GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève R 1052 Signataires : Sylvain Thévoz, Leonard Ferati, Grégoire Carasso, Diego Esteban, Matthieu Jotterand, Caroline Marti, Romain de Sainte Marie, Caroline Renold, Cédric Jeanneret, Julien Nicolet-dit-Félix, Louise Trottet, Marjorie de Chastonay, Angèle-Marie Habiyakare, Sophie Bobillier, Céline Bartolomucci, Léo Peterschmitt Date de dépôt : 18 novembre 2024 Proposition de résolution Objectif zéro mort et blessé grave sur nos routes Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – le nombre alarmant de morts et de blessés sur les routes genevoises ces dernières années ; – les vies brisées, notamment les quatre jeunes motards décédés sur territoire genevois fin octobre, et le coût global pour la société d’une telle hécatombe ; – que la sécurité routière fait partie des axes principaux de la politique criminelle commune 2024-2026 signée par le Ministère public et le Conseil d’Etat ; – le plan d’actions de la mobilité douce 2019-2023, adopté par le Conseil d’Etat le 3 novembre 2021, prévoyant le développement ou le réaménagement d’infrastructures au profit des usagers les plus vulnérables, invite le Conseil d’Etat – à agir résolument pour atteindre l’objectif zéro mort et blessé grave sur les routes genevoises en développant les moyens de le réaliser ; ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 12.24 R 1052 2/5 – à fédérer l’effort collectif de toutes les parties prenantes (département de la santé et des mobilités, polices, communes, associations d’usagers, etc.) en partageant des objectifs de sécurité routière axés non seulement sur la répression mais aussi sur la prévention, pour réduire les comportements fautifs sur la route ; – à promouvoir des actions basées sur des données probantes pour prévenir et éliminer les décès et les blessures sur la route ; – à renforcer la répression en ciblant particulièrement les excès de vitesse et déficits d’attention, causes majeures d’accidents ; – à développer de manière accélérée des installations sécurisées pour la mobilité douce afin que les flux de trafic soient séparés et protégés ; – à œuvrer pour un meilleur soutien aux victimes de la route et à leurs familles. 3/5 R 1052 EXPOSÉ DES MOTIFS Quatre motocyclistes sont morts en deux semaines à Genève fin octobre. Quatre hommes jeunes âgés de 32, 30, 19 et 18 ans abattus en pleine jeunesse. Nos pensées vont aux familles et aux proches des défunts. Mais la tristesse, profonde, n’étouffe pas la colère devant le manque d’actions et de réactions des autorités pour empêcher ces décès. Série noire, drame de la route, mort par passion, le vocabulaire utilisé pour rendre compte de ces morts relève toujours du registre de la fatalité ou de la malchance. Ce n’est pourtant pas le hasard qui a tué ces hommes ni l’oubli d’une patte de lapin, d’une prière ou d’un trèfle porte-bonheur sur le plexiglas, mais une volonté politique de défendre à tout prix le fait de rouler sans limites comme on veut où l’on veut, et, au nom de la liberté du choix du mode de transport, celui d’écraser qui l’ont veut ou de se tuer soi-même. Pensez-vous que si quatre jeunes en deux semaines s’étaient enfoncé des couteaux dans le ventre jusqu’à se tuer, ou avaient fait des overdoses sous crack, il serait dit avec un même fatalisme écœurant : série noire, malchance, drame de la vie ? Traiterait-on cela sur cinq à dix lignes à la rubrique des faits divers ? Non, bien sûr que non. On traquerait avec rage les causes, les conditions structurelles, et des mesures fortes, radicales, seraient annoncées pour arrêter l’hécatombe. Alors pourquoi, quand on parle de victimes de la route, rien. Le sujet est affreusement banalisé. Chaque matin, on croise davantage d’ambulances. L’inacceptable se faufile de manière perfide : la mort, mauvais sort, frapperait les plus vulnérables : cyclistes, motards, piétons, comme la foudre tombe et brûle certains arbres. Et de la même manière que l’on vous dirait de ne pas vous abriter sous un feuillu en cas d’orage dans un bois, il faudrait bien mettre son casque et prier, serrer les dents et avancer sur les passages piétons afin de se prémunir du sort. Puis, arrivé à destination, soupirer comme si on avait traversé une allée de snipers. Ouf, ce n’est pas sur moi que c’est tombé, ce n’est pas moi qui suis à terre. Ce qui est choquant, c’est que des jeunes meurent comme des bêtes sur la route, sans actions ni réactions et dans une indifférence criminelle. Cela doit changer. En septembre 2022, un texte demandait déjà au Conseil d’Etat genevois un objectif zéro mort et blessé grave sur les routes, en ciblant avec des mesures concrètes les excès de vitesse, cause majeure d’accidents, en développant des installations sécurisées pour la mobilité douce et en œuvrant pour un meilleur soutien aux victimes de la route et à leurs familles. Ce texte a été bloqué, avec des arguments ahurissants. Tel élu ne pense pas que la vitesse soit la principale cause des accidents à Genève ! Tel autre ne voit pas R 1052 4/5 l’intérêt de rappeler à la police que la loi sur la circulation routière existe. Un autre pense que voter le texte ne produira aucun effet, il forcerait même le Conseil d’Etat à rendre un rapport