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Importé le: 14/05/2025 07:59
Statut: Traité
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Résumé
1. Projet de loi/document législatif : R 1022-A, intitulé "Reforme du Systeme National d'Assurance Maladie (SNA)"
2. Objectif principal : Réformer le Système National d'Assurance Maladie pour maîtriser les coûts de santé et améliorer la qualité des soins.
3. Modifications législatives proposées :
- Création d'une caisse unique pour les personnes âgées (plus de 65 ans).
- Réforme du système de soins, en introduisant une responsabilité médicale sur la santé de la population concernée.
- Établissement d'un financement par capitation pour les patients présentant des maladies chroniques ou nécessitant hospitalisation.
4. Discussions ou avis exprimés :
- Une partie du document évoque un consensus sur la nécessité de réformer le système, mais des différences de vues existent quant à la méthode d'approche à adopter (modification du modèle d'assurance contre changement du système de soins).
- Les débats sont également marqués par l'opposition d'une partie des signataires au changement simplement du modèle d'assurance.
5. Implications principales : Si adopté, ce projet pourrait conduire à une réforme du système national d'assurance maladie en Suisse et améliorer la maîtrise des frais médicaux tout en améliorant la qualité des soins.
Texte extrait
GRAND CONSEIL
de la République et canton de Genève
R 1022-A
Date de dépôt : 2 janvier 2025
Rapport
de la commission de la santé chargée d’étudier la proposition de
résolution de Marc Saudan, Charles Selleger, Masha Alimi,
Jacques Jeannerat, Francisco Taboada, Djawed Sangdel, Skender
Salihi, Raphaël Dunand, Jacques Blondin, Laurent Seydoux, Arber
Jahija : Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires
de l’AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée
fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale)
Rapport de majorité de Jean-Marc Guinchard (page 4)
Rapport de minorité de François Baertschi (page 42)
ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 01.25
R 1022-A
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Proposition de résolution
(1022-A)
Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires de l’AVS
(Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit
d’initiative cantonale)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, du 18 avril 1999 ;
vu l’article 115 de la loi fédérale sur l’Assemblée fédérale, du 13 décembre
2002 ;
vu l’article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République
et canton de Genève, du 13 décembre 1985,
considérant
– que la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), qui date de 1994, n’arrive pas
à juguler la hausse des coûts de la médecine (le coût moyen annuel par
patient est passé de 4932 francs en 1974 à 9924 francs en 2021) ;
– que la population âgée augmente du fait de la pyramide des âges et de
l’allongement de l’espérance de vie ;
– que la population retraitée occasionne autant de frais que toutes les classes
qui précèdent ;
– que l’augmentation des primes de l’assurance-maladie représente un coût
difficilement supportable pour la classe d’âge des plus de 65 ans, allant
jusqu’à 29,9% des revenus les plus bas, et que cette classe d’âge est déjà
largement dépendante des subsides ;
– que les coûts de la santé passent de moins de 10 000 francs par an jusqu’à
65 ans, pour atteindre 20 000 francs à 80 ans et augmenter de façon
exponentielle au-delà de 85 ans ;
– que la solidarité voulue par la LAMal entre les différentes classes d’âge
entraîne un report de charge sur les primes des plus jeunes et que cela
devient difficile pour le budget des familles à bas ou moyen revenus,
demande à l’Assemblée fédérale
– d’étudier la possibilité de sortir les personnes au bénéfice de l’AVS du
système des caisses maladie ;
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– de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture d’assurance
par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par un système
comparable à celui de l’AVS ;
– d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse
d’état un système de capitation, encourageant la coordination des soins ;
– d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu
et état de la fortune ;
– d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse
actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie ;
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
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RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapport de Jean-Marc Guinchard
La commission de la santé a traité lors de cinq séances la R 1022, à savoir
les : 17 mai, 20 septembre, 11 octobre, 15 et 29 novembre 2024.
La présidence a été assurée par le présent rapporteur.
Après avoir eu la présentation de la résolution par son auteur, M. Marc
Saudan, la commission a auditionné les personnes suivantes :
– les Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, co-auteurs de « Pour une
réforme du système de santé suisse » ;
– Santé Suisse ;
– Curafutura ;
– la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du Département épidémiologie
et systèmes de santé, UniSanté.
M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat (DSM), M. Panteleimon
Giannakopoulos, directeur a.i. OCS (DSM) et Mme Angela Carvalho, secrétaire
scientifique (SGGC) ont également participé et contribué lors desdites séances.
Les procès-verbaux ont été tenus par M. Lucas Duquesnoy, Mme Alicia
Nguyen et Mme Lara Tomacelli.
Nous remercions l’ensemble de ces personnes pour l’excellent déroulement
des travaux de la commission.
Séance du vendredi 17 mai 2024
Audition de M. Marc Saudan, auteur
M. Saudan s’excuse par avance de déposer une nouvelle résolution à Berne,
le but recherché ici étant surtout d’ouvrir le débat sur les problèmes de la caisse
maladie plutôt que d’arriver à une véritable solution. Pour rappel, la LAMal
est un train qui va de plus en plus vite sans que l’on ne parvienne à le freiner,
et ce d’autant plus que ce train est conduit par plusieurs personnes.
Ruth Dreifuss disait en effet qu’il y avait plusieurs pilotes à sa tête, ce qui
n’est pas sans poser nombre de problèmes. Lors d’une récente intervention de
Mme Baume-Schneider, la conseillère fédérale a elle-même avoué que la caisse
maladie allait continuer à coûter de plus en plus cher et que toutes les petites
mesures prises n’auront pas une si grande influence.
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À défaut de renverser complètement la table, il faut donc essayer de
chercher d’autres moyens de financement. Dans ce sens, on sait que les
personnes de plus de 65 ans représentent 45% des coûts effectifs de la LAMal,
une proportion qui va continuer à augmenter étant donné que l’OFS dit
qu’entre 2020 et 2030, les plus de 65 ans vont augmenter de 30%. On estime
ainsi qu’ils représenteront 2,7 millions de personnes d’ici 2050, soit un quart
de la population qui aura augmenté et tendra vers les 10 millions de personnes.
Au-delà de cela, garder les gens en bonne santé plus longtemps signifie
aussi que les gens sont de plus en plus atteints par certaines maladies. Par
exemple, la cause de cécité la plus importante chez les plus de 65 ans est la
dégénérescence maculaire qui touche plus d’une personne de plus de 65 ans
sur dix. Cette maladie se traite par des injections coûtant 1000 francs et devant
être faites toutes les trois semaines.
On peut imaginer que quand cette population représentera un quart de la
population nationale, les coûts exploseront en même temps. En parallèle, le
FDA vient d’accepter un traitement contre l’Alzheimer qui touche aussi une
personne sur dix de plus de 65 ans. Ce traitement coûtera plus de 30 000 dollars
par an et traduit des enjeux financiers autour du vieillissement de la population
avec des coûts de plus en plus importants, notamment dans le remboursement
des médicaments.
Il faut aussi rappeler que plus cette population vieillit, plus elle a tendance
à être hospitalisée, et cela s’est accentué durant les deux dernières années de
vie. Actuellement, puisque la nouvelle répartition de la participation cantonale
n’est pas encore en vigueur, les cantons paient 55% de ces factures, soit des
sommes considérables qui viennent se répercuter sur les impôts.
D’autre part, alors que la part de population qui bénéficie de subsides
d’assurance pour payer les primes augmente, l’entrée en vigueur potentielle de
la limitation des primes à 10% du revenu entraînera une part encore plus
importante de subventions déjà à charge de l’Etat. Le député ne peut pas
fournir de chiffres clairs en tant que tels sur les effets du système proposé par
sa résolution, mais note que, automatiquement, les coûts seraient moindres vu
qu’une grande part est payée par nos impôts.
L’intérêt de sortir la population des plus de 65 ans de la LAMal serait de la
financer d’une autre manière, avec un seul dirigeant pour cette caisse qui
pourrait beaucoup plus discuter des coûts des traitements. Une personne qui
représente 2,7 millions d’assurés aurait beaucoup plus de poids dans les
discussions avec les groupes pharmaceutiques par rapport à ce qui se passe
actuellement.
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Dans la deuxième invite, le député invite à penser à un financement comme
pour l’AVS, une idée déjà abordée il y a très longtemps par le conseiller
national Peter Tschopp avec une sorte d’AVS+ qui serait une solution pour ne
pas reprendre sur la TVA dès que l’on a besoin d’argent. Le député ne donne
pas non plus quelque chose de fixe par rapport à ce financement. Il s’agit
surtout d’ouvrir le débat afin d’envisager des solutions pour le système de santé
plutôt que de continuer comme cela avec un train qui va dérailler dans les
prochaines années.
Le président indique qu’une députée socialiste avait fait une proposition
similaire au Grand Conseil, proposition alors refusée par le parlement de
l’époque.
Un député MCG allait justement rappeler au député le projet du conseiller
national Tschopp qui avait fait grand bruit au moment de son dépôt, y compris
auprès des personnes âgées qui ne voulaient pas être mises dans un ghetto. Les
esprits ont désormais changé, et on pourrait imaginer un meilleur accueil pour
cette idée. Le député comprend que dans le système proposé par la résolution,
il faudrait augmenter le montant de la cotisation AVS pour les actifs.
M. Saudan répond qu’il s’agit de l’un des moyens de financement possibles
et qu’il faudrait le chiffrer. Concrètement, si on coupe la moitié des coûts
LAMal assumés par la population active dans une logique de solidarité, on
devrait automatiquement constater une réduction des primes de façon
drastique. En diminuant de façon drastique ces primes, on pourrait imaginer en
contrepartie une augmentation du financement par les cotisations sociales.
Il s’agirait en quelque sorte d’un pot commun qui permettrait de traiter les
gens plus tard dans leur vie. Il faut en tout cas trouver une solution. Le député
trouve dangereux d’aller vers un rationnement des soins, notamment car
différentes caisses maladie refusent de prendre en charge certains traitements.
Dans le cas de la dégénérescence maculaire, il faut indiquer qu’il existe un
autre traitement, pas introduit sur le marché, qui coûte trois fois moins cher. Il
est clair que si une seule personne décidait, ce médicament aurait été introduit
sur le marché. C’est là où réside le souci sur ces traitements, puisque même si
on pourrait imaginer une baisse des prix au fur et à mesure que le chiffre
d’affaires des entreprises augmente, cela ne se passe pas comme cela.
Le même député MCG se demande si le député pourrait rappeler le principe
d’AVS+.
M. Saudan n’en a malheureusement pas le souvenir. Sa mère est amie avec
l’épouse de M. Tschopp et lui a demandé si elle retrouvait quelque chose dans
les notes de son mari, mais rien n’a été retrouvé à ce stade.
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Une députée S voit quelque part une contradiction dans les arguments
donnés. Ce sont en effet les actifs qui assument par solidarités ces coûts pour
les personnes âgées. Or, si on met en place un système AVS, ce seront toujours
les actifs qui paieront, tout en prenant en charge un supplément de cotisation.
On ne va donc pas alléger la charge et on risque au contraire de péjorer un peu
plus les actifs.
M. Saudan répond que si on ôte la moitié des 60 milliards de francs que
coûte la population des plus de 65 ans, les primes diminueront nettement et on
ne paiera plus pour les personnes âgées. Actuellement, la prime payée chaque
mois couvre justement ces frais. S’il n’y a plus besoin de couvrir ces frais,
automatiquement, les primes des actifs diminueront de façon importante.
Après, un effet indirect par rapport aux populations de plus de 65 ans
permettra d’augmenter le pouvoir d’achat. Il s’agit quelque part d’une demimesure par rapport à la caisse unique d’Etat voulue par le parti socialiste en
l’appliquant uniquement à une partie de la population, tout en gardant les
mêmes principes.
Un député UDC fait partie de ceux qui pensent que l’on est obligé d’aller
vers un système de caisse unique, mais note qu’avec le système qui est ici
proposé, la facture en tant que telle restera la même, puisque l’on ne se penche
pas sur la diminution des coûts en tant que tels, qui seront juste payés
différemment. Le député se demande si, en retirant de la LAMal la population
plus âgée, cette caisse de l’Etat aura toujours les mêmes prestations que pour
les assurés LAMal, au risque d’arriver à des coûts pas possibles.
M. Saudan pense que cet aspect est fondamental et que la solution proposée
vise justement à garder des prestations similaires à ce que l’on a maintenant. Il
est évident qu’il faudra faire certains choix et que quelqu’un devra les édicter
à un moment, avec la possibilité pour la population de se prononcer dessus. Il
n’est en tout cas pas possible de perdurer avec le système actuel qui ne
fonctionne pas, notamment du fait qu’il y ait plusieurs personnes à sa tête et
que cela rende compliquée l’entente avec les lobbys. Tout le monde se renvoie
la faute et il n’y a pas de concertation globale. Si un seul acteur dirigeait le
système, il pourrait siffler la fin du match et permettre d’arriver à des solutions
de rationalisation sur les hôpitaux, les traitements ou encore les médecins.
Un député PLR note qu’il s’opposerait à cette résolution telle quelle. Il
pense qu’il ne faut pas être fataliste et que même si l’on n’y est pas arrivés
auparavant, on doit parvenir à maîtriser les coûts des prestations de soins. Si
on prend l’augmentation annuelle des coûts à charge de la LAMal, en termes
de pourcentage, les plus de 65 ans représentent entre 15% et 25% de
l’augmentation.
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Concrètement, quand les coûts augmentent de 4%, 1% est imputable au
vieillissement de la population. D’autre part, environ 20% des actes médicaux
sont superflus. Cela n’est pas en tant que telle la responsabilité du médecin,
mais plutôt d’une mauvaise incitation du paiement à l’acte et d’une
fragmentation du système des soins, le tout avec une mauvaise capacité à
réformer et avec des intérêts qui s’entrechoquent.
Certains acteurs du système ne veulent justement pas du tout réformer le
système, alors même que des modalités existent pour faire autrement. Il est
dommage de ne pas profiter de ces modalités. Il faudrait peut-être, pour la
population où il y a le plus de maladies chroniques et d’hospitalisations,
envisager un financement par capitation, ce qui serait le plus bénéfique pour le
patient, mais aussi pour la maîtrise des frais médicaux. Il s’agit de patients pour
lesquels le médecin de premier recours joue un rôle important, et dans ce cadre,
on ne devrait pas seulement avoir un assureur qui négocie les primes et les
prestations, mais un système où l’on mettrait en place la responsabilité
médicale sur la santé de la population concernée.
Le député se demande si le premier signataire serait favorable à ne pas
simplement changer le modèle d’assurance, mais plutôt à changer le système
de soins. D’autres ont essayé d’aller vers cela en Suisse et on irait vers quelque
chose de politiquement plus fort. Il s’agirait non plus d’avoir une caisse unique
pour les personnes âgées, mais plutôt de trouver un système moins mauvais.
En conclusion, il précise que sur les deux dernières années, les coûts ont certes
augmenté, mais pour toutes les tranches d’âge.
M. Saudan répond que l’on pourrait effectivement affiner les choses sur
cette tranche de la population en intégrant un modèle de capitation, même si
cette idée reste assez contestée. Le modèle de Kaiser Permanente, qui est cher
au cœur du groupe Genolier, pose clairement quelques soucis, avec des
limitations sur la psychiatrie. Cela peut poser des problèmes par rapport au fait
de savoir si on fait vraiment les investigations ou non. Le système pourrait être
bon si l’Etat le gérait, mais avec une société privée, on tend plutôt vers des
économies. Sur l’augmentation des coûts, s’il est vrai que la population des
65% représente un quart, le pactole est démultiplicateur, puisque les
traitements augmentent encore. Il faut par exemple regarder l’explosion du
traitement contre la dégénérescence maculaire qui est le traitement qui coûte
le plus cher dans le remboursement LAMal actuellement.
Un autre député PLR note que le texte parle de changer le financement,
mais se demande si, au final, on n’en oublie pas la question des coûts au profit
de la répartition de la charge. Les coûts ne baisseront pas avec cette proposition
et le prix des médicaments va rester le même.
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M. Saudan répond que quand une seule entité représente 2,7 millions de
personnes, la discussion avec les assureurs n’est plus la même et les leviers
deviennent beaucoup plus importants. On sait de toute façon qu’avec les
innovations technologiques, les coûts vont augmenter. Cela fait maintenant
vingt ans que l’on essaie de travailler sur les coûts, sans succès. On peut encore
continuer cet effort avec peu de chances de succès ou bien penser à limiter la
charge sur la partie de la population qui paie. Le député rejoint son collègue
PLR sur le fait qu’aller dans un système par capitation pour cette partie de la
population serait une solution plus pertinente par rapport au débat qu’on peut
ouvrir.
Le même député PLR comprend qu’il est ici proposé de changer la
répartition de la charge, mais maintient que cela ne résout pas le problème de
l’augmentation des coûts, qui ne peut que continuer à augmenter. D’autre part,
dans sa compréhension, l’objectif est de décharger les classes actives en faisant
sortir du système LAMal les gens de plus de 65 ans. Or, parmi ce groupe,
certaines personnes sont aussi solidaires et ont une fortune qui leur permet de
payer des primes élevées.
En sortant ces gens du système LAMal, on va certes sortir une partie des
coûts, mais aussi une partie des personnes qui sont en mesure de payer et dont
on ne bénéficiera plus de la contribution. En contrepartie, on aura une
augmentation des coûts de l’Etat avec une hausse des impôts ou des charges
sociales. S’il est probable que les primes baissent, l’augmentation des charges
sociales demandera aux personnes actives d’être ponctionnées encore plus
pour assumer les coûts des personnes à l’AVS. On peut se questionner sur cette
solution proposée alors qu’il faudrait se concentrer sur le système de santé dans
sa structure et son organisation pour être plus efficient et maintenir les coûts.
M. Saudan répond que sur la question du financement, il n’a pas de solution
miracle, même si on pourrait imaginer, par rapport à l’état de fortune et le
revenu, une franchise plus élevée que pour quelqu’un qui est sans fortune et
sans revenu. Cela permettrait de limiter un peu les coûts pour cette population.
Il faudrait évidemment plus de chiffres, mais si on regarde les données
actuelles, entre l’hospitalisation et les subventions, on arriverait à un
pourcentage déjà élevé des prestations qui est payé par l’impôt. Finalement, la
somme à reverser pour cette population ne serait peut-être pas aussi
conséquente que cela, même s’il faut faire des calculs plus poussés. Le député
pense surtout à la personne qui pourra entamer des discussions par rapport aux
traitements ou au financement. En limitant l’acteur, on va permettre de
diminuer les coûts des traitements, puisqu’une part importante relève du coût
des traitements plus que d’un mauvais incitatif. Là-dessus, il y a des
discussions à avoir.
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Par rapport aux charges sociales, cela les augmenterait un peu. On serait en
tout cas à moins de 30 milliards de francs, puisque beaucoup de choses sont
déjà payées. Il faudrait voir ce que cela représenterait par rapport à l’économie
qui serait faite sur les primes.
Il va de soi que si les primes sont moins chères, il y a toutes les subventions
données à la population active qui pourraient disparaître en grande partie. Ce
sont un peu des flux qui se mélangent, même s’il faudrait chiffrer ces
économies potentielles. Il faut en tout cas ouvrir le débat et ne pas être fataliste
sur le prix des choses.
Le système LAMal a à son avantage de proposer un traitement adéquat à
tout le monde, et il est important de maintenir ces standards alors que
l’évolution actuelle des discussions avec les caisses maladie pousse vers un
rationnement des soins. Dans la nouvelle répartition sur l’hospitalier, on va
encore donner un cadeau de 10 milliards de francs aux assurances-maladie
qu’elles géreront elles-mêmes, avec l’opacité qu’on leur connaît, pendant que
les primes augmentent nettement plus que les coûts. Le coût réel de
l’augmentation de la prime par rapport au salaire moyen n’est pas aussi
catastrophique que ce qui est pratiqué actuellement.
Un député MCG soutient personnellement cette résolution qui permet de
lancer un débat utile et nécessaire, mais note que le coût de vieillissement ne
porte pas que sur la santé, mais aussi sur les infrastructures comme les EMS,
où si les assurances et certains pensionnaires paient une partie des coûts, la
participation de l’Etat reste très conséquente.
Le député se demande s’il ne faudrait pas intégrer cela dans une réflexion
globale sur un organisme de financement plus général sur le vieillissement.
C’était ici un peu l’idée du conseiller national Tschopp avec le fait de dire que
le coût du vieillissement, que ce soient les assurances ou les EMS, devrait être
pris de manière globale.
Malheureusement, son idée n’avait pas été écoutée à l’époque. D’autre part,
si on parle du troisième âge, il faut aussi penser au quatrième âge, avec des
gens de plus de 80 ans qui ont des problèmes de santé encore plus importants,
ce qui nécessite peut-être d’aller vers une classe plus restreinte que celle de
l’AVS qui permettrait de mieux gérer le risque pour faire des choses plus fines.
M. Saudan partage le constat sur le défi du financement des EMS, en
particulier à Genève où l’on a pris du retard sur cela et où il faudra mettre en
place des moyens très importants. Sur la question des tranches d’âge, cela
simplifie un peu les discussions de parler d’AVS, mais il est clair qu’il faudrait
affiner un peu cette répartition des coûts et voir la tranche d’âge la plus
adéquate à sortir du système. Le but reste une fois encore d’ouvrir la discussion
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et le député n’est pas fermé à arriver à des évolutions du texte. Les Chambres
fédérales en feront de toute façon ce qu’elles veulent, mais il n’est pas
inadéquat de remettre cette question sur la table au vu de la situation actuelle.
Un député S a quelques doutes sur le fait de réduire la population solidaire
et rappelle que le projet du parti socialiste a l’avantage de porter sur l’ensemble
de la population. Sur la question des médicaments, il faut rappeler comment
SwissMedic fonctionne.
Laurence Fehlmann-Rielle a plusieurs fois posé la question à Berne et la
réponse a toujours été la même, à savoir que les groupes pharmaceutiques ne
présentent pas de projets. Or, sur la dégénérescence maculaire, des traitements
bien moins onéreux existent pour le même effet. Il y a là un vrai combat à
mener. Le député reçoit lui-même des injections et son assurance est
intervenue auprès de son ophtalmologue pour lui interdire de lui injecter le
traitement moins onéreux alors que dans le monde entier, on fait différemment.
