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Résumé

### Résumé du Document Législatif 1. **Titre et Référence** - Initiative populaire cantonale IN 193-B : « Pour des soins dentaires accessibles à toute la population » 2. **Objectif Principal** - L'initiative vise à rendre les soins dentaires accessibles à toute la population du canton de Genève, en renforçant la prévention et en apportant un soutien financier aux personnes à revenus modestes. 3. **Modifications Législatives Proposées et Leur Portée** - **Modification de la loi sur la santé (LS – K 1 03)** : - **Article 9** : Introduction d'un médecin-dentiste cantonal chargé des questions médicales relatives à la santé bucco-dentaire. - **Article 23A** : Promotion de la santé bucco-dentaire par des actions de prévention et de soins, avec un plan d'action établi par l'État. - **Article 23B** : Soutien financier aux traitements bucco-dentaires pour les personnes à revenus modestes, incluant un chèque annuel de 300 francs pour les bénéficiaires de subsides d’assurance-maladie. 4. **Discussions ou Avis Exprimés dans le Document** - La commission de la santé a auditionné divers acteurs, dont des membres du comité d'initiative et des représentants de la santé publique. Les discussions ont souligné le coût élevé des soins dentaires et le taux de renoncement à ces soins, qui varie entre 6 et 20% de la population. Les membres du comité d'initiative ont exprimé que la situation actuelle est inacceptable et qu'il est nécessaire de renforcer les mesures de prévention et d'aide financière. 5. **Implications Principales de ce Projet** - La mise en œuvre de l'initiative pourrait réduire le renoncement aux soins dentaires, particulièrement chez les ménages à revenus modestes. Elle pourrait également améliorer la santé bucco-dentaire de la population, en instaurant un système de prévention et en allégeant la charge financière des soins dentaires. Le coût estimé pour la mise en œuvre des chèques et des mesures de prévention est d'environ 45 millions de francs.

Texte extrait

GRAND CONSEIL

de la République et canton de Genève

IN 193-B

Date de dépôt : 16 avril 2024

Rapport

de la commission de la santé chargée d’étudier l’initiative
populaire cantonale 193 « Pour des soins dentaires accessibles à
toute la population »
Rapport de Pierre Nicollier (page 5)

1.
2.
3.
4.
5.

Arrêté
du
Conseil
d’Etat
constatant
l’aboutissement de l’initiative, publié dans la
Feuille d’avis officielle le ................................... 19 mai 2023
Arrêté du Conseil d’Etat au sujet de la validité de
l’initiative, au plus tard le ................................ 19 septembre 2023
Rapport du Conseil d’Etat au Grand Conseil sur la
prise en considération de l’initiative, au plus tard
le ......................................................................... 19 septembre 2023
Décision du Grand Conseil sur la prise en
considération de l’initiative et sur l’opposition
éventuelle d’un contreprojet, au plus tard le .... 19 mai 2024
En cas d’opposition d’un contreprojet, adoption
par le Grand Conseil du contreprojet, au plus tard
le ......................................................................... 19 mai 2025

ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 05.24

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GRAND CONSEIL

de la République et canton de Genève

IN 193

Initiative populaire cantonale

« Pour des soins dentaires accessibles à toute la population »
Les citoyennes et citoyens soussigné-e-s, électrices et électeurs dans le canton
de Genève, conformément aux articles 57 à 64 de la constitution de la
République et canton de Genève, du 14 octobre 2012, et aux articles 86 à 94
de la loi sur l’exercice des droits politiques, du 15 octobre 1982, appuient la
présente initiative législative :
Art. 1
Modifications
La loi sur la santé (LS – K 1 03), du 7 avril 2006, est modifiée comme suit :
Art. 9

Médecin, pharmacien, chimiste et médecin-dentiste
cantonaux (nouvelle teneur de la note), al. 4 (nouveau, les
al. 4 et 5 anciens devant les al. 5 et 6)
4
Le médecin-dentiste cantonal est chargé des tâches que lui attribuent la
présente loi, la législation cantonale ainsi que la législation fédérale. Il est en
charge des questions médicales concernant la santé bucco-dentaire.
Art. 23A Promotion de la santé bucco-dentaire (nouveau)
1
L’Etat soutient les actions de promotion de la santé bucco-dentaire en matière
de prévention et de soins, notamment par l’action du médecin-dentiste
cantonal.
2
Il établit à chaque début de législature, avec l’appui du médecin-dentiste
cantonal, un plan d’action visant à promouvoir la santé bucco-dentaire auprès
de la population :
a) par des mesures de prévention ;
b) par des mesures de prophylaxie.

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Les mesures de prévention au sens de l’alinéa 2, lettre a comprennent
notamment :
a) le dépistage bucco-dentaire ;
b) l’examen dentaire périodique complet ;
c) le détartrage.
4
Afin de rendre les actions de promotion de la santé effectives, l’Etat peut
notamment accorder des aides financières conformément à l’art. 23B.
3

Art. 23B Soutien financier aux traitements bucco-dentaires (nouveau)
1
L’Etat aide financièrement les personnes à revenus modestes pour la
prévention et les soins bucco-dentaires.
2
Le Conseil d’Etat établit par voie règlementaire, sur proposition du médecindentiste cantonal, le catalogue des prestations de prévention et de soins buccodentaires qui peuvent faire l’objet d’une aide financière.
3
L’aide financière est subsidiaire aux prestations équivalentes couvertes au
titre des prestations complémentaires et des autres mesures d’aide sociale déjà
perçues.
4
Sont éligibles à des prestations d’aides financières pour la prévention et les
soins bucco-dentaires les bénéficiaires de subsides d’assurance-maladie au
sens des articles 19 et suivants de la loi d’application de la loi fédérale sur
l’assurance-maladie (LaLAMal), du 29 mai 1997.
5
Les bénéficiaires au sens de l’alinéa 4 ont, notamment, droit annuellement à
un chèque forfaitaire à faire valoir auprès d’un médecin-dentiste ou d’un
hygiéniste dentaire autorisé à pratiquer en Suisse. Le montant de ce chèque
s’élève à 300 francs.
6
Les modalités d’octroi du chèque forfaitaire sont définies dans le règlement
d’application, notamment pour assurer que seules des actions de prévention et
de soins soient ainsi financées.
Art. 2
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le 1er janvier de l’année qui suit celle de sa
promulgation.

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EXPOSÉ DES MOTIFS

Trop de personnes en Suisse renoncent aux soins dentaires, par manque
d’information ou pour des questions de coût. Des campagnes de prévention
sont indispensables dès la prime enfance. De plus, il n’est pas normal que les
ménages paient de leur poche la quasi-totalité des frais dentaires, qui
représentent une charge trop lourde pour la classe moyenne. Notre initiative
propose de renforcer les actions de promotion de la santé bucco-dentaire et
d’aider la classe moyenne à financer les soins et la prévention bucco-dentaire.
L’initiative demande de :
• Renforcer la prévention par des campagnes de dépistage et d’information.
• Créer un service du médecin-dentiste cantonal chargé de mettre en place
un plan d’action pour promouvoir la santé bucco-dentaire.
• Octroyer un chèque annuel de 300 francs à tou-tes les bénéficiaires de
subsides d’assurance-maladie qui ne reçoivent aucune autre aide
équivalente, à faire valoir auprès d’un-e médecin-dentiste ou d’un-e
hygiéniste.

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Rapport de Pierre Nicollier
La commission de la Santé a traité de l’IN 193 durant 5 séances entre
décembre 2023 et mars 2024, sous la présidence de Mme Natacha BuffetDesfayes, remplacée lors d’une séance par M. Jean-Marc Guinchard. Nous
remercions en outre M. Lucas Duquesnoy, procès-verbaliste, pour son travail.
A également assisté aux séances M. Adrien Bron, Directeur général de la santé,
DSM.
Ont été auditionnés :
– M. Christian Dandrès, M. Florian Schweri et Mme Frédérique Bouchet,
membres du comité d’initiative
– M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat/DSM et M. Adrien Bron, directeur
général de la santé/DSM
– M. Hrvoje Jambrec, président de l’Association des médecins-dentistes de
Genève
– Mme Lucie Mazerolle, présidente et Mme Marianne Long, vice-présidente
de l’Association des hygiénistes dentaires, section romande
– M. Pascal Jenny, administrateur de la Fondation Carrefour-Rue et Coulou,
et M. Davide Scalise, dentiste bénévole du Point d’Eau
– M. Julien Garda, directeur des opérations, et de M. François Weibel,
médecin-dentiste à la Croix-Rouge genevoise
– Prof. Julian Leprince, chef de la division de cariologie et d’endodontie,
Dr Serge Borgis, directeur opérationnel des cliniques de la CUMD et
Dr Jean-Jacques Canneto, responsable de l’unité d’action sociale
– Prof. Antoine Flahaut, directeur de l’Institute of Global Health/UNIGE
Le DSM a également présenté des propositions pour un potentiel
contreprojet avec M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat, et Mme Marie Leocadie,
cheffe de secteur prévention et promotion de la santé.

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Audition des membres du comité d’initiative
M. Christian Dandrès, M. Florian Schweri et Mme Frédérique Bouchet
Mme Bouchet explique que cette initiative part du constat que les soins
dentaires sont devenus une énorme charge pour une partie de la population
suisse et notamment pour les familles. Ceci engendre un renoncement dans
nombre de cas.
Pour donner quelques chiffres, les soins dentaires, selon l’OFS,
représentent un budget de 4 milliards de francs, soit 5% des coûts totaux de la
santé. Cela correspond à une dépense moyenne de 500 francs par ménage par
an. Une partie de la population n’allant pas du tout chez le dentiste, on peut
imaginer que la facture pour les ménages concernés est dans les faits plus
élevée.
En Suisse, le taux de prise en charge des frais dentaires est particulièrement
importante pour les ménages, qui assument environ 90% de la facture. Ceci est
plus élevé que dans le reste des pays de l’OCDE où ce taux est d’environ 55%.
Les frais dentaires ne sont pas pris considérés dans la LAMal. Par ailleurs,
les individus ne sont pas très bien assurés contre les frais dentaires, ce qui
implique de les régler soi-même. Dans beaucoup de cas, les ménages finissent
ainsi par renoncer à se soigner. Les initiants ont pu constater dans les études
que le taux de renoncement se situe entre 6 et 20% de la population,
essentiellement en raison du coût trop élevé de ces soins.
Il s’agit d’une situation particulièrement inacceptable en Suisse. On sait
que quand on laisse sa santé bucco-dentaire se dégrader, cela peut entraîner
des complications sévères comme des infections, des inflammations, des
maladies cardiologiques, des infections respiratoires ou encore du diabète.
Chez les enfants, cela peut aussi entraîner des troubles du sommeil et des
problèmes d’apprentissage, ce qui peut perturber la croissance et
l’apprentissage scolaire. Chez les personnes âgées, on constate également un
lien entre la dégradation de l’état de santé bucco-dentaire et la fragilité générale
de ces personnes.
Cette initiative est donc axée autour de deux points : la prévention autour
de la santé et de l’hygiène bucco-dentaire et l’aide pour le paiement de ces
soins.
M. Schweri rappelle qu’au niveau de la prévention, il existe quelques
mesures de dépistages mises en place dans les écoles. Si ces efforts sont
indispensables, ils ne vont pas assez loin. Selon les chiffres du DIP, en 2022,
42% des élèves n’avaient pas de dents saines et 11 000 enfants ont dû avoir
recours à des soins dentaires.

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Sur l’aspect qualitatif, on sait que les inégalités sociales jouent un rôle
essentiel dans cette problématique. Il y a deux fois plus d’enfants concernés
par ces questions dans les classes précarisées, ce qui souligne le besoin de
renforcer considérablement les mesures de prévention et de donner plus de
moyens aux familles pour éviter qu’elles renoncent aux dépistages et
détartrages. Ces coûts élevés mènent encore trop de familles à renoncer à ces
soins. Aujourd’hui, si l’on prend une famille avec deux adultes et deux enfants,
des détartrages peuvent se monter à plusieurs centaines de francs.
Sur la prévention, l’art. 23a de l’IN 193 demande une vraie politique de
prévention cohérente. Il propose notamment de créer la fonction de médecindentiste cantonal, fonction qui existe déjà dans les cantons de Fribourg, de
Vaud, du Valais, de Bâle-Ville, de Soleure ou encore d’Appenzell. Nombre de
dentistes s’accordent à dire que les mesures de prévention sont le meilleur
moyen de lutter contre les problèmes bucco-dentaires. Plus l’on prend en
charge cette problématique en amont, plus on peut réduire l’impact final pour
les familles. On peut ainsi imaginer des campagnes de prévention, mais aussi
la mise à disposition de plusieurs cabinets dentaires dans les écoles du canton.
Le deuxième volet de l’IN 193 concerne les aides qui seraient accordées
aux bénéficiaires de subsides d’assurance-maladie. On parle concrètement ici
des ménages se situant juste au-dessus des barèmes donnant droit à l’aide
sociale ou aux prestations complémentaires. Cette population ne reçoit
actuellement pas les aides nécessaires pour faire face et représente tout de
même environ 25% des Genevois. Les soins dentaires constituent une charge
considérable et si certaines assurances complémentaires existent, elles ne sont
pas forcément à la portée de tout un chacun. L’initiative propose donc que
chaque personne éligible aux subsides reçoive chaque année un chèque de
300 francs à faire valoir chez un dentiste ou un hygiéniste, et ce afin de mettre
en œuvre efficacement les mesures prévues par la politique cantonale de
prévention.
M. Dandrès rappelle que ce sujet est déjà bien connu et qu’il résulte d’une
faille dans le système LAMal qui n’a jamais pris en charge l’aspect des soins
dentaires. Il existe très peu de marge de manœuvre au niveau fédéral pour ce
problème politique majeur contrairement au plan cantonal. La proposition du
comité d’initiative est allégée par rapport à ce que d’autres textes avaient pu
proposer il y a quelques années à Genève avec des projets pour instaurer une
assurance dentaire. Il s’agit concrètement de mettre en place des mesures de
prévention et un chèque annuel de 300 francs.
A titre de comparaison, le coût d’une assurance dentaire pour Genève avait
été estimé entre 75 millions et 135 millions de francs. Le montant est ici très
inférieur puisque l’on parle d’environ 40 millions de francs pour les chèques,

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en assumant que tous les bénéficiaires le demandent, de 4 millions de francs
pour le volet prévention et de 1 million de francs pour le poste de médecindentiste cantonal. Cette proposition allégée n’en est pas pour le moins une vraie
proposition de santé publique. Il n’est pas possible d’apporter des solutions
individuelles comme la promotion du simple brossage de dents et il faut au
contraire penser des solutions collectives afin d’éviter une dégradation plus
large de l’état de santé. M. Dandrès imagine que la commission va mener plus
d’auditions sur cet objet et l’invite notamment à entendre des personnes qui
œuvrent sur le terrain, par exemple l’association des médecins-dentistes, des
permanences dentaires ou encore des services scolaires dentaires.
Un député Le Centre note que s’il a bien compris, les initiants estiment un
coût d’environ 45 millions de francs pour un dispositif qui concernerait
150 000 personnes, soit 30% de la population, pour un chèque de 300 francs.
M. Dandrès le confirme.
Le député Le Centre demande si le comité s’est renseigné sur d’éventuels
systèmes similaires dans les autres cantons. D’autre part, les auditionnés ont
parlé de la classe moyenne, mais il faut rappeler que la classe moyenne
inférieure est déjà subventionnée pour toute sorte de prestations. La classe
moyenne qui ne reçoit rien ne bénéficierait pas, elle, de ce chèque. Le député
demande également si une éligibilité plus large a été envisagée ou si le comité
envisage seulement les personnes éligibles aux subsides. Enfin, il demande si
cette attribution serait automatique ou s’il faudrait en faire la demande.
Mme Bouchet répond que le coût total serait effectivement de 45 millions
de francs si l’ensemble des ayants droit en fait la demande, ce qui reste
théorique puisqu’un certain nombre de gens n’iront pas chez le dentiste malgré
ces incitations. Ceci ferait baisser le coût. Concernant les ayants droit, on parle
de 135 000 personnes qui ne bénéficient que des subsides d’assurance-maladie
et d’aucune autre aide sociale, soit 26% de la population. Cela représente une
bonne partie des Genevois, et non pas les gens qui ont d’autres aides sociales.
M. Schweri rappelle que sur le volet du médecin-dentiste cantonal, cela
existe déjà dans les cantons cités précédemment. Sur la question des chèques
à la population, il n’a pas connaissance d’un autre exemple en Suisse.
Le député Le Centre se demande comment pourrait être mise en œuvre
toute l’administration nécessaire pour vérifier que la personne qui demande le
chèque aille bien le faire valoir chez un hygiéniste ou un dentiste.
M. Dandrès répond qu’il ne s’agit probablement pas d’un chèque que l’on
pourra encaisser autrement que sous forme d’accès à une prestation. Il sera
possible de l’utiliser uniquement dans le cadre de la facturation auprès d’un
dentiste et ce montant devrait être difficile à détourner.

