GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève R 1059 Signataires : Michael Andersen, Daniel Noël, Stéphane Florey, Christo Ivanov, Virna Conti, Alia Chaker Mangeat Date de dépôt : 20 mars 2025 Proposition de résolution Admissibilité de la provision pour vacances : alignement des pratiques comptables et fiscales (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale) Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève vu l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, du 18 avril 1999 ; vu l’article 115 de la loi fédérale sur l’Assemblée fédérale, du 13 décembre 2002 ; vu l’article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République et canton de Genève, du 13 décembre 1985, considérant – que, d’après la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD), l’impôt sur le bénéfice a pour objet le bénéfice net ; – que le bénéfice net imposable comprend notamment le solde de résultats, ainsi que tous les prélèvements opérés sur le résultat commercial avant le calcul du solde du compte de résultat, qui ne servent pas à couvrir des dépenses justifiées par l’usage commercial ; – que d’après la jurisprudence constante le droit fiscal renvoie au droit comptable pour déterminer le bénéfice net imposable (principe de déterminance) ; – que les comptes établis conformément aux règles du droit comptable lient les autorités fiscales, à moins que des normes impératives du droit commercial ne soient violées ou que des normes fiscales correctrices ne l’exigent ; ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 04.25 R 1059 2/4 – que selon le Manuel suisse d’audit (MSA) les vacances non prises par les employés doivent être reflétées dans les états financiers de clôture, soit par le biais d’une provision, soit par le biais d’un passif de régularisation (dette envers les employés) ; – que le Tribunal fédéral estime que la provision « pour vacances » ne peut pas être considérée comme comptabilisée en lien avec des engagements dont le montant est encore indéterminé ou des pertes imminentes résultant d’affaires en cours ; – que pour le Tribunal fédéral une telle provision représente une charge future dont le risque de perte n’est pas avéré ; – qu’au final, les provisions qui ne se justifient pas sont de toute façon ajoutées au bénéfice imposable ; – que la pratique fiscale n’est plus alignée avec la pratique comptable ; – que la dernière modification du 17 décembre 2024 du Q&A d’EXPERTsuisse sur les thèmes du droit comptable rappelle que l’art. 959, al. 5, CO exige que les dettes qui résultent de faits passés, qui entraînent un flux probable d’avantages économiques à la charge de l’entreprise et dont la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant doivent être comptabilisées en tant que capitaux étrangers ; – que ce dernier Q&A conclut que « s’agissant des délimitations concernant les vacances et les heures supplémentaires, ces conditions sont remplies. Le fait passé est le droit aux vacances ou à la compensation des heures supplémentaires au moment de la naissance de ces obligations, le flux d’avantages économiques (prestation de travail perdue ou argent) est probable et la valeur peut être estimée avec un degré de fiabilité suffisant (multiplication [par collaborateur] des avoirs en matière de vacances et d’heures supplémentaires en heures en appliquant le taux horaire des coûts salariaux, des prestations sociales, etc.) » ; – que des cantons vont continuer à admettre la provision « pour vacances » malgré l’arrêt 9C_192/2024 du Tribunal fédéral, demande à l’Assemblée fédérale de modifier la législation fédérale fiscale de manière à réaligner la pratique fiscale à la pratique comptable en admettant la déductibilité de la charge liée à une provision pour vacances pour les personnes morales, 3/4 R 1059 invite le Conseil d’Etat à soutenir cette initiative cantonale. EXPOSÉ DES MOTIFS Dans son arrêt du 3 juillet 2024 (9C_192/2024), le Tribunal fédéral s’est prononcé sur la déductibilité d’une provision pour vacances émanant d’une société anonyme dont le siège se trouve dans le canton de Genève. L’administration fiscale genevoise avait rejeté cette provision, considérant qu’elle constituait une charge future non justifiée par l’usage commercial et que cette provision servait à réduire artificiellement le bénéfice imposable de l’entreprise. Pour le Tribunal fédéral, les provisions ne sont déductibles que si elles concernent des engagements de l’exercice dont le montant est indéterminé ou des risques de pertes imminentes durant l’exercice (art. 63, al. 1 LIFD). Pour notre Haute Cour, la provision « pour vacances » ne peut pas être considérée comme ayant été comptabilisée en lien avec des engagements dont le montant est encore indéterminé ou des pertes imminentes résultant d’affaires en cours (cf. art. 63 al. 1 let. a LIFD) ou en relation avec un risque de pertes qui ne reposerait pas encore sur des engagements effectifs et qui ne concernent pas les actifs circulants (cf. art. 63 al. 1 let. c LIFD). La provision pour vacances non prises serait, pour le Tribunal fédéral, une réserve pour obligations futures, non déductible fiscalement. Les provisions constituées pour des dépenses futures, comme celles liées à des charges que l’entreprise devra supporter ultérieurement, sont classées comme des réserves. Selon le principe de périodicité du droit fiscal, les réserves font partie du revenu imposable et ne sauraient être déduites de ce dernier avant que la société n’ait à supporter les charges en cause. Le droit fiscal interdit par ailleurs la création de réserves latentes par le biais de provisions, même si cela est toléré en droit des obligations et selon les usages commerciaux. Pour être admissibles, les provisions doivent être clairement limitées et liées à l’exercice en cours. L’arrêt en question pourrait influencer la manière dont les administrations fiscales cantonales traitent la déductibilité des provisions pour vacances non R 1059 4/4 utilisées. Certaines administrations pourraient désormais adopter une approche plus stricte, en réévaluant et en rejetant potentiellement la déduction de ces provisions à l’avenir, alors que d’autres ont déjà annoncé ne pas vouloir suivre cette approche malgré l’arrêt. Selon le manuel suisse d’audit, il est indiqué que les avoirs du personnel en matière de vacances et d’heures supplémentaires doivent faire l’objet d’une provision ou d’un passif de régularisation. Cet élément est donc exigé et fait l’objet d’une vérification par les auditeurs. La présente proposition de résolution demande d’aligner les pratiques fiscales et comptables en invitant l’Assemblée fédérale à modifier la loi fédérale sur l’impôt fédéral direct (LIFD) et la loi fédérale sur l’harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID). Enfin, il faut savoir que l’approche genevoise ne rapporte pas un franc de plus, car la provision qui est reprise et imposée lorsqu’elle sera effectivement dissoute sera compensée par une réserve latente imposée qui aura été constituée au moment de la reprise. En revanche, elle implique des complications administratives tant au niveau de l’administration fiscale qu’au niveau des entreprises. Compte tenu des explications qui précèdent, nous vous prions, Mesdames et Messieurs les députés, de réserver un bon accueil à cette proposition de résolution.