Cela est d’autant plus absurde que l’on peut trouver ce même traitement deux
fois moins cher de l’autre côté de la frontière.
Malgré cela, l’OFSP dit qu’il ne peut rien faire, puisque les groupes
pharmaceutiques n’ont pas proposé d’introduire ces traitements en Suisse. Cela
veut dire que ce sont eux qui font les prix. Il y a donc de vraies solutions pour
diminuer le coût des traitements, et si on veut isoler une partie de la population,
il faudra aussi être ferme sur le prix des traitements, ce sans quoi il n’y aura
aucune initiative pour les groupes pharmaceutiques à faire un effort sur une
caisse d’Etat.
M. Saudan répond qu’à un moment, on se rend compte que les choses ne
bougent pas tellement dans ces situations. Il est en tout cas clair que pour ces
traitements, que ce soit ceux pour la dégénérescence maculaire ou d’autres, on
a des solutions qui existent, par exemple pour des comprimés qui sont sécables
et qu’on pourrait vendre à plus bas prix en vendant de plus faibles quantités. Il
y aurait là aussi des sources d’économies importantes pour le système de santé.
Le président revient sur la proposition de M. Tschopp qui, dans les grandes
lignes, proposait un financement mixte et conjoint sollicitant les apports des
entités publiques, des institutions de prévoyance professionnelle et des
personnes âgées prises en charge. En l’absence d’autres demandes de prise de
parole, le président souhaite savoir quelles suites la commission veut donner à
ce texte. Il lui a semblé qu’une proposition de modification du texte entre un
député PLR et M. Saudan était sur la table.
Ce député PLR aimerait à ce stade entendre Mme Stéfanie Monod, qui dirige
le département épidémiologie et systèmes de santé à UniSanté et qui est la
personne en Suisse la plus affutée sur la question de notre système de santé
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actuel et ses limites. Il serait intéressant de pouvoir bénéficier de son éclairage
sur ces considérations, notamment si on s’oriente vers un AVS+ avec quelque
chose qui ressemblerait à un système par capitation.
Un député S note que la commission peut soit se questionner sur le
fonctionnement du système de santé dans son ensemble, avec capitation ou
non, soit prendre le temps de recevoir quelqu’un qui connaît très bien le
système. D’autre part, le député note qu’une autre résolution a déjà été envoyée
à Berne sur la question d’une caisse unique et qu’il serait curieux d’envoyer
aussi vite une nouvelle résolution sans même avoir eu un retour de Berne sur
la précédente.
Le député propose également d’entendre MM. Beat Bürgenmeier et Hans
Stalder qui ont récemment écrit un livre proposant des pistes de réorganisation
du système de santé.
Un autre député PLR rappelle qu’il ne faut pas penser qu’il ne se passe rien
à Berne et que personne ne fait rien. On devrait écouter l’OFSP pour
comprendre aussi les actions entreprises, en particulier les actions votées dans
le deuxième paquet pour limiter l’augmentation des coûts afin que tout le
monde soit au clair sur les actions mises en place ainsi que sur celles qui vont
l’être pour aller vers une maîtrise des coûts. D’autre part, le député pense qu’il
faudrait entendre Santé Suisse ou Curafutura. Beaucoup de reproches sont faits
aux assurances et il serait intéressant de comprendre quelles sont leurs
limitations dans le cadre qui est le leur. Si on s’adresse à Berne et aux
Chambres, il est important de comprendre ce que les assurances peuvent faire
ou non. Cela permettrait d’aller vers une résolution plus précise qui demande
quelque chose de plus réaliste. On risque sans cela, et malgré de bonnes
intentions, d’avoir des postulations erronées. Avec ces informations, la
résolution pourrait aussi évoluer vers un changement dans ces limitations.
Le président prend acte des demandes d’audition de Mme Stéfanie Monod,
de l’OFSP, de MM. Stalder et Bürgenmeier ainsi que de Santé Suisse et
Curafutura, probablement séparément.
Séance du vendredi 20 septembre 2024
Audition des Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, auteurs de
« Pour une réforme du système de santé suisse »
M. Bürgenmeier a pris connaissance des propositions qui lui semblent très
intéressantes. Au fond, cette résolution montre bien qu’il y a une nécessité
d’agir. La question est cependant de savoir comment.
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Il comprend que la commission souhaite utiliser son droit de proposition
devant les Chambres fédérales pour déclencher un débat. Il trouve que cela est
une très bonne idée, car il est important de discuter autrement qu’en termes de
coûts, de réduction de coûts et d’explosion des primes d’assurance-maladie. Il
est nécessaire de lancer un débat politique qui va dans le fond et qui traite des
problèmes structurels du système genevois de santé. La proposition que
M. Stalder et lui-même ont faite dans leur livre est de réformer et détourner
l’attention du politique. Il n’est pas uniquement question de coûts et il est
nécessaire de remettre le patient au centre. Pour cette raison, il trouve la
proposition de la commission très utile.
M. Stalder éprouve de la sympathie pour la caisse unique. Il ne cache pas
qu’avant la votation fédérale, il avait participé à la conférence de presse des
médecins pour la caisse unique. Il trouve très bien que la R 1022 pointe qu’il
y a un problème avec les personnes âgées et le système de santé.
M. Stalder lit l’exposé des motifs, qui dit que les coûts ont augmenté, et ce
en lien avec le vieillissement de la population et les soins nécessaires aux
personnes âgées. Cela n’est pas tout à fait vrai : en effet, selon l’OFAS,
seulement 11% de l’augmentation des coûts sont dus au vieillissement. 89%
de l’augmentation des frais ne sont donc pas dus aux personnes âgées, mais à
la population entière, qui utilise en général plus le système de santé. Il est vrai
cependant que les personnes âgées coûtent trois à quatre fois plus qu’une
personne plus jeune. En effet, elles accumulent pendant leur vie des maladies
et deviennent polymorbides.
M. Stalder relève que dernièrement, l’OBSAN a constaté que 22% de la
population ne consulte pas à cause de problèmes financiers. Concernant les
plus défavorisés, pratiquement la moitié ne consulte pas. Une étude du Bus
Santé avait également constaté cela : ce sont les plus pauvres et les
polymorbides qui ne consultent pas. Il explique cela par la franchise de
l’assurance-maladie et par l’obligation de participation aux frais à hauteur de
10% jusqu’à 700 F. Il trouverait intéressant d’affranchir la franchise ainsi que
la barrière des 700 F pour les personnes âgées. Cela aurait pour conséquence
une augmentation des consultations, notamment préventives et des maladies
chroniques, mais en parallèle une diminution des hospitalisations et des visites
aux urgences. Il ajoute que cela n’augmenterait pas les frais pour les personnes
âgées.
M. Bürgenmeier enchaine sur le 2e paragraphe de l’exposé des motifs. Il
indique qu’il y a une étude qui détermine et s’interroge sur l’évolution des
coûts du système de santé en Suisse jusqu’en 2030, qui date d’une quinzaine
d’années. Il met en garde, car il n’est pas possible d’avoir des prévisions
exactes. Il est cependant très clair que le vieillissement ne contribue pas, ou
R 1022-A
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alors relativement modestement, à l’augmentation des coûts du système de
santé.
M. Bürgenmeier remarque ensuite qu’il est mentionné dans le texte de la
résolution, au dernier paragraphe, que l’augmentation des primes de
l’assurance-maladie est difficilement supportable pour la classe d’âge de plus
de 65 ans, qui équivaut à 29% des revenus les plus bas. Ce qui se cache derrière
cela est la dépendance du revenu, et ce peu importe l’âge de l’assuré. Il rappelle
qu’une assurance sociale est basée sur des lois de probabilité : elle est au fond
pour tout le monde, peu importe le revenu et l’âge. Il regrette qu’il y ait une
tendance dans les débats politiques à singulariser un groupe de personnes et à
dire qu’il faut aider les plus démunis. Cela est contre la logique d’une
assurance sociale.
M. Bürgenmeier estime que la proposition est plausible, mais qu’il prend
plutôt cela comme une piste de débat. En faisant une résolution, la commission
engage le canton pour qu’il se lance dans une initiative qui portera la discussion
au niveau fédéral. Il trouverait cela salutaire. Le fait de lier cela à l’AVS lui
semble aussi pertinent. En effet, à un moment donné, l’assurance-maladie
s’arrête pour les personnes âgées, car il s’agit alors de soins à la personne et de
prestations de prise en charge.
Aujourd’hui, le curseur de cet arrêt n’est pas toujours clair et il y a un vide
juridique. Un patient ayant un col du fémur cassé et qui doit faire de la
physiothérapie se voit prolonger la prise en charge par la LAMal. Cependant,
au bout d’un moment, les problèmes chroniques et polymorbides deviennent
prédominants. La loi ne mentionne pas qui prend cela en charge : la LAMal,
les services sociaux ou l’AVS. Il est nécessaire de clarifier la question du
financement de ces soins pour les personnes âgées. Il relève que plusieurs
possibilités existent. En Suisse, cela est du ressort des cantons, ce qui fait que
certains font mieux que d’autres. Il relève que le problème est également posé
au niveau international. Les Belges ont d’ailleurs créé une nouvelle assurance
de soins aux personnes pour des prestations qui ne sont pas ou partiellement
couvertes par la LAMal.
Une députée S demande comment il envisagerait le financement de ces
soins.
M. Bürgenmeier évoque la création d’une nouvelle assurance sociale, de
type AVS, qui s’occuperait de ce genre de problèmes. Le financement
reviendrait au contribuable. Il pense que le débat aux Chambres fédérales
concernant le financement est biaisé par une fixation sur l’austérité et les
économies.
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R 1022-A
Un député PLR souligne qu’il est ici question de modification du
financement. Il demande ce qu’il en est de l’allocation des ressources :
comment sont-elles allouées et comment les médecins sont-ils payés ? Il
demande s’il faudrait changer de modèle d’allocation.
M. Stalder répond qu’il y a plusieurs possibilités de paiement. Le personnel
soignant peut être employé, par exemple par l’hôpital, ce qui a des avantages
et des désavantages. Il y a ensuite l’ambulatoire, où il est possible de payer par
l’acte, avec le système TARMED. Cependant, le premier désavantage de ce
dernier est qu’il doit souvent être renouvelé. Le deuxième est qu’il pourrait
inciter à augmenter les actes, et il s’agit probablement là d’un des problèmes
liés à l’augmentation des coûts de santé. Une troisième possibilité serait de
payer par forfait, ce qui permet de comparer un hôpital à un autre, mais cela
augmenterait la bureaucratie de façon incroyable.
La dernière solution est la capitation : le personnel soignant est payé par
rapport au nombre de malades qu’il soigne. C’est cela que M. Bürgenmeier et
lui-même proposent comme solution pour l’ambulatoire, mais aussi pour les
examens spécialisés, les soins à domicile et hospitaliers. Cela peut paraître
utopique, mais s’il y a un désir de centrer les soins sur le patient, il est alors
nécessaire de « payer » le patient, et non son diagnostic. Il admet cependant
que la capitation pourrait entraîner le médecin à envoyer ses patients
rapidement chez des spécialistes, il est donc nécessaire qu’il y ait un contrôle
de qualité très sophistiqué.
M. Bürgenmeier précise, par rapport à l’intervention de la députée S, qu’il
y a une distinction entre le financement des assurances-maladie et celui des
prestations. La question du député PLR allait dans le sens du financement des
prestations, et celle de la députée S dans le sens du financement des assurancesmaladie. Dans le deuxième cas, beaucoup de questions peuvent se poser, et il
rappelle que le souverain s’est déjà prononcé deux fois à ce sujet.
Il ne pense pas qu’il soit très opportun de revenir en permanence sur cette
question. Le sujet important ici est la mise en place d’une réforme en
profondeur du système de santé, et il répète que la capitation lui parait la plus
adaptée. Il souhaiterait mettre en place des essais pilotes. Il informe que dans
le canton de Genève, certains médecins tentent déjà l’expérience.
Un autre député PLR est d’accord avec cette réforme. Il soulève que le
système aujourd’hui est pénalisant pour la majeure partie des personnes
arrivant à l’AVS, la plupart d’entre elles ayant un système d’assurance
marchant par palier : plus ces derniers sont franchis, plus l’assurance est
coûteuse.
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Aujourd’hui, quelques compagnies d’assurance ne tarifient pas par palier,
mais en fonction de l’âge d’entrée de l’assuré. Si une personne souscrit à une
assurance à l’âge de 35 ans, elle paiera ce tarif toute sa vie. Cela est cependant
préjudiciable pour les personnes plus âgées et permet aussi l’évolution des
coûts du tourisme d’assurance. Il explique qu’il s’agit du transfert de la LAMal
de base qui est estimé à 150 F par dossier.
Il existe également le transfert des complémentaires, qui va s’arrêter autour
des 50 ans de la personne. Il souhaiterait qu’il y ait un changement de modèle
afin d’éventuellement effectuer des économies sur le coût du tourisme
d’assurance. Il demande s’il ne serait pas plus fiable, pour les personnes âgées
entre 25 ans et la tranche de fin de vie, d’avoir un tarif d’assurance qui
fidéliserait les clients et qui éviterait le tourisme d’assurance, ce qui serait déjà
une source d’économies.
M. Stalder répond qu’il lui semble que ceci est seulement vrai pour
l’assurance complémentaire. Les cotisations pour l’assurance de base sont les
mêmes pour tous, sauf pour les enfants et les adolescents. Les cotisations
n’augmentent pas avec l’âge. En ce qui concernant la caisse unique, il est avéré
que les assurés changent constamment de caisse, ce qu’il trouve absurde, ces
dernières proposant toutes la même chose, à quelques aspects près.
Le président précise que plus d’un million de personnes changent
d’assurance de base chaque année, ce qui coûte 150 millions de F.
Un député UDC demande pourquoi le modèle de la SUVA n’est pas suivi,
celui-ci ne mettant pas de franchise aux personnes de plus de 65 ans.
Le président relève que les personnes de plus de 65 ans ne sont plus
assurées par la SUVA.
M. Stalder répond que la SUVA est effectivement un système de caisse
unique et que le système de la SUVA pourrait être suivi s’il est choisi d’opter
pour un modèle de caisse unique.
M. Bürgenmeier répond que la SUVA est une assurance sociale par
excellence. La caisse unique reprend exactement cette idée. Il s’agit cependant
d’une caisse très spécifique qui s’applique uniquement aux accidents
professionnels. Il trouve que les assurances sociales qui ciblent de manière très
restreinte leurs assurés ne sont pas vraiment des assurances sociales au sens
large, contrairement à l’AVS.
Un député MCG trouve que son idée concernant les maisons de santé est
intéressante, mais il lui semble cependant que le système actuel de la LAMal
rendrait cela difficile à mettre en place.
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M. Stalder soulève qu’il y a notamment une maison de santé à Onex, qui
fonctionne avec la LAMal, et qui regroupe des spécialistes, des infirmiers et
des physiothérapeutes. Le problème qui peut être rencontré avec la LAMal est
le partage des activités entre les médecins et les infirmiers, qui peuvent rendre
la facturation très compliquée. Il ajoute finalement que d’autres maisons de
santé sont créées à Genève.
M. Bürgenmeier relève que l’avantage est qu’un changement de loi n’est
pas nécessaire, et la LAMal permet ce genre d’expériences et invite les
autorités à faire des essais et à mettre en place des projets novateurs. Il est
imaginable que la maison de santé d’Onex puisse s’étoffer et inclure des
prestations à l’hôpital ainsi que des soins à domicile, par exemple. Il souhaite
personnellement avancer à tâtons. La LAMal permet également la capitation,
et il n’y a donc pas de grand débat qui engagerait des oppositions politiques.
Le même député MCG comprend que la LAMal permet beaucoup de
choses, mais que les démarches sont difficiles. Le système suisse est très
centralisé, mais sans le 2e et le 3e pilier, il serait problématique. Il soutient cette
résolution, mais craint qu’il y ait un trop grand développement du système
AVS, qui est centralisé.
Il pense aux modalités qui avaient été lancées par le projet Maillard d’avoir
une caisse de compensation qui reprendrait toutes les dépenses. Cette solution
permettrait de laisser la compétence au canton et de ne pas dépendre d’une
gestion fédérale. Il s’agit d’un dispositif assez astucieux, il se demande
cependant si la réflexion ne devrait pas se faire autour d’une décentralisation
au niveau du canton.
M. Bürgenmeier ne sait pas si une décentralisation serait un plus, mais
serait l’une des voies possibles. Si, dans sa résolution, la commission suggère
une nouvelle assurance de type AVS, il ne pense pas que cela aurait beaucoup
de succès, mais cela aurait le mérite de lancer le débat. Il rappelle qu’il y a
d’autres solutions, notamment la création d’une nouvelle assurance
uniquement pour des soins de longue durée.
M. Stalder précise qu’une assurance fédérale n’empêche pas une
organisation cantonale. C’est notamment le cas de l’AVS, qui est de la
compétence du canton. Il ne voit pas le problème d’une caisse unique fédérale
qui serait gérée au niveau cantonal.
Un député PLR a une question concernant la capitation. Des modèles de
capitation existaient déjà dans les années 90, mais ont été abandonnés dans les
années 2000. Il demande pourquoi il y a un souhait d’y retourner alors que ce
système a été abandonné il y a 20 ans.
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M. Stalder répond qu’il a raison de remettre en doute cette proposition. Il
n’a pas vraiment trouvé dans la littérature quelle serait la meilleure solution. Il
explique que la capitation serait un bon moyen d’empêcher la bureaucratie :
les médecins ainsi que les hôpitaux n’auraient plus besoin de gérer les factures,
ce qui est pour l’instant l’une des plus grandes problématiques du système de
santé. La capitation empêcherait donc une administration de la bureaucratie,
ce qui est un grand avantage.
M. Bürgenmeier ajoute que la bureaucratisation est une conséquence du
système TARMED, qui oblige les assurances à mieux vérifier les factures.
Dans le système actuel, les assurés ne comprennent pas ce qui leur est facturé,
ce qui donne un grand travail aux assurances et augmente les coûts. Leur
possibilité de profit est évidemment stimulée par le simple fait qu’il y ait une
augmentation du coût de la santé.
M. Bürgenmeier estime que cela était lié à un problème de qualité. Le
système de qualité interne à la médecine est fiable : il y a une surveillance et
une prise en charge par la corporation, qui est indispensable et assure la qualité
des soins. Cependant, cela est parfois insuffisant. Il ne faudrait pas seulement
avoir un système autorégulateur à l’interne, mais aussi un contrôle externe. Ce
qui lui tient à cœur est de promouvoir l’idée que les patients soient intégrés à
ce processus et qu’il est nécessaire de trouver des moyens pour rétablir le lien
entre les médecins et les patients ainsi que d’investir dans l’éducation de ces
derniers.
Discussion
Le président rappelle qu’il reste encore l’audition de la doctoresse Stéfanie
Monod, co-cheffe du Département épidémiologie et système de santé,
UniSanté, l’OFSP et Santé suisse. Il informe que Curafutura n’a pas souhaité
être auditionnée et a transmis à la commission sa position écrite. La
commission maintient donc les auditions à venir. Il ajoute qu’un amendement
d’une députée Ve a été reçu. Il propose à la commission de se pencher sur
celui-ci.
Amendement de la députée Ve :
– d’étudier, dans le cadre d’un projet pilote cantonal, la possibilité de sortir
les personnes au bénéfice de l’AVS du système des caisses maladie ;
– de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture
d’assurance par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par
un système comparable à celui de l’AVS ;
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– de rémunérer les professionnel-le-s de santé en charge des patient-e-s
assuré-e-s par cette caisse via un système de capitation, encourageant la
coordination des soins, avec des systèmes de contrôle sanitaire et financier
parallèles
– d’instaurer un système de franchise et de quote-part qui soit abordable
pour les personnes au bénéfice de l’AVS
– d’étudier la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement
non pris en charge par l’assurance-maladie
Cependant, le président indique être inquiet par la modification apportée
au début qui demande une « expérience cantonale ». C’est le meilleur moyen
pour que la résolution soit refusée par l’Assemblée fédérale, qui répondra que
le canton de Genève n’a qu’à se débrouiller.
Séance du vendredi 11 octobre 2024
Audition de Mme la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du
Département épidémiologie et systèmes de santé, UniSanté
Le président lui souhaite la bienvenue, la remercie d’avoir accepté leur
invitation et lui cède la parole.
Mme Monod remercie pour l’invitation et propose une présentation afin de
recontextualiser ses propos et donner son avis sur la résolution déposée. Elle
souligne l’importance du contexte actuel du système de soins et des finances
publiques à l’horizon 2050, qui nécessite des réformes importantes.
Elle commence en rappelant que l’histoire du système de santé suisse
débute en 1911 avec la première LAMA (Loi sur l’assurance-maladie et
accidents). En 1890, un vote populaire avait demandé à la Confédération de
garantir une protection financière contre la maladie et les accidents, aboutissant
à la création de la caisse nationale d’accidents, la SUVA, en 1912. Cependant,
la question de la maladie était déjà au centre des débats en 1911.
La Suisse a progressivement développé un système où la population paie
des primes d’assurance à des assureurs privés, déjà très présents à cette époque,
tandis que les prestataires de soins étaient les autres grands acteurs du système.
Ces deux acteurs — assureurs maladie privés et prestataires de soins — se sont
entendus dès le début pour fixer les prestations couvertes par la LAMA. La
LAMA et la LAMal (qui la remplace en 1995) fixent les grands principes du
système, mais n’interviennent que lorsque les deux parties (assureurs et
prestataires) ne parviennent pas à s’entendre.
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Au fil des décennies, chaque innovation et nouvelle mesure a été intégrée
au système de l’assurance-maladie, toujours en régulant les relations entre
assureurs et prestataires. La question des primes est débattue depuis 1911, et
les montants de participation aux frais ainsi que les subventions fédérales sont
en discussion depuis plus de 100 ans. Des commissions d’experts ont souvent
échoué dans leurs tentatives de révisions, jusqu’à la grande réforme de 1994
qui a introduit la solidarité et des mécanismes de maîtrise des coûts, bien que
les pressions sur les coûts remontent déjà aux années 1960.