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Mme Bouchet précise que cette aide concernerait uniquement des soins et
non pas des questions esthétiques.
Un député PLR affirme être un peu perplexe sur les chiffres fournis par les
auditionnés. Ces derniers parlent de 6% à 20% de personnes qui seraient
concernés par cette problématique des soins dentaires. Si on part de 20% de
gens, cela concerne 100 000 personnes à Genève. Or, ils disent ensuite que
42% des élèves ont besoin de soins dentaires, ce qui veut dire qu’avec les 20%
de la population, aucun adulte n’aurait besoin de soins dentaires. Le chèque,
qui va coûter 40 millions de francs, sera à destination de 26% de la population,
soit 135 000 personnes en admettant que tout le monde en fasse la demande.
Pour le député, le dispositif concernait plutôt 27 000 personnes, soit un coût
total de 8 millions de francs. Il demande s’il serait possible de faire un tableau
synthétique avec les chiffres afin que tout le monde puisse s’y retrouver et faire
une décision sur un chiffrage correct.
M. Dandrès répond qu’il serait plus pertinent de solliciter la DGS pour ces
chiffres exacts, même si cela ne diminuerait en rien la nécessité d’intervenir
sur cette problématique.
Mme Bouchet précise que si 6% à 20% renoncent aux soins dentaires, cela
ne veut pas pour tout autant dire que toutes ces personnes ont des problèmes.
Il reste vrai de dire que tout le monde a besoin de soins dentaires, pas
uniquement les personnes qui y renoncent.
Un autre député PLR rappelle que lors du refus de la dernière initiative sur
le sujet par le peuple en 2019, l’argument était déjà de dire que des mesures
existaient, notamment pour les enfants qui bénéficient de dépistages gratuits.
Par ailleurs, le centre universitaire de médecine dentaire permet de prendre en
charge gratuitement certains soins. Toute une partie de la population bénéficie
également de prestations complémentaires et d’aides. Il demande pourquoi il
y aurait besoin d’aider une catégorie de la population qui est déjà aidée et qui
bénéficie aussi d’outils en place pour les enfants scolarisés.
M. Schweri confirme que des outils existent. Le comité a rencontré
l’association genevoise des médecins-dentistes qui a cependant indiqué qu’ils
étaient très peu utilisés et qu’il y avait un manque d’information de la part de
la population, notamment sur les prestations pour les enfants. La clinique
universitaire dentaire est aussi très peu connue. Cela peut être aussi un des
volets de la politique de prévention, à savoir faire la promotion de ces
possibilités.
Le député précise que le bon pour les enfants est reçu nominalement pour
la poste et que l’on peut donc douter, sauf cas exceptionnels, que les gens ne

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soient pas au courant. Il demande si cela vaut la peine de créer une machine
qui coûtera très cher alors que des outils existants ne sont déjà pas utilisés.
M. Dandrès répond que le cercle des bénéficiaires des subsides dépasse
celui des prestations complémentaires ou de l’aide sociale. Avec les subsides,
on peut toucher une population plus large et atteindre des gens qui ne rentrent
pas dans le dispositif d’aide. Il est clair que la solution la plus simple pour tout
le monde serait d’intégrer les soins dentaires dans la LAMal. Le comité revient
avec une proposition allégée qui pourrait favoriser l’accès aux soins pour les
personnes qui ont moins de possibilités. En revanche, il est toujours possible
d’étendre le champ de couverture dans le cadre d’un contreprojet.
Le député PLR note que le fond de son questionnement porte plutôt sur la
pertinence du projet. Il n’est pas forcément convaincu par l’idée d’un manque
d’information alors qu’il reçoit lui-même par la poste des bons pour ses
enfants. L’information est assez claire et il se demande pourquoi il faudrait
encore ajouter des moyens.
M. Dandrès répond que l’on peut évidemment se poser la question du nonrecours aux prestations. La prévention a de la peine à se faire, sûrement pour
des raisons précises comme une certaine crainte. L’un des objectifs est
d’étendre le champ de couverture à une catégorie de personnes plus large que
celle visée aujourd’hui, sous condition de ressources.
Un autre député PLR estime que la problématique est avant tout une
question de santé publique. Il se demande sur quels études et projets de santé
publique le comité se base pour proposer ces actions. Par définition, un
problème de santé publique doit identifier une problématique de santé,
l’estimer quantitativement, définir des interventions réalisables et ensuite
seulement réfléchir aux modalités de financement, il se demande donc quelles
données permettent de justifier ce que demande l’initiative.
M. Dandrès note qu’il est un peu compliqué de répondre. Cela revient un
peu à demander sur quelle base une personne qui se casse la jambe doit se
soigner. Il s’agit de santé publique et il est donc établi qu’il faut soigner les
gens. Les problèmes de santé dentaire ont un impact majeur sur la santé des
gens. Si l’on devrait être dans une logique de remboursement de ces soins, ils
ne rentrent pas dans la LAMal et il y a justement une forte opposition des
milieux concernés pour que cela soit le cas. Cette absence de remboursement
ne fait cependant pas disparaître le problème. Les médecins-dentistes y étant
opposés, on peut au moins faire en sorte que la question financière ne soit pas
un problème. Ce chèque de 300 francs permet, avec un minimum
d’administratif, de toucher un maximum de personnes. Le comité est parti du
principe que les personnes à l’aide sociale bénéficient déjà d’aides et que les

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personnes au-dessus d’un certain seuil ont les moyens nécessaires pour
financer ces soins. Une fois encore, M. Dandrès trouverait plus juste de passer
par la LAMal. Les personnes qui bénéficient de subsides sont identifiées par
le SAM et l’on ne rajouterait pas un gros travail administratif pour les
identifier. On espère par la suite que les médecins vont jouer le jeu et offrir des
prestations convenables pour 300 francs.
Mme Bouchet précise que le comité a pu discuter avec des dentistes qui
travaillent bénévolement à la permanence dentaire de la Croix-Rouge et que
ces derniers croulent sous les demandes au point qu’ils n’arrivent plus à y
répondre. Ils récupèrent régulièrement des gens dans un état de santé buccodentaire catastrophique après des années de renoncement aux soins. Les
discussions avec les associations de professionnels de santé permettent
d’apporter le même constat et il n’est juste pas possible de laisser les gens dans
un état de santé pareil.
Un député UDC note que l’initiative fait mention de la possibilité pour le
Conseil d’Etat d’établir par voie réglementaire, sur proposition du médecin
cantonal, tout un catalogue de prestations de prévention et de soins dentaires
pouvant faire l’objet d’aides. Or, si quelqu’un arrive dans un état
catastrophique chez un dentiste, il est peu probable que ces 300 francs suffisent
pour la prise en charge et le député se demande si les frais qui viennent devront
ensuite être assumés par le canton.
Mme Bouchet répond que le chèque de 300 francs viendra alléger les
factures les plus lourdes. Il permettra un détartrage et un contrôle par année ou
bien d’alléger la facture pour des soins plus importants. L’initiative ne prétend
pas prendre en charge les soins à hauteur de 10 000 francs.
Le député UDC demande si l’on sait, sur ces 4 milliards de francs de frais
dentaires totaux, quelle est la part concernant Genève.
Mme Bouchet n’a pas ce chiffre sous les yeux.
Un député PLR indique rejoint M. Dandrès sur le fait que cette prestation
devrait être prise en charge par la LAMal et que l’assurance devrait prendre en
charge des soins plus importants. De son expérience, les détartrages ne peuvent
pas atteindre des montants aussi importants et se demande s’il serait possible
d’avoir des chiffres pour Genève sur cette prestation. Cette initiative a toute sa
place dans le débat sur la LAMal, mais pas forcément au niveau des cantons si
l’on veut vraiment répondre aux besoins des gens pour payer leurs factures.
Un député MCG affirme comprendre l’importance de cette initiative. On
connaît l’importance de l’hygiène dentaire et des soins dentaires sur des
aspects cruciaux comme la capacité de s’alimenter ou de parler. Il est
incompréhensible que ces soins ne soient pas pris en charge par la LAMal, ce

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qui permettrait une vraie couverture, mais aussi de quantifier les salaires de
ceux qui font les interventions. Un chèque de 300 francs dans les soins
dentaires n’est clairement pas un montant suffisant. Dans l’importance de ces
soins, et en attendant qu’ils relèvent de l’assurance, le député se demande si
l’on ne pourrait pas faire en sorte que certains dentistes puissent proposer des
frais adaptés pour offrir plus de prestations en rentrant dans ces 300 francs. Il
faudrait là une intervention étatique pour que certains dentistes acceptent de
facturer des frais dentaires à prix coûtant. Dans la médecine régulière, on
fonctionne par points, avec une consultation de 40 minutes revenant à environ
120 francs. Cela pourrait servir de base pour alléger les coûts des familles en
matière de soins dentaires.
M. Dandrès pense également que l’on devrait mettre en place un élément
de tarif, mais la population l’a refusé lors des précédentes votations. Il serait
intéressant d’avoir un échange avec les associations professionnelles pour voir
si le fait qu’il y ait un chèque leur permettrait de s’engager à faire un détartrage
pour ce prix.
Le député MCG note que le détartrage ne correspond finalement qu’au
début de la prise en charge et que tout le reste peut évidemment coûter très
cher.
Un député S estime qu’il y a un vrai scandale avec la LAMal, les dents
étant la seule partie du corps pas assurée. Il avait porté une initiative
parlementaire en 2007 sur le sujet et avait alors été copieusement insulté par le
président des dentistes suisses qui ne voulait aucun contrôle sur les tarifs de sa
branche. Le débat est plus posé à Genève, mais il n’en reste pas moins clair
que les dentistes ne veulent aucun contrôle pour quantifier leurs salaires. Si
certains font des prix, cela reste au bon vouloir des professionnels. Il faut donc
revenir sur l’inclusion de cela dans la LAMal en espérant que ce bastion tombe
un jour. Par ailleurs, il semble que la plupart des dents doivent être changées
si les gens vivent assez longtemps. Or, cela a un coût très élevé qui doit être
pris en compte. Si certaines personnes peuvent aller dans les permanences, ces
300 francs sont là pour permettre l’entretien et éviter des catastrophes.
L’initiative est peut-être l’occasion de relancer la machine à Berne pour arriver
à une meilleure prise en charge. Sur la question des enfants, les chèques ne
sont donnés par l’Etat que pour des travaux bien précis, ce qui explique que
certaines personnes n’aient rien reçu. Il faut prendre en compte aussi que la
santé dentaire ne dépend pas que de la prévention et que de facteurs génétiques
peuvent entrer en compte.
Le député MCG trouve que l’autorité politique est très frileuse puisque
dans tous les autres domaines de médecine, les salaires et les prestations sont
quantifiés au centime près. Ce n’est pas parce qu’un président d’association de

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médecins fait de l’opposition qu’il faut fléchir et c’est pour cela qu’il
soutiendra personnellement cette initiative.
Organisation des débats
Un député PLR indique qu’en termes d’intervention publique, il faut se
demander si cette initiative est le bon programme. Le comité part du constat
que les soins dentaires ne sont pas accessibles pour une partie de la population.
On parle notamment ici d’un plan de santé publique et la commission pourrait
entendre le directeur de l’institut de santé globale, M. Flahaut. La faculté de
médecine doit également sûrement disposer de spécialistes en santé publique
et en santé dentaire, notamment sur la question de l’accès aux soins et des
stratégies d’intervention. Il faudrait donc se tourner vers eux.
Une députée S note que la littérature et les travaux de l’OMS, qui ont une
portée plus globale, disent de viser des actions de prévention communautaire
afin d’avoir l’impact le plus large possible. L’OMS préconise donc ces
mesures de prévention, même s’il existe une multitude de programmes à
envisager. Viser la prévention a du sens et la commission pourrait entendre
quelqu’un de l’école de médecine dentaire qui est en contact avec la
population.
Un député MCG note que si tout le monde est d’accord sur les difficultés
financières de la population, il faut rappeler que la prévention ne permet pas
d’éviter tous les problèmes dentaires de la population. Il faut véritablement
s’attaquer au problème des honoraires et le député aimerait pour cela entendre
le président de l’association des médecins-dentistes de Genève. Un certain
nombre de prestations de dépistages sont aujourd’hui prises en charge et il est
très étonnant que cela ne soit pas le cas pour les soins dentaires. Il serait donc
intéressé à connaître la position des dentistes genevois sur cette situation.
L’Etat n’a jamais reculé devant une régulation et cela devrait donc s’appliquer
aussi aux dentistes.
Un député PLR a cru comprendre que des dentistes volontaires travaillent
pour la Croix-Rouge et trouverait intéressant de pouvoir avoir des informations
sur ces interventions. Il a été dit que les 300 francs ne suffiraient pas pour aider
les situations les plus catastrophiques et le député aimerait entendre un de ces
bénévoles pour en savoir plus sur leur action.
Un député S indique qu’il y a aussi des dentistes au Point d’Eau. S’ils
voient une catégorie assez restreinte de personnes, il s’agit des situations parmi
les plus difficiles.
Un député PLR imagine que le département va pouvoir fournir plus
d’informations sur les actions mises en place ainsi que sur le non-recours à ces

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prestations. On comprend que les dentistes soutiennent le propos de l’initiative
puisqu’ils bénéficieront de ces chèques, ce qui souligne la capacité
d’adaptation des initiants qui ont compris pourquoi les précédentes initiatives
avaient été refusées.
Un député LJS proposerait également d’auditionner l’association des
médecins-dentistes de Genève, mais pas pour les mêmes raisons. Il aimerait
savoir si, à leur avis, un chèque de 300 francs annuel est de nature à apporter
une prévention suffisante. Il doute qu’un détartrage annuel suffise sans la
promotion d’une bonne hygiène dentaire, à savoir le brossage de dents, mais
aussi le fil dentaire. Une bonne hygiène dentaire supprime 90% des problèmes
de carie. On sait aussi que ces soins peuvent résulter de l’augmentation de
l’acidité au niveau de l’alimentation, mais aussi de malformations. Si l’on peut
évidemment être content de ces 300 francs pour la population, il faut éviter que
cela soit un coup d’épée dans l’eau, notamment en songeant à une véritable
éducation pour les jeunes enfants afin d’éviter que les futurs adultes ne
prennent pas suffisamment soin de leurs dents.
Une députée S indique qu’il y a au sein de la clinique de médecine dentaire
une unité d’action sociale dont il serait possible d’entendre le médecin
responsable.
M. Bron confirme que l’unité d’action sociale délivre en effet un certain
nombre de soins à des tarifs régulés. Il serait peut-être intéressant d’entendre
conjointement cette unité avec l’unité de médecine dentaire et de cariologie
qui a une compétence particulière sur la prévention.
Une députée Le Centre propose de mener en parallèle avec l’audition des
médecins-dentistes, celle des hygiénistes qui sont souvent ceux qui s’occupent
des détartrages.
La présidente a pris note de la liste des auditions demandées et, en l’absence
d’opposition, se chargera de les organiser. Elle propose de commencer les
travaux dès janvier 2024 pour arriver en février avec des pistes solides et des
chiffres.
Audition du DSM
M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat, et M. Adrien Bron, directeur
général de la santé
M. Maudet rappelle que lors du débat d’entrée en matière sur ce texte, le
Conseil d’Etat a débattu à plusieurs reprises de ce sujet, comme il avait pu le
faire auparavant. Si le gouvernement souhaite que cette initiative ait des suites,
il ne soutient pas forcément celles proposées par les initiants.

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Il est important de pouvoir mener des discussions et d’arriver à un
contreprojet, ce qui est la solution retenue par le gouvernement qui travaille
déjà sur des pistes. Le conseiller d’Etat ne rentrera pas trop dans le détail
aujourd’hui puisque la commission va mener d’autres auditions et propose de
se revoir une fois que ce travail aura eu lieu et avant le vote du Grand Conseil.
Le Conseil d’Etat souhaiterait que le parlement concrétise un contreprojet dans
le cadre de ses travaux.
Il ne s’agit pas de la première fois que l’exécutif se prononce sur des projets
de loi et initiatives relatives aux soins dentaires. Une première initiative a été
traitée en 2012, suivie d’une motion en 2013, d’un projet de loi constitutionnel
en 2016 et d’un contreprojet à l’IN 160 en 2018.
La question des soins et de l’hygiène dentaire est une vraie préoccupation
qui revient régulièrement puisqu’ils ne sont pas pris en charge par la LAMal.
Il s’agit d’une préoccupation à l’échelle européenne qui correspond à une vraie
réalité, à savoir qu’une partie de la population a de la peine, dans un contexte
de pression économique, à consacrer de l’argent à cela. On sait que ne pas
soigner sa dentition peut avoir des impacts importants et qu’il s’agit d’un vrai
problème de santé publique. Si le Conseil d’Etat partage les préoccupations
des initiants, il pense que l’initiative manque quelque peu la cible.
Concernant la création d’une fonction de médecin-dentiste cantonal, cela
s’inscrit dans une volonté d’avoir des personnes référentes permettant de
catalyser les demandes et d’incarner les politiques publiques. Cela a des
limites, et s’il n’y a en effet pas de médecin-dentiste cantonal à Genève, il n’est
pas indispensable de disposer d’une personne dédiée. Cet aspect reste
cependant marginal au niveau des coûts et de l’importance du dispositif
complet. Il ne faut tout de même pas imaginer que nommer un médecindentiste cantonal viendrait améliorer réellement la situation.
Sur les actions de promotion et de prévention, l’initiative ne dit finalement
pas grand-chose. Le Conseil d’Etat s’est donc mis à réfléchir à l’existant et il
a remis aux députés un document qui donne les chiffres et rappelle ce qui se
fait.
Le DSM et le DIP estiment que le dispositif est très bon à l’école primaire
avec un décrochage au niveau du cycle. Le système de bons est relativement
peu utilisé, ce qui laisse penser que la façon de délivrer l’information aux
familles, notamment allophones, pourrait être améliorée pour augmenter
l’incitation à y recourir.
Aujourd’hui, il est possible à trois reprises au cycle d’orientation d’aller
gratuitement chez le dentiste pour un contrôle conçu comme la continuité du
déplacement sur site ce des professionnels. Plus on va vers le secondaire II et

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l’université, plus le dispositif s’étiole. On investit finalement surtout dans la
prévention pour le plus jeune âge.
Il est clair que les aspects comportementaux ont leur importance tout
comme l’évolution des maladies chroniques. Le conseiller d’Etat a déjà parlé
en commission du diabète, dont 30% des personnes touchées ignorent l’être et
ne prennent donc pas les mesures nécessaires.
Le budget 2024 a justement pris en compte cette question de la prévention
en général, ce qui inclut la promotion d’une bonne hygiène bucco-dentaire afin
de représenter à terme des gains par rapport aux coûts de la santé.
Le Conseil d’Etat soutient donc totalement la proposition de soutenir la
promotion et la prévention même s’il faudrait le détailler. Concernant le
soutien financier de 300 francs, le Conseil d’Etat est plus dubitatif. Il ne l’est
pas sur le principe en tant que tel, mais rappelle que lorsque cela a été introduit
dans d’autres juridictions. Ce type de mécanismes peut faire assez rapidement
augmenter l’assiette des ayants droit sans forcément faire augmenter le recours.
On serait aux alentours de 133 000 bénéficiaires à Genève, pour
40 millions de francs, sans compter les coûts de mise en œuvre. A la teneur de
ce que coûte aujourd’hui une visite chez le dentiste ou l’hygiéniste qui se
monte facilement à 180 francs pour 25 minutes, on voit que l’on peinerait à
couvrir deux contrôles.
D’autre part, les conséquences des constats du contrôle ne seraient pas
prises en charge. L’assurance obligatoire ne couvre aujourd’hui pas les soins
dentaires et le Conseil d’Etat a discuté du fait que le subside génère un effet de
seuil important qui ne prend pas en compte d’autres personnes en ayant besoin.
M. Maudet mentionne une séance avec le projet Specchio qui permet
d’identifier la prévalence de certaines conditions et on voit bien que l’hygiène
bucco-dentaire est tributaire de la condition sociale et financière des familles.
Le fait de passer ce soutien par le tamis des subsides ne permet pas de tout
résoudre. Il faut bien comprendre qu’au vu des coûts engendrés par une visite
chez l’hygiéniste, ce chèque ne suffira pas pour empêcher les gens de renoncer
par anticipation.
Cette connaissance sur les habitudes des patients a permis au gouvernement
de considérer que ce système ne serait forcément le meilleur. Il n’y oppose pas
un refus dogmatique, mais a envie de voir s’il n’y a pas d’autres modèles qui
pourraient exister, par exemple sur le financement.
On peut se demander si l’impôt peut venir financer ou s’il faut autre chose,
par exemple une taxe sur le sucre comme le propose une motion du Centre. Il
y a là une opportunité pour réfléchir à une articulation sur le principe
producteur-payeur.

