GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève M 3071 Signataires : Leonard Ferati, Sylvain Thévoz, Jacklean Kalibala, Caroline Renold, Grégoire Carasso, Nicole Valiquer Grecuccio, Léna Strasser, JeanCharles Rielle, Diego Esteban, Sophie Demaurex, Caroline Marti, Thomas Bruchez, Oriana Brücker, Matthieu Jotterand, Thierry Cerutti, Arber Jahija, Dilara Bayrak, Julien Nicolet-dit-Félix, Marjorie de Chastonay, Uzma Khamis Vannini, Cédric Jeanneret, Léo Peterschmitt, Pierre Eckert, Lara Atassi, Romain de Sainte Marie, François Baertschi, Angèle-Marie Habiyakare Date de dépôt : 18 novembre 2024 Proposition de motion Revalorisation salariale des professions essentielles du secteur social et de la santé Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève considérant : – que, selon la législation en vigueur, l’Etat de Genève a le devoir d’assurer une évaluation équitable et juste des fonctions, comme stipulé par la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait), qui exige la mise à jour régulière de la classification des fonctions ; – que la réforme ES-HES, initiée à la fin des années 1990 et mise en œuvre au début des années 2000, a transformé les formations des écoles spécialisées en formations de niveau bachelor délivrées par des hautes écoles spécialisées (HES), dans le but de renforcer la reconnaissance internationale des diplômes et d’aligner les qualifications des professionnels du social et de la santé avec les exigences croissantes de ces secteurs ; ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 12.24 M 3071 2/5 – que des professions telles que celles d’assistante ou assistant social, éducatrice ou éducateur, infirmière ou infirmier, animatrice ou animateur socioculturel et sage-femme sont majoritairement exercées par des femmes et sont soumises à des horaires irréguliers, des contraintes de travail de nuit et des conditions de travail difficilement compatibles avec une vie de famille ; – que la complexification des situations d’accompagnement, la hausse des agressions envers le personnel, la multiplication des cas de maladies mentales et des diagnostics d’autisme ainsi que la charge émotionnelle croissante nécessitent une reconnaissance appropriée de ces professions ; – que la pénurie de personnel qualifié dans ces secteurs affecte la qualité des services rendus à la population et menace la pérennité des prestations de soins et de soutien social ; – que les conditions de travail actuelles, couplées au manque de reconnaissance et de compensation financière, ont des effets négatifs sur la santé et le bien-être des professionnelles et professionnels concernés, invite le Conseil d’Etat à procéder à une révision de la classification des professions du secteur social et de la santé dont la filière de formation est désormais délivrée par des HES, avec un passage de la classe salariale 15 à 16, afin de garantir une égalité de traitement et de reconnaître la valeur des qualifications et des contraintes associées. 3/5 M 3071 EXPOSÉ DES MOTIFS Les métiers du secteur social et de la santé jouent un rôle fondamental dans le maintien du bien-être collectif et de la cohésion sociale de notre canton. Pourtant, ces professions, qui requièrent des qualifications de plus en plus élevées, continuent d’être sous-évaluées et mal reconnues sur le plan salarial. La transformation des filières de formation en hautes écoles spécialisées (HES), avec l’obtention de bachelors, n’a pas été prise en compte de manière juste dans l’évaluation des fonctions, en contradiction avec le principe de l’égalité de traitement. La réforme ES-HES, qui s’est déroulée en Suisse entre la fin des années 1990 et le début des années 2000, avait pour objectif de renforcer la reconnaissance et la qualité de la formation professionnelle supérieure en harmonisant les standards éducatifs avec ceux des autres systèmes européens. La Suisse a souhaité s’aligner sur le modèle éducatif européen, notamment dans le cadre de l’espace européen de l’enseignement supérieur (processus de Bologne), pour faciliter la reconnaissance des diplômes à l’international et la mobilité professionnelle. En intégrant les formations des écoles spécialisées (ES) dans le cadre des HES, le pays a assuré une comparabilité avec d’autres formations de niveau universitaire. La transition vers le système HES a permis d’élever les standards académiques et de professionnaliser davantage la formation. Les diplômes HES sont désormais équivalents à un bachelor, ce qui garantit une formation plus approfondie et alignée sur les besoins modernes du marché du travail. Cela inclut une meilleure préparation théorique et des compétences pratiques solides, adaptées aux exigences croissantes des métiers dans le social, la santé et d’autres domaines. Néanmoins, malgré cette augmentation de compétences théoriques et pratiques, la classe salariale n’a pas augmenté. La pondération