Depuis l’instauration de la LAMal en 1995, la part des dépenses supportées
par les ménages a considérablement augmenté, que ce soit via les primes ou
les paiements directs, créant une forte pression sur la société. Une part
importante des dépenses est supportée par les ménages dans un système qui
reste peu régulé, car il repose sur l’accord entre les assureurs et les prestataires
de soins. Depuis 2000, la LAMal a tenté de contenir les coûts, passant de 40 à
98 pages, avec une multiplication des régulations, mais aussi des problèmes
liés à la bureaucratie.
Depuis 2000, plus de huit révisions de la LAMal ont eu lieu, mais
seulement deux ont fait l’objet de référendums, dont l’un qui sera soumis au
vote en novembre. Il y a eu peu de débats démocratiques, la plupart des
révisions étant principalement techniques.
Elle souligne que le modèle unique de l’assurance-maladie semble arriver
à bout, surtout face aux défis sans précédent qui se profilent à l’horizon 2050,
notamment la croissance démographique et le vieillissement de la population.
La maîtrise des coûts est un autre enjeu, tout comme la forte dépendance de
Genève et d’autres régions sur des professionnels de santé étrangers.
D’ici 2040, selon les scénarios démographiques, la demande pour les soins
de longue durée, les logements protégés et les soins à domicile ou en
institutions de longue durée augmentera de 55%. Cela nécessitera une
expansion significative des infrastructures, notamment en EMS. La situation
varie selon les cantons, mais les cantons romands auront du mal à construire
l’infrastructure nécessaire.
Elle parle aussi du vieillissement de la population et du fait que le nombre
de personnes actives par rapport aux retraités est en baisse. À Genève, le ratio
reste relativement bon, mais dans des régions comme le Tessin et les Grisons,
il diminue fortement. En 1990, il y avait une personne de plus de 65 ans pour
cinq actifs ; en 2019, c’était un pour quatre, et ce chiffre pourrait tomber à un
pour trois, voire un pour deux en Suisse d’ici 2040.
Elle rappelle que cette situation met en danger la viabilité du système
actuel. De plus, les prévisions du Département fédéral des finances de mars
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2024 montrent que la transition climatique et le vieillissement pèseront sur les
finances publiques. La baisse des recettes fiscales, notamment à cause de la
diminution de l’usage des énergies fossiles et la réduction du nombre de
contribuables actifs, ainsi que l’augmentation des dépenses liées aux soins de
longue durée poseront des défis majeurs.
Elle conclut qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de démographie,
mais d’un besoin de réformes structurelles. Depuis 1911, la Suisse n’a pas
véritablement développé de politique de santé nationale. Elle plaide pour une
politique intersectorielle, avec un rôle renforcé de la Confédération et une
réflexion sur l’approvisionnement médical, les infrastructures et la
gouvernance des données de santé. Elle soutient que le système de santé doit
être repensé en accord avec les priorités et les objectifs à long terme.
Elle juge la réforme actuelle positive dans son idée, bien que non parfaite.
Elle estime qu’il est de plus en plus difficile de travailler avec la LAMal dans
son état actuel pour répondre aux enjeux de santé. Il faut aligner les questions
de financement avec les priorités politiques, notamment en matière
d’investissements dans les soins primaires et de longue durée. La réforme
permettrait aussi un débat démocratique plus ouvert et offrirait la possibilité de
mieux arbitrer les dépenses, tout en soulageant les primes des ménages.
Enfin, elle rappelle que bien que la réforme ne mènera jamais à un système
totalement public, elle permettrait une meilleure cohabitation entre le secteur
public et privé. Elle signale également la nécessité de penser au-delà de l’âge
de la retraite pour organiser les soins et appelle à éviter les effets de seuils qui
compliqueraient la transition entre différents régimes de soins. Finalement,
toute réforme du financement par l’Etat devra aussi s’accompagner d’une
réflexion sur la répartition des charges et la péréquation financière au niveau
national.
Le président mentionne une diapositive qui propose d’établir une vraie
politique de santé au niveau national. Il demande, si elle rejoint en cela les
propositions faites par l’Académie suisse des sciences médicales. Cette
proposition vise à créer une loi fédérale sur la santé afin de ne plus se
concentrer uniquement sur les coûts, mais également sur la prévention.
Mme Monod répond par l’affirmative. Elle note qu’elle a travaillé pour
l’Académie suisse des sciences médicales et pour ce projet.
Un député PLR la remercie pour sa présentation et pose trois questions. La
première porte sur la question générale du financement : comment les
ressources sont-elles allouées et comment les prestations sont-elles payées,
ainsi que les raisons derrière ces choix ? Il s’interroge ensuite sur la proposition
d’amendement visant à instaurer un mode de financement par capitation. Il
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soulève la question du copaiement et de la franchise, rappelant que des experts
auditionnés ont souligné que ces mécanismes augmentent les barrières à
l’accès aux soins sans réellement faire baisser les coûts, et demande son avis
sur la hausse envisagée de la franchise minimale par le Conseil fédéral. Il
questionne aussi la pertinence de l’article 32 de la LAMal qui impose
l’économicité des actes médicaux, en citant des études selon lesquelles 20%
des actes seraient superflus.
Mme Monod note qu’il critique le financement à l’acte et explique que ce
mode de fonctionnement est inhérent à la LAMal actuelle, où les prestataires
sont contraints de trouver des mécanismes de financement homogènes. Cela a
donné lieu à des effets comme ceux observés avec TARMED, qui est
aujourd’hui critiqué. Cependant, elle estime que la capitation n’est pas non plus
une solution. Le financement doit être repensé en fonction des prestations
attendues. Par exemple, pour les soins de première ligne, une capitation simple
ne serait peut-être pas suffisante pour motiver les médecins à effectuer des
soins à domicile s’ils ne sont pas rémunérés à l’acte. Certains pays ont mis en
place des modèles mixtes, avec une base de capitation et des bonus pour
certaines prestations spécifiques.
En ce qui concerne les franchises, elle reconnaît qu’elles sont un frein à la
consultation, au point que la Suisse critique parfois la France pour ses déserts
médicaux ou l’Angleterre pour les longues attentes. Trois facteurs peuvent
restreindre l’accès aux soins, et en Suisse, c’est la restriction financière qui
joue un rôle majeur. Près de 20% de la population suisse renonce aux soins
pour des raisons financières, un chiffre qui monte à 28%-30% chez les
personnes âgées ou les populations précaires. Certains économistes estiment
que le système de copaiement régule et responsabilise, mais elle ne s’aventure
pas sur ce terrain.
Elle salue l’existence de l’article 32, qui inclut une dimension de qualité.
Cependant, elle note qu’en Suisse, lorsqu’on autorise la mise sur le marché
d’un médicament, on se concentre encore essentiellement sur son efficacité
technique, alors que d’autres pays intègrent également des dimensions comme
les bénéfices sociétaux, l’accessibilité ou l’impact environnemental. En Suisse,
il n’existe pas d’organe d’arbitrage pour ces questions, ce qui crée un retard
dans le système. Bien qu’un médicament puisse être techniquement efficace,
son bénéfice sociétal n’est souvent pas analysé en Suisse.
Un autre député PLR évoque la création de l’AVS et souligne que le
système actuel, notamment en ce qui concerne les EMS, repose davantage sur
l’âge d’entrée dans le système, comme l’âge de la retraite, alors que les
personnes de 65 ans ne sont pas nécessairement en situation de médicalisation
ou de besoin. Selon lui, le critère ne devrait pas simplement être l’âge, mais
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plutôt le moment où cela devient pertinent d’entrer dans le système, « à partir »
d’un certain âge ou selon des besoins spécifiques. Il établit un parallèle avec
l’origine de la SUVA, qui a été mise en place pour protéger les populations
vulnérables face aux risques, et pense que cette approche pourrait également
s’appliquer ici, en veillant à protéger ces groupes vulnérables de manière plus
ciblée.
Mme Monod est d’accord sur la pertinence de l’idée, notamment parce que
l’âge seul ne constitue pas un critère suffisant et n’a pas une signification claire
en soi. Elle soutient l’idée de mettre en place une caisse publique qui couvrirait
les soins de longue durée, à domicile ou en EMS, dès que la personne entre
dans cette catégorie de prestations. Cela devrait s’inscrire dans une stratégie
cantonale plus large pour organiser l’intégration de ces dimensions, en prenant
en compte des facteurs spécifiques. Les personnes resteraient assurées par la
LAMal pour les hospitalisations ou les médicaments. Elle cite des exemples,
comme les Pays-Bas, qui montrent comment un système d’assurance peut
cohabiter en couvrant les risques non avérés, tout en prenant en charge les
consommateurs de soins de longue durée, une fois le risque avéré. Cela offrirait
l’opportunité de lier une politique de santé cantonale à une assurance couvrant
les besoins réels, de manière plus adaptée et ciblée.
Mme Monod reconnaît que le modèle proposé est probablement plus
efficace, mais sa mise en œuvre serait plus complexe à faire adopter au niveau
parlementaire. Elle suggère qu’il pourrait être préférable d’adopter une
approche proactive, même si cela implique de bousculer certaines idées, pour
provoquer ce débat nécessaire.
Un autre député PLR soulève une question sur le financement prévu dans
la résolution, qui propose un modèle similaire à l’AVS, ce qui impliquerait un
transfert de charges, actuellement réparties sur l’ensemble de la population,
vers un financement principalement pris en charge par les actifs. Cela le
surprend, surtout face aux nombreux défis actuels, et il aurait souhaité
connaître son opinion sur ce transfert de charges, qui ne semble pas forcément
corrélé au fait d’être affilié à la LAMal ou non. Il imagine un pilotage différent
pour certaines parties de la population, en fonction de leurs besoins en matière
de santé, mais la proposition de transfert de coûts représente, selon lui, une
deuxième étape importante à discuter.
Mme Monod n’est pas certaine que son avis ait beaucoup de valeur sur cette
question, car cela ouvre un vaste débat sur la manière de financer le système,
que ce soit par l’assurance ou par l’impôt. Elle pense que c’est un sujet qui
mérite d’être approfondi pour mieux comprendre son impact. Cependant, elle
trouve qu’il serait dommage de bouleverser la discussion en introduisant cette
R 1022-A
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question à ce stade, car des aspects plus techniques ne peuvent pas encore être
bien calibrés dans le cadre d’une telle résolution.
Un député LJS souhaite revenir sur la question de l’âge AVS, reconnaissant
qu’il est important de définir un axe clair. Cependant, il estime que cela
pourrait créer une fracture avec les malades chroniques de moins de 65 ans qui
ont également besoin de soins, mais qui risqueraient de se retrouver en dehors
du système. Il évoque également les coûts hospitaliers liés à cette tranche
d’âge, sachant que les soins pour ces patients sont coûteux et représentent une
part importante des dépenses de la LAMal.
Mme Monod souligne que le système coûtera extrêmement cher si l’on
prend en charge uniquement ceux qui sont gravement malades. Elle cite
l’exemple des Pays-Bas, où le financement des prestations permet de prendre
en charge des personnes âgées de 40 à 50 ans ayant un handicap ou d’autres
difficultés. Elle estime qu’il serait judicieux d’associer les prestataires de soins
et une certaine organisation territoriale au projet de financement pour mieux
structurer le système et en répartir les coûts.
Un député UDC se demande si l’ouverture d’un débat démocratique au
niveau parlementaire, avec une résolution genevoise, est réellement pertinente.
Il craint que cette résolution soit balayée par les Chambres fédérales, qui
travaillent déjà sur une refonte du système depuis longtemps. Il s’interroge sur
l’impact réel de cette résolution, se demandant si elle ne risque pas simplement
d’être annexée aux discussions sur le financement, surtout dans un contexte où
le pouvoir d’achat diminue et où les actifs supportent une grande partie des
charges. Il suggère que les fédérations du domaine de la santé, qui ont plus
d’influence, seraient peut-être mieux placées pour faire entendre ces
préoccupations plutôt qu’une résolution genevoise noyée parmi des dizaines
d’autres souvent rejetées.
Mme Monod estime que si une prise de position plus large, incluant d’autres
cantons, est adoptée, cela renforcera la résolution genevoise. Concernant le
financement en dehors du cadre de la LAMal, avec des règles mieux définies,
elle pense qu’il serait possible de mieux maîtriser les coûts, car cela permettrait
d’introduire des exigences de performance et de lier le financement aux
résultats de la prise en charge. Le problème actuel avec la LAMal est
qu’aucune instance n’a la légitimité de contester les accords entre assureurs et
prestataires de soins ni les décisions d’admission de médicaments, notamment
en oncologie, où les bénéfices se mesurent parfois en semaines, alors que les
coûts explosent. Elle souligne que si un système tarifaire ou un mécanisme
d’arbitrage n’est pas mis en place, les décisions fédérales, souvent arbitraires
et non fondées sur des preuves, continueront d’être imposées.
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Elle croit que des systèmes comme celui proposé pourraient mieux
contrôler les coûts et constituer un investissement plus judicieux. Elle ne voit
rien à attendre des faîtières, car ce n’est pas leur rôle ni leur mandat de réformer
le système de santé. Seule la politique, avec une mobilisation plus large, peut
faire avancer les choses. C’est pour cela qu’elle considère que même une
résolution genevoise, bien qu’isolée, est utile pour susciter le débat, mais que
l’implication d’autres cantons pourrait encore en amplifier l’impact.
Un député PLR souligne qu’en ce moment, on discute de la question des
soins de longue durée qui ne devraient pas être intégrés dans la LAMal, bien
qu’il y ait une votation à venir pour proposer leur inclusion. S’il a bien compris,
cela signifierait qu’il devrait s’opposer à la réforme de la LAMal qui propose
un financement uniforme incluant les soins de longue durée, car cela risquerait
de surcharger le système de financement actuel.
Mme Monod pense qu’il y a 15 ans, l’idée d’uniformiser les sources de
financement aurait eu du sens dans une approche plus globale. Cependant,
aujourd’hui, selon elle, cette réforme est de trop et n’apporte rien de concret.
Elle n’impacte pas la réduction des coûts, mais provoque un basculement du
financement sans aucune visibilité. Elle estime que cela affaiblit
considérablement le maigre rôle de gouvernance des cantons, car ces derniers
devront verser des fonds aux assureurs qui, à leur tour, recontracteront avec les
prestataires. Cela privera les cantons de leur dialogue direct avec les
prestataires locaux, transformant la gestion en une véritable usine à gaz. Elle
s’inquiète particulièrement du fait que les services cantonaux, déjà débordés,
deviendront des organes d’exécution de la LAMal, et que la souveraineté
cantonale disparaîtra. La promesse de maîtrise des coûts, fondée sur l’idée
qu’un financement uniforme permettrait une meilleure coordination des soins,
ne lui parait pas fondée. Selon elle, la coordination des soins ne se crée pas par
des injonctions.
Ce même député PLR aurait aimé entendre son avis sur l’impact potentiel
qu’un projet comme celui mentionné dans la résolution pourrait avoir sur le
statut des médecins, qui sont largement indépendants, à l’exception de ceux
travaillant en milieu hospitalier. Il se demande si, dans un système entièrement
piloté par l’Etat tel que celui décrit précédemment, il serait encore possible de
conserver l’indépendance des médecins libéraux.
Mme Monod pense que oui, beaucoup de ses collègues sont intéressés par
un système plus efficace, coordonné et axé sur la qualité des prestations. Elle
est frappée de voir à quel point ses collègues sont épuisés et désabusés, avec
peu de satisfaction dans le système actuel, ce qui n’est pas lié à l’indépendance
des médecins. En France et au Québec, par exemple, les médecins sont
indépendants, même dans des systèmes pilotés par l’Etat. Elle ne pense donc
R 1022-A
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pas qu’il faille craindre un changement de statut de l’indépendance des
médecins. Selon elle, il est nécessaire d’encourager les médecins à faire partie
de réseaux et de travailler en coordination. C’est vers cela qu’il faut aller,
surtout pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques et des soins
de longue durée, car un médecin seul ne peut pas tout faire. Avec le nombre
d’actifs qui diminue dans la société, l’idée de réunir dix professionnels autour
d’une table devient impossible. Il est donc essentiel de faire confiance aux
autres et de travailler en réseau, une approche qui représente un progrès
évident.
Le président remercie pour l’exposé ainsi que pour les réponses précises
apportées à la commission et lui souhaite une excellente fin de semaine. Il
prend congé de l’auditionnée.
Le président rappelle que l’Office fédéral de la santé publique et Santé
Suisse n’ont pas encore fourni de réponse pour être auditionnés, tandis que la
position de Curafutura figure dans les documents sur Accord. Si tout le monde
est d’accord, il prévoit de planifier les deux auditions demandées.
Un député PLR demande si la connexion avec les réseaux sociaux est bonne
et mentionne la résolution de M. Peterschmitt discutée à la commission du
Conseil des États. Il se demande également s’il serait pertinent de prévoir une
audition de la Professeure Anne-Sylvie Dupont concernant la sécurité de
l’assurance sociale, en particulier sur les possibilités et les limitations que le
système actuel pourrait imposer. Il aimerait aborder ce sujet sous l’angle
juridique, vu que la résolution demande un cadre spécifique.
M. Maudet rebondit sur cette proposition en précisant que Mme Dupont fait
partie du groupe d’experts mandaté par le Conseil d’Etat pour explorer
l’hypothèse d’une caisse cantonale publique. Elle répond aux questions en lien
avec ce groupe et devrait être en mesure de présenter un rapport sur la question,
notamment en ce qui concerne les limites juridiques et la capacité
d’intervention du canton. Le groupe d’experts a un mandat qui court jusqu’à
fin novembre ou début décembre 2024, après quoi il rendra son rapport au
Conseil d’Etat, permettant ainsi de prendre connaissance de ses conclusions. Il
trouve la suggestion pertinente, mais recommande de différer l’audition afin
de laisser le groupe d’experts finaliser son travail.
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R 1022-A
Séance du vendredi 15 novembre 2024
Audition de M. Christophe Kaempf, porte-parole, Santé Suisse
(visioconférence)
Le président note que l’audition de M. Kaempf rencontre des difficultés
techniques. Il propose de traiter un autre point en attendant la résolution du
problème.
Le président souhaite la bienvenue à M. Kaempf et lui cède la parole.
M. Kaempf remercie pour la possibilité offerte à Santé Suisse de donner
son avis, soulignant que la population vieillissante est de plus en plus
nombreuse et que les personnes âgées représentent une part plus importante
que les jeunes. Il souligne par ailleurs que Santé Suisse dispose déjà des
ressources nécessaires pour promouvoir la solidarité intergénérationnelle.
Il explique ensuite un mécanisme de redistribution financière entre les
jeunes, qui ne séjournent pas à l’hôpital ni en EMS et qui n’ont pas recours à
certaines prestations, et les personnes plus âgées. Ce système permet de
financer un transfert de 8,4 milliards de francs, dont 5,4 milliards sont utilisés
pour la réduction annuelle des primes et 3 milliards pour les bénéficiaires de
l’AVS.
Il souligne des données de l’OFSP sur la baisse des primes, mettant en
évidence un fait troublant : les personnes âgées, en proportion de leur
représentation dans la population, profitent moins de ces réductions que les
jeunes, en particulier ceux de moins de 65 ans. Cette constatation remet en
question l’hypothèse selon laquelle tous les aînés seraient aisés financièrement,
une idée qui pourrait s’avérer trompeuse.
Il identifie également un problème dans le système d’assurance-maladie,
qui représente environ 20% des dépenses. Ce problème se manifeste par une
mauvaise coordination entre les fournisseurs de services, ce qui entraîne des
frais inutiles, ainsi que par un retard significatif dans la digitalisation du
système de santé. Il estime qu’une numérisation pourrait permettre
d’économiser jusqu’à 8 milliards de francs par an. De plus, il souligne le fait
que les prestations de l’AOS (assurance obligatoire des soins) ne font pas
l’objet d’une évaluation systématique, ce qui manque de transparence.
Il indique que des économies substantielles pourraient être réalisées en
réduisant les coûts des médicaments (les marges en Suisse étant deux fois plus
élevées qu’en Allemagne) et en optimisant les tarifs hospitaliers par des
comparaisons entre établissements. Ces mesures permettraient d’économiser
1,4 milliard de francs sans modifier le catalogue des prestations de l’assurance
de base ni impacter directement la population.
R 1022-A
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Il rappelle que les coûts des soins de longue durée, en particulier dans les
EMS, ont fortement augmenté depuis l’introduction du système de
financement actuel (92% pour les EMS et 50% pour les charges de l’AVS).
Cette tendance devrait s’accélérer avec le vieillissement de la population et
l’arrivée à la retraite des baby-boomers, ce qui posera un défi majeur pour le
financement des soins de longue durée.
Enfin, il évoque la réforme EFAS, prévue pour le 24 novembre, qui prévoit
que les assureurs maladie financent une partie des soins de longue durée. Cette
réforme pourrait avoir un impact sur les primes d’assurance-maladie à long
terme si la répartition des coûts entre cantons n’est pas ajustée. Il souligne que
le financement des soins de longue durée, qui coûtent environ 6,5 milliards de
francs par an, pourrait devenir une préoccupation budgétaire à l’avenir, avec
3,4 milliards de francs supportés par l’assurance-maladie, ce qui représente
environ 10% des primes requises pour couvrir ces dépenses.
Le président explique qu’en raison de problèmes techniques, la liaison avec
M. Kaempf a été interrompue. Il précise qu’il va lui demander de soumettre
une position écrite et de transmettre sa présentation.
Séance du vendredi 29 novembre 2024
Le président soulève que la commission a reçu la positon écrite de Santé
Suisse. Il ajoute que la commission a également reçu les amendements
communs de la députée Ve et du député LJS. Il voit qu’aucune audition
supplémentaire n’est proposée.