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D’autre part, il faut vraiment s’attaquer à la racine du problème. Le
message du Conseil d’Etat s’appuie sur les travaux de la DGS auxquels se sont
associés le DIP, le DCS et le DF. Le gouvernement travaille d’ores et déjà à
un affinage des déterminants de la santé bucco-dentaire et les débouchés qui
pourraient en résulter.
Concernant l’état de la santé bucco-dentaire en Suisse, un certain nombre
d’éléments ressortent du rapport de prise en considération remis aux députés.
20% des enfants concentrent 60% des caries. Il y a là une vraie inégalité sociale
entre les enfants qu’il appartient à l’Etat de corriger. Un autre élément
intéressant est que 5% des coûts totaux de la santé sont dus aux frais dentaires.
On se rend compte que ce n’est pas la prévention primaire dans les écoles qui
coûte cher, mais bien les soins en tant que tels. On constate selon les différentes
entités responsables qu’il y a une recrudescence de cas graves avec des gens
qui laissent dériver des situations bucco-dentaires. Si l’on n’en meurt pas en
principe pas, ces situations génèrent une prise en charge très lourde qui créent
elles-mêmes une appréhension psychologique menant au renoncement chez
certains patients.
Une étude du bus santé a permis de montrer que si le renoncement
concernait 2,4% des ménages avec un revenu supérieur à 13 000 francs, il
concerne 23,5% des ménages gagnant moins de 3 000 francs. Cela signifie
qu’un quart des personnes avec un bas revenu renoncent aux soins et que ce
contexte ne semble pas s’améliorer avec le renchérissement du coût de la vie.
Le Conseil d’Etat rejoint évidemment les initiants sur ce contexte difficile.
Il n’a cependant pas attendu cette initiative pour travailler sur la prévention et
la promotion de la santé bucco-dentaire. Les chiffres montrent bien une chute
pour les enfants entre le primaire et le secondaire I, où il faut vraiment faire
une démarche. Tout un travail s’est développé ces dernières années dans le
cadre du plan prévention promotion santé. On sait également que l’hygiène
bucco-dentaire est tributaire de la consommation d’alcool, de tabac et de sucre
pour laquelle le consommateur n’a pas grand-chose à dire.
Lorsque l’on rentre dans cette problématique, le sucre est partout,
notamment le mauvais sucre. Il est très frappant de voir à quel point toute notre
alimentation contient du sucre, même les aliments les plus triviaux. Il faut
également rappeler qu’il y a à Genève environ 150 cabinets de médecine
dentaire privés. On doit alors imaginer un déploiement de l’initiative qui se
fasse en bonne harmonie avec les dentistes et les hygiénistes dentaires, dont on
sait qu’ils ne sont pas pléthores sur le canton.
Il faut également prendre en compte le chiffre noir des consultations de
dentistes outre-frontière, qui sont un vrai problème. Certains de ces traitements

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ont lieu très loin du côté de l’est de l’Europe et ne sont parfois pas réalisés de
manière optimale. Il revient ensuite aux dentistes locaux de rattraper ces
mauvaises pratiques. On retrouve ensuite ces cas dans la commission de
surveillance des professions médicales et des droits de patients, ce qui génère
la nécessité de retirer des droits de pratique sur la base de photographies assez
édifiantes.
Concernant le contreprojet, le canton envisage en effet une taxe sur les
boissons à sucre ajouté. Taxer le sucre en général pose toute une série de
problèmes sur le lien entre le fait générateur et l’effet. L’idée est de pouvoir,
au terme des auditions, et si la commission le veut, livrer les prémices de ce
que pourrait être la dimension fiscale du contreprojet. Le Conseil d’Etat
voudrait alors pouvoir en dire un peu plus en février prochain.
La DGS a reçu de façon anticipée la mission de travailler sur le sujet et
devrait terminer ses travaux en février. Le Conseil d’Etat a également mandaté
un expert fiscal en la personne de Me Xavier Oberson afin de savoir quelles
sont les bases légales, mais aussi les modélisations des revenus d’une
éventuelle taxe sur le sucre. Il faut savoir si la taxe peut atteindre ses objectifs
et finir par diminuer par la suite.
Le but d’une taxe par nature est d’avoir un effet, contrairement aux impôts.
M. Maudet ne peut pas encore répondre à des questions très précises sur ce
point.
Sur le deuxième volet, soit les actions en matière de prévention et de
promotion, il y a plusieurs angles. Un angle qui n’est assez considéré est celui
de l’âge préscolaire. Les députés ont pu voir Mme Hiltpold évoquer dans le
programme de législature le travail qu’elle entend mener sur les 1 000 premiers
jours de vie, en sensibilisant les parents en lien avec les pédiatres. Il y a des
possibilités de dépistage chez des enfants de moins de quatre ans et cette piste
est intéressante. Il y a aussi un potentiel d’amélioration sur le dépistage à
l’école primaire, notamment grâce au dispositif DiagnoCam.
Au secondaire I, il y a également un potentiel d’amélioration avec ou sans
l’initiative pour éviter ce décrochage quantitatif. Le gouvernement travaille
aussi l’extension des bons pour le dépistage annuel pour les élèves n’étant plus
dans la scolarité obligatoire. Il faut pouvoir modéliser le dispositif par rapport
au nombre de personnes concernées.
L’école reste en tout cas un prisme relativement important. Le Conseil
d’Etat aimerait arriver à un dispositif de soin gratuit ou du moins à coûts
réduits. Il est possible de cibler avec Specchio les populations concernées pour
traiter en amont et développer le réseau de soins à la faveur d’une fréquentation

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de maison de santé. Les soignants y ont la faculté de jeter un œil à la dentition
des patients, tout en travaillant aussi sur des éléments de nutrition.
Tout se rejoint sur les aspects de diabète, de maladies chroniques et
d’hygiène bucco-dentaire. Une des idées du Conseil d’Etat serait également de
créer une commission de coordination afin de pouvoir piloter le travail mené
par l’ensemble des départements.
En résumé, cette initiative pose une bonne question en y apportant la
mauvaise réponse et le Conseil d’Etat veut y apporter une autre forme de
réponse. Il incite la commission à mener un large spectre d’auditions pour
pouvoir ensuite dire au Conseil d’Etat ce qu’elle envisage. Un certain nombre
de cantons se posent la même question, ce qui traduit bien le caractère très
actuel de la problématique.
Un député MCG rappelle que tout le monde autour de la table semble
d’accord pour dire que la santé bucco-dentaire est très importante. La
prévention n’est pas suffisante pour prévenir les dégâts et d’autres facteurs
interviennent pour expliquer ces problèmes. Le projet n’est peut-être pas
forcément le bon, mais le député n’est pas sûr que le contreprojet soit meilleur.
On ne s’attaque pas ici à la base du problème qui ne réside pas dans le montant
du chèque ou dans le public cible, mais bien dans les coûts de la médecine
dentaire. Toutes les autres professions de santé font l’objet d’une régulation
qu’elles doivent respecter et seule la médecine dentaire y échappe. Chacun fait
ce qu’il veut et il n’y a aucune obligation.
Une manière de s’attaquer au problème serait donc peut-être, pour un
certain nombre de dentistes, de proposer une forme de régulation. L’Etat est
finalement en train de réfléchir à comment il va financer une médecine dentaire
qui est totalement libre et dont on sait qu’elle est, dans bien des cas,
disproportionnée en termes de factures et d’honoraires. Le député MCG se
demande si l’on ne pourrait pas identifier un certain nombre de médecinsdentistes et fixer avec eux un tarif d’entente qui permettrait à ces médecins de
fournir à la population une prestation de qualité et à coût raisonnable. La
proposition vise à ce que de nombreuses personnes puissent bénéficier de soins
dentaires qui leur permettent de s’alimenter, de parler, de vivre et d’avoir une
vie sociale sans contraintes.
M. Maudet note qu’il s’agit là d’une vision collectiviste assumée qu’il fait
un peu sienne. Il est conscient que l’on planterait ici le dernier clou dans le
cercueil de la médecine libérale au niveau de la médecine dentaire qui échappe
à l’assurance obligatoire et qui facture entre 165 et 170 francs pour 30 minutes
de consultation. Il faut cependant se demander si le pouvoir cantonal a la
faculté de réguler au niveau genevois. Le conseiller d’Etat ne serait pas opposé

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à ce qu’un groupe de patients puisse bénéficier d’un tarif conventionné qui
permette de mutualiser les risques. Il y a en tout cas là un argument pour le
projet de caisse publique qui permettrait, assez paradoxalement et hors LAMal,
de mutualiser ce risque et de lever l’obstacle économique qui est fondamental.
Il s’agit d’une piste que l’on peut étudier et discuter avec les dentistes.
Le député MCG comprend que cela serait le dernier clou dans la
libéralisation de la médecine dentaire, mais note que cela a été fait depuis
longtemps pour le reste de la médecine. Quand on voit que l’autorité politique
a établi la clause du besoin pour certaines professions, la médecine dentaire
jouit encore d’une liberté qui impacte passablement de gens en les empêchant
de bénéficier de soins nécessaires.
Une députée Le Centre demande si le Conseil d’Etat prend en compte les
études ayant été menées pour comprendre comment il est possible d’engager
des changements de comportements au sein de certains groupes de la
population. Il est important de comprendre pourquoi il y a des ancrages dans
certains comportements, par exemple au niveau des addictions. La députée
demande s’il y a notamment des liens avec des psychologues pour mieux
comprendre la question.
M. Bron répond qu’il est clair que la DGS prend en compte dans ses
réflexions tous les éléments qui peuvent favoriser l’adoption de changements
et de nouveaux comportements. Ces approches sont totalement intégrées dans
les approches de prévention. Il n’est plus possible de faire les mêmes
campagnes qu’il y a vingt ans et la totalité des réflexions sur la promotion de
la santé intègre ces questions d’incitation au changement de comportement.
Elles permettent d’avoir des effets assez spectaculaires et ce que le Conseil
d’Etat propose de faire doit s’inscrire aussi dans ces changements pour éviter
des soins dispendieux.
M. Maudet précise que le gros changement que l’on a eu avec le plan
prévention promotion santé en milieu urbain, c’est que l’on parle de santé
perçue. La dimension subjective est fondamentale, y compris dans le domaine
de la prévention. On est typiquement dans ce type de phénomène. Si on prend
la thématique du sucre, on est dans un domaine qui touche tant la santé que
l’économie. Il y a au parlement fédéral un lobby du sucre qui complique les
possibilités de légiférer. Il en va de même pour l’alcool et la question des
addictions et de la pleine connaissance des effets est limitée par ces enjeux
économiques. Le sucre est l’un des principaux suspects pour la dégradation de
l’hygiène bucco-dentaire et il faut se demander si les consommateurs sont
assez informés sur les risques de consommation de certains produits. Il n’y a
pas toujours de produits alternatifs et il faut donc des initiatives pour réfléchir
aux manières de faire mieux. Le PPS comporte 64 axes transversaux qui

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permettent de donner de vraies impulsions, par exemple sur le sport et le plan
sport du DCS qui va venir rajouter des éléments allant dans le sens d’une
pratique sportive comme promotion de la santé. Il y a cependant une vraie
question philosophique sur l’intervention de l’Etat sur les phénomènes
d’addiction et sur la responsabilité de chacun sur sa propre santé. On peut
évidemment considérer le sucre comme une drogue et une forme d’addiction.
Une députée Les Verts demande s’il serait possible de rappeler de manière
synthétique les trois points du contreprojet ainsi que les délais.
M. Maudet répond que le contreprojet s’organise en réalité autour de deux
axes. Le premier axe concerne la provenance de l’argent pour financer le
dispositif, notamment en approfondissant la perspective d’une taxe sur les
produits avec du sucre ajouté. Il n’est pas forcément souhaitable de se servir
dans les caisses publiques et le Conseil d’Etat souhaiterait trouver une autre
source de financement. Il veut ainsi décrire cette autre source éventuelle. En
regard de cela, il faut aussi regarder comment cet argent sera dépensé. Le
principal prisme est le prisme scolaire avec une volonté de renforcement tant
sur le préscolaire que sur les différents niveaux scolaires. Il faut des mesures
plus larges d’hygiène et de prévention en passant par les réseaux de soins, et
notamment les maisons de santé, afin de cibler plus précisément les catégories
de population qui sont freinées par les coûts élevés. Il y a également un prisme
relatif à l’âge puisque l’on sait que les personnes âgées connaissent une
détérioration sévère de leur santé bucco-dentaire. Enfin, le Conseil d’Etat
souhaite mettre en place une commission de coordination qui assurerait le
pilotage de cette politique publique en lieu et place d’un médecin-dentiste
cantonal. On pourrait éventuellement parler d’un troisième axe qui serait plus
porté sur les coûts de la médecine dentaire avec la capacité d’identifier des
dentistes avec qui passer une convention.
La députée comprend que le texte du contreprojet sera disponible en
février.
M. Maudet répond qu’il n’y aura pas de texte avant que le Conseil d’Etat
connaisse la volonté du Grand Conseil. La commission doit mener ses travaux
avant de recevoir à nouveau le Conseil d’Etat en février 2024. Si le parlement
est convaincu par la possibilité d’un nouveau projet, le gouvernement aura
entre mai 2024 et mai 2025 pour élaborer un texte et le présenter au plénum, à
moins que les initiants ne retirent leur projet.
Il faut ensuite que le contreprojet soit validé par le Grand Conseil. Il faut
en tout cas que la commission puisse mener des auditions et que le Conseil
d’Etat puisse revenir en février prochain.

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Audition de l’Association des médecins-dentistes de Genève
M. Hrvoje Jambrec, président
M. Jambrec explique qu’il représente l’association des médecins-dentistes
de Genève, association qui ne représente pas l’ensemble des praticiens sur le
canton même s’il peut parler au nom des membres et probablement également
au nom des autres. La prévention et la prophylaxie sont le début et la fin de
tout et si l’on veut préserver au mieux sa santé bucco-dentaire et éviter le
maximum le contact avec le médecin-dentiste et ses honoraires, c’est
l’approche qu’il faut privilégier. Cette initiative formule deux propositions.
Elle propose en premier lieu d’instaurer un bon ou un chèque à faire valoir
auprès d’un médecin-dentiste ou d’un hygiéniste dentaire pour la prévention
annuelle. D’autre part, l’initiative prévoit la création éventuelle d’un poste de
médecin-dentiste cantonal.
Concernant le chèque dentaire, il semblerait que cette aide soit destinée à
une partie de la population qui en a besoin et qu’elle donne un accès quasiment
gratuit à un contrôle ou à un voire deux détartrages par an. Ces actions sont par
définition de la prophylaxie et permettent de limiter les risques sans toutefois
les supprimer. Tout dépendra de comment ce chèque sera utilisé par les
bénéficiaires. Depuis maintenant plus de trente ans, l’association participe
annuellement à des contrôles gratuits et offerts à tous les enfants et adolescents
genevois scolarisés. Cette initiative s’effectue en étroite collaboration avec le
service scolaire dentaire. Or, malgré la gratuité du dispositif, l’on n’est jamais
parvenu à un taux de plus de 5% de recours. 95% des familles font donc le
choix de ne pas utiliser ce bon, ce qui reste difficilement compréhensible.
D’autre part, si la prophylaxie comme on peut notamment la pratiquer chez les
hygiénistes dentaires peut limiter certains risques ou permettre de traiter
relativement tôt certaines conditions, cela ne suffit pas. On se rend finalement
compte que l’essentiel réside dans l’hygiène bucco-dentaire privée, et si la
prévention professionnelle est un complément nécessaire, elle ne saurait se
suffire à elle-même. Sur ce point, si les dentistes ne peuvent que saluer la mise
en place d’une aide, ils constatent que des offres qui existent déjà sont très peu
utilisées par la population.
Sur le deuxième volet concernant le médecin-dentiste cantonal, il faut
rappeler que les médecins-dentistes sont une profession libérale, ce qui les rend
par essence très individualistes dans leur manière de fonctionner et un peu
réticents aux logiques de contrôle de l’activité. Malgré cela, l’association
soutient le principe de la création d’un poste de médecin-dentiste cantonal avec
l’autorégulation que cela peut amener pour la profession, mais aussi pour la
population genevoise. Il existe actuellement un réseau assez dense de
prestataires entre les médecins-dentistes classiques et ceux qui agissent au sein

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du réseau social, à l’instar de la Croix-Rouge ou du Point d’eau. Si tout cela
fonctionne assez bien, il manque ce qui existe déjà dans d’autres cantons
suisses, à savoir une centrale qui coordonne et surveille, récolte les
informations et intervient pour amener des améliorations. L’association
considère qu’une telle fonction serait absolument bénéfique pour une bonne
partie de la population. S’il est clair qu’il s’agirait d’un investissement pour
l’Etat, il pourrait permettre à la population de faire des économies sur le long
terme. On pourrait aussi imaginer combiner la fonction avec certaines tâches
administratives comme l’attribution des droits de pratique entre les différentes
spécialités, ce qui permettrait d’améliorer l’efficience.
Un député PLR se questionne sur l’état de santé de la profession de
médecin-dentiste. La commission a reçu beaucoup d’informations sur les
médecins généralistes dans le cadre de ses travaux, notamment sur les
difficultés de recrutement et le risque de pénurie de professionnels de santé. Le
député constate que la question des médecins-dentistes a été peu évoquée et
aimerait des détails sur ce point.
M. Jambrec répond que l’on observe depuis un certain nombre d’années un
grand changement concernant les médecins-dentistes. Au début des années 90,
pour les personnes qui obtenaient leur diplôme en Suisse, on prédisait déjà un
manque de médecins en raison d’une probable augmentation des soins. On
constatait en effet que la population vieillissante avait une meilleure hygiène
et gardait de plus en plus longtemps ses dents, ce qui augurait de facto plus de
soins. Avec les bilatérales, la profession a changé et on estime désormais qu’il
y a environ 50% des médecins-dentistes actifs sur le canton qui sont étrangers,
bien que l’association n’ait pas accès à la liste du droit de pratique des
médecins actifs. Ces praticiens sont formés à l’étranger, principalement en
France, mais aussi ailleurs. Très concrètement, sur ces 30 dernières années, il
y a plus de médecins-dentistes étrangers qui sont venus travailler en Suisse que
ce que le pays a pu produire de médecins-dentistes sur les 120 dernières
années, à savoir le moment où est née la formation de médecine dentaire. Il est
donc clair qu’il y a aujourd’hui une surpopulation médico-dentaire à Genève
avec trop de médecins qui exercent. Or, quand il y a trop de médecins, certains
se retrouvent avec un peu moins de travail et se retrouvent à fournir des offres
de traitement plus ou moins nécessaires pour la santé. On retrouve beaucoup
de traitements de confort et beaucoup de publicité. Il n’y a donc pas de risque
de pénurie à court ou à moyen terme. Il faut en revanche améliorer la qualité
de la prise en charge sur un marché où trop de personnes sont présentes par
rapport aux patients. L’association lutte pour ce maintien de la qualité de la
prise en charge et des soins.

