérales. Un député PLR estime qu’il vaut la peine de voter la motion. Une députée Verte suit ce sujet avec à la fois intérêt et inquiétude. Elle se ralliera à la position du PS et à l’amendement général de l’auteure de la motion. Une députée MCG indique que le MCG votera l’amendement et probablement aussi la motion. Un député UDC soutient également cette motion et l’amendement proposé. L’UDC est également préoccupée par ce dossier, notamment après les auditions, dont celle du Prof. Lovis. Il est clairement indiqué qu’il n’est pas envisageable de sortir de CARA, mais des questions subsistent quant à la pertinence de rester dans CARA.