et occuperait à mauvais escient le temps du Grand Conseil. Enfin, un dernier affirme que les communes et le canton travaillent déjà à renforcer la sécurité routière, etc. Circulez, il n’y aurait rien à faire. Ces hommes jeunes sont morts d’une inertie et ont été fauchés par une complaisance. Des familles sont endeuillées par l’absence notamment de mesures préventives fortes. Ces jeunes, comme tant d’autres avant eux, se sont éteints parce que rouler en mettant sa vie et celles des autres en danger reste valorisé et politiquement défendu par des pro-moteurs de la mort qui siègent au parlement et dans les organisations pro-voitures. Ces jeunes ne sont pas morts par malchance, par passion ou par inadvertance. Il faut relire le rapport de la commission des travaux de M. Christo Ivanov 1 sur cette motion déposée en septembre 2022. Il y avait été rappelé le nombre de décès et de blessés sur les routes genevoises, et que le plan d’action de la mobilité douce prévoyait le développement d’infrastructures pour protéger la population. L’OFROU a dressé le 16 mars 2023 un constat d’une augmentation des blessés graves et des morts sur les routes. L’OFROU et le BPA (Bureau de prévention des accidents) ont émis la volonté d’avoir une analyse approfondie des accidents. Le Major Puhl a indiqué que le nombre d’accidents en état d’ébriété continue d’augmenter et que cela est inquiétant. La police fait état d’une certaine impuissance, bien qu’elle ait augmenté ses contrôles ; le nombre moins élevé (respectivement aux autres brigades) d’officiers reliés à la police routière a des conséquences réelles pour la population et sa mise en danger. Cette résolution pose un objectif et pointe des éléments pouvant être améliorés. Le nombre de morts et de blessés graves n’est pas une fatalité. Genève est le 4e des cantons les plus accidentogènes de Suisse, comme le relèvent les statistiques de l’OFROU pour l’année 2023, ce qui le place devant des cantons beaucoup plus peuplés comme Argovie 2. Le nombre d’accidents mortels sur les routes genevoises a augmenté en 2023 par rapport à 2022. Treize personnes ont perdu la vie (dix en 2022). Parmi ces victimes, neuf sont des utilisateurs de deux-roues. Quatre étaient des cyclistes, trois des scootéristes et deux des motocyclistes, a précisé la 1 2 M 2872-A – pour un objectif zéro mort et blessé grave sur les routes genevoises : https://ge.ch/grandconseil/data/texte/M02872A.pdf Accidents avec victimes et victimes de la circulation routière, par canton 5/5 R 1052 police genevoise 3. Un automobiliste, une passagère d’une voiture et deux piétons font aussi partie des victimes. Six victimes en 2023 étaient des jeunes hommes nés entre 1999 et 2005. Les cas se sont échelonnés durant toute l’année, avec un pic de trois au mois de novembre. En 2021, quatorze personnes avaient perdu la vie dans un accident de la route, douze en 2020, neuf en 2019 et cinq en 2018. Le chiffre de l’année 2024 sera tristement plus élevé. Certains affirmeront que l’on ne pourra jamais se prémunir contre tous les risques, mais est-ce que tout est mis en œuvre pour réduire ces chiffres ? La présente résolution, comme l’avait rappelé la députée Caroline Marti lors de travaux précédents, a pour vertu de poser un objectif, ambitieux et idéal, de zéro mort et blessé grave sur les routes genevoises. Une fois cet objectif posé, il incombera aux autorités de prendre, développer, accentuer des mesures pour tendre vers la réalisation de cet objectif. Les mesures de prévention comprennent les campagnes de sensibilisation, l’éducation routière ou les équipements de protection (ceinture de sécurité, casque, airbag, etc.). Ensuite, il faudra les mesures de répression des infractions qui comprennent évidemment aussi tout le volet du renfoncement des contrôles routiers, et, finalement, les mesures d’aménagement pour protéger les différents usager-ère-s de la route. Il s’agit bien évidemment des trottoirs pour les piétons mais aussi des pistes cyclables ou des équipements comme des glissières de sécurité. En réalité, tous ces aménagements ont pour but de séparer les flux de véhicules afin d’éviter les accidents et le sentiment d’insécurité liés aux conflits d’usage. Cette problématique a été relevée par tous les bords politiques lors des travaux de commission. Le corolaire est bien évidemment d’aménager la voirie pour que chacun bénéficie d’un espace de circulation adapté, sécurisé et bien délimité. Quant aux problèmes de sécurité routière liés aux comportements des usagers de la route (conduite en état d’ébriété, utilisation de téléphone, inattention, non-respect des règles de circulation, vitesse extrême), ils doivent incontestablement être combattus à travers un renfoncement des actions de prévention et de contrôle. C’est par la conjonction de ces différentes mesures que nous pourrons encore réduire le nombre d’accidentés de la route pour tendre vers l’objectif « zéro mort et blessé grave ». Nous vous remercions d’avance du bon accueil que vous ferez à cette proposition de résolution. 3 Genève : légère hausse des accidents mortels sur les routes en 2023 : https://www.lemanbleu.ch/fr/Actualites/Geneve/Geneve-legere-hausse-desaccidents-mortels-sur-les-routes-en-2023.html