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Une députée S revient sur la question du médecin-dentiste cantonal et
demande si l’auditionné a des exemples sur comment cela fonctionne ailleurs.
M. Jambrec n’a pas tous les détails, mais rappelle qu’une telle fonction n’a
en tout cas jamais existé à Genève. Le canton dispose d’un médecin cantonal
dont la philosophie se rapproche assez de celle d’un médecin-dentiste cantonal.
La fonction existe partout en Suisse, sauf dans cinq cantons. L’association des
médecins-dentistes cantonaux tente de promouvoir le concept et
d’enthousiasmer le canton pour créer ce poste. Tous les cantons qui ont fait ce
choix profitent d’une fonction de régulation qui permet de collecter les
informations et de les redistribuer, mais aussi d’établir le registre des droits de
pratique. Avec le Covid et les mesures d’urgence, on a pu voir que les
médecins-dentistes prenaient des risques importants et qu’il était donc clé de
s’organiser pour maintenir l’activité dans un cadre sécurisé. L’association a pu
avoir un très bon contact avec le médecin cantonal qui a aidé à s’organiser dans
la prévention pour le médecin et le patient avec des éléments sanitaires qui
étaient en manque. Cependant, l’association n’a pu diffuser ces informations
qu’auprès de ses membres et les non-membres ont dû faire sans. N’ayant pas
accès au registre des droits de pratique, l’association était dans l’impossibilité
d’établir des contacts et de diffuser les informations auprès de ces praticiens.
Elle n’avait donc accès qu’à environ 50% de la population de médecinsdentistes.
D’autre part, on prépare actuellement une restructuration du service social
dentaire à Genève avec une réforme informatique notamment pour la
transmission de devis et le contrôle des plans de traitement. Cette révolution
en cours est bénéfique et le DCS a convoqué la semaine dernière autour de la
table les différents acteurs cantonaux pour discuter de cette mise au point et du
référentiel, à savoir quels actes dentaires seront désormais pris en charge et
lesquels ne le seront pas. L’auditionné y était aux côtés d’autres médecins
n’étant pas membres de l’association. Par le biais de la faîtière nationale,
l’association dispose des informations sur les changements entrés en vigueur
au 1er janvier 2024 et sait donc que l’on travaille encore sur des éléments qui
sont obsolètes. Les médecins non-membres de l’association ne disposaient pas
de ces informations et les ont découvertes sur le vif. Il y a donc une vraie
imperfection dans le système qui serait palliée par un poste de médecindentiste cantonal afin d’arriver à un gain de temps et d’efficience.
La députée S se demande si, sur la question du chèque, l’auditionné doute
de son utilité ou il doute plutôt du fait que la population en fasse une bonne
utilisation.
M. Jambrec rappelle qu’il existe déjà des initiatives qui vont dans ce sens
et que force est de constater que l’utilisation qui en est faite ne correspond pas

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toujours aux intentions initiales. Si on met ce chèque à disposition de la
population, l’idée est de l’utiliser très clairement pour de la prévention et on
ne peut que soutenir cela. Il n’en reste pas moins que les initiatives existantes
ont déçu et questionnent sur le non-recours. Par ailleurs, ces efforts sur la
prévention professionnelle seront vains s’il n’y a pas d’efforts mis dans
l’hygiène de quotidien. Le principe du chèque est donc à soutenir même si
quelques doutes peuvent subsister quant à une certaine sous-utilisation qui
pourrait limiter l’efficacité du dispositif.
Un député LJS se demande si les centres dentaires que l’on peut par
exemple voir fleurir dans les centres commerciaux sont membres de
l’association et agissent un peu comme certaines permanences médicales. Il se
demande également si l’activité qui y est pratiquée est une bonne pratique et
quel est leur rôle dans la prévention. D’autre part, sur la question du chèque
dentaire, il se demande si les moyens financiers mis en place pour ce chèque
ne seraient pas tout aussi performants avec de grandes campagnes de
prévention et d’incitation pour que les gens fassent plus attention à l’hygiène
du quotidien. Il demande également si l’auditionné a connaissance d’une
éventuelle étude sur le rapport coût-bénéfice d’une consultation annuelle.
Enfin, le député demande à M. Bron comment les médecins-dentistes étrangers
peuvent venir s’installer et notamment s’il suffit d’un diplôme européen ou si
une autorité de tutelle comme le médecin cantonal vient effectuer un contrôle
supplémentaire.
M. Jambrec répond que sur la question du chèque et de la prévention, il est
clair que dans le domaine de la santé bucco-dentaire, le plus efficace pour
maintenir la santé dentaire et éviter un maximum de problèmes reste ce que
l’on fait à la maison. Si l’on peut saluer le recours à un ou deux nettoyages par
années en complément, se limiter uniquement à cela sans faire les bons gestes
au quotidien n’aura qu’une courte durée d’impact. La prophylaxie
professionnelle ne dure qu’entre deux semaines et trois mois. Si l’auditionné
disposait de tous les moyens possibles, il choisirait personnellement de tout
miser sur la prévention quotidienne et les gestes à la maison. La prévention
professionnelle ne pourra jamais déployer tous ses effets si l’on ne fait pas tout
ce que l’on peut faire au quotidien. A sa connaissance, il n’existe pas d’étude
sur le ratio coût-bénéfice d’une telle initiative, notamment une étude qui
comparerait la prophylaxie professionnelle avec ce que l’on fait à la maison.
Sur la question de l’activité des structures de soins dans les centres
commerciaux ou dans les cliniques, il est vrai qu’il y en a de plus en plus à
Genève et que leur nombre est trop important par rapport à la population. Il
n’y a aucun autre endroit en Suisse où il y en a autant. Cela pourrait être en
partie dû à l’histoire du canton qui a connu le premier centre dentaire créé en

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Suisse. Il y a un grand nombre de centres dentaires qui ont ouvert depuis et la
majorité fonctionne avec des collègues venus de l’étranger. La qualité de la
prise en charge dans ces centres reste difficile à déterminer. En contraste de
cela, la faîtière est justement là pour établir un cadre et des règles qui
permettent de s’autolimiter, par exemple sur la publicité qui n’est pas vraiment
cautionnée dans le domaine médical en temps normal. L’association regrette
quelque peu que l’aspect commercial puisse parfois prévaloir sur l’aspect
médical. Or, ces centres ont besoin d’engranger des prestations pour
fonctionner, ce qui rend leur fonctionnement questionnable. L’association a
ceci dit peu de détails sur leur activité puisque ces centres n’en font pas partie.
Ils refusent ainsi de se soumettre au contrôle de la facturation et à l’autorité de
la commission de conciliation qui reçoit les plaintes des patients. On sait
également qu’il y a un grand turnover de collaborateurs dans ces structures et
que cela peut questionner sur la qualité de la prise en charge et sur la plusvalue pour la santé bucco-dentaire de la population genevoise.
M. Bron retient notamment l’importance soulignée de la prévention dans
cette audition et rappelle que cette position rejoint celle tenue par le magistrat.
Les médecins-dentistes sont soumis à la loi sur les professions médicales et
leur diplôme doit être sanctionné par la MEBEKO. Il faudrait peut-être
regarder les conditions spécifiques pour ces derniers pour qu’ils puissent faire
l’objet d’un remboursement par la LAMal. Il est clair que les fonctions
d’autorité ont un ancrage dans la loi fédérale, à l’instar du médecin cantonal
qui est instauré par une loi fédérale au même titre que les produits
thérapeutiques ou la gestion des épidémies. Le canton a cependant le droit de
décider de mettre quelqu’un à la tête d’un service des professions de santé. Il
doit s’agir d’un choix du législateur et de l’administration cantonale. A
Genève, le médecin cantonal est référent pour toutes les professions de santé.
Il reste possible de créer des fonctions supplémentaires pour certaines
professions, avec pour enjeu de fixer des priorités sur ces professions. Créer
un poste de médecin-dentiste cantonal ou d’infirmière cantonale créerait une
attention et une balance particulières sur ces questions avec une intensité
renforcée. Le service du médecin cantonal reste cependant le service
compétent pour toutes les professions de santé pour vérifier et sanctionner.
M. Jambrec précise qu’un médecin-dentiste peut émettre des notes
d’honoraires aux différents services sociaux pour autant qu’il ait adhéré à la
convention tarifaire entre la SSO (la faîtière suisse des médecins-dentistes) et
les différents services sociaux cantonaux. Adhérer à cette convention coûte
400 francs par année. Dans un centre avec plusieurs dentistes, il faut noter qu’il
suffit que le médecin responsable ait adhéré à cette convention pour que les
autres collaborateurs en bénéficient. Elle n’est pas liée à un quelconque

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contrôle et il suffit d’avoir un diplôme reconnu par la Confédération pour
s’annoncer auprès de la SSO. Sur la question des diplômes étrangers, il faut en
effet un diplôme européen pour faire l’objet d’un examen par la MEBEKO
avant d’avoir une autorisation d’exercer. Le problème est que dans certains
pays de la communauté européenne, cela ne fait que deux ans que les étudiants
en médecine dentaire peuvent travailler sur les vivants contrairement à la
Suisse où cela se fait depuis très longtemps. Or, ces gens peuvent venir
librement en Suisse pour exercer la profession sans n’avoir jamais exercé sur
de véritables patients. La situation s’est un tout petit peu améliorée, mais elle
reste une source d’inquiétude. Par ailleurs, des pays comme l’Espagne offrent
des facilités à des étudiants venant d’Amérique du Sud pour obtenir le diplôme
espagnol alors qu’ils viennent au départ d’un endroit où la formation est très
éloignée de ce que l’on pourrait exiger en Suisse de médecins formés
localement.
Le député LJS rappelle que l’on apprend les bases de l’hygiène buccodentaire lorsque l’on est jeune et se demande si l’école serait un bon lieu pour
inculquer ces gestes ainsi que si ce que l’on y fait actuellement est suffisant.
M. Jambrec note que si le constat est juste, il y a encore une grande marge
de profession. Il faut commencer dès le plus jeune âge avec les premières dents.
Même si l’enfant n’est pas encore conscient qu’il faut brosser, il faut
commencer auprès des jeunes parents pour qu’ils transmettent cela à leurs
enfants. Au plus tard dès les premiers pas à l’école, il faut commencer cet
apprentissage. Malheureusement, on est encore assez loin de ce que l’on
pourrait offrir. Si la prise en charge par le service scolaire dentaire est
excellente, ce que fait Genève dans ses écoles est insuffisant. Il y a par exemple
beaucoup de moniteurs dentaires dans les autres cantons. Il s’agit d’assistantes
dentaires ou d’infirmières qui viennent enseigner aux enfants et aux
adolescents l’hygiène bucco-dentaire dès leur plus jeune âge. Le concept n’a
pas totalement disparu, mais il est beaucoup moins présent. Genève est par
nature un canton d’immigration de toute sorte, et quand les gens viennent
d’ailleurs, on ne sait pas exactement de quelle éducation dentaire ils ont pu
bénéficier auparavant. Cela souligne l’importance d’uniformiser les choses
pour tous les jeunes.
La présidente indique que lors d’une précédente audition, le comité
d’initiative notait que la création de ce bon ouvrirait une porte pour celles et
ceux qui ont parfois peur se de rendre chez le médecin-dentiste par peur des
mauvaises surprises qu’ils pourraient y avoir. Elle se demande si l’auditionné
dispose de certaines pistes pour expliquer le non-recours chez ces adultes.
M. Jambrec confirme que lorsque l’on parle de la large sous-utilisation des
bons de contrôle, ce sont bien les parents qui reçoivent les documents et qui

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font donc le choix de ne pas utiliser cette aide par peur ou par manque de
compréhension. Il n’en reste pas moins que ces bons sont téléchargeables sur
le site de l’Etat et que toutes les écoles publiques donnent l’information.
Maintenant, les deux principales pathologies bucco-dentaires sont les caries et
les parodontites. En dehors de cela, tout le reste n’est pas considéré comme
une maladie grave et dangereuse pour autant que les choses soient détectées et
prises en charge, même tardivement. Pour les pathologies plus graves qui
peuvent aller en direction d’un cancer ou d’une tumeur, cela peut en effet
arriver, mais l’instauration d’un chèque dentaire aura peu d’impact sur elles.
Elles seront découvertes de manière fortuite et on ne verra pas une hausse de
leur prévalence. Il faut se demander ce que veulent les initiants, mais
l’initiative ne devrait pas mener à une hausse des constations de maladies.
La députée S demande ce que l’auditionné imaginerait personnellement
comme mesures dans le cadre de l’élaboration d’un éventuel contreprojet.
M. Jambrec note que l’association n’a pas été mandatée pour réfléchir à
cela, mais indique que le volet du médecin-dentiste cantonal serait un
investissement avec un coût-bénéfice pour la population genevoise qui serait
clairement mesuré sur le moyen et le long terme. Le chèque dentaire est
également souhaitable, mais M. Jambrec note que ce montant pourrait plutôt
être dépensé pour donner de l’information et de la motivation dans les foyers.
Il faut susciter un engagement dans l’hygiène personnelle avant de penser aux
rendez-vous chez les professionnels. Il faut aussi partir du principe qu’au
moins la moitié des personnes par exemple présentes dans la salle ne font déjà
pas tout ce qu’elles devraient faire chez elles. On pourrait améliorer la
prévention en amont au niveau des jeunes familles et des jeunes parents. Cela
aurait aussi des impacts sur la peur que l’on peut avoir envers une visite chez
le médecin-dentiste. On ne se limiterait qu’à des questions de confort et
d’esthétique et la lutte contre les pathologies bucco-dentaires serait superflue.
La députée S demande ce que pense l’auditionné de l’impact des coûts des
soins dentaires. On sait que les personnes issues des milieux populaires sont
plus à risque et la députée se demande quand même si agir sur les coûts des
soins pourrait permettre d’augmenter un peu le recours.
M. Jambrec note qu’on pourrait raisonnablement imaginer que cela aurait
un impact, mais dans les faits, cela n’est pas le cas. Tout ce qui existe déjà dans
le canton est très positif, avec une très bonne prise en charge de la part du
réseau social pour les personnes qui en ont le plus besoin, par exemple avec la
Croix-Rouge ou le Point d’eau. Si un chèque dentaire pouvait couvrir la
prévention annuelle, il ne couvrirait pas le reste, reste qui serait par ailleurs
évité par une meilleure hygiène à la maison. Il serait difficile de faire plus

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d’efforts sur les tarifs si ce n’est de mieux les coordonner et mieux gérer les
ressources existantes.
Audition de l’association des hygiénistes dentaires, section romande
Mme Lucie Mazerolle, présidente, et Mme Marianne Long, vice-présidente
Mme Mazerolle explique qu’elle-même et Mme Long représentent les
intérêts de Swiss Dental Hygienists, l’association suisse des hygiénistes
dentaires. Elle utilisera le féminin générique dans cette prestation pour parler
des hygiénistes dentaires, pour des questions de visibilité. Il y a actuellement
3 078 hygiénistes dentaires qui travaillent en Suisse et qui effectuent un travail
de prévention au quotidien dans une perspective de santé globale. Elle est la
seule spécialiste à faire de la prévention thérapeutique pour diminuer la
prévalence de maladies dentaires. L’OMS la considère comme une spécialiste
de santé globale.
Selon le plan d’études cadre pour l’hygiéniste dentaire ES, il s’agit d’une
prophylaxie active dans la prévention des caries et des parodontites et ainsi la
promotion de la santé. Dans leur domaine, les hygiénistes guident les patients
vers l’autonomie. Leur action est donc axée sur la prévention et le maintien de
la santé sous la forme d’un processus de motivation ciblée. Les hygiénistes
sont en mesure de détecter les altérations pathologiques de la gencive et des
muqueuses buccales. Elles conseillent et accompagnent les besoins en
prévention thérapeutique, elles informent sur l’étiologie, les conséquences et
les options thérapeutiques. Les traitements prodigués peuvent l’être à des
personnes en santé, en traitement, avec une pathologie chronique ou avec
divers handicaps.
Les hygiénistes travaillent dans les cabinets dentaires, dans les hôpitaux,
dans les EMS, dans l’industrie, dans le service public, dans les établissements
scolaires ou encore dans les centres de formation. Elles peuvent être employées
ou indépendantes et exercent leur profession conformément aux dispositions
légales. Elles suivent les évolutions sociales, scientifiques, économiques et
sanitaires.
Au niveau des évolutions de la santé publique, elles déploient des mesures
de prévention et de promotion de la santé dans le cadre de campagnes
nationales, cantonales et communales. Elles peuvent participer aux études
épidémiologiques dans une logique interdisciplinaire et d’approfondissement
global sur la situation des patients. Elles participent au dépistage précoce des
modifications bucco-dentaires, par exemple le dépistage du cancer buccal, du
pharynx ou de la gorge. Elles ont des connaissances en médecine dentaire, en

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psychologie ou encore en communication et savent s’adapter aux coûts de la
santé.
L’association est en faveur de cette initiative. La prévention est
véritablement clé et il faut souligner que le travail de l’hygiéniste dentaire ne
saurait se réduire au seul détartrage. Il est très important de mettre en place des
politiques de prévention dentaire qui peuvent permettre de réduire la
prévalence de certaines maladies systématiques et donc de réduire les coûts de
la santé globale. Les hygiénistes dentaires mettent quotidiennement l’accent
sur l’importance de la nutrition à tout âge et offrent des renseignements sur les
pathologies dentaires à tout âge de la vie ainsi que sur les effets de la
consommation de produits comme le tabac ou l’alcool. Il est important que les
patients puissent venir consulter l’hygiéniste lorsque cela est nécessaire.
Certains cantons voient une problématique de remboursements des soins
prodigués par les hygiénistes dentaires et il est important que l’art. 21 de la loi
sur la santé genevoise soit respecté.
L’hygiéniste dentaire indépendante membre de Swiss Dental Hygienist a
sa propre tarification tout comme les médecins-dentistes ont la leur. La
tarification des associations respectives dépend des catalogues créés par les
associations professionnelles.
L’initiative semble juste pour aider les personnes que l’on pourrait appeler
les travailleurs pauvres, des personnes à qui il ne reste pas suffisamment pour
se permettre une consultation dentaire. L’association n’est en revanche pas
forcément favorable à une assurance de santé globale dentaire. Il faut au
contraire pouvoir agir là où il le faut et il est important que le patient garde le
libre choix de son thérapeute. Il est aussi important qu’il n’y ait pas de
restrictions quant au choix des actes de soins de prévention.
Comme dit précédemment, l’hygiéniste ne se limite pas au seul détartrage
et offre au contraire une vaste panoplie de prestations. Il ne faudrait donc pas
inclure que le détartrage dans le chèque proposé, mais essayer d’atteindre les
parents avec de jeunes enfants, notamment en favorisant la prévention de la
petite enfance avant la scolarisation. Il peut y avoir différentes façons d’y
arriver, par exemple en lien avec Pro Fa, des pédiatres ou encore des
gynécologues. Les hygiénistes parviennent à établir de vraies relations de
confiance avec les patients, notamment lorsqu’elles parviennent à suivre des
gens de leur enfance à leur arrivée dans l’âge adulte. Il y a également des
problèmes avec les jeunes en formation dès 18 ans puisque les parents cessant
de s’occuper de cette problématique et la situation financière devenant plus
complexe, ils consultent moins. Il serait bénéfique de s’occuper de cette
population.

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L’association met aussi en place des soins spécifiques pour les personnes
âgées, que ce soit au domicile ou dans les EMS. C’est une population
plurimédicamentée avec des comorbidités. On sait que les problèmes de santé
dentaire peuvent découler de nombreux autres problèmes de santé. Enfin, il
serait important que la campagne de prévention qui pourrait découler de
l’initiative soit proposée dans plusieurs langues pour toucher le plus large
public possible.
Une députée S souligne l’importance du travail fait par la profession. Une
des critiques faites à l’initiative est justement qu’en offrant un chèque, on ne
ferait pas assez sur la prévention au quotidien. La députée se demande si
donner accès de manière facilitée aux hygiénistes dentaires permettrait de
renforcer la prévention sur les gestes quotidiens avec une approche
personnalisée plutôt qu’une campagne globale qui serait finalement
individualisée.
Mme Mazerolle répond que c’est exactement ce que font les hygiénistes
dentaires tous les jours. Quand un patient vient au cabinet, l’hygiéniste évalue
la situation globale avant de passer aux problèmes dentaires. Limiter l’offre au
détartrage serait ne rien comprendre au travail fait. Si le patient a des problèmes
de motricité ou de diabète, il faudra mettre en place un enseignement et un plan
de traitement adapté. Il faut faire très attention au fait que les dents font partie
du corps et que les maladies dentaires sont liées avec d’autres situations.
Chaque hygiéniste doit pouvoir évaluer la situation du patient pour pouvoir
proposer un enseignement sur mesure. Le patient qui consulte pour la première
fois va repartir avec des informations sur sa santé globale, sur sa santé dentaire
et avec les outils qu’il pourra utiliser pour pouvoir être aussi actif dans
l’amélioration de sa situation. Il faudrait par ailleurs pouvoir continuer à
consulter régulièrement afin d’éviter que le patient se retrouve à devoir faire
des soins chez le médecin-dentiste.
Mme Long précise qu’il s’agit en fait d’une forme de coaching dentaire et
que les hygiénistes sont là pour guider les patients dans la bonne dentaire ainsi
que pour assurer une forme de coordination avec d’autres professions
dentaires. Elles permettent de détecter des situations qui ne le seraient pas
autrement, ce qui souligne l’importance d’une relation de confiance entre
l’hygiéniste et son patient. Il s’agit d’une relation d’égalité puisqu’elles ne sont
pas médecins, mais aussi d’une relation de proximité très gratifiante,
notamment avec les jeunes que l’on voit grandir. C’est pour cela que
l’association aimerait vraiment souligner que le travail de l’hygiéniste dentaire
ne se limite vraiment pas au détartrage.
Un député PLR demande si la profession est déjà engagée pour des activités
de formation aux bons comportements et de promotion de la santé bucco-