Ce même député LJS souhaite effectuer quelques remarques sur le rapport
de Santé Suisse qu’il a trouvé intéressant. Il a relevé certaines considérations,
dont la première est le graphique de la page 2 montrant les coûts par personne
en fonction de la classe d’âge. Il relève que ces coûts explosent avec l’âge. Il
remarque que les assureurs se permettent une fois de plus de jouer avec les
chiffres. En effet, dans les mécanismes de déduction des primes, il est question
de pourcentages. Cependant, lorsqu’une personne de plus de 65 ans et
bénéficiant d’une prime de 500 F reçoit une subvention, il ne s’agit pas de la
même qu’à un enfant de moins de 18 ans. Il rappelle que, notamment avec la
votation de l’EFAS, les caisses maladie vont quasiment toucher une totalité de
55 milliards de F et ajoute que 5% de frais administratifs sont facturés, ce qui
équivaut à 2,7 milliards de F. Il soulève ensuite que la prime moyenne était de
180 F en 2000 et qu’elle est aujourd’hui de 440 F. Il ajoute que ces caisses
maladie n’envoient plus de courriers et que c’est aux assurés de payer depuis
leur téléphone. Il ajoute que ces caisses sont totalement opposées à une
réflexion globale sur un changement de système. Il indique cependant avoir été
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R 1022-A
satisfait qu’elles aient reconnu que les amendements qui avaient été ajoutés au
projet étaient pertinents.
Un député MCG informe que son groupe n’est pas surpris par la prise de
position de Santé Suisse. Il souligne que son groupe est en opposition avec ce
lobby qui joue un rôle scandaleux au sein des Chambres fédérales et qui défend
des intérêts privés dont la population suisse est la première victime. Il trouve
qu’il s’agit d’un système inacceptable d’achat d’influence de parlementaires
fédéraux permettant à Santé Suisse de bloquer entièrement le système de santé
et d’assurance-maladie. Il n’est donc pas surpris de la réponse de Santé Suisse,
qui essaie de noyer le poisson.
Un député PLR indique qu’il soutiendra cette résolution et espère que cela
permettra de sortir du statu quo impossible qui existe aujourd’hui. Il pense que
cette action a au moins le mérite d’ouvrir le débat sur le fond de la question. Il
trouve les amendements assez complets, mais souhaiterait à titre personnel se
limiter au texte de la R 1022, en y ajoutant un amendement qui serait le
suivant :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
Un député MCG soulève que son groupe aurait pu accepter la première
invite, mais est en revanche en divergence avec la deuxième. Il explique que
le groupe MCG n’est pas favorable à une caisse maladie d’Etat. Selon lui, il
faudrait faire soit une caisse étatique partielle, soit une caisse unique globale.
C’est pour cette raison que le groupe MCG ne soutiendra pas la R 1022.
Une députée S répond que son groupe rejoint les propos du député MCG.
Elle pense qu’il est nécessaire de discuter de toutes les possibilités
d’amélioration des assurances-maladie et de sortir du système actuel qui n’est
pas efficient ni efficace et qui exclut beaucoup de patients. Certains éléments
posent problème au PS, notamment le fait de diviser la population entre les
personnes âgées et les jeunes, ce qui n’est selon elle pas favorable ni aux uns,
ni aux autres. C’est pour cela que le PS ne soutiendra pas cette résolution, bien
qu’il reste ouvert à des possibilités d’amélioration et de changement du
système.
Un député UDC informe que son groupe est certain qu’avec le
vieillissement de la population et les coûts en constante augmentation, la
solidarité intergénérationnelle rencontrera des limites. Il trouve les chiffres
particulièrement éloquents et est favorable à toute solution. Le groupe UDC
soutiendra donc cette résolution et rejoindra la majorité de la commission
concernant les amendements proposés.
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Une députée Ve pense que le fait de sortir une partie de la population du
système d’assurance privée est bénéfique, car elle sera prise en charge via
l’impôt, qui est social. Elle ajoute que cela évitera que la prime soit la même
pour tous, peu importe le revenu. Le groupe des Verts soutiendra la résolution
ainsi que les amendements.
Un député LJS répond, concernant la différenciation faite par sa collègue
S, que Santé Suisse a mentionné que le mécanisme de compensation est de
8 milliards de F pour la population âgée parmi les jeunes. Il est clair que dans
le cas où cette population serait financée autrement, les jeunes bénéficieraient
de ces 8 milliards de F. De manière indirecte, il y aurait une évolution des
primes pour ces derniers. Il souligne que le but de la résolution est de poser des
questions afin d’obtenir des réponses sur les coûts réels, les subventions qui
sont faites et de pouvoir ouvrir une discussion. Il souligne qu’il ne s’agit pas
d’une solution en soi face aux problèmes complexes. Il soutiendra évidemment
la résolution.
Un député LC raconte avoir discuté avec des experts la semaine dernière et
reste persuadé que le système actuel de soins va droit dans le mur. En effet, ni
le Conseil d’État ni les Chambres ne le pilotent réellement. Il s’agit aujourd’hui
d’une bagarre incessante entre les assureurs et les professionnels de santé, qui
tirent la couverture à eux. Or, personne ne souhaite trancher, ce qui aura pour
conséquence une chute du système tel qu’il est conçu. Concernant la
distinction faite entre la population jeune et âgée, il est vrai que la LAMal a
introduit un système de solidarité entre hommes, femmes, jeunes, vieux,
malades et bien-portants. Il comprend les arguments du PS concernant cette
séparation, mais si les personnes âgées ne sont pas isolées, cela chargera la
jeune génération qui voit déjà ses primes augmenter continuellement. Il
mentionne ensuite que bien que la caisse d’Etat constitue la même
problématique, qui est contraire à celle soulevée par le MCG, il s’agit selon lui
du seul moyen d’alléger une partie des primes des plus jeunes et de séparer les
coûts dus à la vieillesse de ceux qui sont dus à des maladies courantes, voire
chroniques, chez les plus jeunes. Le groupe LC soutiendra cette résolution et
pense que cela vaut la peine que des discussions soient menées. Il refusera
cependant les trois amendements déposés par les Ve et LJS, mais acceptera
l’amendement du PLR.
Un député MCG souhaite que ses propos ne soient pas déformés. Le MCG
est défavorable à une caisse d’Etat, mais peut adhérer à d’autres modèles,
notamment celui de la caisse de compensation. En revanche, il n’adhère pas au
modèle tel que proposé dans cette résolution. Cela lui semble dangereux que
de nombreux modèles de caisse étatique continuent à être lancés. Il rappelle
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R 1022-A
que la LAMal définit certaines obligations et qu’il est nécessaire de rester
prudent face au dogme de l’assurance étatique.
Un député PLR pense que la réflexion se fait sur la base d’une comparaison
avec la SUVA, qui est la seule caisse publique en Suisse à sa connaissance. Il
admet que maladies et accidents ne sont pas comparables, mais soulève qu’il
n’est pas possible de dire que les caisses privées fonctionnent et que les caisses
étatiques ne fonctionnent pas : cela n’est pas vrai selon lui, et ce autant en
termes de coûts que d’efficacité.
Votes
Le président met aux voix le 1er amendement et précise qu’il ne s’agit pas
d’un amendement général, mais qu’il s’ajoute aux deux invites existantes :
– d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette
caisse d’état un système de capitation, encourageant la coordination des
soins.
Oui :
8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : Le 1er amendement est accepté.
Le président met au vote le 2e amendement qui s’ajoute aux invites
existantes :
– d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au
revenu et état de la fortune.
Oui :
8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : Le 2e amendement est accepté.
Le président met aux voix le 3e amendement qui s’ajoute aux invites
existantes :
– d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la
vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie.
Oui :
6 (3 S, 2 Ve, 1 LJS)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : 2 (UDC)
Le 3e amendement est accepté.
R 1022-A
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Un député PLR présente son amendement :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
Il souligne qu’il s’agit également d’une chose demandée par l’étude. Il
pense, concernant la population en âge d’AVS qui est ici ciblée, qu’elle est la
plus concernée par les maladies chroniques et les polymorbidités. Il relève que
l’un des points critiques est la problématique de copaiements telle que les
franchises. Il souligne qu’il s’agissait encore d’une logique de prise en charge
ponctuelle et qu’il n’y avait pas encore, comme aujourd’hui, une prévalence
de malades chroniques. Il prend pour exemple les personnes diabétiques, mais
ajoute que les maladies cancéreuses augmentent ainsi que leur incidence, mais
aussi leur prévalence. Il explique que la population ne meurt plus du cancer,
mais vivra avec pendant des années. Un cancer sur deux est guéri, mais il
n’existe pas de retour à l’innocence biologique. En effet, toute personne ayant
eu un cancer vivra ensuite toute maladie avec des soutiens médicaux coûtant
souvent cher. Un ticket modérateur pour des patients cancéreux qui vont vivre
des années avec leur maladie n’a aucun sens. Il trouve que faire payer une
franchise à des malades chroniques n’a aucun sens, est antisocial, augmente
les barrières aux soins et diminue la qualité de ceux-ci.
Le président met aux voix l’amendement PLR :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation
Oui :
12 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 MCG, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC)
Non :
Abstentions : 1 (PLR)
L’amendement est accepté
Le président met aux voix la R 1022 ainsi amendée :
Oui :
7 (2 Ve, 1 LJS, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC)
Non :
2 (MCG)
Abstentions : 4 (3 PS, 1 PLR)
La prise en considération de la R 1022 telle qu’amendée est acceptée.
Catégorie de débat : II, 30’
Conclusions
33/43
R 1022-A
Mesdames les députées, Messieurs les députés,
Le 30 novembre 1992, le conseiller national Peter Tschopp, un radical
visionnaire comme on les aimait, déposait une initiative parlementaire
proposant la création d’une « institution fédérale de prise en charge des frais
sanitaires et d’encadrement liés au grand âge ».
L’initiative fut transformée en postulat par une commission de la sécurité
sociale et de la santé publique (CSSS) effrayée par l’audace du projet.
Le libéral radical Josef Dittli a, quant à lui et plus récemment, déposé un
texte visant à créer un quatrième pilier de la prévoyance, soit une assurance
obligatoire de soins financée par un compte d’épargne obligatoire, individuel
et défiscalisé.
Entre ces deux étapes, il y eut de nombreuses interventions allant dans le
même sens, à savoir trouver une solution supportable financièrement et
respectueuse de la solidarité entre les diverses générations.
La résolution de notre collègue LJS va dans le même sens, même si dans
l’esprit des commissaires de la santé, elle n’a que peu de chances de se
concrétiser. Elle aura au moins le mérite de relancer le débat sur un sujet
d’importance que les Chambres fédérales devraient avoir l’audace de se saisir.
Pour Peter Tschopp, le vieillissement représentait « l’une des modifications
sociodémographiques les plus profondes depuis fort longtemps » et que le
XXIe siècle serait, « que cela retienne votre attention ou non, le siècle de
l’accroissement explosif de la population très âgée ».
Il ajoutait à l’intention de ses collègues que, « si gouverner c’est prévoir et
si l’on est en Suisse, il faut s’occuper dès aujourd’hui et sérieusement de ce
problème puisque l’expérience institutionnelle et politique nous prouve que
dans ce pays, pour mettre en place un nouveau pilier de la sécurité sociale, il
faut bel et bien un quart de siècle. »
Belle manifestation d’une lucidité peu commune au sein de nos institutions
fédérales, il fallait bien le rappeler. Peter Tschopp avait 32 ans d’avance, et s’il
avait été suivi, nous pourrions faire face au défi du vieillissement de la
population avec plus de sérénité.
Certes, le présent texte ne va pas tout bouleverser, mais il a au moins le
mérite de rappeler l’urgence du problème et d’inciter nos élus fédéraux à y
travailler de façon rapide et efficace.
C’est dans cet esprit, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que
la majorité de la commission vous recommande d’accepter cette résolution de
même que les amendements votés en commission.
R 1022-A
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Annexes :
1. Présentation relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf, Santé Suisse
2. Prise de position écrite relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf,
Santé Suisse
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R 1022-A
ANNEXE 1
Audition du 15 novembre 2024 de la commission de la santé
du canton de Genève. Objet : R 1022 : création d'une caisse
maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS
1. Introduction
Permettez-moi de vous remercier, au nom de santésuisse, de nous donner la possibilité de nous exprimer au sujet de la proposition de résolution R 1022 : Création d'une caisse maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
2. Position de santésuisse
La proposition de postulat R1022 part d’un double constat correct : il y a d’abord cette évidence : plus on
est âgé, plus les soins coûtent cher. Par ailleurs, la part de personnes de plus 65 ans ne cessent de
croitre dans la population. Nos assurances sociales font donc face à un défi pour assurer le financement
futur des prestations, en particulier dans le domaine de l’assurance-maladie.
Pour santésuisse, l’intention du postulat est louable. Toutefois, sortir les bénéficiaires de l’AVS du système de l’assurance-maladie pour les placer dans une caisse publique ne résoudrait aucun des problèmes actuels du système de santé. Financer cette caisse par un modèle proche de l’AVS n’apporterait
pas de solution non plus.
Voici pourquoi :
•
Dans le modèle d’assurance proposé, les personnes de moins de 65 ans devraient toujours assumer
les coûts croissants des personnes âgées. Par ailleurs, les coûts liés au vieillissement de la population devraient être assumés par des actifs de moins en moins nombreux.
santésuisse a calculé que pour financer les prestations des personnes de plus de 65 ans, qui correspondent à 16,6 milliards de francs (soit l’équivalent de 4 mois d’AVS), il faudrait augmenter les prélèvements AVS de 4%, ce qui aurait un impact direct sur les salaires et impacterait en particulier les
petits revenus.
Pour santésuisse cette solution pose avant tout des problèmes en termes d’équité intergénérationnelle, ce d’autant que globalement, la situation financière des retraités est meilleure que celle des
actifs. « 80 à 90 % des retraités sont financièrement indépendants et ont une fortune nette médiane
jusqu’à six fois plus élevée que les actifs » (Wanner & Gerber, 2022). Par ailleurs, « trois quarts des
retraités sont satisfaits ou très satisfaits de leur situation financière, alors que les actifs ne sont que
60 % à l’être. La grande majorité d’entre eux est ainsi bien lotie, souvent même mieux que les actifs. » (Avenir Suisse, 2024).
•
Des mécanismes de réductions des primes financés par l’impôts existent déjà pour les plus
défavorisés. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les personnes de moins de 65 ans en bénéficient proportionnellement plus que les aînés : selon les données de l’OFSP de 2023, sur les 2,45
millions de personnes subventionnées pour leurs primes, 2,05 millions avaient entre 0 et 65 ans,
contre 394’000 plus de 66 ans, alors que les aînés représentent environ 20% de la population
suisse.
Le contre-projet indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu (rejetée le 9 juin 2024 par 55,47% des voix) prévoit d’ailleurs que les cantons augmentent leur budget
santésuisse | Römerstrasse 20 | 4502 Solothurn | +41 32 625 41 41 | info@santesuisse.ch | santesuisse.ch
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R 1022-A
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pour les subventions de primes. Ces dernières années, de nombreux cantons avaient réduit les montants consacrés aux réductions individuelles des primes. Pour santésuisse, le renforcement de ces
subventions est socialement plus équitable.
3. Commentaires concernant les amendements
•
Etudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse d’état un système de
capitation, encourageant la coordination des soins : la coordination des soins permet de réaliser
des économies substantielles. Cette proposition peut être envisagée, à condition que le librechoix du prestataire de soins soit garanti.
•
Etudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu et état de la fortune :
cette proposition permettrait d’introduire un minimum d’équité intergénérationnelle dans la solution d’assurance proposée, puisque les coûts des aînés seraient un peu moins reportés sur les
plus jeunes. A étudier.
•
Etudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris
en charge par l’assurance-maladie : cette solution ne ferait qu’alourdir le report de charge des
coûts des aînés sur les populations les plus jeunes. A rejeter.
4. Conclusions
Pour les raisons évoquées ci-dessus, santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurancemaladie basée sur le modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans ne serait pas équitable socialement et
contreviendrait au principe de solidarité intergénérationnelle.
•
•
•
•
Avec un financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs
Renchérissement du coût du travail
Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt.
Compliquer à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS
santésuisse recommande donc de rejeter la proposition et d’agir en faisant évoluer le système actuel en
réduisant les coûts et en augmentant les montants alloués aux réductions individuelles de primes.
Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information.
Meilleures salutations.
santésuisse
Département Politique et communication
Ressort Communication
Christophe Kaempf
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ANNEXE 2
Audition de la commission de la santé du canton de
Genève: création d'une caisse maladie d'Etat pour les
bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois
à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Christophe Kaempf
15 novembre 2024
Coûts et primes par classe d’âge GE (Sasis, 2023)
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Les moyens d’agir existants
•
Réduction individuelle des primes: budget revu à la hausse grâce au contre-projet
indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu > 5,4
milliards de frs (OFSP, 2022)
•
Les prestations complémentaires pour les bénéficiaires AVS les plus modestes > 3,3
milliards de frs (OFAS, 2023)
•
Le mécanisme de compensation des risques dans l’assurance-maladie > 8,4
milliards de frs transférés entre jeunes et aînés (OFSP, 2022)
3
Nombre de personnes percevant des réductions
individuelles de primes (OFSP, 2023)
Alter unbekannt
91 und mehr
86 – 90
81 – 85
76 – 80
71 – 75
66 – 70
61 – 65
56 – 60
51 – 55
46 – 50
41 – 45
36 – 40
31 – 35
26 – 30
19 – 25
0 – 18
0
100'000
200'000
300'000
400'000
500'000
600'000
700'000
4
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Un problème de coût avant tout: mauvais incitatifs et
prestations inutiles
•
•
•
•
•
Mauvaises incitations à plusieurs
niveaux:
Manque de coordination
Retard dans la digitalisation
Pas d’évaluations systématique des
prestations AOS
Manque de transparence sur la qualité
20% des prestations à charge de l’AOS
sont inutiles (OFSP) > Potentiel
d’économie: 8 milliards de francs
5
Un problème de coûts avant tout: économiser sans
rationner
▪
Baisse des tarifs des laboratoires de 10-15 pour cent supplémentaires
100 à 150 millions de frs
▪
Réduction des marges de distribution sur les médicaments
▪
Baisse des prix des médicaments et augmentation de la
part des génériques:
550 millions de frs
▪
Mise en œuvre des HTA achevés
200 millions de frs
▪
Mise en œuvre des modifications d’ordonnance (OAMal/OPAS):
fixation du 25e percentile comme benchmark pour les négociations
tarifaires dans le domaine stationnaire (estimation du Conseil fédéral)
300 millions de frs
200 à 250 millions de frs
Potentiel d’économie d’environ CHF 1,4 milliards de francs
6
R 1022-A
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Le défi des soins de longue durée: 6,5 milliards de
francs/an
Augmentation des coûts des soins en
Suisse depuis le nouveau régime de
financement en 2011 :
•
Établissements médico-sociaux (EMS) : +42
%, atteignant 4,5 milliards CHF en 2022.
•
Soins à domicile : +124 %, avec un coût de 2
milliards CHF.
7
Le défi des soins de longues durée: répartition des coûts
(santésuisse, 2022)
8
41/43
R 1022-A
Proposition de santésuisse sur le financement des soins
de longues durée
Approche libérale et responsable : accent mis sur la responsabilité individuelle, sans
augmenter les charges de l'AOS.
Protection de l'AOS : sortir les soins de longue durée de l'AOS pour préserver la solidarité
intergénérationnelle.
Modèle de financement en 3 piliers :
• 1er pilier : AOS couvre les soins médicaux.
• 2ème pilier : capital obligatoire pour les soins liés à l'âge.
• 3ème pilier : épargne volontaire pour des prestations supplémentaires (ex. frais
d’hôtellerie).
Rôle des cantons : co-financement et prise en charge des coûts résiduels si le capital du
2ème pilier est insuffisant.
9
Conclusions
santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurance sociale basée sur le
modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans n’est pas équitable socialement et contreviendrait
au principe de solidarité intergénérationnelle.
•
•
•
•
Avec un modèle de financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs
Renchérissement du coût du travail
Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt.
Compliqué à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS
santésuisse recommande donc d’agir en faisant évoluer le système actuel avec les moyens
existants.
10
R 1022-A
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Date de dépôt : 2 janvier 2025
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapport de François Baertschi
La question posée mérite un débat et des propositions innovantes, ce que
reconnaît la minorité. En effet, il est difficile de contester l’impasse où nous
conduisent à la fois le dysfonctionnement systémique de l’assurance-maladie
et le développement prévisible du nombre de personnes en âge AVS. En soi,
cela mérite une réflexion et des visions innovantes.
Malheureusement, la direction proposée par cette résolution nous conduit
à une impasse pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le fait de créer une caisse maladie d’Etat centralisée ne
répondrait pas à la réalité des systèmes de santé suisses qui sont fondés sur une
logique cantonale. Il y aurait une contradiction fondamentale qui apparaîtrait
très rapidement et rendrait le modèle impraticable.
Ensuite, le fonctionnement de l’AVS, qui est fondé sur une logique de
répartition, se situe dans la logique des trois piliers, puisqu’elle est complétée
par deux autres éléments tout aussi fondamentaux. Là aussi, le modèle ne serait
pas praticable.
En revanche, il serait intelligent d’étudier la couverture maladie des
personnes en âge AVS au travers de divers moyens. Pour ce faire, il
conviendrait de lister de manière précise à la fois les prestations et les
financements, tout en tenant compte de l’évolution démographique prévisible.
L’écueil principal d’une telle mesure, c’est le travail de transparence qui
devrait être fourni. Mais nous savons bien que les caisses maladie ne sont pas
prêtes à jouer cartes sur table.
Et pour finir, nous devons souligner que cette résolution va dans le sens des
intérêts des caisses maladie qui pourront se débarrasser des personnes âgées,
mauvais risques, pour se concentrer sur une augmentation de leurs profits,
puisqu’on se serait débarrassé de ces coûts remis à l’Etat.
Comme le dit l’adage, étatiser les pertes et privatiser les profits. C’est ce
que réaliserait cette résolution, si ses buts étaient atteints.
