GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève PL 13608 Signataires : Caroline Marti, Leonard Ferati, Thomas Wenger, Grégoire Carasso, Jean-Pierre Tombola, Diego Esteban, Pierre Eckert, Léo Peterschmitt, Caroline Renold, Laura Mach, Sophie Bobillier, Dilara Bayrak, Nicole Valiquer Grecuccio, Angèle-Marie Habiyakare, Thomas Bruchez, Marjorie de Chastonay, Oriana Brücker, Céline Bartolomucci, Jean-Charles Rielle, Cyril Mizrahi Date de dépôt : 25 mars 2025 Projet de loi modifiant la loi sur l’instruction publique (LIP) (C 1 10) (Non à la ségrégation scolaire des enfants requérants d’asile) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève décrète ce qui suit : Art. 1 Modification La loi sur l’instruction publique, du 17 septembre 2015, est modifiée comme suit : Art. 58, al. 6 (nouveau) 6 La scolarisation dans un centre d’asile est exclue. Art. 2 Entrée en vigueur La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d’avis officielle. ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 PL 13608 2/4 EXPOSÉ DES MOTIFS La décision du Conseil d’Etat de scolariser les enfants résidant dans le centre fédéral d’asile du Grand-Saconnex directement au sein de cette structure, et non dans les écoles ordinaires à proximité du centre, est particulièrement choquante et constitue une violation manifeste des principes fondamentaux d’égalité et de non-discrimination. Cette mesure va à l’encontre des engagements internationaux et nationaux pris par la Suisse en matière de droit à l’éducation et de lutte contre les discriminations. Tout d’abord, la Convention internationale de l’UNESCO concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement 1 interdit expressément toute forme de ségrégation scolaire fondée sur l’origine, la condition sociale ou économique. Elle stipule que la discrimination inclut toute distinction ou exclusion ayant pour effet de compromettre l’égalité de traitement dans l’éducation, notamment en instituant des établissements séparés pour certains groupes d’élèves. En isolant, même temporairement, les enfants réfugiés dans un cadre scolaire distinct, la Suisse transgresse cet engagement et favorise une forme de marginalisation institutionnelle qui nuit à leur intégration sociale et scolaire. De plus, la ratification par la Suisse de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l’enfant 2 implique un respect strict du droit à l’éducation tel que défini à l’article 28. Ce droit impose aux Etats de garantir l’accès de tous les enfants à un enseignement de qualité, dans un environnement inclusif et non discriminatoire. Or, la scolarisation in situ des enfants réfugiés les prive d’un accès aux mêmes ressources pédagogiques, des interactions sociales avec les autres élèves genevois-es, et des opportunités d’apprentissage offertes par les écoles ordinaires. L’article 12 de la loi sur l’instruction publique renforce encore cette exigence en obligeant le DIP à lutter contre toute discrimination, directe ou indirecte, fondée sur des caractéristiques personnelles telles que l’origine ou la situation familiale. Or, la décision du Conseil d’Etat revient précisément à 1 2 UNESCO, Convention concernant la lutte contre la discrimination dans le domaine de l’enseignement, du 14 décembre 1960 : https://www.ohchr.org/fr/instruments-mechanisms/instruments/conventionagainst-discrimination-education Convention relative aux droits de l’enfant, New York, 20 novembre 1989, ratifiée par la Suisse le 24 février 1997 : https://www.fedlex.admin.ch/eli/cc/1998/2055_2055_2055/fr 3/4 PL 13608 instaurer une discrimination, en instituant une séparation scolaire fondée sur le statut de demandeur d’asile, au détriment de ces élèves vulnérables. Par ailleurs, la Commission fédérale des migrations a clairement recommandé que « Les enfants devront être intégrés directement ou au plus tard après un an dans les classes ordinaires, et ne pas être scolarisés dans des centres d’accueil » 3. L’objectif est de favoriser leur intégration et de prévenir toute forme d’exclusion sociale. La commission rajoute que « pour que les enfants et les adolescents puissent bénéficier d’un développement psychique et cognitif sain, il est indispensable qu’ils puissent participer le plus rapidement possible à la vie quotidienne – à l’école et dans la commune de résidence – et faire l’expérience de l’appartenance à la société qui les entoure ». En maintenant une scolarisation séparée, la Suisse ignore ces recommandations et perpétue une logique de mise à l’écart. De surcroît, le rapport publié en mai 2021 par Amnesty International alerte sur les violences et les violations des droits humains dans les centres fédéraux d’asile. En scolarisant ces enfants à l’intérieur même d’un environnement déjà dénoncé pour ses conditions dégradantes, les autorités cantonales contribuent à leur isolement et les privent d’un cadre éducatif propice à leur épanouissement. Le caractère semi-fermé et l’univers semicarcéral du centre ainsi que les très fortes nuisances sonores liées à sa proximité immédiate de la piste de l’aéroport ne sont pas conformes à la dignité humaine et aggravent encore les conditions d’apprentissage. Enfin, l’argument du manque de places dans les écoles du quartier ne saurait justifier une telle ségrégation. Les solutions temporaires telles que l’installation de bâtiments provisoires existent et sont régulièrement utilisées pour accroître les capacités d’accueil des établissements scolaires. L’instruction publique repose sur un principe fondamental d’inclusivité et de répartition équitable des ressources. Il appartient aux autorités de trouver des solutions adéquates pour garantir une scolarisation équitable et conforme aux droits fondamentaux des enfants concernés. Ainsi, au regard de ces éléments, Les auteur-trices de ce projet de loi proposent de modifier la loi sur l’instruction publique (LIP) pour préciser en son article 58 Lieu de scolarisation que la scolarisation dans un centre d’asile est exclue. Cela permet ainsi de s’assurer, aujourd’hui comme à l’avenir, du respect des engagements internationaux en faveur de la lutte contre les 3 Recommandations de la CFM en matière d’enseignement obligatoire des enfants et des jeunes réfugiés, Berne, 24.03.2022 : https://www.admin.ch/gov/fr/accueil/documentation/communiques.msg-id87720.html PL 13608 4/4 discriminations et la ségrégation scolaire et de suivre les recommandations de la commission fédérale des migrations qui s’oppose à la scolarisation des élèves réfugié-es dans les centres d’asile. Les auteur-trices de ce projet de loi vous remercient d’avance du bon accueil que vous saurez lui réserver.