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dentaire, par exemple au niveau prénatal pour éviter des comportements
cariogènes comme le fait de laisser en bouche les biberons pendant la nuit. Il
demande si ces actions existent déjà ou si elles pourraient être développées. Le
député demande également si la profession intervient au niveau des écoles.
Mme Mazerolle répond qu’un projet devrait prochainement être mis en
place en collaboration avec l’OMS pour identifier les populations sur
lesquelles on pourrait mettre l’accent. On pense notamment aux jeunes enfants,
public sur lequel la profession est déjà active en collaboration avec ProFa qui
est un centre qui permet une préparation pour les jeunes enfants. Il ferait assez
sens de proposer les services d’une hygiéniste dentaire pour accompagner les
mamans et leurs nourrissons. Cela se fait déjà dans les cabinets avec les
personnes qui attendent un enfant. L’hygiéniste peut proposer un entretien
spécialisé pour la personne enceinte et pour le nourrisson.
Mme Mazerolle aime personnellement bien voir une personne enceinte vers
trois mois de grossesse puis une seconde fois un mois avant le terme. On sait
que les changements hormonaux et bactériologiques durant la grossesse
peuvent impacter la mère et l’enfant et qu’il est important de pouvoir mener
ces entretiens sur ce que l’on peut faire avec le nourrisson et sur les bonnes
pratiques à adopter sur la nutrition ou l’entretien correct des dents, notamment
en lien avec la future orthodontie. Les hygiénistes dentaires participent
également aux contrôles dentaires scolaires.
Mme Long précise qu’il existe des dispositifs cantonaux, par exemple dans
le canton de Vaud, avec des personnes qui passent dans les classes pour
montrer le brossage aux enfants ainsi que pour dépister d’éventuelles caries.
Mme Mazerolle ajoute qu’il existe aussi des caravanes dentaires qui se
promènent d’école en école. Il existe également un centre dentaire de la petite
enfance à Lausanne et à Yverdon. On peut imaginer que la clinique de la
jeunesse à Genève fait un travail similaire.
Le député PLR demande si les hygiénistes travaillent à titre indépendant ou
sont plutôt salariées.
Mme Mazerolle répond qu’il est possible de tout faire, donc d’être
indépendante, d’avoir des employés voire d’être dans un cabinet en
collaboration avec un médecin-dentiste. Personnellement, elle est associée
dans un cabinet pluridisciplinaire avec deux médecins-dentistes, deux
hygiénistes et des assistantes dentaires.
Mme Long est pour sa part hygiéniste dentaire indépendante. Elle a toujours
été persuadée que la prévention était le futur et qu’il y avait une vraie
possibilité de faire venir les patients au cabinet, surtout ceux qui ont peur du

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cabinet de médecine dentaire. Il est possible d’aider et de guider ces gens pour
les ramener dans le réseau des soins dentaires.
Le député demande si les hygiénistes perçoivent un salaire ou si elles
facturent à l’acte.
Mme Mazerolle répond que si les hygiénistes sont employées par un
médecin-dentiste SSO, elles proposent des prestations tarifaires selon le
catalogue SSO. Les hygiénistes indépendantes proposent des prestations issues
du catalogue de Swiss Dental Hygienist. Les codes tarifaires de l’association
sont par ailleurs beaucoup plus détaillés que ceux de la SSO.
Le même député PLR demande si l’on envisage une potentielle pénurie de
professionnels dans la profession.
Mme Mazerolle répond qu’il existe en tout cas une pénurie depuis une
quinzaine d’années, même si les perspectives sont réjouissantes. On parle d’un
doublement de la capacité de formation depuis septembre à Genève tandis
qu’une nouvelle école devrait être accréditée d’ici 2025 sur le canton, ce qui
permettrait de doubler voire d’augmenter encore la capacité de formation. Les
médecins-dentistes ont souvent dû aller chercher des hygiénistes dentaires à
l’étranger, comme c’est le cas pour les deux auditionnées. En Suisse, on parle
d’une hygiéniste dentaire pour deux médecins-dentistes tandis que dans des
pays comme le Canada, on parle de deux hygiénistes dentaires pour un
médecin-dentiste. Il faut vraiment rappeler que l’on peut diminuer la
prévalence des maladies dentaires en faisant plus de prévention.
Le député demande si le diplôme est obtenu dans le cadre d’un CFC ou
auprès d’une HES.
Mme Mazerolle répond que la formation se fait dans une école supérieure,
typiquement après l’ECG.
Un député UDC rappelle que comme la commission a pu le discuter, les
dentistes sont l’une des dernières professions de médecine libérale avec des
grilles tarifaires qui leur sont propres. Or, au travers de cette initiative, on parle
des personnes les moins aisées qui doivent faire face à une barrière des coûts.
La commission a envisagé dans ses discussions une éventuelle convention
tarifaire pour des personnes avec des moyens plus faibles et le député demande
quelle serait la position de l’association sur ce point.
Mme Mazerolle répond que la SSO pratique déjà un tarif particulier pour les
patients ayant droit aux prestations sociales. On pourrait imaginer la même
chose dans le cadre de cette initiative. Swiss Dental Hygienist prévoit
également dans son catalogue une grille tarifaire adaptée pour cette population.

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Le député UDC note qu’il y a environ 150 000 personnes qui touchent des
subsides d’assurance-maladie à Genève et qu’on peut donc imaginer qu’une
grande partie n’est pas à l’aide sociale. Il se demande si ces personnes
pourraient bénéficier de ces tarifs.
Mme Mazerolle répond qu’il faudrait négocier avec les associations
professionnelles, mais imagine que cela serait possible.
La présidente peine encore quelque peu à saisir le lien entre les hygiénistes
dentaires et les médecins-dentistes. Si on regarde le texte de l’initiative, il est
bien indiqué que les bénéficiaires peuvent faire valoir annuellement un chèque
auprès d’un médecin-dentiste ou d’un hygiéniste dentaire. La présidente
demande si, au vu des objectifs de l’initiative, il ne faudrait pas limiter les
professionnels auprès desquels on peut se présenter si l’on est plutôt dans une
démarche de prévention.
Mme Mazerolle répond qu’il est assez clair que si le patient présente des
problèmes, un chèque de 300 francs ne permettra pas d’aller beaucoup plus
loin qu’un contrôle. Si on veut éviter que le patient se retrouve à nouveau dans
cette situation, il faut mieux l’éduquer et procéder à une évaluation de sa santé
bucco-dentaire pour lui donner des conseils adaptés et l’accompagner dans la
gestion de son hygiène quotidienne. Avoir un suivi régulier lui coûtera moins
cher sur le long terme et on constate que les patients qui viennent régulièrement
chez l’hygiéniste voient rarement le médecin-dentiste, justement parce qu’ils
font ce qu’il faut. La clé se situe donc dans la prévention, notamment auprès
des familles pour qui on peut faire un vrai travail sur plusieurs personnes. Cela
souligne aussi l’importance d’avoir accès aux parents pour les aider à mettre
en place les bons gestes et les bonnes habitudes.
Mme Long note qu’il faudrait idéalement pouvoir idéalement envoyer tous
les enfants chez l’hygiéniste pour donner tous les conseils nécessaires pour
garder la dentition en bonne santé. Au Danemark, le premier rendez-vous chez
l’hygiéniste pour l’enfant a lieu avant même qu’il ne soit né. On voit une vraie
motivation chez les personnes enceintes et il faut savoir saisir cela pour
effectuer la meilleure prévention possible. Il faut aussi ensuite idéalement
pouvoir continuer jusqu’au début de la scolarité et même ensuite. Les bons
gestes doivent continuer, ce qui ne se limite pas qu’au brossage de dents.
La présidente constate que cet élément de la pré-scolarité est justement
revenu lors d’une précédente audition. Or, malgré le fait qu’il y ait des bons
pour aller chez le dentiste, on constate qu’ils sont peu utilisés et que 95% des
parents n’y ont pas recours pour les enfants. Elle demande ce qui pourrait
expliquer ce non-recours.

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M. Bron précise que le contrôle est systématique dans le primaire. Si on
constate des problèmes, les enfants sont adressés à un spécialiste, avec des
possibilités d’aides pour le financement. A partir du cycle, les enfants reçoivent
des bons pour aller chez l’hygiéniste, même si ces bons sont très peu utilisés.
Concrètement, tous les enfants de 13 à 15 ans peuvent aller gratuitement chez
l’hygiéniste ou le médecin-dentiste.
Mme Long note que s’il s’agit d’une question d’éducation, il s’agit aussi
d’une question culturelle. Certains parents ont eu eux-mêmes l’habitude d’aller
chez l’hygiéniste et feront probablement la même chose avec leurs enfants.
Mme Mazerolle rappelle qu’il n’y a pas de système unifié en Suisse et qu’au
vu des différentes possibilités, il faudrait pouvoir remonter les informations
aux associations professionnelles concernées.
Mme Long note que cela souligne l’importance de la communication et
d’éventuelles campagnes pour en faire la promotion, idéalement en
collaboration avec les faîtières.
Un député PLR rappelle que l’initiative part du constat que certaines
personnes ne se font pas soigner correctement et qu’il faut les aider
financièrement pour le faire. Or, cela se fait déjà pour les jeunes, sans succès
visiblement. Il faut donc aller vers autre chose. Le député se demande si l’on
ne pourrait pas se diriger vers quelque chose de plus directif, dans l’esprit d’un
case manager. Le système de santé publique est bien organisé en termes de
dépistages et de prévention, et il faudrait peut-être envisager d’aller au-delà de
la simple communication de l’information en accompagnant la personne dans
un programme clair et déterminé dans lequel elle doit aller.
Mme Mazerolle répond qu’il existe plusieurs choses qui sont mises en place
en santé publique. Il existe notamment les réseaux scolaires, mais aussi les
centres que les étudiants vont visiter. On y procède à une évaluation annuelle
de l’état de santé de leur bouche. Cela permet de remettre en place
l’enseignement par des vidéos explicatives puis par un enseignement ciblé
pour chaque enfant avec une coloration des bactéries en bouche. Les jeunes
bénéficient également d’informations sur l’alimentation, par exemple sur les
goûters. En cabinet, ces choses se font aussi. Il n’y a en revanche pas de
possibilités de suivi de la part des hygiénistes en milieu scolaire par rapport à
ce que le cabinet peut offrir. La caravane dentaire peut assurer ce suivi, mais il
n’est pas certain que cela soit fait. On fait le suivi systématiquement en cabinet
en faisant un score avec la coloration bactériale, chose que l’on peut refaire
lors d’un prochain rendez-vous. Cela permet de montrer l’amélioration de la
situation et ne pas pouvoir faire ce suivi n’a donc pas vraiment de sens.

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Mme Long précise que si l’enseignement a lieu dans les écoles du canton de
Vaud, il n’y a pas de score qui permette un suivi entre deux colorations des
bactéries.
Mme Mazerolle indique que la fiche du contrôle dentaire scolaire est donnée
aux parents, mais que cette feuille ne donne pas le score d’hygiène buccodentaire de leurs enfants.
Le député PLR demande ce qu’il en est dans d’autres pays.
Mme Long répond qu’au Danemark, les soins dentaires sont pris en partie
en charge par l’Etat. L’enfant est pris en charge tous les six mois dans un
cabinet dentaire au sein de l’école. Tout ceci est gratuit jusqu’aux 18 ans. Les
gens sont ensuite mis dans des catégories vertes, jaunes ou rouge selon le
risque de maladies dentaires. Les personnes les moins à risque se retrouvent en
catégorie verte et ont des contrôles pris en partie en charge par l’Etat une fois
tous les deux ans. Les personnes avec plus de risques, qui ont par exemple déjà
eu des caries, se retrouvent dans la catégorie jaune et sont, elles, convoquées
tous les six mois. Enfin, pour les gens avec des pathologies systématiques, ils
se retrouvent en catégorie rouge et ont la possibilité d’améliorer la situation
avec l’hygiéniste et le médecin-dentiste. Les personnes dans le vert ont moins
à payer de leur poche, et les personnes peuvent bouger entre les catégories
selon l’évolution de leur situation. Un diagnostic de diabète envoie directement
dans la catégorie rouge et il faut assurer tout de suite un suivi très régulier. Si
une personne ne respecte les convocations, elle est quelque part punie et ne
reçoit pas d’aide pour payer. Le système permet de responsabiliser les
personnes et celles qui vont régulièrement consulter sont récompensées en
étant aidées, ce qui coûte évidemment moins cher à terme. On constate
qu’environ 20% de la population ignore les obligations de contrôle, ce qui reste
difficilement compréhensible, notamment face à la plus grande pression sur
l’esthétique qui devrait amener les gens à prendre plus soin de leurs dents.
Mme Mazerolle rappelle qu’il ne faut pas non plus accepter que quelqu’un
vienne uniquement pour un blanchiment de dents. Il faut au contraire
systématiquement fournir les conseils adaptés. Au Canada, le système de santé
se rapproche un peu de ce qui se fait en Suisse. Il y a un système de prévention
pour les jeunes de 0 à 12 ans avec une fluoration systématique des enfants une
fois par semaine via la distribution d’eau dentaire. Il y a également un accès à
des cliniques de prévention et il est possible d’aller une fois par an sur place.
Les hygiénistes dentaires se rendent également dans les écoles une à deux fois
par année avec des présentations et des discussions sur l’alimentation. Une
partie de la population dispose par ailleurs d’une assurance dentaire
complémentaire, mais il n’existe pas de système national d’assurance dentaire
collective.

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Audition de la Fondation Carrefour-Rue et Coulou, et du Point d’Eau
M. Pascal Jenny, administrateur de la Fondation Carrefour-Rue et
Coulou, et M. Davide Scalise, dentiste bénévole du Point d’Eau
M. Jenny remercie la commission pour son intérêt pour la précarité et
indique que l’association apprécie beaucoup cela en tant que fondation privée
active dans le domaine. Le Point d’eau fonctionne sur le principe du bénévolat
et est soutenu par beaucoup de bénévoles et de personnes de l’Hospice général.
Seule l’assistante dentaire du cabinet dentaire est salariée. Tous les soins
fournis sont gratuits et l’association a vraiment à cœur que tout cet écosystème
social se réunisse au sein du Point d’eau. Ce sont véritablement les bénévoles
qui permettent de proposer tout le catalogue de prestation. Concrètement, le
Point d’eau propose aux bénéficiaires l’accès aux soins dentaires, à la coiffure,
à la podologie ainsi qu’à des douches et à de la lessive.
M. Scalise explique que l’activité du cabinet dentaire repose sur le
volontariat d’une équipe allant entre 3 et 4 dentistes qui sont prestataires de
soins à tour de rôle. Il coordonne pour sa part l’activité du cabinet dentaire en
plus de sa propre activité privée. Le monde dentaire est un monde délicat, qui
touche au privé et qui peut affecter psychologiquement les gens. Il a eu
l’occasion de voir sur ces deux dernières années des gens sortir de périodes
très difficiles grâce aux soins dentaires qu’elles avaient reçus, soins qui
favorisent notamment une meilleure estime de soi, mais aussi la possibilité
d’interagir avec les autres. Le travail va donc au-delà de la prévention des
infections en ayant une composante psychologique et sociale. Il est par
exemple très difficile pour des gens de se présenter à un travail s’ils ne peuvent
pas sourire.
Beaucoup de personnes qui fréquentent le cabinet sont étrangères et sans
papiers. Elles vivent dans le canton en étant un peu invisibles et n’ont pas la
possibilité d’accéder aux prestations de l’Hospice général ou du SPC. Il n’y a
pas de questions posées au Point d’eau et les gens sont soignés sans que l’on
se soucie de leur statut. Le cabinet propose surtout des soins d’urgence pour
intervenir ponctuellement, les gens étant souvent seulement de passage à
Genève. M. Scalise a également remarqué que beaucoup de jeunes patients
sont édentés avant leurs 30 ans. La fondation a pu trouver un budget pour payer
les services d’un laboratoire, ce qui lui permet de faire des prothèses et de
donner un sourire à la personne pour trouver un travail ou retrouver une vie
sociale.
Sur la proposition de loi, le Point d’eau ne répond pas tout à fait à ces
considérations puisqu’il touche essentiellement un public de sans-papiers
même s’il lui arrive de traiter des personnes avec des papiers qui se trouvent

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en errance et qui ont besoin de quelques oui après beaucoup de non. Les
dentistes bénévoles offrent une demi-journée par semaine pour assurer les
soins, en collaboration avec une hygiéniste dentaire qui permet d’avoir un
travail de prévention très important.
Un député PLR demande si le Point d’eau parvient à suivre les patients ou
s’il ne les voit en général qu’une seule fois.
M. Scalise répond qu’il est parfois possible de faire un petit suivi,
notamment pour les soins avec l’hygiéniste dentaire ou pour les personnes qui
bénéficient de prothèses et pour qui il faut faire un petit suivi, notamment pour
des réparations à faire. Les personnes savent qu’elles peuvent venir au Point
d’eau et qu’un dentiste regardera le problème. Il y a donc deux activités
parallèles : les soins faits en une fois sur des personnes de passage et les soins
qui permettent un petit suivi. En 2022, le cabinet a pu réaliser 200 prestations
confondues entre dentistes et hygiénistes avec quelques dizaines de prothèses.
En 2023, les prestations ont pu augmenter grâce à une plus grande disponibilité
des dentistes avec près de 300 consultations, dont certaines avec les mêmes
patients sur plusieurs fois.
M. Jenny précise que la fondation a vraiment pour vocation de traiter les
soins dentaires urgents et qu’elle n’a pas vraiment les moyens de permettre un
suivi. Elle existe surtout pour les gens qui ne peuvent pas aller ailleurs et qui
ont besoin de quelque chose très rapidement. L’idée n’est donc pas de faire un
suivi et il faut que la personne aille ailleurs pour le faire.
Une députée S comprend que la fondation n’est pas vraiment touchée par
le texte de l’initiative, mais se demande si, d’après son expérience, offrir un
chèque à des personnes qui ne pourraient pas accéder au médecin-dentiste par
leurs propres moyens serait tout de même bénéfique.
M. Scalise répond que la proposition est de toute façon positive puisqu’elle
met l’accent sur l’aspect de la prévention qui est la base sur laquelle on peut
entamer tout travail. Les problématiques dentaires sont à 95% évitables,
notamment en travaillant sur la nutrition. L’initiative est intelligente et permet
de donner un accès à une hygiéniste dentaire, ce qui permet de faire de la
prévention et d’agir concrètement. Or, il est clair que cela ne suffira cependant
pas pour d’éventuels soins plus poussés et que l’on ne pourra par exemple pas
endiguer le tourisme dentaire. La proposition est bonne, mais pourrait peutêtre encore être améliorée.
Un député PLR demande si la fondation dispose de prestations gratuites de
laboratoires ou de prothésistes ou si elle finance l’achat de ces équipements
lorsqu’ils sont nécessaires.