43/43
R 1022-A
Pour toutes ces raisons, qui ne vont dans le sens ni des assurés ni des
citoyens, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de
refuser cette résolution.
de la République et canton de Genève
R 1022-A
Date de dépôt : 2 janvier 2025
Rapport
de la commission de la santé chargée d’étudier la proposition de
résolution de Marc Saudan, Charles Selleger, Masha Alimi,
Jacques Jeannerat, Francisco Taboada, Djawed Sangdel, Skender
Salihi, Raphaël Dunand, Jacques Blondin, Laurent Seydoux, Arber
Jahija : Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires
de l’AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée
fédérale exerçant le droit d’initiative cantonale)
Rapport de majorité de Jean-Marc Guinchard (page 4)
Rapport de minorité de François Baertschi (page 42)
ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 01.25
R 1022-A
2/43
Proposition de résolution
(1022-A)
Création d’une caisse maladie d’Etat pour les bénéficiaires de l’AVS
(Résolution du Grand Conseil genevois à l’Assemblée fédérale exerçant le droit
d’initiative cantonale)
Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
vu l’article 160, alinéa 1, de la Constitution fédérale, du 18 avril 1999 ;
vu l’article 115 de la loi fédérale sur l’Assemblée fédérale, du 13 décembre
2002 ;
vu l’article 156 de la loi portant règlement du Grand Conseil de la République
et canton de Genève, du 13 décembre 1985,
considérant
– que la loi sur l’assurance-maladie (LAMal), qui date de 1994, n’arrive pas
à juguler la hausse des coûts de la médecine (le coût moyen annuel par
patient est passé de 4932 francs en 1974 à 9924 francs en 2021) ;
– que la population âgée augmente du fait de la pyramide des âges et de
l’allongement de l’espérance de vie ;
– que la population retraitée occasionne autant de frais que toutes les classes
qui précèdent ;
– que l’augmentation des primes de l’assurance-maladie représente un coût
difficilement supportable pour la classe d’âge des plus de 65 ans, allant
jusqu’à 29,9% des revenus les plus bas, et que cette classe d’âge est déjà
largement dépendante des subsides ;
– que les coûts de la santé passent de moins de 10 000 francs par an jusqu’à
65 ans, pour atteindre 20 000 francs à 80 ans et augmenter de façon
exponentielle au-delà de 85 ans ;
– que la solidarité voulue par la LAMal entre les différentes classes d’âge
entraîne un report de charge sur les primes des plus jeunes et que cela
devient difficile pour le budget des familles à bas ou moyen revenus,
demande à l’Assemblée fédérale
– d’étudier la possibilité de sortir les personnes au bénéfice de l’AVS du
système des caisses maladie ;
3/43
R 1022-A
– de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture d’assurance
par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par un système
comparable à celui de l’AVS ;
– d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse
d’état un système de capitation, encourageant la coordination des soins ;
– d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu
et état de la fortune ;
– d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse
actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie ;
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
R 1022-A
4/43
RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapport de Jean-Marc Guinchard
La commission de la santé a traité lors de cinq séances la R 1022, à savoir
les : 17 mai, 20 septembre, 11 octobre, 15 et 29 novembre 2024.
La présidence a été assurée par le présent rapporteur.
Après avoir eu la présentation de la résolution par son auteur, M. Marc
Saudan, la commission a auditionné les personnes suivantes :
– les Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, co-auteurs de « Pour une
réforme du système de santé suisse » ;
– Santé Suisse ;
– Curafutura ;
– la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du Département épidémiologie
et systèmes de santé, UniSanté.
M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat (DSM), M. Panteleimon
Giannakopoulos, directeur a.i. OCS (DSM) et Mme Angela Carvalho, secrétaire
scientifique (SGGC) ont également participé et contribué lors desdites séances.
Les procès-verbaux ont été tenus par M. Lucas Duquesnoy, Mme Alicia
Nguyen et Mme Lara Tomacelli.
Nous remercions l’ensemble de ces personnes pour l’excellent déroulement
des travaux de la commission.
Séance du vendredi 17 mai 2024
Audition de M. Marc Saudan, auteur
M. Saudan s’excuse par avance de déposer une nouvelle résolution à Berne,
le but recherché ici étant surtout d’ouvrir le débat sur les problèmes de la caisse
maladie plutôt que d’arriver à une véritable solution. Pour rappel, la LAMal
est un train qui va de plus en plus vite sans que l’on ne parvienne à le freiner,
et ce d’autant plus que ce train est conduit par plusieurs personnes.
Ruth Dreifuss disait en effet qu’il y avait plusieurs pilotes à sa tête, ce qui
n’est pas sans poser nombre de problèmes. Lors d’une récente intervention de
Mme Baume-Schneider, la conseillère fédérale a elle-même avoué que la caisse
maladie allait continuer à coûter de plus en plus cher et que toutes les petites
mesures prises n’auront pas une si grande influence.
5/43
R 1022-A
À défaut de renverser complètement la table, il faut donc essayer de
chercher d’autres moyens de financement. Dans ce sens, on sait que les
personnes de plus de 65 ans représentent 45% des coûts effectifs de la LAMal,
une proportion qui va continuer à augmenter étant donné que l’OFS dit
qu’entre 2020 et 2030, les plus de 65 ans vont augmenter de 30%. On estime
ainsi qu’ils représenteront 2,7 millions de personnes d’ici 2050, soit un quart
de la population qui aura augmenté et tendra vers les 10 millions de personnes.
Au-delà de cela, garder les gens en bonne santé plus longtemps signifie
aussi que les gens sont de plus en plus atteints par certaines maladies. Par
exemple, la cause de cécité la plus importante chez les plus de 65 ans est la
dégénérescence maculaire qui touche plus d’une personne de plus de 65 ans
sur dix. Cette maladie se traite par des injections coûtant 1000 francs et devant
être faites toutes les trois semaines.
On peut imaginer que quand cette population représentera un quart de la
population nationale, les coûts exploseront en même temps. En parallèle, le
FDA vient d’accepter un traitement contre l’Alzheimer qui touche aussi une
personne sur dix de plus de 65 ans. Ce traitement coûtera plus de 30 000 dollars
par an et traduit des enjeux financiers autour du vieillissement de la population
avec des coûts de plus en plus importants, notamment dans le remboursement
des médicaments.
Il faut aussi rappeler que plus cette population vieillit, plus elle a tendance
à être hospitalisée, et cela s’est accentué durant les deux dernières années de
vie. Actuellement, puisque la nouvelle répartition de la participation cantonale
n’est pas encore en vigueur, les cantons paient 55% de ces factures, soit des
sommes considérables qui viennent se répercuter sur les impôts.
D’autre part, alors que la part de population qui bénéficie de subsides
d’assurance pour payer les primes augmente, l’entrée en vigueur potentielle de
la limitation des primes à 10% du revenu entraînera une part encore plus
importante de subventions déjà à charge de l’Etat. Le député ne peut pas
fournir de chiffres clairs en tant que tels sur les effets du système proposé par
sa résolution, mais note que, automatiquement, les coûts seraient moindres vu
qu’une grande part est payée par nos impôts.
L’intérêt de sortir la population des plus de 65 ans de la LAMal serait de la
financer d’une autre manière, avec un seul dirigeant pour cette caisse qui
pourrait beaucoup plus discuter des coûts des traitements. Une personne qui
représente 2,7 millions d’assurés aurait beaucoup plus de poids dans les
discussions avec les groupes pharmaceutiques par rapport à ce qui se passe
actuellement.
R 1022-A
6/43
Dans la deuxième invite, le député invite à penser à un financement comme
pour l’AVS, une idée déjà abordée il y a très longtemps par le conseiller
national Peter Tschopp avec une sorte d’AVS+ qui serait une solution pour ne
pas reprendre sur la TVA dès que l’on a besoin d’argent. Le député ne donne
pas non plus quelque chose de fixe par rapport à ce financement. Il s’agit
surtout d’ouvrir le débat afin d’envisager des solutions pour le système de santé
plutôt que de continuer comme cela avec un train qui va dérailler dans les
prochaines années.
Le président indique qu’une députée socialiste avait fait une proposition
similaire au Grand Conseil, proposition alors refusée par le parlement de
l’époque.
Un député MCG allait justement rappeler au député le projet du conseiller
national Tschopp qui avait fait grand bruit au moment de son dépôt, y compris
auprès des personnes âgées qui ne voulaient pas être mises dans un ghetto. Les
esprits ont désormais changé, et on pourrait imaginer un meilleur accueil pour
cette idée. Le député comprend que dans le système proposé par la résolution,
il faudrait augmenter le montant de la cotisation AVS pour les actifs.
M. Saudan répond qu’il s’agit de l’un des moyens de financement possibles
et qu’il faudrait le chiffrer. Concrètement, si on coupe la moitié des coûts
LAMal assumés par la population active dans une logique de solidarité, on
devrait automatiquement constater une réduction des primes de façon
drastique. En diminuant de façon drastique ces primes, on pourrait imaginer en
contrepartie une augmentation du financement par les cotisations sociales.
Il s’agirait en quelque sorte d’un pot commun qui permettrait de traiter les
gens plus tard dans leur vie. Il faut en tout cas trouver une solution. Le député
trouve dangereux d’aller vers un rationnement des soins, notamment car
différentes caisses maladie refusent de prendre en charge certains traitements.
Dans le cas de la dégénérescence maculaire, il faut indiquer qu’il existe un
autre traitement, pas introduit sur le marché, qui coûte trois fois moins cher. Il
est clair que si une seule personne décidait, ce médicament aurait été introduit
sur le marché. C’est là où réside le souci sur ces traitements, puisque même si
on pourrait imaginer une baisse des prix au fur et à mesure que le chiffre
d’affaires des entreprises augmente, cela ne se passe pas comme cela.
Le même député MCG se demande si le député pourrait rappeler le principe
d’AVS+.
M. Saudan n’en a malheureusement pas le souvenir. Sa mère est amie avec
l’épouse de M. Tschopp et lui a demandé si elle retrouvait quelque chose dans
les notes de son mari, mais rien n’a été retrouvé à ce stade.
7/43
R 1022-A
Une députée S voit quelque part une contradiction dans les arguments
donnés. Ce sont en effet les actifs qui assument par solidarités ces coûts pour
les personnes âgées. Or, si on met en place un système AVS, ce seront toujours
les actifs qui paieront, tout en prenant en charge un supplément de cotisation.
On ne va donc pas alléger la charge et on risque au contraire de péjorer un peu
plus les actifs.
M. Saudan répond que si on ôte la moitié des 60 milliards de francs que
coûte la population des plus de 65 ans, les primes diminueront nettement et on
ne paiera plus pour les personnes âgées. Actuellement, la prime payée chaque
mois couvre justement ces frais. S’il n’y a plus besoin de couvrir ces frais,
automatiquement, les primes des actifs diminueront de façon importante.
Après, un effet indirect par rapport aux populations de plus de 65 ans
permettra d’augmenter le pouvoir d’achat. Il s’agit quelque part d’une demimesure par rapport à la caisse unique d’Etat voulue par le parti socialiste en
l’appliquant uniquement à une partie de la population, tout en gardant les
mêmes principes.
Un député UDC fait partie de ceux qui pensent que l’on est obligé d’aller
vers un système de caisse unique, mais note qu’avec le système qui est ici
proposé, la facture en tant que telle restera la même, puisque l’on ne se penche
pas sur la diminution des coûts en tant que tels, qui seront juste payés
différemment. Le député se demande si, en retirant de la LAMal la population
plus âgée, cette caisse de l’Etat aura toujours les mêmes prestations que pour
les assurés LAMal, au risque d’arriver à des coûts pas possibles.
M. Saudan pense que cet aspect est fondamental et que la solution proposée
vise justement à garder des prestations similaires à ce que l’on a maintenant. Il
est évident qu’il faudra faire certains choix et que quelqu’un devra les édicter
à un moment, avec la possibilité pour la population de se prononcer dessus. Il
n’est en tout cas pas possible de perdurer avec le système actuel qui ne
fonctionne pas, notamment du fait qu’il y ait plusieurs personnes à sa tête et
que cela rende compliquée l’entente avec les lobbys. Tout le monde se renvoie
la faute et il n’y a pas de concertation globale. Si un seul acteur dirigeait le
système, il pourrait siffler la fin du match et permettre d’arriver à des solutions
de rationalisation sur les hôpitaux, les traitements ou encore les médecins.
Un député PLR note qu’il s’opposerait à cette résolution telle quelle. Il
pense qu’il ne faut pas être fataliste et que même si l’on n’y est pas arrivés
auparavant, on doit parvenir à maîtriser les coûts des prestations de soins. Si
on prend l’augmentation annuelle des coûts à charge de la LAMal, en termes
de pourcentage, les plus de 65 ans représentent entre 15% et 25% de
l’augmentation.
R 1022-A
8/43
Concrètement, quand les coûts augmentent de 4%, 1% est imputable au
vieillissement de la population. D’autre part, environ 20% des actes médicaux
sont superflus. Cela n’est pas en tant que telle la responsabilité du médecin,
mais plutôt d’une mauvaise incitation du paiement à l’acte et d’une
fragmentation du système des soins, le tout avec une mauvaise capacité à
réformer et avec des intérêts qui s’entrechoquent.
Certains acteurs du système ne veulent justement pas du tout réformer le
système, alors même que des modalités existent pour faire autrement. Il est
dommage de ne pas profiter de ces modalités. Il faudrait peut-être, pour la
population où il y a le plus de maladies chroniques et d’hospitalisations,
envisager un financement par capitation, ce qui serait le plus bénéfique pour le
patient, mais aussi pour la maîtrise des frais médicaux. Il s’agit de patients pour
lesquels le médecin de premier recours joue un rôle important, et dans ce cadre,
on ne devrait pas seulement avoir un assureur qui négocie les primes et les
prestations, mais un système où l’on mettrait en place la responsabilité
médicale sur la santé de la population concernée.
Le député se demande si le premier signataire serait favorable à ne pas
simplement changer le modèle d’assurance, mais plutôt à changer le système
de soins. D’autres ont essayé d’aller vers cela en Suisse et on irait vers quelque
chose de politiquement plus fort. Il s’agirait non plus d’avoir une caisse unique
pour les personnes âgées, mais plutôt de trouver un système moins mauvais.
En conclusion, il précise que sur les deux dernières années, les coûts ont certes
augmenté, mais pour toutes les tranches d’âge.
M. Saudan répond que l’on pourrait effectivement affiner les choses sur
cette tranche de la population en intégrant un modèle de capitation, même si
cette idée reste assez contestée. Le modèle de Kaiser Permanente, qui est cher
au cœur du groupe Genolier, pose clairement quelques soucis, avec des
limitations sur la psychiatrie. Cela peut poser des problèmes par rapport au fait
de savoir si on fait vraiment les investigations ou non. Le système pourrait être
bon si l’Etat le gérait, mais avec une société privée, on tend plutôt vers des
économies. Sur l’augmentation des coûts, s’il est vrai que la population des
65% représente un quart, le pactole est démultiplicateur, puisque les
traitements augmentent encore. Il faut par exemple regarder l’explosion du
traitement contre la dégénérescence maculaire qui est le traitement qui coûte
le plus cher dans le remboursement LAMal actuellement.
Un autre député PLR note que le texte parle de changer le financement,
mais se demande si, au final, on n’en oublie pas la question des coûts au profit
de la répartition de la charge. Les coûts ne baisseront pas avec cette proposition
et le prix des médicaments va rester le même.
9/43
R 1022-A
M. Saudan répond que quand une seule entité représente 2,7 millions de
personnes, la discussion avec les assureurs n’est plus la même et les leviers
deviennent beaucoup plus importants. On sait de toute façon qu’avec les
innovations technologiques, les coûts vont augmenter. Cela fait maintenant
vingt ans que l’on essaie de travailler sur les coûts, sans succès. On peut encore
continuer cet effort avec peu de chances de succès ou bien penser à limiter la
charge sur la partie de la population qui paie. Le député rejoint son collègue
PLR sur le fait qu’aller dans un système par capitation pour cette partie de la
population serait une solution plus pertinente par rapport au débat qu’on peut
ouvrir.
Le même député PLR comprend qu’il est ici proposé de changer la
répartition de la charge, mais maintient que cela ne résout pas le problème de
l’augmentation des coûts, qui ne peut que continuer à augmenter. D’autre part,
dans sa compréhension, l’objectif est de décharger les classes actives en faisant
sortir du système LAMal les gens de plus de 65 ans. Or, parmi ce groupe,
certaines personnes sont aussi solidaires et ont une fortune qui leur permet de
payer des primes élevées.
En sortant ces gens du système LAMal, on va certes sortir une partie des
coûts, mais aussi une partie des personnes qui sont en mesure de payer et dont
on ne bénéficiera plus de la contribution. En contrepartie, on aura une
augmentation des coûts de l’Etat avec une hausse des impôts ou des charges
sociales. S’il est probable que les primes baissent, l’augmentation des charges
sociales demandera aux personnes actives d’être ponctionnées encore plus
pour assumer les coûts des personnes à l’AVS. On peut se questionner sur cette
solution proposée alors qu’il faudrait se concentrer sur le système de santé dans
sa structure et son organisation pour être plus efficient et maintenir les coûts.
M. Saudan répond que sur la question du financement, il n’a pas de solution
miracle, même si on pourrait imaginer, par rapport à l’état de fortune et le
revenu, une franchise plus élevée que pour quelqu’un qui est sans fortune et
sans revenu. Cela permettrait de limiter un peu les coûts pour cette population.
Il faudrait évidemment plus de chiffres, mais si on regarde les données
actuelles, entre l’hospitalisation et les subventions, on arriverait à un
pourcentage déjà élevé des prestations qui est payé par l’impôt. Finalement, la
somme à reverser pour cette population ne serait peut-être pas aussi
conséquente que cela, même s’il faut faire des calculs plus poussés. Le député
pense surtout à la personne qui pourra entamer des discussions par rapport aux
traitements ou au financement. En limitant l’acteur, on va permettre de
diminuer les coûts des traitements, puisqu’une part importante relève du coût
des traitements plus que d’un mauvais incitatif. Là-dessus, il y a des
discussions à avoir.
R 1022-A
10/43
Par rapport aux charges sociales, cela les augmenterait un peu. On serait en
tout cas à moins de 30 milliards de francs, puisque beaucoup de choses sont
déjà payées. Il faudrait voir ce que cela représenterait par rapport à l’économie
qui serait faite sur les primes.
Il va de soi que si les primes sont moins chères, il y a toutes les subventions
données à la population active qui pourraient disparaître en grande partie. Ce
sont un peu des flux qui se mélangent, même s’il faudrait chiffrer ces
économies potentielles. Il faut en tout cas ouvrir le débat et ne pas être fataliste
sur le prix des choses.
Le système LAMal a à son avantage de proposer un traitement adéquat à
tout le monde, et il est important de maintenir ces standards alors que
l’évolution actuelle des discussions avec les caisses maladie pousse vers un
rationnement des soins. Dans la nouvelle répartition sur l’hospitalier, on va
encore donner un cadeau de 10 milliards de francs aux assurances-maladie
qu’elles géreront elles-mêmes, avec l’opacité qu’on leur connaît, pendant que
les primes augmentent nettement plus que les coûts. Le coût réel de
l’augmentation de la prime par rapport au salaire moyen n’est pas aussi
catastrophique que ce qui est pratiqué actuellement.
Un député MCG soutient personnellement cette résolution qui permet de
lancer un débat utile et nécessaire, mais note que le coût de vieillissement ne
porte pas que sur la santé, mais aussi sur les infrastructures comme les EMS,
où si les assurances et certains pensionnaires paient une partie des coûts, la
participation de l’Etat reste très conséquente.
Le député se demande s’il ne faudrait pas intégrer cela dans une réflexion
globale sur un organisme de financement plus général sur le vieillissement.
C’était ici un peu l’idée du conseiller national Tschopp avec le fait de dire que
le coût du vieillissement, que ce soient les assurances ou les EMS, devrait être
pris de manière globale.
Malheureusement, son idée n’avait pas été écoutée à l’époque. D’autre part,
si on parle du troisième âge, il faut aussi penser au quatrième âge, avec des
gens de plus de 80 ans qui ont des problèmes de santé encore plus importants,
ce qui nécessite peut-être d’aller vers une classe plus restreinte que celle de
l’AVS qui permettrait de mieux gérer le risque pour faire des choses plus fines.
M. Saudan partage le constat sur le défi du financement des EMS, en
particulier à Genève où l’on a pris du retard sur cela et où il faudra mettre en
place des moyens très importants. Sur la question des tranches d’âge, cela
simplifie un peu les discussions de parler d’AVS, mais il est clair qu’il faudrait
affiner un peu cette répartition des coûts et voir la tranche d’âge la plus
adéquate à sortir du système. Le but reste une fois encore d’ouvrir la discussion
11/43
R 1022-A
et le député n’est pas fermé à arriver à des évolutions du texte. Les Chambres
fédérales en feront de toute façon ce qu’elles veulent, mais il n’est pas
inadéquat de remettre cette question sur la table au vu de la situation actuelle.
Un député S a quelques doutes sur le fait de réduire la population solidaire
et rappelle que le projet du parti socialiste a l’avantage de porter sur l’ensemble
de la population. Sur la question des médicaments, il faut rappeler comment
SwissMedic fonctionne.
Laurence Fehlmann-Rielle a plusieurs fois posé la question à Berne et la
réponse a toujours été la même, à savoir que les groupes pharmaceutiques ne
présentent pas de projets. Or, sur la dégénérescence maculaire, des traitements
bien moins onéreux existent pour le même effet. Il y a là un vrai combat à
mener. Le député reçoit lui-même des injections et son assurance est
intervenue auprès de son ophtalmologue pour lui interdire de lui injecter le
traitement moins onéreux alors que dans le monde entier, on fait différemment.
Cela est d’autant plus absurde que l’on peut trouver ce même traitement deux
fois moins cher de l’autre côté de la frontière.
Malgré cela, l’OFSP dit qu’il ne peut rien faire, puisque les groupes
pharmaceutiques n’ont pas proposé d’introduire ces traitements en Suisse. Cela
veut dire que ce sont eux qui font les prix. Il y a donc de vraies solutions pour
diminuer le coût des traitements, et si on veut isoler une partie de la population,
il faudra aussi être ferme sur le prix des traitements, ce sans quoi il n’y aura
aucune initiative pour les groupes pharmaceutiques à faire un effort sur une
caisse d’Etat.
M. Saudan répond qu’à un moment, on se rend compte que les choses ne
bougent pas tellement dans ces situations. Il est en tout cas clair que pour ces
traitements, que ce soit ceux pour la dégénérescence maculaire ou d’autres, on
a des solutions qui existent, par exemple pour des comprimés qui sont sécables
et qu’on pourrait vendre à plus bas prix en vendant de plus faibles quantités. Il
y aurait là aussi des sources d’économies importantes pour le système de santé.