et l’évaluation des fonctions L’office du personnel de l’Etat (OPE) utilise un système de pondération pour évaluer les fonctions, basé sur cinq critères principaux : la formation, l’expérience, la responsabilité, les conditions de travail et les exigences émotionnelles et psychologiques. Or, pour des professions comme celles d’assistant-e social-e, éducateur-trice, infirmier-ère, animateur-trice socioculturel-le et sage-femme, la revalorisation salariale n’a pas été actualisée en fonction des nouveaux standards de formation. Par exemple, les M 3071 4/5 professionnels de l’Hospice général ont vu une revalorisation basée sur le passage de la lettre « I » à « K » dans le profil de formation, ajoutant ainsi 10 points dans l’évaluation. Ce calcul a justement pris en considération le niveau de formation que possèdent les assistantes et les assistants sociaux dans le calcul de leur classe salariale. Les fonctions qui atteignent le seuil minimum de 146 points selon cette méthode de calcul, telles que définies par le système d’évaluation, devraient automatiquement passer de la classe salariale 15 à 16. Or, les fonctions citées précédemment atteignent un total de 148 points. Autrement dit, de nombreux professionnels continuent d’être classés de manière inappropriée. Cette inaction crée une inégalité de traitement flagrante, qui va à l’encontre des engagements de l’Etat envers ses employés et de ses responsabilités en matière de gestion équitable des ressources humaines. Conséquences légales et obligation de l’Etat La loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’Etat, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers (LTrait) impose au Conseil d’Etat de maintenir une évaluation juste et actualisée des fonctions. L’article 4 alinéa 1 de cette loi stipule explicitement que le Conseil d’Etat doit « établir et tenir à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l’échelle des traitements ». Renoncer à cette obligation, ou y répondre de manière incomplète, expose l’Etat à des recours légaux potentiels et à une remise en question de sa gestion des ressources humaines. Défis et complexité du terrain Le quotidien de ces professionnels est marqué par des contraintes énormes, comme les horaires de nuit et les rythmes de travail irréguliers, qui sont difficilement conciliables avec une vie de famille. De plus, la charge émotionnelle due à la multiplication des cas de maladies mentales, des agressions envers le personnel 1, et l’augmentation des enfants diagnostiqués avec des troubles neurodéveloppementaux (comme l’autisme) ne cesse de s’intensifier. Pourtant, cette charge émotionnelle reste négligée dans l’évaluation globale des fonctions et nécessite une reconnaissance et des ressources adaptées pour éviter l’épuisement professionnel. 1 https://www.tdg.ch/une-educatrice-de-la-clairiere-blessee-apres-une-agression509173654957 5/5 M 3071 Attractivité et pénurie de personnel La pénurie de travailleurs sociaux 2, d’infirmières 3, de techniciens en radiologie, et d’autres professionnels de la santé met en péril la capacité de notre canton à répondre efficacement aux besoins de la population. Une revalorisation salariale de la classe 15 à 16 ne constitue pas seulement une question d’équité, mais est essentielle pour attirer et retenir les talents dans ces secteurs. Genève ne peut se permettre de perdre davantage de personnel qualifié en raison de conditions de travail désavantageuses, surtout lorsque les finances cantonales enregistrent régulièrement des excédents qui pourraient être alloués à cette cause. Conclusion Cette motion ne fait que rappeler notre responsabilité de garantir des conditions de travail qui reflètent les exigences et les contraintes des métiers du secteur social et de la santé. Il s’agit de respecter les engagements inscrits dans la loi, en reconnaissant les qualifications accrues, la complexité des missions, et l’impact des horaires irréguliers sur la vie personnelle de ceux et celles qui exercent ces professions. Ces hommes et ces femmes soutiennent notre société de manière inestimable, et il est temps que nous fassions preuve de cohérence en actualisant leur classification salariale. Ce geste, en apparence technique, est essentiel pour maintenir l’attractivité de ces métiers, pour prévenir la pénurie de personnel, et pour assurer un service de qualité à la population. Soutenir cette motion, c’est reconnaître que le respect de la loi va de pair avec notre responsabilité de préserver le bien-être de ceux qui œuvrent au bien commun. C’est pourquoi nous vous prions de réserver un bon accueil à cette proposition de motion. 2 3 https://www.hesge.ch/hets/la-hets-geneve/notre-actualite/actualites/etude-sepenche-les-situations-penurie-personnel-hes-domaine-social-suisse-romande https://www.rts.ch/info/suisse/13449982-une-grave-penurie-de-personnel-guettele-secteur-de-la-sante-alerte-une-etude.html