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M. Scalise répond que le laboratoire doit être payé puisqu’il n’a pas été
possible de trouver un partenaire qui accepte de faire cela sans frais. Il a en
revanche été possible de trouver des partenaires qui sont très disponibles et qui
acceptent parfois de voir des patients du Point d’eau. Trouver des structures et
des personnes disponibles pour le faire, avec des prix réduits, était un grand
pas. Les travaux du laboratoire doivent cependant être financés.
M. Jenny précise que c’est aussi le travail de la fondation d’aller chercher
des moyens. Il y a quelques années, un donateur a mis à disposition un budget
pour le cabinet dentaire, mais ce budget tend à diminuer avec le temps. Si le
financement cesse un jour, il faudra temporairement mettre en pause la
prestation. Il a cependant toujours été possible de trouver des fonds jusque-là
et les donateurs restent assez sensibles à la cause. Il ne sera cependant pas
possible pour la fondation de garantir éternellement la prestation sans autres
financements.
La présidente indique que la commission a pu constater dans le cadre de
ses travaux que les parents utilisaient par exemple très peu les bons scolaires
pour leurs enfants. Elle se demande si le même risque pouvait exister avec le
système proposé par l’initiative et ce qui peut expliquer ce risque de nonrecours.
M. Scalise répond qu’il avait justement été très surpris d’apprendre que
beaucoup de ces bons n’étaient pas utilisés et que très peu de jeunes se
rendaient dans un cabinet dentaire alors que les médecins-dentistes se rendent
justement disponibles pour effectuer ce contrôle. Il est un peu perplexe sur les
causes éventuelles, mais note que cela pourrait être lié à une peur des parents
envers une possible mauvaise réputation pour leurs enfants si des soins
venaient à être enclenchés. Si la proposition faite par l’initiative reste très
intelligente, elle risque de ne pas donner beaucoup de résultats si la personne
doit ensuite assumer un énorme budget pour effectuer des soins après un
diagnostic lourd. On retrouve d’ailleurs cette envie de ne pas savoir dans
nombre de domaines médicaux. Il faudrait donc peut-être modifier la formule
proposée par l’initiative pour lui permettre de réaliser plus de soins.
Un député S se souvient qu’il y a 20 ans, lors de l’inauguration du point
d’Eau, il y avait un projet d’extension sur la rive gauche. Il se demande si cela
est toujours un projet ou si le point d’Eau dans sa forme actuelle suffit pour
Genève.
M. Scalise répond que la structure pourrait être plus performante, mais que
le vrai problème réside dans le manque de dentistes bénévoles. Il n’est pas
simple de motiver plus de dentistes, notamment de par la complexité de la
gestion d’une pratique privée et la forte concurrence qui laissent peu de temps

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pour le bénévolat. Le besoin n’en est pas moins là, et lors de la reprise des
activités mardi dernier, une vingtaine de personnes sont venues occuper le
calendrier jusque début février. Or, ces personnes auront besoin d’un petit suivi
ultérieur. Il n’y a pas de crise de la patientèle, mais il faut trouver un moyen
pour motiver plus de dentistes afin de pouvoir assurer les soins pour tous les
bénéficiaires. On peut imaginer une petite formation de médecine dentaire
sociale en partenariat avec l’université avec quelques crédits. Une partie des
heures pourrait être théorique et une autre pratique, effectuée dans les
permanences sociales du canton. Il faut en tout cas trouver une solution pour
pouvoir répondre à tous les besoins.
Une députée Les Verts remercie la fondation pour le travail fait au
quotidien, surtout dans l’urgence. La députée demande s’il est quand même
possible de former les personnes qui viennent à adopter quelques gestes
d’hygiène au quotidien et s’il serait possible de mieux cibler la précarité
dentaire d’un point de vue sociétal.
M. Scalise répond qu’il est possible de donner quelques instruments à la
personne pour prendre soin d’elle-même. On voit parfois des gens qui font un
premier détartrage à plus de 50 ans et le travail de l’hygiéniste est capital pour
refixer certains points. Si certains patients peuvent suivre ces conseils, cela
n’est juste pas possible pour d’autres. Tout dépend des conditions de vie de
chacun. Sur la prévention de la précarité dentaire, il est clair qu’une activité
plus performante du point d’Eau permettrait de mieux répondre à la population,
mais aussi de mieux identifier les publics cibles, par exemple les personnes les
plus en difficulté en donnant un peu plus de moyens et en ciblant mieux qui
bénéficie du dispositif. Il faut souligner ce que certaines structures comme la
Croix-Rouge font pour une population qui travaille, mais qui ne peut pas
toucher des aides. Le système n’est évidemment pas parfait, mais beaucoup de
choses sont faites et on peut répondre à une bonne partie de la demande, y
compris pour les enfants. Il faut continuer dans cette voie même s’il est parfois
difficile de cibler les bons publics ou d’apporter des réponses à des gens qui
ne sont culturellement pas habitués à certaines logiques, par exemple sur la
limitation de la consommation de sucre. Il faut continuer à approfondir avec
un soutien plus poussé pour certaines catégories de la population, ce qui
permettra aussi de limiter le tourisme dentaire qui augmente.

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Audition de la Croix-Rouge genevoise
M. Julien Garda, directeur des opérations, et M. François Weibel,
médecin-dentiste
M. Garda explique que la permanence dentaire de la Croix-Rouge
genevoise est ouverte depuis novembre 2020. Elle est née du constat fait du
nombre de personnes devant renoncer aux soins dentaires, notamment chez
celles et ceux que l’on appelle les working poor. Il s’agit de personnes qui
travaillent et qui sont donc au-dessus des minimas sociaux tout en ayant des
difficultés pour assumer nombre de coûts. La permanence fonctionne depuis
son ouverture grâce à des fonds privés. Concernant les critères d’accès, elle
n’est ouverte qu’aux adultes, les enfants bénéficiant déjà d’un dispositif
scolaire. Les personnes ne doivent pas être au bénéfice des prestations de
l’Hospice général ou du SPC et vivre à Genève depuis au moins deux ans.
La question du public s’est véritablement posée et la Croix-Rouge a
souhaité ne pas uniquement prendre les personnes qui touchent des subsides
puisque la palette est un peu trop large. Il y a donc un calcul qui est fait, comme
cela se fait à l’Hospice général, pour déterminer l’argent restant par mois. On
prend donc concrètement le revenu réel des gens et on déduit toutes les
dépenses contraintes ainsi que les impôts. S’il reste moins de 800 francs par
mois pour une personne seule, il est possible de bénéficier des services de la
permanence dentaire.
Les prestations ne sont pas gratuites afin de donner une valeur au travail
effectué, mais les prix sont sans comparaison avec le marché puisque le soin
d’hygiéniste dentaire coûte 20 francs et que le soin dentiste coûte 40 francs, et
ce peu importe les soins. Parallèlement, la permanence dispose également
d’une petite équipe de bénévoles pour faire de la prévention bucco-dentaire
auprès de certaines associations spécialisées dans l’accompagnement de public
précis. Elle accompagne également ses propres patients dans le cadre de
séances d’informations. Il s’agit donc d’aller au-delà des seuls soins dentaires
et de l’hygiéniste pour effectuer tout un travail incitatif et éducatif qui permet
d’éviter les récidives. Au tout début, l’approche de la permanence était de
soigner les gens quand ils venaient en procédant aux soins requis. Maintenant,
elle fait systématiquement passer par l’hygiéniste avant de passer au dentiste
afin que les gens puissent s’autoréguler. Il lui est déjà arrivé de devoir exclure
des patients qui ne parvenaient pas à rentrer dans une démarche saine pour euxmêmes.
Une étude a été lancée en novembre dernier avec l’université pour évaluer
les prestations de la permanence dentaire sur les trois dernières années. Cette
étude socio-sanitaire permettra de vérifier ce qui a été mis en place en termes

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de catalogue de soins vis-à-vis des dentistes qui sont pris soit en charge par
l’Hospice général ou par les prestations complémentaires. La permanence a
également entrepris une analyse financière et opérationnelle du dispositif. Elle
fonctionne avec des dentistes bénévoles, une hygiéniste dentaire à temps
partiel, un dentiste référent et des assistantes dentaires ainsi qu’une assistante
administrative qui sont salariées. Il serait assez difficile d’aller au-delà de ce
modèle, la permanence ne pouvant pas offrir des conditions salariales égales à
ce que l’on peut retrouver sur le marché. L’étude commandée devrait s’achever
courant 2024 et permettra d’envisager l’avenir, notamment sur une éventuelle
demande de soutien public ou encore un élargissement par l’établissement de
petites permanences dans les communes, au plus près des besoins de la
population. Pour ce qui est du public touché, il faut préciser que si la moitié
des personnes sont suisses ou au bénéfice d’un permis de séjour, le reste est
sans statut légal en Suisse. Ces personnes habitant et travaillant sur le canton,
il était essentiel de les inclure pour éviter qu’elles ne développent à terme des
situations plus graves qui nécessiteraient une hospitalisation.
M. Weibel explique qu’après quarante ans de médecine dentaire privée, il
a pris la décision de se consacrer aux oubliés de la médecine dentaire et le
projet de la Croix-Rouge tombait à pic. Il s’est inscrit comme dentiste bénévole
dès le premier jour de l’ouverture du cabinet. L’idée de ce projet date d’une
vingtaine d’années et était celle d’un ami. M. Weibel y a vu un bon moyen de
lui rendre hommage et a pris part à l’aventure. Cette personne était directeur
de l’unité d’action sociale de l’hôpital et son souci était de savoir comment
fournir un catalogue de prestations plus fourni pour les personnes n’étant ni au
bénéfice des prestations complémentaires ni du soutien de l’Hospice général.
Le projet était donc d’ouvrir une vraie structure pour accueillir cette
population. En tant que jeune retraité, le docteur voulait continuer à exercer,
mais sans le poids de la finance et de la structure financière d’un cabinet privé.
Le fonctionnement de la permanence lui permet de se décharger complètement
sur le service social de la Croix-Rouge pour ces questions et de se consacrer
entièrement aux patients qui viennent. Il s’agit d’une population assez
cosmopolite avec des gens qui viennent de partout, y compris de Suisse. Ces
gens sont motivés et ont vraiment envie de se faire soigner à bas prix par
rapport au reste du marché. Il serait évidemment impossible de pratique de tels
tarifs si la douzaine de dentistes qui se relayent dans la permanence n’était pas
bénévole et n’exigeait rien. Il est donc essentiel que cette structure perdure au
vu de son utilité pour la population concernée.
Pour ce qui est de l’initiative, M. Weibel estime que la création d’un poste
de médecin-dentiste cantonal est une très bonne chose. S’il n’est pas forcément
nécessaire de créer un poste à temps plein, il serait bien apprécié de mettre de

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l’ordre dans cette foison de médecins-dentistes à Genève. Il est
personnellement membre de l’association des médecins-dentistes de Genève,
association qui ne rassemble finalement qu’environ 50 des praticiens du
canton. Il y a de multiples cliniques qui ont ouvert sur le territoire et les
médecins qui y officient ne sont souvent pas membres de l’association, ce qui
les place un peu à l’écart et rend l’association moyennement représentative des
dentistes genevois. Il y a une importante partie de ces médecins-dentistes qui
sont venus de l’étranger avec les accords bilatéraux. Ces gens sont peu
enracinés à Genève et n’ont donc pas forcément le même intérêt pour les soins
à la population.
Par ailleurs, le docteur est quelque peu déçu de l’université et de la
formation dentiste. On y enseigne finalement les soins dentaires les plus idéaux
et les plus avancés sans trop se pencher sur la question des soins dentaires
sociaux et du service à la cité. On se retrouve donc avec de jeunes médecinsdentistes en fin de formation qui sont un peu perdus pour dispenser des
traitements utiles et indispensables. Il faudrait vraiment que l’université
s’intéresse au service qu’elle doit rendre pour ces situations difficiles.
Le prix des soins dentaires a explosé, notamment en raison des diverses
ordonnances fédérales sur la stérilisation, sur l’esthétique ou encore sur la
publicité. Sur la question de la publicité, il est intéressant de rappeler
qu’auparavant, les médecins n’avaient le droit qu’à trois annonces dans la
presse pour l’ouverture d’un cabinet, ce qui n’est plus du tout le cas
aujourd’hui. Le docteur est très donc très favorable à la création de ce poste de
médecin-dentiste cantonal.
Sur la question de la prévention, on ne peut que trouver cela admirable,
surtout s’il existe un médecin-dentiste cantonal pour orienter tout cela. Une
certaine partie de la population ne connaît pas du tout la prévention et on sait
que les quartiers les plus défavorisés sont les plus sensibles aux caries par
exemple. On sait aussi que les parents qui n’ont pas eu l’habitude de cette
prévention dentaire vont transmettre parfois cela à leurs enfants, et ce malgré
les dépistages pour les enfants.
Sur la question du chèque de 300 francs, le docteur est plus réservé et
trouve ce montant quelque peu arbitraire. Il se demande à quoi correspond
finalement ce montant et pourquoi le distribuer uniquement à une partie de la
population qui est en l’occurrence déjà aidée pour l’assurance-maladie. Il est
assez regrettable que certains y aient droit et que d’autres en soient exclus. Si
cette idée reste la bienvenue, M. Weibel se permet d’imaginer un autre système
où, au lieu de donner 300 francs aux personnes, l’Etat pourrait leur payer une
assurance dentaire une fois que les soins nécessaires ont été effectués. Cette
assurance couverait un certain montant en fonctionnant sur le système

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classique où l’assurance rembourse 80% des frais à concurrence d’un certain
montant annuel, par exemple 1000 francs. Il trouve que cette idée pourrait, au
lieu de revoir chaque année le montant de la prestation et que tout cela soit
encore inscrit dans la constitution, libérer l’Etat de son obligation d’aller
toujours avec des frais en hausse. Ce chèque de 300 francs sera assez difficile
à gérer et créera beaucoup d’administratif. L’alternative d’une assurance serait
donc peut-être plus facile à gérer, en la créant pour les plus nécessiteux.
Pour en revenir au catalogue des prestations de la permanence dentaire,
M. Weibel explique qu’il s’agit essentiellement des soins de base comme
l’hygiène dentaire, l’extraction des caries et, occasionnellement quand il
manque des dents dans la zone antérieure, la possibilité de créer une prothèse
ou un implant pour éviter les prothèses amovibles. Il faut bien préciser que
pour ces prothèses, les frais de laboratoire sont à la charge des patients et qu’ils
ne sont pas offerts. Seuls les soins sont au prix réduit, mais les frais techniques
sont à la charge des patients. Il y a jusqu’ici de très bons retours sur cette petite
structure où tout se passe, où les gens se connaissent et travaillent bien
ensemble. Personnellement. M. Weibel aimerait voir le dispositif évoluer pour
partir dans les communes pour répondre plus facilement aux urgences.
Une députée S remercie les auditionnés pour tout le travail qu’ils effectuent
au quotidien. La députée rappelle que l’une des critiques faites à l’initiative
repose sur les doutes quant à l’utilisation de ce chèque. On sait en effet que les
chèques du DIP pour les enfants sont d’ores et déjà très peu utilisés. Elle
demande si la Croix-Rouge estime, au vu de son activité dans cette
permanence, que les besoins sont suffisamment couverts ou non et comment
motiver la population à venir utiliser ce chèque.
M. Weibel confirme qu’il existe en effet un chèque offert aux enfants au
cycle d’orientation par les membres de l’association des médecins-dentistes
genevois. Ce dispositif existe depuis une quinzaine d’années sans succès, avec
un taux de retour d’environ 10%. Le chèque permet d’effectuer un contrôle et
deux radiographies, mais reste sous-employé et ne fonctionne pas du tout. Au
niveau de la permanence, il s’agit d’une petite structure qui ne fonctionne pas
tous les jours de la semaine, en fonction des personnes disponibles. Il faut
parfois cesser de prendre de nouveaux patients jusqu’à ce que l’on ait terminé
de traiter ceux déjà en cours de traitement. La demande dépasse donc dans tous
les cas l’offre, avec un équivalent d’un seul dentiste à temps plein et une
hygiéniste qui est à 40%. Par ailleurs, le bénévolat pose aussi des limites, avec
une population de médecins-dentistes qui n’est pas forcément très volontaire.
M. Garda constate que ce chèque de 300 francs ne permet pas forcément
d’enclencher une démarche de soins et est donc un peu insuffisant. On voit
qu’il faut vraiment insister auprès des patients pour qu’ils comprennent

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vraiment l’intérêt et l’importance du traitement sur le long terme. On pourrait
donc compléter le dispositif par une politique de prévention plus forte.
L’incitation financière seule ne sera pas suffisante.
La députée S demande si les auditionnés ont des idées sur des modèles de
prévention généralisables qui diffèrent de ce que l’on fait habituellement.
M. Weibel répond que cela pourrait justement être développé avec le
médecin-dentiste cantonal. On pourrait imaginer des campagnes ciblées sur les
excès de sucre et les caries, mises en lien avec la prévention de l’obésité et des
problèmes d’alimentation. Il faudrait cependant avoir des idées plus
approfondies.
Un député MCG remercie également les auditionnés pour leur travail. Il est
personnellement convaincu de l’utilité de telles structures pour les populations
les plus précaires, bien que ce standard de working poor soit assez difficile à
fixer. Il se demande si l’on pourrait imaginer un système pérenne basé sur des
médecins-dentistes internes qui pourraient inclure cela dans leur formation.
M. Weibel trouverait justement très bien que les jeunes dentistes viennent
se former dans une structure pareille au sortir de leurs études, pour leur donner
une vision de la médecine dentaire sociale. La collaboration avec l’université
est cependant un peu difficile, le social n’étant finalement pas tellement leur
mission. Ils doivent surtout former des gens aux soins de haut niveau et faire
de la recherche, sans vocation sociale en tant que telle.
M. Garda confirme que ce standard de working poor est effectivement
difficile à fixer. La permanence dentaire accueille environ 400 patients par
année, mais reçoit des milliers de demandes. Elle est obligée de bloquer l’accès
dès qu’il y a plus de trois mois d’attente. Par ailleurs, il y a quelques freins au
bénévolat puisqu’il est parfois compliqué pour les praticiens de quitter leur
cabinet. Il y a donc une réflexion pour tenter de développer le bénévolat dans
leur propre cabinet pour aller un peu plus loin.
Le député MCG confirme le constat pour avoir personnellement eu
l’occasion d’entendre l’école dentaire il y a quelques années. Concernant les
soins en tant que tels, un ami qui manquait de moyens a dû passer par l’Hospice
général pour bénéficier de soins dentaires. Ce dernier s’est par la suite plaint
de la qualité des traitements qu’il estimait basée sur le fait qu’il n’avait pas les
moyens de se payer un traitement de qualité. Le député se demande donc
comment l’on peut faire pour proposer quelque chose de soigné à bas prix et
quelle qualité de soins l’on peut finalement offrir aux working poor.
M. Weibel répond que si cette personne a fait « la totale », le SPC prend
normalement la plupart des choses en charge, notamment les implants et les
prothèses. La Croix-Rouge fait pour sa part ce qu’elle peut tout en étant

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finalement assez limitée au niveau du matériel. Les soins sont bons, mais ce
sont surtout des soins de conservation et d’hygiène. Le catalogue de prestation
ne prévoyait au départ pas les prothèses. Cependant, il arrive que la
permanence en fasse de manière exceptionnelle pour des personnes qui en ont
vraiment besoin. Les décisions sont prises au cas par cas en fonction de la
situation de chacun, par exemple quand il manque un élément très visible qui
peut empêcher de trouver un emploi. La participation reste à la charge du
patient pour les frais du laboratoire, même si le service social peut aider à étaler
les paiements.
M. Garda précise que le SPC comme l’Hospice général ont un catalogue
très précis pour traiter tout le monde de la même manière. La Croix-Rouge fait
un peu comme elle veut et peut se permettre de faire du cas par cas. Sur la
question des 300 francs, on voit bien que si cela peut presque être un peu trop
pour certaines personnes, c’est juste insuffisant pour d’autres. Or, on ne peut
pas avoir que des cliniques qui font du cas par cas et les prix restent très
variables entre elles.
M. Weibel conclut que les critères des médecins-dentistes conseil du SPC
sont surtout de favoriser les soins simples, adéquats et économiques.
Un député PLR s’inquiète d’entendre que la faculté de médecine forme des
médecins aux pratiques high-tech avant de les former aux soins de base qui
sont là pour répondre aux préoccupations essentielles de la population.
M. Weibel confirme que cela est effectivement très préoccupant.
Le député PLR observe que si l’on fait le parallèle avec le reste de la
médecine, l’évolution est plutôt d’aller dans le sens de la médecine de premier
recours et de développer la formation le plus tôt possible dans les études pour
que les médecins apprennent avant tout à soigner les personnes de leur
communauté. Si on peut comprendre que la faculté n’est pas intéressée à faire
du social, on ne parle justement pas ici de faire du social, mais bien de former
des médecins aux besoins de la population. Concrètement, le député comprend
que l’unité d’action sociale est assez limitée dans son offre et dans la possibilité
d’y recourir. Il se demande donc s’il serait possible d’imaginer, en partenariat
avec la Croix-Rouge, de développer davantage l’UAS pour mieux répondre
aux besoins en soins dentaires de base de la population.
M. Weibel répond que si l’UAS a de magnifiques locaux, elle est un peu
limitée avec ses cinq fauteuils. En revanche, il faudrait former ces dentistes
dans des structures comme la permanence dentaire afin de s’assurer qu’ils
soient formés en soins dentaires sociaux.
Le député PLR comprend qu’il y a manifestement un gros problème avec
la formation, mais pense qu’il faudrait quand même revoir l’offre de l’UAS