Le président revient sur la proposition de M. Tschopp qui, dans les grandes
lignes, proposait un financement mixte et conjoint sollicitant les apports des
entités publiques, des institutions de prévoyance professionnelle et des
personnes âgées prises en charge. En l’absence d’autres demandes de prise de
parole, le président souhaite savoir quelles suites la commission veut donner à
ce texte. Il lui a semblé qu’une proposition de modification du texte entre un
député PLR et M. Saudan était sur la table.
Ce député PLR aimerait à ce stade entendre Mme Stéfanie Monod, qui dirige
le département épidémiologie et systèmes de santé à UniSanté et qui est la
personne en Suisse la plus affutée sur la question de notre système de santé
R 1022-A
12/43
actuel et ses limites. Il serait intéressant de pouvoir bénéficier de son éclairage
sur ces considérations, notamment si on s’oriente vers un AVS+ avec quelque
chose qui ressemblerait à un système par capitation.
Un député S note que la commission peut soit se questionner sur le
fonctionnement du système de santé dans son ensemble, avec capitation ou
non, soit prendre le temps de recevoir quelqu’un qui connaît très bien le
système. D’autre part, le député note qu’une autre résolution a déjà été envoyée
à Berne sur la question d’une caisse unique et qu’il serait curieux d’envoyer
aussi vite une nouvelle résolution sans même avoir eu un retour de Berne sur
la précédente.
Le député propose également d’entendre MM. Beat Bürgenmeier et Hans
Stalder qui ont récemment écrit un livre proposant des pistes de réorganisation
du système de santé.
Un autre député PLR rappelle qu’il ne faut pas penser qu’il ne se passe rien
à Berne et que personne ne fait rien. On devrait écouter l’OFSP pour
comprendre aussi les actions entreprises, en particulier les actions votées dans
le deuxième paquet pour limiter l’augmentation des coûts afin que tout le
monde soit au clair sur les actions mises en place ainsi que sur celles qui vont
l’être pour aller vers une maîtrise des coûts. D’autre part, le député pense qu’il
faudrait entendre Santé Suisse ou Curafutura. Beaucoup de reproches sont faits
aux assurances et il serait intéressant de comprendre quelles sont leurs
limitations dans le cadre qui est le leur. Si on s’adresse à Berne et aux
Chambres, il est important de comprendre ce que les assurances peuvent faire
ou non. Cela permettrait d’aller vers une résolution plus précise qui demande
quelque chose de plus réaliste. On risque sans cela, et malgré de bonnes
intentions, d’avoir des postulations erronées. Avec ces informations, la
résolution pourrait aussi évoluer vers un changement dans ces limitations.
Le président prend acte des demandes d’audition de Mme Stéfanie Monod,
de l’OFSP, de MM. Stalder et Bürgenmeier ainsi que de Santé Suisse et
Curafutura, probablement séparément.
Séance du vendredi 20 septembre 2024
Audition des Professeurs Beat Bürgenmeier et Hans Stalder, auteurs de
« Pour une réforme du système de santé suisse »
M. Bürgenmeier a pris connaissance des propositions qui lui semblent très
intéressantes. Au fond, cette résolution montre bien qu’il y a une nécessité
d’agir. La question est cependant de savoir comment.
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R 1022-A
Il comprend que la commission souhaite utiliser son droit de proposition
devant les Chambres fédérales pour déclencher un débat. Il trouve que cela est
une très bonne idée, car il est important de discuter autrement qu’en termes de
coûts, de réduction de coûts et d’explosion des primes d’assurance-maladie. Il
est nécessaire de lancer un débat politique qui va dans le fond et qui traite des
problèmes structurels du système genevois de santé. La proposition que
M. Stalder et lui-même ont faite dans leur livre est de réformer et détourner
l’attention du politique. Il n’est pas uniquement question de coûts et il est
nécessaire de remettre le patient au centre. Pour cette raison, il trouve la
proposition de la commission très utile.
M. Stalder éprouve de la sympathie pour la caisse unique. Il ne cache pas
qu’avant la votation fédérale, il avait participé à la conférence de presse des
médecins pour la caisse unique. Il trouve très bien que la R 1022 pointe qu’il
y a un problème avec les personnes âgées et le système de santé.
M. Stalder lit l’exposé des motifs, qui dit que les coûts ont augmenté, et ce
en lien avec le vieillissement de la population et les soins nécessaires aux
personnes âgées. Cela n’est pas tout à fait vrai : en effet, selon l’OFAS,
seulement 11% de l’augmentation des coûts sont dus au vieillissement. 89%
de l’augmentation des frais ne sont donc pas dus aux personnes âgées, mais à
la population entière, qui utilise en général plus le système de santé. Il est vrai
cependant que les personnes âgées coûtent trois à quatre fois plus qu’une
personne plus jeune. En effet, elles accumulent pendant leur vie des maladies
et deviennent polymorbides.
M. Stalder relève que dernièrement, l’OBSAN a constaté que 22% de la
population ne consulte pas à cause de problèmes financiers. Concernant les
plus défavorisés, pratiquement la moitié ne consulte pas. Une étude du Bus
Santé avait également constaté cela : ce sont les plus pauvres et les
polymorbides qui ne consultent pas. Il explique cela par la franchise de
l’assurance-maladie et par l’obligation de participation aux frais à hauteur de
10% jusqu’à 700 F. Il trouverait intéressant d’affranchir la franchise ainsi que
la barrière des 700 F pour les personnes âgées. Cela aurait pour conséquence
une augmentation des consultations, notamment préventives et des maladies
chroniques, mais en parallèle une diminution des hospitalisations et des visites
aux urgences. Il ajoute que cela n’augmenterait pas les frais pour les personnes
âgées.
M. Bürgenmeier enchaine sur le 2e paragraphe de l’exposé des motifs. Il
indique qu’il y a une étude qui détermine et s’interroge sur l’évolution des
coûts du système de santé en Suisse jusqu’en 2030, qui date d’une quinzaine
d’années. Il met en garde, car il n’est pas possible d’avoir des prévisions
exactes. Il est cependant très clair que le vieillissement ne contribue pas, ou
R 1022-A
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alors relativement modestement, à l’augmentation des coûts du système de
santé.
M. Bürgenmeier remarque ensuite qu’il est mentionné dans le texte de la
résolution, au dernier paragraphe, que l’augmentation des primes de
l’assurance-maladie est difficilement supportable pour la classe d’âge de plus
de 65 ans, qui équivaut à 29% des revenus les plus bas. Ce qui se cache derrière
cela est la dépendance du revenu, et ce peu importe l’âge de l’assuré. Il rappelle
qu’une assurance sociale est basée sur des lois de probabilité : elle est au fond
pour tout le monde, peu importe le revenu et l’âge. Il regrette qu’il y ait une
tendance dans les débats politiques à singulariser un groupe de personnes et à
dire qu’il faut aider les plus démunis. Cela est contre la logique d’une
assurance sociale.
M. Bürgenmeier estime que la proposition est plausible, mais qu’il prend
plutôt cela comme une piste de débat. En faisant une résolution, la commission
engage le canton pour qu’il se lance dans une initiative qui portera la discussion
au niveau fédéral. Il trouverait cela salutaire. Le fait de lier cela à l’AVS lui
semble aussi pertinent. En effet, à un moment donné, l’assurance-maladie
s’arrête pour les personnes âgées, car il s’agit alors de soins à la personne et de
prestations de prise en charge.
Aujourd’hui, le curseur de cet arrêt n’est pas toujours clair et il y a un vide
juridique. Un patient ayant un col du fémur cassé et qui doit faire de la
physiothérapie se voit prolonger la prise en charge par la LAMal. Cependant,
au bout d’un moment, les problèmes chroniques et polymorbides deviennent
prédominants. La loi ne mentionne pas qui prend cela en charge : la LAMal,
les services sociaux ou l’AVS. Il est nécessaire de clarifier la question du
financement de ces soins pour les personnes âgées. Il relève que plusieurs
possibilités existent. En Suisse, cela est du ressort des cantons, ce qui fait que
certains font mieux que d’autres. Il relève que le problème est également posé
au niveau international. Les Belges ont d’ailleurs créé une nouvelle assurance
de soins aux personnes pour des prestations qui ne sont pas ou partiellement
couvertes par la LAMal.
Une députée S demande comment il envisagerait le financement de ces
soins.
M. Bürgenmeier évoque la création d’une nouvelle assurance sociale, de
type AVS, qui s’occuperait de ce genre de problèmes. Le financement
reviendrait au contribuable. Il pense que le débat aux Chambres fédérales
concernant le financement est biaisé par une fixation sur l’austérité et les
économies.
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Un député PLR souligne qu’il est ici question de modification du
financement. Il demande ce qu’il en est de l’allocation des ressources :
comment sont-elles allouées et comment les médecins sont-ils payés ? Il
demande s’il faudrait changer de modèle d’allocation.
M. Stalder répond qu’il y a plusieurs possibilités de paiement. Le personnel
soignant peut être employé, par exemple par l’hôpital, ce qui a des avantages
et des désavantages. Il y a ensuite l’ambulatoire, où il est possible de payer par
l’acte, avec le système TARMED. Cependant, le premier désavantage de ce
dernier est qu’il doit souvent être renouvelé. Le deuxième est qu’il pourrait
inciter à augmenter les actes, et il s’agit probablement là d’un des problèmes
liés à l’augmentation des coûts de santé. Une troisième possibilité serait de
payer par forfait, ce qui permet de comparer un hôpital à un autre, mais cela
augmenterait la bureaucratie de façon incroyable.
La dernière solution est la capitation : le personnel soignant est payé par
rapport au nombre de malades qu’il soigne. C’est cela que M. Bürgenmeier et
lui-même proposent comme solution pour l’ambulatoire, mais aussi pour les
examens spécialisés, les soins à domicile et hospitaliers. Cela peut paraître
utopique, mais s’il y a un désir de centrer les soins sur le patient, il est alors
nécessaire de « payer » le patient, et non son diagnostic. Il admet cependant
que la capitation pourrait entraîner le médecin à envoyer ses patients
rapidement chez des spécialistes, il est donc nécessaire qu’il y ait un contrôle
de qualité très sophistiqué.
M. Bürgenmeier précise, par rapport à l’intervention de la députée S, qu’il
y a une distinction entre le financement des assurances-maladie et celui des
prestations. La question du député PLR allait dans le sens du financement des
prestations, et celle de la députée S dans le sens du financement des assurancesmaladie. Dans le deuxième cas, beaucoup de questions peuvent se poser, et il
rappelle que le souverain s’est déjà prononcé deux fois à ce sujet.
Il ne pense pas qu’il soit très opportun de revenir en permanence sur cette
question. Le sujet important ici est la mise en place d’une réforme en
profondeur du système de santé, et il répète que la capitation lui parait la plus
adaptée. Il souhaiterait mettre en place des essais pilotes. Il informe que dans
le canton de Genève, certains médecins tentent déjà l’expérience.
Un autre député PLR est d’accord avec cette réforme. Il soulève que le
système aujourd’hui est pénalisant pour la majeure partie des personnes
arrivant à l’AVS, la plupart d’entre elles ayant un système d’assurance
marchant par palier : plus ces derniers sont franchis, plus l’assurance est
coûteuse.
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Aujourd’hui, quelques compagnies d’assurance ne tarifient pas par palier,
mais en fonction de l’âge d’entrée de l’assuré. Si une personne souscrit à une
assurance à l’âge de 35 ans, elle paiera ce tarif toute sa vie. Cela est cependant
préjudiciable pour les personnes plus âgées et permet aussi l’évolution des
coûts du tourisme d’assurance. Il explique qu’il s’agit du transfert de la LAMal
de base qui est estimé à 150 F par dossier.
Il existe également le transfert des complémentaires, qui va s’arrêter autour
des 50 ans de la personne. Il souhaiterait qu’il y ait un changement de modèle
afin d’éventuellement effectuer des économies sur le coût du tourisme
d’assurance. Il demande s’il ne serait pas plus fiable, pour les personnes âgées
entre 25 ans et la tranche de fin de vie, d’avoir un tarif d’assurance qui
fidéliserait les clients et qui éviterait le tourisme d’assurance, ce qui serait déjà
une source d’économies.
M. Stalder répond qu’il lui semble que ceci est seulement vrai pour
l’assurance complémentaire. Les cotisations pour l’assurance de base sont les
mêmes pour tous, sauf pour les enfants et les adolescents. Les cotisations
n’augmentent pas avec l’âge. En ce qui concernant la caisse unique, il est avéré
que les assurés changent constamment de caisse, ce qu’il trouve absurde, ces
dernières proposant toutes la même chose, à quelques aspects près.
Le président précise que plus d’un million de personnes changent
d’assurance de base chaque année, ce qui coûte 150 millions de F.
Un député UDC demande pourquoi le modèle de la SUVA n’est pas suivi,
celui-ci ne mettant pas de franchise aux personnes de plus de 65 ans.
Le président relève que les personnes de plus de 65 ans ne sont plus
assurées par la SUVA.
M. Stalder répond que la SUVA est effectivement un système de caisse
unique et que le système de la SUVA pourrait être suivi s’il est choisi d’opter
pour un modèle de caisse unique.
M. Bürgenmeier répond que la SUVA est une assurance sociale par
excellence. La caisse unique reprend exactement cette idée. Il s’agit cependant
d’une caisse très spécifique qui s’applique uniquement aux accidents
professionnels. Il trouve que les assurances sociales qui ciblent de manière très
restreinte leurs assurés ne sont pas vraiment des assurances sociales au sens
large, contrairement à l’AVS.
Un député MCG trouve que son idée concernant les maisons de santé est
intéressante, mais il lui semble cependant que le système actuel de la LAMal
rendrait cela difficile à mettre en place.
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M. Stalder soulève qu’il y a notamment une maison de santé à Onex, qui
fonctionne avec la LAMal, et qui regroupe des spécialistes, des infirmiers et
des physiothérapeutes. Le problème qui peut être rencontré avec la LAMal est
le partage des activités entre les médecins et les infirmiers, qui peuvent rendre
la facturation très compliquée. Il ajoute finalement que d’autres maisons de
santé sont créées à Genève.
M. Bürgenmeier relève que l’avantage est qu’un changement de loi n’est
pas nécessaire, et la LAMal permet ce genre d’expériences et invite les
autorités à faire des essais et à mettre en place des projets novateurs. Il est
imaginable que la maison de santé d’Onex puisse s’étoffer et inclure des
prestations à l’hôpital ainsi que des soins à domicile, par exemple. Il souhaite
personnellement avancer à tâtons. La LAMal permet également la capitation,
et il n’y a donc pas de grand débat qui engagerait des oppositions politiques.
Le même député MCG comprend que la LAMal permet beaucoup de
choses, mais que les démarches sont difficiles. Le système suisse est très
centralisé, mais sans le 2e et le 3e pilier, il serait problématique. Il soutient cette
résolution, mais craint qu’il y ait un trop grand développement du système
AVS, qui est centralisé.
Il pense aux modalités qui avaient été lancées par le projet Maillard d’avoir
une caisse de compensation qui reprendrait toutes les dépenses. Cette solution
permettrait de laisser la compétence au canton et de ne pas dépendre d’une
gestion fédérale. Il s’agit d’un dispositif assez astucieux, il se demande
cependant si la réflexion ne devrait pas se faire autour d’une décentralisation
au niveau du canton.
M. Bürgenmeier ne sait pas si une décentralisation serait un plus, mais
serait l’une des voies possibles. Si, dans sa résolution, la commission suggère
une nouvelle assurance de type AVS, il ne pense pas que cela aurait beaucoup
de succès, mais cela aurait le mérite de lancer le débat. Il rappelle qu’il y a
d’autres solutions, notamment la création d’une nouvelle assurance
uniquement pour des soins de longue durée.
M. Stalder précise qu’une assurance fédérale n’empêche pas une
organisation cantonale. C’est notamment le cas de l’AVS, qui est de la
compétence du canton. Il ne voit pas le problème d’une caisse unique fédérale
qui serait gérée au niveau cantonal.
Un député PLR a une question concernant la capitation. Des modèles de
capitation existaient déjà dans les années 90, mais ont été abandonnés dans les
années 2000. Il demande pourquoi il y a un souhait d’y retourner alors que ce
système a été abandonné il y a 20 ans.
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M. Stalder répond qu’il a raison de remettre en doute cette proposition. Il
n’a pas vraiment trouvé dans la littérature quelle serait la meilleure solution. Il
explique que la capitation serait un bon moyen d’empêcher la bureaucratie :
les médecins ainsi que les hôpitaux n’auraient plus besoin de gérer les factures,
ce qui est pour l’instant l’une des plus grandes problématiques du système de
santé. La capitation empêcherait donc une administration de la bureaucratie,
ce qui est un grand avantage.
M. Bürgenmeier ajoute que la bureaucratisation est une conséquence du
système TARMED, qui oblige les assurances à mieux vérifier les factures.
Dans le système actuel, les assurés ne comprennent pas ce qui leur est facturé,
ce qui donne un grand travail aux assurances et augmente les coûts. Leur
possibilité de profit est évidemment stimulée par le simple fait qu’il y ait une
augmentation du coût de la santé.
M. Bürgenmeier estime que cela était lié à un problème de qualité. Le
système de qualité interne à la médecine est fiable : il y a une surveillance et
une prise en charge par la corporation, qui est indispensable et assure la qualité
des soins. Cependant, cela est parfois insuffisant. Il ne faudrait pas seulement
avoir un système autorégulateur à l’interne, mais aussi un contrôle externe. Ce
qui lui tient à cœur est de promouvoir l’idée que les patients soient intégrés à
ce processus et qu’il est nécessaire de trouver des moyens pour rétablir le lien
entre les médecins et les patients ainsi que d’investir dans l’éducation de ces
derniers.
Discussion
Le président rappelle qu’il reste encore l’audition de la doctoresse Stéfanie
Monod, co-cheffe du Département épidémiologie et système de santé,
UniSanté, l’OFSP et Santé suisse. Il informe que Curafutura n’a pas souhaité
être auditionnée et a transmis à la commission sa position écrite. La
commission maintient donc les auditions à venir. Il ajoute qu’un amendement
d’une députée Ve a été reçu. Il propose à la commission de se pencher sur
celui-ci.
Amendement de la députée Ve :
– d’étudier, dans le cadre d’un projet pilote cantonal, la possibilité de sortir
les personnes au bénéfice de l’AVS du système des caisses maladie ;
– de prévoir pour cette catégorie de la population une couverture
d’assurance par une caisse maladie d’Etat financée en tout ou partie par
un système comparable à celui de l’AVS ;
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– de rémunérer les professionnel-le-s de santé en charge des patient-e-s
assuré-e-s par cette caisse via un système de capitation, encourageant la
coordination des soins, avec des systèmes de contrôle sanitaire et financier
parallèles
– d’instaurer un système de franchise et de quote-part qui soit abordable
pour les personnes au bénéfice de l’AVS
– d’étudier la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement
non pris en charge par l’assurance-maladie
Cependant, le président indique être inquiet par la modification apportée
au début qui demande une « expérience cantonale ». C’est le meilleur moyen
pour que la résolution soit refusée par l’Assemblée fédérale, qui répondra que
le canton de Genève n’a qu’à se débrouiller.
Séance du vendredi 11 octobre 2024
Audition de Mme la Professeure Stéfanie Monod, co-cheffe du
Département épidémiologie et systèmes de santé, UniSanté
Le président lui souhaite la bienvenue, la remercie d’avoir accepté leur
invitation et lui cède la parole.
Mme Monod remercie pour l’invitation et propose une présentation afin de
recontextualiser ses propos et donner son avis sur la résolution déposée. Elle
souligne l’importance du contexte actuel du système de soins et des finances
publiques à l’horizon 2050, qui nécessite des réformes importantes.
Elle commence en rappelant que l’histoire du système de santé suisse
débute en 1911 avec la première LAMA (Loi sur l’assurance-maladie et
accidents). En 1890, un vote populaire avait demandé à la Confédération de
garantir une protection financière contre la maladie et les accidents, aboutissant
à la création de la caisse nationale d’accidents, la SUVA, en 1912. Cependant,
la question de la maladie était déjà au centre des débats en 1911.
La Suisse a progressivement développé un système où la population paie
des primes d’assurance à des assureurs privés, déjà très présents à cette époque,
tandis que les prestataires de soins étaient les autres grands acteurs du système.
Ces deux acteurs — assureurs maladie privés et prestataires de soins — se sont
entendus dès le début pour fixer les prestations couvertes par la LAMA. La
LAMA et la LAMal (qui la remplace en 1995) fixent les grands principes du
système, mais n’interviennent que lorsque les deux parties (assureurs et
prestataires) ne parviennent pas à s’entendre.
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Au fil des décennies, chaque innovation et nouvelle mesure a été intégrée
au système de l’assurance-maladie, toujours en régulant les relations entre
assureurs et prestataires. La question des primes est débattue depuis 1911, et
les montants de participation aux frais ainsi que les subventions fédérales sont
en discussion depuis plus de 100 ans. Des commissions d’experts ont souvent
échoué dans leurs tentatives de révisions, jusqu’à la grande réforme de 1994
qui a introduit la solidarité et des mécanismes de maîtrise des coûts, bien que
les pressions sur les coûts remontent déjà aux années 1960.
Depuis l’instauration de la LAMal en 1995, la part des dépenses supportées
par les ménages a considérablement augmenté, que ce soit via les primes ou
les paiements directs, créant une forte pression sur la société. Une part
importante des dépenses est supportée par les ménages dans un système qui
reste peu régulé, car il repose sur l’accord entre les assureurs et les prestataires
de soins. Depuis 2000, la LAMal a tenté de contenir les coûts, passant de 40 à
98 pages, avec une multiplication des régulations, mais aussi des problèmes
liés à la bureaucratie.
Depuis 2000, plus de huit révisions de la LAMal ont eu lieu, mais
seulement deux ont fait l’objet de référendums, dont l’un qui sera soumis au
vote en novembre. Il y a eu peu de débats démocratiques, la plupart des
révisions étant principalement techniques.
Elle souligne que le modèle unique de l’assurance-maladie semble arriver
à bout, surtout face aux défis sans précédent qui se profilent à l’horizon 2050,
notamment la croissance démographique et le vieillissement de la population.