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qui a été pensée historiquement pour offrir des soins gratuits aux personnes qui
n’en ont pas les moyens.
M. Weibel précise qu’il n’y a pas de gratuité à l’UAS.
Le député PLR note qu’il ne s’agit en tout cas pas des tarifs qui sont ceux
des médecins privés.
M. Weibel explique que les tarifs sont ceux de l’assurance, mais pris en
charge par l’Hospice général et le SPC.
Le député PLR comprend que les prestations de l’UAS sont donc prises en
charge par l’Hospice général.
M. Weibel note que le pire pour ces nouveaux médecins-dentistes sortant
de la formation, il y a tant un désintérêt qu’une peur de traiter ces patients,
justement par manque de formation.
Un député Le Centre remercie encore les auditionnés pour le travail
effectué sur le terrain. Ils ont justement mentionné ce fameux chèque dont on
peut imaginer qu’il ne subsistera plus d’ici quelques années, certains parlant
même d’un taux de retour de 5%. Le député se demande comment l’on peut
expliquer ce non-recours à cette aide.
M. Weibel répond qu’il y a peut-être un manque d’information, même si le
chèque est maintenant directement envoyé aux parents. L’association des
médecins-dentistes a décidé de faire cet effort pour cette population de jeunes
puisqu’après le primaire, il n’y a plus de contrôle scolaire. Il faut cependant
rappeler que la moitié des dentistes genevois ne font pas partie de l’association
et il n’est donc pas garanti qu’ils acceptent le chèque pour effectuer les
prestations. Il est en tout cas assez difficile de comprendre pourquoi ce soutien
n’est pas utilisé par la population. On parle de sommes assez importantes qui
peuvent être évitées. Le docteur avait personnellement une quarantaine
d’enfants qui l’utilisaient dans son cabinet, principalement des enfants
d’habitués amenés par leurs parents. Il n’en reste pas moins que les dentistes
font un effort pour proposer ce volume de soins gratuitement.
Le député Le Centre se demande si l’on peut aussi penser que cela serait
lié à une crainte des parents de faire face à des frais beaucoup plus importants
dès le moment où leur enfant est pris en charge.
M. Weibel répond qu’il y a peut-être aussi un peu de ça, surtout dans un
contexte où il y a parfois des surtraitements qui se font. On peut donc
comprendre les craintes de certains parents.
Un député PLR remercie à nouveau les auditionnés pour leur engagement.
Il note qu’il s’agit déjà de la deuxième fois qu’une audition soulève le
problème du coût du laboratoire. Les auditionnés relèvent aussi le problème

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autour de la formation de base sur les questions de précarité. Le député se
demande s’il ne serait pas, in fine, intéressant d’avoir un laboratoire
universitaire qui pourrait, sans faire de concurrence aux laboratoires privés,
faire un travail de formation auprès des étudiants tout en produisant des
prothèses à des prix bas.
M. Weibel répond que cette idée est envisageable, mais qu’elle représente
néanmoins un certain coût. Il faudrait donc rentabiliser l’opération. L’idée
n’est pas non plus d’avoir de trop grandes structures. On maîtrise assez bien
les coûts dans une structure comme la permanence et il était finalement plus
intéressant d’externaliser ces coûts. Les machines nécessitent un entretien
assez lourd qui peut vite se chiffrer très haut. Il est probablement préférable de
déléguer plutôt que de devoir assumer cette charge de matériel avec la
nécessité de trouver à chaque fois 30 000 ou 40 000 francs.
M. Garda confirme que les laboratoires coûtent très cher. La permanence a
pu trouver des partenaires qui acceptaient de fournir la prestation à un prix plus
bas, mais si ce ne sont pas les privés qui le font, il faut que ce soit l’Etat, avec
des coûts qui restent élevés pour acheter et faire fonctionner ces machines.
Un député S demande s’il existe d’autres cliniques en Suisse romande.
M. Weibel répond que la permanence dentaire est unique en Romandie.
Le député S demande comment réagissent les autres cantons sur la
formation parfois peu adaptée à leurs besoins
M. Weibel rappelle que Genève est la seule université en Suisse romande
à former aux soins dentaires. Par ailleurs, les médecins-dentistes doivent tout
de même effectuer environ 60 heures de formation continue chaque année, ce
qui leur permet quand même d’arriver à un bon niveau en médecine dentaire.
Si cet enseignement de la médecine dentaire sociale ne se fait pas dans
l’enseignement de base, cela peut se faire plus tard. Si le docteur est un peu
critique sur cette formation de base, les choses se rattrapent ensuite même si
l’on peut regretter cela. La formation complémentaire peut se faire partout et
tout du long de la carrière en fonction des intérêts de chacun. Cette formation
continue est comprise dans le tarif employé par les médecins-dentistes.
Le député S note que l’on utilise beaucoup d’imprimantes 3D actuellement
et se demande si cela pourrait être une solution pour faire baisser les frais de
laboratoire.
M. Weibel répond qu’il n’a personnellement jamais travaillé avec ces
imprimantes. Auparavant, on faisait des obturations one shot, donc directes.
On parle ici de quelque chose de semi-indirect avec une imprimante qui, dans
la même séance, fait l’obturation en scellant sur la dent la partie manquante. Il
est maintenant assez courant d’utiliser les machines alors que l’on pourrait

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faire du direct. On forme surtout les gens à l’indirect désormais, ce qui n’est
pas forcément meilleur qu’une obturation en direct qui coûte nettement moins
cher.
Le député S se demande si, au vu du risque de non-utilisation pour
beaucoup de chèques, on ne peut pas imaginer que les bons non utilisés soient
mis dans un fonds commun, ce qui permettrait de rassurer ceux qui en ont le
plus besoin.
M. Weibel répond que cette idée serait peut-être à développer, mais n’a pas
vraiment d’avis là-dessus. Il existe au fonds au Point d’eau qui permet de payer
des prothèses partielles ou entières pour qu’elles soient gratuites pour les
usagers, ce qui n’est pas inintéressant. Le dispositif du Point d’Eau reste
cependant très limité.
Un député UDC revient sur la piste de l’assurance dentaire évoquée
précédemment et aimerait en savoir un peu plus. On dit souvent qu’il faut
souscrire assez jeune à ce type d’assurance et se demande jusque quand il
faudrait payer cette assurance. Par ailleurs, cela n’empêcherait pas d’avoir
encore 20% des frais à charge de patients qui sont très en difficulté. Il se
demande aussi quel serait le cercle de bénéficiaire idéal et s’il faudrait rester
dans le cercle des subsides, l’argent restant à la fin du mois ou encore autre
chose.
M. Garda répond que pour la Croix-Rouge, il était important de déterminer
une cible idéale pour pouvoir toucher toutes les personnes dans le besoin. Les
calculs pourraient encore être ajustés, mais on est assez largement dans la cible.
Il avait par ailleurs au départ été envisagé de demander aux gens de vivre à
Genève depuis au moins dix ans. Or, il s’est avéré qu’avec 50% de patients
sans statut légal, ces gens ne remplissaient juste pas cette condition. La
permanence est donc revenue à une durée de deux ans afin de pouvoir quand
même toucher ces gens qui ont besoin d’un suivi sur la durée pour éviter les
risques supplémentaires.
M. Weibel indique qu’au niveau des assurances dentaires, il faut en général
s’assurer dès la naissance. Si on souscrit à une assurance et qu’il manque des
dents, l’assurance va faire des réserves sur les dents manquantes. L’idée serait
donc de rendre une bouche tout à fait convenable pour ensuite assurer ce qui
est en place et les soins à venir. C’est en tout cas dans ce sens qu’il voyait les
choses.
Un député MCG rappelle qu’un certain nombre de personnes vont
désormais faire des soins à l’étranger. Il se demande si les auditionnés ont un
avis sur cela et s’il faut parfois rattraper d’éventuels dégâts quand les gens
rentrent à Genève.

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M. Weibel répond qu’il est en tout cas évident que les frais sont moindres
à l’étranger et qu’il est tout à fait possible d’y trouver de très bons médecinsdentistes. Il n’a donc rien à redire sur ces travaux, si ce n’est qu’il préférerait
que les gens fassent ensuite aussi le suivi à l’étranger. Il est toujours un peu
problématique d’intervenir sur des soins qui ont été faits ailleurs, notamment
au vu de la panoplie d’implants que l’on ne connaît pas.
M. Garda note que dans le cas précis des médecins-dentistes en France
voisine, si on pourrait imaginer que les working poor y auraient un plus grand
recours, on se rend compte que cette incitation financière ne suffit pas et qu’il
faut là aussi un accompagnement pour convaincre les gens d’avoir recours aux
soins.
M. Weibel note qu’à la lumière des débats, il faudrait peut-être revoir le
libellé de l’initiative, les soins dentaires n’allant pas forcément devenir
accessibles pour toutes et tous même avec ces mesures.
Audition de l’UNIGE
Prof. Julian Leprince, chef de la division de cariologie et d’endodontie,
Dr Serge Borgis, directeur opérationnel des cliniques de la CUMD, Dr JeanJacques Canneto, responsable de l’unité d’action sociale, Dr Marwa
Abdelaziz, cheffe de clinique scientifique à la CUMD
M. Borgis indique que les auditionnés ont bien pris connaissance des
propositions de l’initiative et que plusieurs points ont retenu leur attention. Le
premier point capital à soulever est bien évidemment celui de la nomination
d’un médecin-dentiste cantonal. Le deuxième point est celui de la prévention,
avec l’objectif annoncé de mettre en œuvre un système de prévention bien
conçu pour viser au bon endroit. Les auditionnés sont cependant quelque peu
perturbés par le titre de l’initiative qui parle de soins dentaires accessibles pour
l’ensemble de la population. Or, il semblerait que les aides envisagées
concernent uniquement un certain segment de la population, à savoir les
personnes au bénéfice d’un subside d’assurance-maladie. Le troisième élément
de cette initiative concerne la mise en place d’un chèque de 300 francs. Avec
ce montant, on ne peut pratiquement envisager que de la prévention au niveau
de l’hygiéniste. On imagine que les médecins-dentistes pourraient jouer ce rôle
dans les cabinets où il n’y a pas d’hygiéniste, avec des traitements de base. Ce
qu’il en serait pour des soins plus avancés laisse donc quelque peu perplexe,
avec des frais qui peuvent prendre l’ascenseur et largement dépasser les
300 francs.

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Si l’initiative a un bon fond indéniable, il faudrait peut-être mieux la cibler.
Par ailleurs, le titre est quelque peu trompeur puisqu’il fait miroiter à la
population quelque chose qui ne pourrait pas produire le résultat escompté.
M. Leprince indique que les auditionnés ont préparé un document qu’ils
souhaitent distribuer aux députés (voir annexe). Ce document recueille tout
d’abord une série d’éléments qui sont sortis dans une leçon inaugurale donnée
il y a deux semaines sur l’importance des soins dentaires dans un contexte
global selon l’OMS. D’autre part, il reprend des recommandations issues d’un
CAS en santé publique créé par le Dr Abdelaziz ainsi que d’autres
recommandations formulées par le Dr Borgis, notamment sur le médecindentiste cantonal. Enfin, le Dr Canneto a préparé une série d’estimation des
coûts pour un patient pour ce que l’OMS définit comme les soins de routine,
de prévention et curatifs essentiels. L’idée de ces documents est vraiment de
soutenir la discussion et le dialogue sur la base d’éléments concrets. Les
auditionnés accueillent en tout cas favorablement cette initiative dans son
concept qui va dans le sens de ce que l’OMS demande au niveau des soins de
couverture universelle.
Le président relève que le Dr Borgis a considéré le titre de l’initiative
comme un peu trompeur et demande à M. Leprince son avis.
M. Leprince confirme que le titre est effectivement très général. Quand on
regarde la carte de la Suisse et le profil de la santé orale dans le pays selon les
données de l’OMS, on voit bien qu’il y a une couverture insuffisante avec une
vision sur la protection des patients qui est actuellement insuffisante. Lorsque
l’on essaye de voir qui doit bénéficier d’une protection, il faut avoir une
meilleure vision sur les maladies que l’on soigne, les risques et les origines de
ces risques, notamment sur l’âge et la situation socio-économique. Il n’est
vraiment pas normal que ces risques ne soient actuellement pas couverts.
Un député PLR se demande s’il est correct de penser qu’il n’existe pas, à
l’heure actuelle, un programme de santé publique primaire en matière de soins
dentaires qui soit organisé et structuré pour couvrir tant le champ de la
formation que celui du dépistage ou encore des besoins de la population. Un
des intérêts de cette initiative est justement qu’elle permet d’apporter un
éclairage sur ce besoin en programmes spécifiques sur la santé dentaire.
D’autre part, à la lumière des travaux déjà entrepris par la commission sur ce
texte, il semblerait qu’il y ait une évolution claire et majoritaire de la faculté
de médecine dentaire pour former sur ce qui sont plutôt des soins à caractère
fonctionnels et esthétiques, principalement à destination de personnes en ayant
les moyens, ainsi que sur de la recherche dans des domaines plus attractifs que
la santé publique en matière de soins dentaires, avec à la clé tous les marchés
assez juteux que l’on connaît déjà. Le député aimerait savoir si les auditionnés

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partagent ce constat sur l’état d’esprit dans lequel on forme les futurs médecins
aujourd’hui.
Mme Abdelaziz confirme qu’il n’existe pas de programme national
structuré et que les programmes de prévention manquent. A Genève, c’est le
service dentaire scolaire qui assure les dépistages pour les élèves ainsi que
l’instruction normale sur l’hygiène dentaire. Aujourd’hui, on voit que les
enfants qui rentrent à l’école ont déjà dans 30% des cas besoin de soins
dentaires. Il faut également rappeler qu’entre 0 et 5 ans, les dentistes ne voient
pas les enfants, sauf en cas de problème grave constaté par le pédiatre, ce qui
souligne la nécessité d’avoir un programme de santé publique qui touche les
enfants avant même l’entrée à l’école. Il faut idéalement commencer à cibler
les mères enceintes avec les pédiatres, les gynécologues et les sages-femmes.
Il y a un vrai besoin de formation pour ces professions qui manquent de
connaissances sur le sujet. Les travaux menés par Mme Abdelaziz ont permis
de mettre en évidence cette situation de manque de formation. Il apparaît aussi
que les parents se trouvent souvent démunis et ne savent pas où obtenir de
l’information pour prendre soin des dents de leurs enfants. Il y a donc un
énorme travail à mener pour les enfants et les personnels de santé qui évoluent
autour des parents. Les dépistages en milieu scolaire sont certes utiles, mais
avec trois minutes par enfant, on ne peut finalement dépister que des choses
qui sont déjà évoluées alors que l’on dispose d’outils pour dépister beaucoup
plus tôt des maladies dentaires. Il y a maintenant un projet du service dentaire
scolaire pour introduire un outil de dépistage pour les enfants dépistés sans
caries. Avec ce projet, on a réalisé que la moitié avait en fait bel et bien des
caries. Il y a donc une situation plus compliquée que ce que l’on pense à
Genève, avec beaucoup plus d’enfants avec des caries.
M. Leprince confirme que l’on est en tout cas passé à côté de quelque chose
sur la prévention. On peine encore à considérer les caries comme une maladie.
Or, il faudrait remettre cela dans le contexte d’une maladie non transmissible
chronique qui nécessite un accompagnement adapté tout du long de la vie. On
sait que l’âge est un vrai facteur de risque, avec une augmentation de la sévérité
de la maladie, et on ne peut se contenter de dire que l’on a réglé le problème
au niveau de l’enfance. Il faut un accompagnement pour ces maladies en aidant
les personnes sur leur alimentation et leur comportement d’hygiène tout au
long de la vie. D’autre part, la médecine dentaire est à la base une profession
chirurgicale où l’on considère que c’est la technique qui va apporter des
solutions aux problèmes rencontrés. Or, les auditionnés sont convaincus qu’il
faut réorienter la profession et l’enseignement. Il y a maintenant une
dynamique pour justement réorienter les enseignements donnés pour aller vers
plus de prévention des risques et d’accompagnement. C’est le sens dans lequel

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vont les recommandations de la fédération dentaire internationale ainsi que
dans la littérature scientifique qui confirme aussi ce besoin d’un passage de la
technique vers la prévention.
Mme Abdelaziz précise également que les prestations comme on peut les
trouver dans un cabinet de médecine dentaire privée sont beaucoup mieux
rémunérées. Il n’est donc pas très motivant de pratiquer des soins non invasifs
de prévention et il faudrait peut-être réfléchir sur une revalorisation de ce
travail de prévention des risques et de promotion de la santé.
Une députée S rappelle qu’une des critiques faites envers l’initiative porte
sur des doutes quant à l’utilisation de ce chèque de 300 francs. Il existe dans
les faits une initiative assez similaire pour les enfants au cycle qui reste très
peu utilisée par la population. La députée demande ce que les auditionnés
pensent de ce risque de non-recours et s’ils ont des idées sur d’autres types de
dispositifs qui pourraient être mis en place pour améliorer la prévention
dentaire qui n’est actuellement pas du tout couverte par l’assurance-maladie.
M. Leprince répond que pour ce qui est des chèques de l’association des
médecins-dentistes genevois, il s’agit probablement d’un problème
d’information, tous les parents n’ayant pas forcément connaissance de cette
possibilité. Il est donc clair que ce type de mesure doit s’accompagner d’une
campagne d’information. Les travaux de Mme Abdelaziz sur la médecine
pédiatrique ont permis de donner des informations sur le sujet, de manière à ce
que les gens en soient conscients. Dans le document remis aux députés, il est
notamment indiqué qu’environ 20% des adultes en Suisse ne vont pas
rechercher des soins dentaires en raison des coûts. L’utilisation du chèque est
certes un point important, mais la communication autour l’est tout autant.
Mme Abdelaziz confirme qu’il est essentiel d’éduquer la population sur
l’utilité de ces chèques, mais aussi sur leurs modalités d’utilisation. On voit
bien que les Genevois sont peu renseignés sur ces chèques qui existent pour
leurs enfants. On peut aussi imaginer que tous les médecins-dentistes n’ont pas
forcément intérêt à utiliser ces chèques et à communiquer dessus puisqu’il
s’agit d’un travail gratuit pour les enfants.
Un député MCG note que si l’idée d’une nomination d’un médecin-dentiste
cantonal semble faire l’unanimité, la question du chèque de 300 francs fait un
peu plus débat. Le député se demande si l’on ne pourrait peut-être pas
envisager un autre modèle, à l’instar de ce que fait actuellement la permanence
dentaire de la Croix-Rouge genevoise avec des tarifs très modérés pour les
personnes bien précises qui peuvent en bénéficier.
M. Leprince répond qu’il faut évidemment souhaiter soigner tous les
patients et qu’en tant que soignant, il est assez frustrant de fixer des limites. Il