La maîtrise des coûts est un autre enjeu, tout comme la forte dépendance de
Genève et d’autres régions sur des professionnels de santé étrangers.
D’ici 2040, selon les scénarios démographiques, la demande pour les soins
de longue durée, les logements protégés et les soins à domicile ou en
institutions de longue durée augmentera de 55%. Cela nécessitera une
expansion significative des infrastructures, notamment en EMS. La situation
varie selon les cantons, mais les cantons romands auront du mal à construire
l’infrastructure nécessaire.
Elle parle aussi du vieillissement de la population et du fait que le nombre
de personnes actives par rapport aux retraités est en baisse. À Genève, le ratio
reste relativement bon, mais dans des régions comme le Tessin et les Grisons,
il diminue fortement. En 1990, il y avait une personne de plus de 65 ans pour
cinq actifs ; en 2019, c’était un pour quatre, et ce chiffre pourrait tomber à un
pour trois, voire un pour deux en Suisse d’ici 2040.
Elle rappelle que cette situation met en danger la viabilité du système
actuel. De plus, les prévisions du Département fédéral des finances de mars
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2024 montrent que la transition climatique et le vieillissement pèseront sur les
finances publiques. La baisse des recettes fiscales, notamment à cause de la
diminution de l’usage des énergies fossiles et la réduction du nombre de
contribuables actifs, ainsi que l’augmentation des dépenses liées aux soins de
longue durée poseront des défis majeurs.
Elle conclut qu’il ne s’agit pas seulement d’un problème de démographie,
mais d’un besoin de réformes structurelles. Depuis 1911, la Suisse n’a pas
véritablement développé de politique de santé nationale. Elle plaide pour une
politique intersectorielle, avec un rôle renforcé de la Confédération et une
réflexion sur l’approvisionnement médical, les infrastructures et la
gouvernance des données de santé. Elle soutient que le système de santé doit
être repensé en accord avec les priorités et les objectifs à long terme.
Elle juge la réforme actuelle positive dans son idée, bien que non parfaite.
Elle estime qu’il est de plus en plus difficile de travailler avec la LAMal dans
son état actuel pour répondre aux enjeux de santé. Il faut aligner les questions
de financement avec les priorités politiques, notamment en matière
d’investissements dans les soins primaires et de longue durée. La réforme
permettrait aussi un débat démocratique plus ouvert et offrirait la possibilité de
mieux arbitrer les dépenses, tout en soulageant les primes des ménages.
Enfin, elle rappelle que bien que la réforme ne mènera jamais à un système
totalement public, elle permettrait une meilleure cohabitation entre le secteur
public et privé. Elle signale également la nécessité de penser au-delà de l’âge
de la retraite pour organiser les soins et appelle à éviter les effets de seuils qui
compliqueraient la transition entre différents régimes de soins. Finalement,
toute réforme du financement par l’Etat devra aussi s’accompagner d’une
réflexion sur la répartition des charges et la péréquation financière au niveau
national.
Le président mentionne une diapositive qui propose d’établir une vraie
politique de santé au niveau national. Il demande, si elle rejoint en cela les
propositions faites par l’Académie suisse des sciences médicales. Cette
proposition vise à créer une loi fédérale sur la santé afin de ne plus se
concentrer uniquement sur les coûts, mais également sur la prévention.
Mme Monod répond par l’affirmative. Elle note qu’elle a travaillé pour
l’Académie suisse des sciences médicales et pour ce projet.
Un député PLR la remercie pour sa présentation et pose trois questions. La
première porte sur la question générale du financement : comment les
ressources sont-elles allouées et comment les prestations sont-elles payées,
ainsi que les raisons derrière ces choix ? Il s’interroge ensuite sur la proposition
d’amendement visant à instaurer un mode de financement par capitation. Il
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soulève la question du copaiement et de la franchise, rappelant que des experts
auditionnés ont souligné que ces mécanismes augmentent les barrières à
l’accès aux soins sans réellement faire baisser les coûts, et demande son avis
sur la hausse envisagée de la franchise minimale par le Conseil fédéral. Il
questionne aussi la pertinence de l’article 32 de la LAMal qui impose
l’économicité des actes médicaux, en citant des études selon lesquelles 20%
des actes seraient superflus.
Mme Monod note qu’il critique le financement à l’acte et explique que ce
mode de fonctionnement est inhérent à la LAMal actuelle, où les prestataires
sont contraints de trouver des mécanismes de financement homogènes. Cela a
donné lieu à des effets comme ceux observés avec TARMED, qui est
aujourd’hui critiqué. Cependant, elle estime que la capitation n’est pas non plus
une solution. Le financement doit être repensé en fonction des prestations
attendues. Par exemple, pour les soins de première ligne, une capitation simple
ne serait peut-être pas suffisante pour motiver les médecins à effectuer des
soins à domicile s’ils ne sont pas rémunérés à l’acte. Certains pays ont mis en
place des modèles mixtes, avec une base de capitation et des bonus pour
certaines prestations spécifiques.
En ce qui concerne les franchises, elle reconnaît qu’elles sont un frein à la
consultation, au point que la Suisse critique parfois la France pour ses déserts
médicaux ou l’Angleterre pour les longues attentes. Trois facteurs peuvent
restreindre l’accès aux soins, et en Suisse, c’est la restriction financière qui
joue un rôle majeur. Près de 20% de la population suisse renonce aux soins
pour des raisons financières, un chiffre qui monte à 28%-30% chez les
personnes âgées ou les populations précaires. Certains économistes estiment
que le système de copaiement régule et responsabilise, mais elle ne s’aventure
pas sur ce terrain.
Elle salue l’existence de l’article 32, qui inclut une dimension de qualité.
Cependant, elle note qu’en Suisse, lorsqu’on autorise la mise sur le marché
d’un médicament, on se concentre encore essentiellement sur son efficacité
technique, alors que d’autres pays intègrent également des dimensions comme
les bénéfices sociétaux, l’accessibilité ou l’impact environnemental. En Suisse,
il n’existe pas d’organe d’arbitrage pour ces questions, ce qui crée un retard
dans le système. Bien qu’un médicament puisse être techniquement efficace,
son bénéfice sociétal n’est souvent pas analysé en Suisse.
Un autre député PLR évoque la création de l’AVS et souligne que le
système actuel, notamment en ce qui concerne les EMS, repose davantage sur
l’âge d’entrée dans le système, comme l’âge de la retraite, alors que les
personnes de 65 ans ne sont pas nécessairement en situation de médicalisation
ou de besoin. Selon lui, le critère ne devrait pas simplement être l’âge, mais
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plutôt le moment où cela devient pertinent d’entrer dans le système, « à partir »
d’un certain âge ou selon des besoins spécifiques. Il établit un parallèle avec
l’origine de la SUVA, qui a été mise en place pour protéger les populations
vulnérables face aux risques, et pense que cette approche pourrait également
s’appliquer ici, en veillant à protéger ces groupes vulnérables de manière plus
ciblée.
Mme Monod est d’accord sur la pertinence de l’idée, notamment parce que
l’âge seul ne constitue pas un critère suffisant et n’a pas une signification claire
en soi. Elle soutient l’idée de mettre en place une caisse publique qui couvrirait
les soins de longue durée, à domicile ou en EMS, dès que la personne entre
dans cette catégorie de prestations. Cela devrait s’inscrire dans une stratégie
cantonale plus large pour organiser l’intégration de ces dimensions, en prenant
en compte des facteurs spécifiques. Les personnes resteraient assurées par la
LAMal pour les hospitalisations ou les médicaments. Elle cite des exemples,
comme les Pays-Bas, qui montrent comment un système d’assurance peut
cohabiter en couvrant les risques non avérés, tout en prenant en charge les
consommateurs de soins de longue durée, une fois le risque avéré. Cela offrirait
l’opportunité de lier une politique de santé cantonale à une assurance couvrant
les besoins réels, de manière plus adaptée et ciblée.
Mme Monod reconnaît que le modèle proposé est probablement plus
efficace, mais sa mise en œuvre serait plus complexe à faire adopter au niveau
parlementaire. Elle suggère qu’il pourrait être préférable d’adopter une
approche proactive, même si cela implique de bousculer certaines idées, pour
provoquer ce débat nécessaire.
Un autre député PLR soulève une question sur le financement prévu dans
la résolution, qui propose un modèle similaire à l’AVS, ce qui impliquerait un
transfert de charges, actuellement réparties sur l’ensemble de la population,
vers un financement principalement pris en charge par les actifs. Cela le
surprend, surtout face aux nombreux défis actuels, et il aurait souhaité
connaître son opinion sur ce transfert de charges, qui ne semble pas forcément
corrélé au fait d’être affilié à la LAMal ou non. Il imagine un pilotage différent
pour certaines parties de la population, en fonction de leurs besoins en matière
de santé, mais la proposition de transfert de coûts représente, selon lui, une
deuxième étape importante à discuter.
Mme Monod n’est pas certaine que son avis ait beaucoup de valeur sur cette
question, car cela ouvre un vaste débat sur la manière de financer le système,
que ce soit par l’assurance ou par l’impôt. Elle pense que c’est un sujet qui
mérite d’être approfondi pour mieux comprendre son impact. Cependant, elle
trouve qu’il serait dommage de bouleverser la discussion en introduisant cette
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question à ce stade, car des aspects plus techniques ne peuvent pas encore être
bien calibrés dans le cadre d’une telle résolution.
Un député LJS souhaite revenir sur la question de l’âge AVS, reconnaissant
qu’il est important de définir un axe clair. Cependant, il estime que cela
pourrait créer une fracture avec les malades chroniques de moins de 65 ans qui
ont également besoin de soins, mais qui risqueraient de se retrouver en dehors
du système. Il évoque également les coûts hospitaliers liés à cette tranche
d’âge, sachant que les soins pour ces patients sont coûteux et représentent une
part importante des dépenses de la LAMal.
Mme Monod souligne que le système coûtera extrêmement cher si l’on
prend en charge uniquement ceux qui sont gravement malades. Elle cite
l’exemple des Pays-Bas, où le financement des prestations permet de prendre
en charge des personnes âgées de 40 à 50 ans ayant un handicap ou d’autres
difficultés. Elle estime qu’il serait judicieux d’associer les prestataires de soins
et une certaine organisation territoriale au projet de financement pour mieux
structurer le système et en répartir les coûts.
Un député UDC se demande si l’ouverture d’un débat démocratique au
niveau parlementaire, avec une résolution genevoise, est réellement pertinente.
Il craint que cette résolution soit balayée par les Chambres fédérales, qui
travaillent déjà sur une refonte du système depuis longtemps. Il s’interroge sur
l’impact réel de cette résolution, se demandant si elle ne risque pas simplement
d’être annexée aux discussions sur le financement, surtout dans un contexte où
le pouvoir d’achat diminue et où les actifs supportent une grande partie des
charges. Il suggère que les fédérations du domaine de la santé, qui ont plus
d’influence, seraient peut-être mieux placées pour faire entendre ces
préoccupations plutôt qu’une résolution genevoise noyée parmi des dizaines
d’autres souvent rejetées.
Mme Monod estime que si une prise de position plus large, incluant d’autres
cantons, est adoptée, cela renforcera la résolution genevoise. Concernant le
financement en dehors du cadre de la LAMal, avec des règles mieux définies,
elle pense qu’il serait possible de mieux maîtriser les coûts, car cela permettrait
d’introduire des exigences de performance et de lier le financement aux
résultats de la prise en charge. Le problème actuel avec la LAMal est
qu’aucune instance n’a la légitimité de contester les accords entre assureurs et
prestataires de soins ni les décisions d’admission de médicaments, notamment
en oncologie, où les bénéfices se mesurent parfois en semaines, alors que les
coûts explosent. Elle souligne que si un système tarifaire ou un mécanisme
d’arbitrage n’est pas mis en place, les décisions fédérales, souvent arbitraires
et non fondées sur des preuves, continueront d’être imposées.
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R 1022-A
Elle croit que des systèmes comme celui proposé pourraient mieux
contrôler les coûts et constituer un investissement plus judicieux. Elle ne voit
rien à attendre des faîtières, car ce n’est pas leur rôle ni leur mandat de réformer
le système de santé. Seule la politique, avec une mobilisation plus large, peut
faire avancer les choses. C’est pour cela qu’elle considère que même une
résolution genevoise, bien qu’isolée, est utile pour susciter le débat, mais que
l’implication d’autres cantons pourrait encore en amplifier l’impact.
Un député PLR souligne qu’en ce moment, on discute de la question des
soins de longue durée qui ne devraient pas être intégrés dans la LAMal, bien
qu’il y ait une votation à venir pour proposer leur inclusion. S’il a bien compris,
cela signifierait qu’il devrait s’opposer à la réforme de la LAMal qui propose
un financement uniforme incluant les soins de longue durée, car cela risquerait
de surcharger le système de financement actuel.
Mme Monod pense qu’il y a 15 ans, l’idée d’uniformiser les sources de
financement aurait eu du sens dans une approche plus globale. Cependant,
aujourd’hui, selon elle, cette réforme est de trop et n’apporte rien de concret.
Elle n’impacte pas la réduction des coûts, mais provoque un basculement du
financement sans aucune visibilité. Elle estime que cela affaiblit
considérablement le maigre rôle de gouvernance des cantons, car ces derniers
devront verser des fonds aux assureurs qui, à leur tour, recontracteront avec les
prestataires. Cela privera les cantons de leur dialogue direct avec les
prestataires locaux, transformant la gestion en une véritable usine à gaz. Elle
s’inquiète particulièrement du fait que les services cantonaux, déjà débordés,
deviendront des organes d’exécution de la LAMal, et que la souveraineté
cantonale disparaîtra. La promesse de maîtrise des coûts, fondée sur l’idée
qu’un financement uniforme permettrait une meilleure coordination des soins,
ne lui parait pas fondée. Selon elle, la coordination des soins ne se crée pas par
des injonctions.
Ce même député PLR aurait aimé entendre son avis sur l’impact potentiel
qu’un projet comme celui mentionné dans la résolution pourrait avoir sur le
statut des médecins, qui sont largement indépendants, à l’exception de ceux
travaillant en milieu hospitalier. Il se demande si, dans un système entièrement
piloté par l’Etat tel que celui décrit précédemment, il serait encore possible de
conserver l’indépendance des médecins libéraux.
Mme Monod pense que oui, beaucoup de ses collègues sont intéressés par
un système plus efficace, coordonné et axé sur la qualité des prestations. Elle
est frappée de voir à quel point ses collègues sont épuisés et désabusés, avec
peu de satisfaction dans le système actuel, ce qui n’est pas lié à l’indépendance
des médecins. En France et au Québec, par exemple, les médecins sont
indépendants, même dans des systèmes pilotés par l’Etat. Elle ne pense donc
R 1022-A
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pas qu’il faille craindre un changement de statut de l’indépendance des
médecins. Selon elle, il est nécessaire d’encourager les médecins à faire partie
de réseaux et de travailler en coordination. C’est vers cela qu’il faut aller,
surtout pour améliorer la prise en charge des maladies chroniques et des soins
de longue durée, car un médecin seul ne peut pas tout faire. Avec le nombre
d’actifs qui diminue dans la société, l’idée de réunir dix professionnels autour
d’une table devient impossible. Il est donc essentiel de faire confiance aux
autres et de travailler en réseau, une approche qui représente un progrès
évident.
Le président remercie pour l’exposé ainsi que pour les réponses précises
apportées à la commission et lui souhaite une excellente fin de semaine. Il
prend congé de l’auditionnée.
Le président rappelle que l’Office fédéral de la santé publique et Santé
Suisse n’ont pas encore fourni de réponse pour être auditionnés, tandis que la
position de Curafutura figure dans les documents sur Accord. Si tout le monde
est d’accord, il prévoit de planifier les deux auditions demandées.
Un député PLR demande si la connexion avec les réseaux sociaux est bonne
et mentionne la résolution de M. Peterschmitt discutée à la commission du
Conseil des États. Il se demande également s’il serait pertinent de prévoir une
audition de la Professeure Anne-Sylvie Dupont concernant la sécurité de
l’assurance sociale, en particulier sur les possibilités et les limitations que le
système actuel pourrait imposer. Il aimerait aborder ce sujet sous l’angle
juridique, vu que la résolution demande un cadre spécifique.
M. Maudet rebondit sur cette proposition en précisant que Mme Dupont fait
partie du groupe d’experts mandaté par le Conseil d’Etat pour explorer
l’hypothèse d’une caisse cantonale publique. Elle répond aux questions en lien
avec ce groupe et devrait être en mesure de présenter un rapport sur la question,
notamment en ce qui concerne les limites juridiques et la capacité
d’intervention du canton. Le groupe d’experts a un mandat qui court jusqu’à
fin novembre ou début décembre 2024, après quoi il rendra son rapport au
Conseil d’Etat, permettant ainsi de prendre connaissance de ses conclusions. Il
trouve la suggestion pertinente, mais recommande de différer l’audition afin
de laisser le groupe d’experts finaliser son travail.
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Séance du vendredi 15 novembre 2024
Audition de M. Christophe Kaempf, porte-parole, Santé Suisse
(visioconférence)
Le président note que l’audition de M. Kaempf rencontre des difficultés
techniques. Il propose de traiter un autre point en attendant la résolution du
problème.
Le président souhaite la bienvenue à M. Kaempf et lui cède la parole.
M. Kaempf remercie pour la possibilité offerte à Santé Suisse de donner
son avis, soulignant que la population vieillissante est de plus en plus
nombreuse et que les personnes âgées représentent une part plus importante
que les jeunes. Il souligne par ailleurs que Santé Suisse dispose déjà des
ressources nécessaires pour promouvoir la solidarité intergénérationnelle.
Il explique ensuite un mécanisme de redistribution financière entre les
jeunes, qui ne séjournent pas à l’hôpital ni en EMS et qui n’ont pas recours à
certaines prestations, et les personnes plus âgées. Ce système permet de
financer un transfert de 8,4 milliards de francs, dont 5,4 milliards sont utilisés
pour la réduction annuelle des primes et 3 milliards pour les bénéficiaires de
l’AVS.
Il souligne des données de l’OFSP sur la baisse des primes, mettant en
évidence un fait troublant : les personnes âgées, en proportion de leur
représentation dans la population, profitent moins de ces réductions que les
jeunes, en particulier ceux de moins de 65 ans. Cette constatation remet en
question l’hypothèse selon laquelle tous les aînés seraient aisés financièrement,
une idée qui pourrait s’avérer trompeuse.
Il identifie également un problème dans le système d’assurance-maladie,
qui représente environ 20% des dépenses. Ce problème se manifeste par une
mauvaise coordination entre les fournisseurs de services, ce qui entraîne des
frais inutiles, ainsi que par un retard significatif dans la digitalisation du
système de santé. Il estime qu’une numérisation pourrait permettre
d’économiser jusqu’à 8 milliards de francs par an. De plus, il souligne le fait
que les prestations de l’AOS (assurance obligatoire des soins) ne font pas
l’objet d’une évaluation systématique, ce qui manque de transparence.
Il indique que des économies substantielles pourraient être réalisées en
réduisant les coûts des médicaments (les marges en Suisse étant deux fois plus
élevées qu’en Allemagne) et en optimisant les tarifs hospitaliers par des
comparaisons entre établissements. Ces mesures permettraient d’économiser
1,4 milliard de francs sans modifier le catalogue des prestations de l’assurance
de base ni impacter directement la population.
R 1022-A
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Il rappelle que les coûts des soins de longue durée, en particulier dans les
EMS, ont fortement augmenté depuis l’introduction du système de
financement actuel (92% pour les EMS et 50% pour les charges de l’AVS).
Cette tendance devrait s’accélérer avec le vieillissement de la population et
l’arrivée à la retraite des baby-boomers, ce qui posera un défi majeur pour le
financement des soins de longue durée.
Enfin, il évoque la réforme EFAS, prévue pour le 24 novembre, qui prévoit
que les assureurs maladie financent une partie des soins de longue durée. Cette
réforme pourrait avoir un impact sur les primes d’assurance-maladie à long
terme si la répartition des coûts entre cantons n’est pas ajustée. Il souligne que
le financement des soins de longue durée, qui coûtent environ 6,5 milliards de
francs par an, pourrait devenir une préoccupation budgétaire à l’avenir, avec
3,4 milliards de francs supportés par l’assurance-maladie, ce qui représente
environ 10% des primes requises pour couvrir ces dépenses.
Le président explique qu’en raison de problèmes techniques, la liaison avec
M. Kaempf a été interrompue. Il précise qu’il va lui demander de soumettre
une position écrite et de transmettre sa présentation.
Séance du vendredi 29 novembre 2024
Le président soulève que la commission a reçu la positon écrite de Santé
Suisse. Il ajoute que la commission a également reçu les amendements
communs de la députée Ve et du député LJS. Il voit qu’aucune audition
supplémentaire n’est proposée.
Ce même député LJS souhaite effectuer quelques remarques sur le rapport
de Santé Suisse qu’il a trouvé intéressant. Il a relevé certaines considérations,
dont la première est le graphique de la page 2 montrant les coûts par personne
en fonction de la classe d’âge. Il relève que ces coûts explosent avec l’âge. Il
remarque que les assureurs se permettent une fois de plus de jouer avec les
chiffres. En effet, dans les mécanismes de déduction des primes, il est question
de pourcentages. Cependant, lorsqu’une personne de plus de 65 ans et
bénéficiant d’une prime de 500 F reçoit une subvention, il ne s’agit pas de la
même qu’à un enfant de moins de 18 ans. Il rappelle que, notamment avec la
votation de l’EFAS, les caisses maladie vont quasiment toucher une totalité de
55 milliards de F et ajoute que 5% de frais administratifs sont facturés, ce qui
équivaut à 2,7 milliards de F. Il soulève ensuite que la prime moyenne était de
180 F en 2000 et qu’elle est aujourd’hui de 440 F. Il ajoute que ces caisses
maladie n’envoient plus de courriers et que c’est aux assurés de payer depuis
leur téléphone. Il ajoute que ces caisses sont totalement opposées à une
réflexion globale sur un changement de système. Il indique cependant avoir été
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R 1022-A
satisfait qu’elles aient reconnu que les amendements qui avaient été ajoutés au
projet étaient pertinents.
Un député MCG informe que son groupe n’est pas surpris par la prise de
position de Santé Suisse. Il souligne que son groupe est en opposition avec ce
lobby qui joue un rôle scandaleux au sein des Chambres fédérales et qui défend
des intérêts privés dont la population suisse est la première victime. Il trouve
qu’il s’agit d’un système inacceptable d’achat d’influence de parlementaires
fédéraux permettant à Santé Suisse de bloquer entièrement le système de santé
et d’assurance-maladie. Il n’est donc pas surpris de la réponse de Santé Suisse,
qui essaie de noyer le poisson.
Un député PLR indique qu’il soutiendra cette résolution et espère que cela
permettra de sortir du statu quo impossible qui existe aujourd’hui. Il pense que
cette action a au moins le mérite d’ouvrir le débat sur le fond de la question. Il
trouve les amendements assez complets, mais souhaiterait à titre personnel se
limiter au texte de la R 1022, en y ajoutant un amendement qui serait le
suivant :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
Un député MCG soulève que son groupe aurait pu accepter la première
invite, mais est en revanche en divergence avec la deuxième. Il explique que
le groupe MCG n’est pas favorable à une caisse maladie d’Etat. Selon lui, il
faudrait faire soit une caisse étatique partielle, soit une caisse unique globale.
C’est pour cette raison que le groupe MCG ne soutiendra pas la R 1022.
Une députée S répond que son groupe rejoint les propos du député MCG.
Elle pense qu’il est nécessaire de discuter de toutes les possibilités
d’amélioration des assurances-maladie et de sortir du système actuel qui n’est
pas efficient ni efficace et qui exclut beaucoup de patients. Certains éléments
posent problème au PS, notamment le fait de diviser la population entre les
personnes âgées et les jeunes, ce qui n’est selon elle pas favorable ni aux uns,
ni aux autres. C’est pour cela que le PS ne soutiendra pas cette résolution, bien
qu’il reste ouvert à des possibilités d’amélioration et de changement du
système.
Un député UDC informe que son groupe est certain qu’avec le
vieillissement de la population et les coûts en constante augmentation, la
solidarité intergénérationnelle rencontrera des limites. Il trouve les chiffres
particulièrement éloquents et est favorable à toute solution. Le groupe UDC
soutiendra donc cette résolution et rejoindra la majorité de la commission
concernant les amendements proposés.
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Une députée Ve pense que le fait de sortir une partie de la population du
système d’assurance privée est bénéfique, car elle sera prise en charge via
l’impôt, qui est social. Elle ajoute que cela évitera que la prime soit la même
pour tous, peu importe le revenu. Le groupe des Verts soutiendra la résolution
ainsi que les amendements.
Un député LJS répond, concernant la différenciation faite par sa collègue
S, que Santé Suisse a mentionné que le mécanisme de compensation est de
8 milliards de F pour la population âgée parmi les jeunes. Il est clair que dans
le cas où cette population serait financée autrement, les jeunes bénéficieraient
de ces 8 milliards de F. De manière indirecte, il y aurait une évolution des
primes pour ces derniers. Il souligne que le but de la résolution est de poser des
questions afin d’obtenir des réponses sur les coûts réels, les subventions qui
sont faites et de pouvoir ouvrir une discussion. Il souligne qu’il ne s’agit pas
d’une solution en soi face aux problèmes complexes. Il soutiendra évidemment
la résolution.
Un député LC raconte avoir discuté avec des experts la semaine dernière et
reste persuadé que le système actuel de soins va droit dans le mur. En effet, ni
le Conseil d’État ni les Chambres ne le pilotent réellement. Il s’agit aujourd’hui
d’une bagarre incessante entre les assureurs et les professionnels de santé, qui
tirent la couverture à eux. Or, personne ne souhaite trancher, ce qui aura pour
conséquence une chute du système tel qu’il est conçu. Concernant la
distinction faite entre la population jeune et âgée, il est vrai que la LAMal a
introduit un système de solidarité entre hommes, femmes, jeunes, vieux,
malades et bien-portants. Il comprend les arguments du PS concernant cette
séparation, mais si les personnes âgées ne sont pas isolées, cela chargera la
jeune génération qui voit déjà ses primes augmenter continuellement. Il
mentionne ensuite que bien que la caisse d’Etat constitue la même
problématique, qui est contraire à celle soulevée par le MCG, il s’agit selon lui
du seul moyen d’alléger une partie des primes des plus jeunes et de séparer les
coûts dus à la vieillesse de ceux qui sont dus à des maladies courantes, voire
chroniques, chez les plus jeunes. Le groupe LC soutiendra cette résolution et
pense que cela vaut la peine que des discussions soient menées. Il refusera
cependant les trois amendements déposés par les Ve et LJS, mais acceptera
l’amendement du PLR.
Un député MCG souhaite que ses propos ne soient pas déformés. Le MCG
est défavorable à une caisse d’Etat, mais peut adhérer à d’autres modèles,
notamment celui de la caisse de compensation. En revanche, il n’adhère pas au
modèle tel que proposé dans cette résolution. Cela lui semble dangereux que
de nombreux modèles de caisse étatique continuent à être lancés. Il rappelle
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R 1022-A
que la LAMal définit certaines obligations et qu’il est nécessaire de rester
prudent face au dogme de l’assurance étatique.
Un député PLR pense que la réflexion se fait sur la base d’une comparaison
avec la SUVA, qui est la seule caisse publique en Suisse à sa connaissance. Il
admet que maladies et accidents ne sont pas comparables, mais soulève qu’il
n’est pas possible de dire que les caisses privées fonctionnent et que les caisses
étatiques ne fonctionnent pas : cela n’est pas vrai selon lui, et ce autant en
termes de coûts que d’efficacité.
Votes
Le président met aux voix le 1er amendement et précise qu’il ne s’agit pas
d’un amendement général, mais qu’il s’ajoute aux deux invites existantes :
– d’étudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette
caisse d’état un système de capitation, encourageant la coordination des
soins.
Oui :
8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : Le 1er amendement est accepté.
Le président met au vote le 2e amendement qui s’ajoute aux invites
existantes :
– d’étudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au
revenu et état de la fortune.
Oui :
8 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 UDC)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : Le 2e amendement est accepté.
Le président met aux voix le 3e amendement qui s’ajoute aux invites
existantes :
– d’étudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la
vieillesse actuellement non pris en charge par l’assurance-maladie.
Oui :
6 (3 S, 2 Ve, 1 LJS)
Non :
5 (2 MCG, 2 PLR, 1 LC)
Abstentions : 2 (UDC)
Le 3e amendement est accepté.
R 1022-A
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Un député PLR présente son amendement :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation.
Il souligne qu’il s’agit également d’une chose demandée par l’étude. Il
pense, concernant la population en âge d’AVS qui est ici ciblée, qu’elle est la
plus concernée par les maladies chroniques et les polymorbidités. Il relève que
l’un des points critiques est la problématique de copaiements telle que les
franchises. Il souligne qu’il s’agissait encore d’une logique de prise en charge
ponctuelle et qu’il n’y avait pas encore, comme aujourd’hui, une prévalence
de malades chroniques. Il prend pour exemple les personnes diabétiques, mais
ajoute que les maladies cancéreuses augmentent ainsi que leur incidence, mais
aussi leur prévalence. Il explique que la population ne meurt plus du cancer,
mais vivra avec pendant des années. Un cancer sur deux est guéri, mais il
n’existe pas de retour à l’innocence biologique. En effet, toute personne ayant
eu un cancer vivra ensuite toute maladie avec des soutiens médicaux coûtant
souvent cher. Un ticket modérateur pour des patients cancéreux qui vont vivre
des années avec leur maladie n’a aucun sens. Il trouve que faire payer une
franchise à des malades chroniques n’a aucun sens, est antisocial, augmente
les barrières aux soins et diminue la qualité de ceux-ci.
Le président met aux voix l’amendement PLR :
– d’étudier différentes formes de paiement des prestations : à l’acte, au
forfait, au salaire par capitation
Oui :
12 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 2 MCG, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC)
Non :
Abstentions : 1 (PLR)
L’amendement est accepté
Le président met aux voix la R 1022 ainsi amendée :
Oui :
7 (2 Ve, 1 LJS, 1 PLR, 2 UDC, 1 LC)
Non :
2 (MCG)
Abstentions : 4 (3 PS, 1 PLR)
La prise en considération de la R 1022 telle qu’amendée est acceptée.
Catégorie de débat : II, 30’
Conclusions
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R 1022-A
Mesdames les députées, Messieurs les députés,
Le 30 novembre 1992, le conseiller national Peter Tschopp, un radical
visionnaire comme on les aimait, déposait une initiative parlementaire
proposant la création d’une « institution fédérale de prise en charge des frais
sanitaires et d’encadrement liés au grand âge ».
L’initiative fut transformée en postulat par une commission de la sécurité
sociale et de la santé publique (CSSS) effrayée par l’audace du projet.
Le libéral radical Josef Dittli a, quant à lui et plus récemment, déposé un
texte visant à créer un quatrième pilier de la prévoyance, soit une assurance
obligatoire de soins financée par un compte d’épargne obligatoire, individuel
et défiscalisé.
Entre ces deux étapes, il y eut de nombreuses interventions allant dans le
même sens, à savoir trouver une solution supportable financièrement et
respectueuse de la solidarité entre les diverses générations.
La résolution de notre collègue LJS va dans le même sens, même si dans
l’esprit des commissaires de la santé, elle n’a que peu de chances de se
concrétiser. Elle aura au moins le mérite de relancer le débat sur un sujet
d’importance que les Chambres fédérales devraient avoir l’audace de se saisir.
Pour Peter Tschopp, le vieillissement représentait « l’une des modifications
sociodémographiques les plus profondes depuis fort longtemps » et que le
XXIe siècle serait, « que cela retienne votre attention ou non, le siècle de
l’accroissement explosif de la population très âgée ».
Il ajoutait à l’intention de ses collègues que, « si gouverner c’est prévoir et
si l’on est en Suisse, il faut s’occuper dès aujourd’hui et sérieusement de ce
problème puisque l’expérience institutionnelle et politique nous prouve que
dans ce pays, pour mettre en place un nouveau pilier de la sécurité sociale, il
faut bel et bien un quart de siècle. »
Belle manifestation d’une lucidité peu commune au sein de nos institutions
fédérales, il fallait bien le rappeler. Peter Tschopp avait 32 ans d’avance, et s’il
avait été suivi, nous pourrions faire face au défi du vieillissement de la
population avec plus de sérénité.
Certes, le présent texte ne va pas tout bouleverser, mais il a au moins le
mérite de rappeler l’urgence du problème et d’inciter nos élus fédéraux à y
travailler de façon rapide et efficace.
C’est dans cet esprit, Mesdames les députées, Messieurs les députés, que
la majorité de la commission vous recommande d’accepter cette résolution de
même que les amendements votés en commission.
R 1022-A
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Annexes :
1. Présentation relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf, Santé Suisse
2. Prise de position écrite relative à la R 1022 de M. Christophe Kaempf,
Santé Suisse
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R 1022-A
ANNEXE 1
Audition du 15 novembre 2024 de la commission de la santé
du canton de Genève. Objet : R 1022 : création d'une caisse
maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS
1. Introduction
Permettez-moi de vous remercier, au nom de santésuisse, de nous donner la possibilité de nous exprimer au sujet de la proposition de résolution R 1022 : Création d'une caisse maladie d'Etat pour les bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
2. Position de santésuisse
La proposition de postulat R1022 part d’un double constat correct : il y a d’abord cette évidence : plus on
est âgé, plus les soins coûtent cher. Par ailleurs, la part de personnes de plus 65 ans ne cessent de
croitre dans la population. Nos assurances sociales font donc face à un défi pour assurer le financement
futur des prestations, en particulier dans le domaine de l’assurance-maladie.
Pour santésuisse, l’intention du postulat est louable. Toutefois, sortir les bénéficiaires de l’AVS du système de l’assurance-maladie pour les placer dans une caisse publique ne résoudrait aucun des problèmes actuels du système de santé. Financer cette caisse par un modèle proche de l’AVS n’apporterait
pas de solution non plus.
Voici pourquoi :
•
Dans le modèle d’assurance proposé, les personnes de moins de 65 ans devraient toujours assumer
les coûts croissants des personnes âgées. Par ailleurs, les coûts liés au vieillissement de la population devraient être assumés par des actifs de moins en moins nombreux.
santésuisse a calculé que pour financer les prestations des personnes de plus de 65 ans, qui correspondent à 16,6 milliards de francs (soit l’équivalent de 4 mois d’AVS), il faudrait augmenter les prélèvements AVS de 4%, ce qui aurait un impact direct sur les salaires et impacterait en particulier les
petits revenus.
Pour santésuisse cette solution pose avant tout des problèmes en termes d’équité intergénérationnelle, ce d’autant que globalement, la situation financière des retraités est meilleure que celle des
actifs. « 80 à 90 % des retraités sont financièrement indépendants et ont une fortune nette médiane
jusqu’à six fois plus élevée que les actifs » (Wanner & Gerber, 2022). Par ailleurs, « trois quarts des
retraités sont satisfaits ou très satisfaits de leur situation financière, alors que les actifs ne sont que
60 % à l’être. La grande majorité d’entre eux est ainsi bien lotie, souvent même mieux que les actifs. » (Avenir Suisse, 2024).
•
Des mécanismes de réductions des primes financés par l’impôts existent déjà pour les plus
défavorisés. Il est d’ailleurs intéressant d’observer que les personnes de moins de 65 ans en bénéficient proportionnellement plus que les aînés : selon les données de l’OFSP de 2023, sur les 2,45
millions de personnes subventionnées pour leurs primes, 2,05 millions avaient entre 0 et 65 ans,
contre 394’000 plus de 66 ans, alors que les aînés représentent environ 20% de la population
suisse.
Le contre-projet indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu (rejetée le 9 juin 2024 par 55,47% des voix) prévoit d’ailleurs que les cantons augmentent leur budget
santésuisse | Römerstrasse 20 | 4502 Solothurn | +41 32 625 41 41 | info@santesuisse.ch | santesuisse.ch
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pour les subventions de primes. Ces dernières années, de nombreux cantons avaient réduit les montants consacrés aux réductions individuelles des primes. Pour santésuisse, le renforcement de ces
subventions est socialement plus équitable.
3. Commentaires concernant les amendements
•
Etudier pour cette catégorie de la population dans le cadre de cette caisse d’état un système de
capitation, encourageant la coordination des soins : la coordination des soins permet de réaliser
des économies substantielles. Cette proposition peut être envisagée, à condition que le librechoix du prestataire de soins soit garanti.
•
Etudier un système de franchise et de quote-part proportionnel au revenu et état de la fortune :
cette proposition permettrait d’introduire un minimum d’équité intergénérationnelle dans la solution d’assurance proposée, puisque les coûts des aînés seraient un peu moins reportés sur les
plus jeunes. A étudier.
•
Etudier l’intégration de la prise en charge de frais en lien avec la vieillesse actuellement non pris
en charge par l’assurance-maladie : cette solution ne ferait qu’alourdir le report de charge des
coûts des aînés sur les populations les plus jeunes. A rejeter.
4. Conclusions
Pour les raisons évoquées ci-dessus, santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurancemaladie basée sur le modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans ne serait pas équitable socialement et
contreviendrait au principe de solidarité intergénérationnelle.
•
•
•
•
Avec un financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs
Renchérissement du coût du travail
Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt.
Compliquer à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS
santésuisse recommande donc de rejeter la proposition et d’agir en faisant évoluer le système actuel en
réduisant les coûts et en augmentant les montants alloués aux réductions individuelles de primes.
Nous restons à votre disposition pour tout complément d’information.
Meilleures salutations.
santésuisse
Département Politique et communication
Ressort Communication
Christophe Kaempf
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ANNEXE 2
Audition de la commission de la santé du canton de
Genève: création d'une caisse maladie d'Etat pour les
bénéficiaires de l'AVS (Résolution du Grand Conseil genevois
à l'Assemblée fédérale exerçant le droit d'initiative cantonale)
Christophe Kaempf
15 novembre 2024
Coûts et primes par classe d’âge GE (Sasis, 2023)
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Les moyens d’agir existants
•
Réduction individuelle des primes: budget revu à la hausse grâce au contre-projet
indirect à l’initiative du PS pour des primes ne dépassant pas le 10% du revenu > 5,4
milliards de frs (OFSP, 2022)
•
Les prestations complémentaires pour les bénéficiaires AVS les plus modestes > 3,3
milliards de frs (OFAS, 2023)
•
Le mécanisme de compensation des risques dans l’assurance-maladie > 8,4
milliards de frs transférés entre jeunes et aînés (OFSP, 2022)
3
Nombre de personnes percevant des réductions
individuelles de primes (OFSP, 2023)
Alter unbekannt
91 und mehr
86 – 90
81 – 85
76 – 80
71 – 75
66 – 70
61 – 65
56 – 60
51 – 55
46 – 50
41 – 45
36 – 40
31 – 35
26 – 30
19 – 25
0 – 18
0
100'000
200'000
300'000
400'000
500'000
600'000
700'000
4
39/43
R 1022-A
Un problème de coût avant tout: mauvais incitatifs et
prestations inutiles
•
•
•
•
•
Mauvaises incitations à plusieurs
niveaux:
Manque de coordination
Retard dans la digitalisation
Pas d’évaluations systématique des
prestations AOS
Manque de transparence sur la qualité
20% des prestations à charge de l’AOS
sont inutiles (OFSP) > Potentiel
d’économie: 8 milliards de francs
5
Un problème de coûts avant tout: économiser sans
rationner
▪
Baisse des tarifs des laboratoires de 10-15 pour cent supplémentaires
100 à 150 millions de frs
▪
Réduction des marges de distribution sur les médicaments
▪
Baisse des prix des médicaments et augmentation de la
part des génériques:
550 millions de frs
▪
Mise en œuvre des HTA achevés
200 millions de frs
▪
Mise en œuvre des modifications d’ordonnance (OAMal/OPAS):
fixation du 25e percentile comme benchmark pour les négociations
tarifaires dans le domaine stationnaire (estimation du Conseil fédéral)
300 millions de frs
200 à 250 millions de frs
Potentiel d’économie d’environ CHF 1,4 milliards de francs
6
R 1022-A
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Le défi des soins de longue durée: 6,5 milliards de
francs/an
Augmentation des coûts des soins en
Suisse depuis le nouveau régime de
financement en 2011 :
•
Établissements médico-sociaux (EMS) : +42
%, atteignant 4,5 milliards CHF en 2022.
•
Soins à domicile : +124 %, avec un coût de 2
milliards CHF.
7
Le défi des soins de longues durée: répartition des coûts
(santésuisse, 2022)
8
41/43
R 1022-A
Proposition de santésuisse sur le financement des soins
de longues durée
Approche libérale et responsable : accent mis sur la responsabilité individuelle, sans
augmenter les charges de l'AOS.
Protection de l'AOS : sortir les soins de longue durée de l'AOS pour préserver la solidarité
intergénérationnelle.
Modèle de financement en 3 piliers :
• 1er pilier : AOS couvre les soins médicaux.
• 2ème pilier : capital obligatoire pour les soins liés à l'âge.
• 3ème pilier : épargne volontaire pour des prestations supplémentaires (ex. frais
d’hôtellerie).
Rôle des cantons : co-financement et prise en charge des coûts résiduels si le capital du
2ème pilier est insuffisant.
9
Conclusions
santésuisse est d’avis que la création d’une nouvelle assurance sociale basée sur le
modèle de l’AVS pour les plus de 65 ans n’est pas équitable socialement et contreviendrait
au principe de solidarité intergénérationnelle.
•
•
•
•
Avec un modèle de financement de type AVS, le report de la charge se fait sur les actifs
Renchérissement du coût du travail
Système moins solidaire qu’un financement par l’impôt.
Compliqué à mettre en œuvre et financer: cf 13ème rente AVS
santésuisse recommande donc d’agir en faisant évoluer le système actuel avec les moyens
existants.
10
R 1022-A
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Date de dépôt : 2 janvier 2025
RAPPORT DE LA MINORITÉ
Rapport de François Baertschi
La question posée mérite un débat et des propositions innovantes, ce que
reconnaît la minorité. En effet, il est difficile de contester l’impasse où nous
conduisent à la fois le dysfonctionnement systémique de l’assurance-maladie
et le développement prévisible du nombre de personnes en âge AVS. En soi,
cela mérite une réflexion et des visions innovantes.
Malheureusement, la direction proposée par cette résolution nous conduit
à une impasse pour plusieurs raisons.
Tout d’abord, le fait de créer une caisse maladie d’Etat centralisée ne
répondrait pas à la réalité des systèmes de santé suisses qui sont fondés sur une
logique cantonale. Il y aurait une contradiction fondamentale qui apparaîtrait
très rapidement et rendrait le modèle impraticable.
Ensuite, le fonctionnement de l’AVS, qui est fondé sur une logique de
répartition, se situe dans la logique des trois piliers, puisqu’elle est complétée
par deux autres éléments tout aussi fondamentaux. Là aussi, le modèle ne serait
pas praticable.
En revanche, il serait intelligent d’étudier la couverture maladie des
personnes en âge AVS au travers de divers moyens. Pour ce faire, il
conviendrait de lister de manière précise à la fois les prestations et les
financements, tout en tenant compte de l’évolution démographique prévisible.
L’écueil principal d’une telle mesure, c’est le travail de transparence qui
devrait être fourni. Mais nous savons bien que les caisses maladie ne sont pas
prêtes à jouer cartes sur table.
Et pour finir, nous devons souligner que cette résolution va dans le sens des
intérêts des caisses maladie qui pourront se débarrasser des personnes âgées,
mauvais risques, pour se concentrer sur une augmentation de leurs profits,
puisqu’on se serait débarrassé de ces coûts remis à l’Etat.
Comme le dit l’adage, étatiser les pertes et privatiser les profits. C’est ce
que réaliserait cette résolution, si ses buts étaient atteints.
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R 1022-A
Pour toutes ces raisons, qui ne vont dans le sens ni des assurés ni des
citoyens, nous vous demandons, Mesdames et Messieurs les députés, de
refuser cette résolution.