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y a des possibilités et des incitations dans d’autres pays qu’il faudrait regarder.
En Belgique, le détartrage est remboursé tant qu’il est renouvelé tous les ans
afin de maintenir une veille médicale sur les dents du patient. Il faut en tout
cas trouver des moyens de maintenir les patients dans le circuit pour ensuite
limiter les frais plus importants.
Le député MCG demande si l’on ne pourrait pas envisager un abonnement
avec un paiement modeste pour les gens avec de petits revenus.
Mme Abdelaziz répond qu’un tel système pourrait en tout cas encourager
les gens à revenir chaque année. Il faut avoir des mesures incitatives avec ce
chèque pour faire en sorte que les gens soient assidus et se protègent ainsi
d’autres conséquences. Si l’on ne propose que des soins instantanés au patient
quand il arrive, il a clairement plus l’impression d’avoir été traité que si on lui
propose d’abord des soins préventifs. Il n’en reste pas moins important pour le
dentiste de pouvoir prendre le temps de discuter avec le patient pour le motiver
à s’engager dans le temps.
M. Borgis souligne aussi l’importance d’effectuer ce travail de prévention
le plus tôt possible, dès la naissance en habituant les jeunes enfants à
l’utilisation de la brosse à dents, ce qui peut à terme vraiment permettre de
limiter de manière exponentielle les risques de maladie. Cette éducation le plus
tôt possible doit être assortie d’un contrôle régulier chaque année. Cela passe
aussi par la formation adéquate pour les parents et tout le personnel soignant
autour de l’enfant. On a un problème similaire dans les EMS où la prise en
charge ne se fait plus, avec des patients assez difficiles. On se rend compte
qu’il faut d’abord sensibiliser le personnel à sa propre hygiène dentaire pour
qu’il puisse ensuite motiver les résidents, et cela passe évidemment par une
meilleure formation en la matière.
M. Leprince note qu’il faut aussi considérer la question sous un autre angle.
En Europe, les trois plus grosses catégories de maladie sont liées à la question
de la mauvaise alimentation et du sucre. Donc si on veut parler de coûts, il faut
aussi s’attaquer à cette source pour les réduire par la suite. Il est important de
développer une approche conjointe de réduction des risques, en partenariat
avec d’autres professions, notamment au vu de l’impact de l’alimentation sur
de nombreuses maladies. On gagnerait à avoir une prise en charge plus
mutualisée pour cibler de manière commune ces déterminants de la santé.
Un député PLR note que la commission a reçu une hygiéniste dentaire
originaire du Danemark qui a pu expliquer que les patients y étaient considérés
par catégories. Les personnes dans la catégorie verte sont quelque part de bons
élèves et sont régulières dans leurs contrôles, avec en échange une prise en
charge de leurs coûts qui ne doivent par ailleurs pas être très élevés. Les

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personnes dans la catégorie orange doivent, elles, payer puisqu’elles sont un
peu moins de bons élèves. Les personnes dans la catégorie rouge sont celles
avec des pathologies naturelles et qui sont handicapées dès le départ. Le député
se demande si, malgré le problème que peut poser la catégorisation, il pourrait
s’agir d’une idée intéressante.
Mme Abdelaziz répond qu’il s’agit en somme de faire de l’analyse de risque,
en faisant la distinction entre les gens qui doivent revenir dans trois mois et
ceux qui doivent revenir dans deux ans selon les différents facteurs de risque.
C’est ce que l’on tente de faire depuis plusieurs années, mais cela n’est pas
encore très répandu dans le privé. On voit aussi que les patients veulent
rarement revenir régulièrement et qu’ils préfèrent souvent faire des soins plus
radicaux plutôt que de s’inscrire dans une démarche de prévention sur le plus
long terme en adaptant certaines habitudes.
M. Leprince comprend les gênes sur la question de la catégorisation dans
le cas où on y associerait un traitement inégal. On sait que les personnes issues
des milieux défavorisés n’ont évidemment pas choisi leur situation et qu’elles
n’ont pas forcément pu bénéficier des bons conseils. Il ne s’agit donc pas
d’avoir une approche punitive et de leur donner plutôt une chance d’être
accompagnés. Il ne faudrait pas punir des gens pour un manque de
responsabilité quand cela n’est pas mis en place pour d’autres maladies. Si on
veut cette approche, il faut la mettre pour toutes les prises en charge. En
Norvège, tous les soins dentaires sont remboursés uniquement jusqu’à 18 ans.
Or, on voit bien que la maladie reprend par la suite et galope à l’âge adulte. Il
n’y a aucun intérêt à donner une information pour ensuite avoir un minimum
de suivi. Il faut en revanche intégrer dans le remboursement une procédure
d’évaluation des risques pour encourager les patients et les inciter à changer
leurs habitudes pour ne pas sortir du schéma de couverture.
M. Borgis aimerait revenir sur la question du médecin-dentiste cantonal. Il
s’agit vraiment d’un point faible du canton. Lors de la crise du Covid, les
dentistes ont été totalement oubliés et n’ont pas reçu de directives cohérentes
ou du moins des informations peu adaptées pour une profession qui était
finalement en première ligne des risques puisque travaillant dans la cavité
buccale avec de la salive et des bactéries. La médecin cantonale n’avait juste
pas les compétences nécessaires pour donner les directives correctes. Il a fallu
que les dentistes genevois aillent se baser sur les directives données dans
d’autres cantons, ce qui a fait perdre du temps pour mettre en place des
directives efficaces à Genève. Il y a donc un vrai intérêt à disposer d’une
personne de référence pour la profession, notamment pour mettre en place un
système de prévention organisé et allant dans la bonne direction.

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Un député PLR précise que la commission n’est pas encore en train
d’élaborer un contreprojet à l’initiative. Elle se prononcera sur cette possibilité
le 24 mai et aura ensuite un an pour concevoir cet éventuel contreprojet.
M. Leprince remercie le parlement de se pencher sur cette question et
indique que les auditionnés, convaincus de sa pertinence, sont désireux de
travailler en collaboration sur les projets qui pourraient se dessiner. Ils sont à
la disposition des députés pour d’éventuelles discussions complémentaires.
Audition de l’Institute of Global Health/UNIGE
Prof. Antoine Flahaut, directeur
M. Flahaut remercie la commission pour son invitation et note qu’il a
toujours plaisir à venir échanger sur les projets de loi du parlement. Il rappelle
en préambule que les affections bucco-dentaires touchent 3,5 milliards de
personnes dans le monde et qu’il s’agit de l’affection la plus fréquente, en
Suisse y compris. On retrouve principalement les caries dentaires ainsi que les
problèmes de périodontite qui touchent la gencive ou éventuellement l’os. On
retrouve aussi des problèmes de cancer qui sont traités différemment sur le
plan assurantiel. Il y a eu beaucoup de progrès récemment dans le traitement
et dans la prévention des problèmes bucco-dentaires avec une quasi-disparition
en Suisse de la carie chez les enfants en bas âge. En revanche, cela reste un
problème majeur chez l’adulte et la Suisse n’est pas particulièrement bien
placée en Europe sur ce plan de la prévalence des problèmes dentaires. Or, ces
problèmes de dents impactent toute la vie sociale, mais aussi l’emploi, la santé
et le budget des ménages.
En Suisse et dans tous les pays développés riches, les affections buccodentaires, dans leur traitement et leur gestion, font l’objet d’un cycle très
interventionniste et très peu orienté sur la prévention. La prise en charge se fait
de façon assez monolithique avec peu de travail en équipe, de façon assez
techno-orientée sur les traitements et peu sur la prévention. On retrouve cela
dans l’ensemble des pays riches. On fait donc le constat que l’on n’est pas
parvenu à adresser les causes déterminantes du problème puisqu’il reste
toujours aussi prévalent chez l’adulte. Il y a aussi un fort phénomène
d’exclusion puisque les coûts des soins dentaires empêchent un fort segment
de la population à y avoir recours.
L’idée de cette initiative de concentrer les efforts sur la prévention est donc
juste et nécessaire. Le professeur est évidemment favorable à cette volonté de
se concentrer davantage sur la prévention et d’y allouer des ressources
spécifiques. Cependant, il apparaît que la prévention qui est présentée dans ce
texte ne répond pas à quelque chose qui reposerait sur un fort niveau de preuve.

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S’il ne s’agit pas de dire que les mesures présentées sont contre-indiquées ou
qu’elles ne présentent aucun intérêt, elles sont le plus souvent très peu assises
sur des niveaux de preuve convaincants.
Il y a en premier lieu un questionnement sur la différence que font les
auteurs de l’initiative entre les mesures de prévention et de prophylaxie
puisqu’il s’agit essentiellement de la même chose. Les trois mesures phares
présentées, à savoir le dépistage bucco-dentaire, l’examen dentaire périodique
complet et le détartrage ne font en fait pas partie des mesures qui rencontrent
un bon niveau de preuve.
Concrètement, les trois mesures déclinées dans l’initiative ne semblent pas
suffire. Le détartrage a fait l’objet de beaucoup d’études. Si le niveau des
études en médecine dentaire n’est pas le même que pour celui que l’on peut
avoir pour l’homologation des médicaments, il y a tout de même eu plusieurs
essais randomisés et études observationnelles. Ce bon corpus d’étude permet
de montrer que ce type de mesure n’a pas fait la preuve de son efficacité. Si
elle n’est pas dangereuse, le détartrage est une mesure invasive qui a surtout
comme objet de satisfaire des aspects esthétiques sans atteindre le résultat
escompté en termes de prévention de la carie.
En revanche, se brosser les dents deux fois par jour avec un dentifrice au
fluor sans se rincer la bouche par la suite est une mesure qui atteint un niveau
de preuve suffisant. Les mesures qui ont fait la preuve de leur efficacité ne sont
pas adressées dans ce texte, ce qui est étonnant.
Il faudrait aussi se pencher sur un déterminant commercial très connu de la
santé, le sucre ajouté dans notre alimentation. La population est beaucoup trop
exposée à des sodas et des boissons sucrées en plus de ce sucre rajouté. Agir
sur l’alimentation serait donc une mesure des plus efficace. D’autre part, on
sait qu’il serait également essentiel d’agir sur le tabagisme et sur l’alcool dont
la consommation mène à un mauvais état bucco-dentaire. Le gradient social
est aussi observé ici, comme pour le sucre.
Il n’y a pas non plus beaucoup de niveaux de preuve soutenant l’intérêt de
l’examen périodique complet. L’art. 23 B de l’initiative indique que l’Etat peut
accorder des aides financières pour les traitements bucco-dentaires dans le
cadre du catalogue de prestations de prévention et de soin. Il est effectivement
très important que l’on puisse constituer un fonds de soutien. Il faudrait
cependant que ce fonds soit plutôt destiné à subvenir à des soins dentaires dont
des analyses publiées sur le canton soulignent l’importance, notamment chez
les personnes les plus précaires qui doivent renoncer aux coûts.

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Par ailleurs, il serait bien qu’une évaluation du dispositif soit prévue à dix
ans, tant pour évaluer correctement le bien-fondé des mesures et des ressources
déployées que pour un intérêt académique.
Le président retient la suggestion tout à fait pertinente pour une évaluation
à dix ans. Le président demande au professeur son avis sur la question de la
désignation d’un médecin-dentiste cantonal.
M. Flahaut pense qu’il s’agit évidemment d’une bonne idée puisque ce
praticien pourrait soutenir les actions de promotion de la santé bucco-dentaire.
Si le professeur a pu indiquer être plus réservé sur les mesures de prévention
qui sont citées dans le texte de l’initiative, il n’en conteste pas le bien-fondé.
L’initiative gagnerait à être améliorée pour mieux atteindre sa cible. Encore
une fois, l’esprit qui prévaut ici est tout à fait intéressant, avec cette volonté de
renforcer l’aspect de la prévention tout en constituant un soutien financier pour
les personnes les plus vulnérables.
Un député MCG est quelque peu inquiet sur l’ambiguïté de certains termes,
par exemple la différence peu claire entre la prévention et la prophylaxie,
même si cela ne semble pas impacter l’idée générale.
M. Flahaut répond qu’il s’agit essentiellement de problèmes de forme, mais
qu’ils ne viennent en effet pas impacter l’esprit du texte. Il faudrait clarifier ces
nuances, mais il n’y a pas de contradictions apparentes, plutôt des redondances.
Présentation des propositions du DSM pour un contreprojet
M. Pierre Maudet, conseiller d’Etat/DSM, Mme Marie Leocadie, cheffe
de secteur prévention et promotion de la santé
La présidente rappelle que la commission est arrivée au terme de son
processus d’audition et qu’elle entend aujourd’hui le DSM et le conseiller
d’Etat sur des propositions pour un éventuel contreprojet. Elle invite les
auditionnés à faire état de ces propositions ainsi qu’à rappeler les différents
délais de traitement qu’il conviendra de respecter.
M. Maudet indique qu’il a demandé au Conseil d’Etat de préparer
l’esquisse d’un contreprojet sur l’IN 193. Pour rappel, cette initiative a fait
l’objet d’une récolte de signature de façon concomitante avec la précédente
campagne électorale. La plénière s’étant prononcée en faveur de la validité de
l’initiative, elle l’a renvoyée devant la commission de la santé afin que cette
dernière puisse statuer, après toutes les auditions nécessaires, sur un soutien à
l’initiative, un rejet seul ou un rejet avec un contreprojet. Dans le cas où cette
dernière option serait sélectionnée, il faudra repasser devant le plénum pour se
prononcer en faveur ou contre un contreprojet. Dans le cas où la plénière

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accepterait le principe de ce contreprojet, cela rouvrirait une tranche de douze
mois, en bonne intelligence avec le département répondant, pour élaborer ce
projet. Le conseiller d’Etat souhaite ici saluer le travail du comité de suivi
interinstitutionnel qui a été mis en place par le Conseil d’Etat pour mutualiser
la réflexion des différents départements concernés sur les enjeux de prévention
et de promotion de la santé bucco-dentaire, notamment en lien avec les
maladies chroniques comme le diabète ou encore certaines maladies cardiovasculaires, mais également avec la sédentarité.
M. Bron rappelle que si le Conseil d’Etat ne soutient pas l’IN 193, il est
favorable à la rédaction d’un contreprojet et souhaite accompagner le
parlement dans les travaux pour le préparer. Pour envisager cette éventualité,
un comité interdépartemental a été mis sur pied pour travailler sur une
proposition pertinente pour répondre à la vraie question que pose cette
initiative. Il y a eu un travail assez approfondi qui a été notamment été fait avec
l’économie et les finances pour déterminer quels axes pourraient renter dans
ce projet, et notamment une taxe sur le sucre qui sera développée
ultérieurement. Ce comité a donné lieu à tout un travail assez fondamental,
accompagné de mandats externes pour étudier la faisabilité de la chose en
termes de santé publique, mais aussi en termes logistiques. Le premier constat,
qui est finalement partagé avec les initiants et qui incite le Conseil d’Etat à
envisager un contreprojet, est que les maladies bucco-dentaires sont très
fréquentes et qu’elles font partie des éléments qui sont un peu laissés de côté
dans le dispositif d’amélioration de la santé de la population. Ces maladies ont
des effets qui vont au-delà du simple domaine de la bouche et peuvent générer
des conséquences sur la santé générale des patients. Si cela n’est pas propre au
domaine bucco-dentaire, il faut aussi souligner d’importantes inégalités entre
les patients.
Le Conseil d’Etat a cependant décidé de refuser cette initiative. Si elle pose
une bonne question, elle n’y apporte pas nécessairement la bonne réponse.
Au-delà des questions de formulation, l’initiative ne permettrait que de régler
marginalement certaines inégalités d’accès aux soins sans avoir de réel effet
sur la santé bucco-dentaire de la population. Il s’agirait d’un dispositif coûteux
à mettre en œuvre pour avoir au final un impact limité et difficile à mesurer.
Les auditions effectuées par la commission ont justement permis de bien
circonscrire ce domaine et tous les auditionnés partageaient ces conclusions, à
savoir que s’il était nécessaire de faire quelque chose pour améliorer l’accès
aux soins, les propositions formulées n’allaient pas suffire pour impacter la
santé de la population. Sur la question de la fonction de médecin-dentiste
cantonal, l’administration émet certains doutes sans avoir encore une position
arrêtée. Avoir une personne dotée d’une mission dédiée n’est pas inutile, mais

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ne sera pas révolutionnaire. Par ailleurs, les fonctions dévolues au médecin
cantonal couvrent déjà la santé dentaire.
Par contre, le Conseil d’Etat a la conviction que ces problèmes de santé
bucco-dentaire sont évitables et qu’il est vraiment possible d’améliorer l’action
sur ce domaine de la santé. Il y a des choses vraiment utiles à mettre en œuvre,
par exemple sur des facteurs protecteurs, mais aussi sur l’environnement et la
consommation, notamment de sucre, de tabac ou encore d’alcool. C’est avec
ce constat que le groupe de travail est arrivé à trois axes principaux : le
renforcement des actions de promotion de la santé, l’instauration d’une taxe
cantonale sur les boissons sucrées et la mise en place d’un dispositif de gestion
et de coordination au niveau de l’administration, en lien avec les partenaires
externes de la santé bucco-dentaire.
Mme Leocadie présente en détail ces trois axes. Elle rappelle en premier lieu
que la santé bucco-dentaire s’est bien améliorée à Genève puisque 58% des
écoliers arrivent désormais avec des dents saines. Ces efforts n’effacent
cependant pas les inégalités sociales entre les élèves et la santé bucco-dentaire
reste un vrai problème de santé publique. Pour le renforcement de cette santé,
l’Etat souhaite pouvoir travailler sur trois domaines. Il entend tout d’abord
promouvoir les comportements protecteurs puisqu’il y a des facteurs de
protection qui sont indéniables et que l’on peut utiliser. Il entend ensuite
réduire les facteurs de risque, notamment par la promotion de comportements
et d’un environnement sain, et lutter contre le renoncement aux soins pour
éviter l’aggravation des situations. Enfin, il souhaite ancrer la santé buccodentaire dans les priorités d’Etat avec un changement de la loi sur la santé pour
inscrire cette question dans un article qui évoque les actions de promotion de
la santé au sein des maladies non transmissibles ainsi qu’avec un changement
de la loi sur l’enfance et la jeunesse pour pouvoir davantage étendre les
activités du DIP et de son service dentaire, notamment en amont et en aval de
l’école primaire.
Il a été possible de mettre en évidence que pour garder une bonne hygiène
dentaire, il faut se brosser les dents plusieurs fois par jour et effectuer des
contrôles réguliers chez l’hygiéniste. Les études récentes en Suisse ont montré
que si la majorité des Suisses suivent ces recommandations, seulement 27%
d’entre eux se lavent les dents trois fois par jour et un Suisse sur quatre n’a pas
vu de professionnel de la santé chez les douze derniers mois, notamment chez
les personnes les plus vulnérables.
Il existe déjà de nombreuses initiatives à Genève, notamment pour les
enfants via l’école. Il existe une politique de promotion de la santé buccodentaire au niveau des structures d’accueil de la petite enfance, des cours sur
le brossage des dents avec un dépistage visuel systématique à l’école primaire

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ou encore des bons pour des visites annuelles chez le dentiste au cycle
d’orientation. Pour les personnes les plus vulnérables, il existe un programme
de sensibilisation donné par la Croix-Rouge.
Le département souhaite proposer des actions pour des populations bien
ciblées. Il faut une stratégie de communication pour le grand public qui
permette de favoriser l’adhésion aux recommandations d’hygiène et de
contrôle. Il souhaite intégrer la santé bucco-dentaire dans les soins primaires,
notamment en vue de l’introduire de manière systématique dans les contrôles
annuels. Il y a là un travail à mener en collaboration avec les médecins de
famille et les pédiatres. Il faut faire en sorte que la population soit mieux
informée sur les dispositifs qui existent, notamment au niveau des enfants et
des jeunes.
Le DIP se propose d’étendre les activités de sensibilisation à l’hygiène
bucco-dentaire. Environ 30% des enfants arrivent à l’école avec des caries et
il est important de pouvoir faire un travail en amont, notamment avec de la
sensibilisation dans les espaces parents-enfants dans les communes ou encore
au niveau de l’accueil familial de jour. Les parents peuvent également être
sensibilisés par l’intermédiaire des pédiatres. Le DIP souhaite également
pouvoir renforcer l’hygiène bucco-dentaire chez les enfants au primaire. En
plus du cours de sensibilisation, le département propose un accompagnement
au brossage des dents durant le temps de scolarité. Cette sensibilisation
pourrait être étendue au secondaire I en intégrant cela au cours de
sensibilisation à la santé qui est actuellement dispensé.
Concernant la réduction des facteurs de risque, on sait qu’il existe de
nombreux comportements qui peuvent être nocifs pour la santé. En moyenne,
on consommait 39 kg de sucre par personne en 2014 contre 3 kg en 1850. Cela
a des conséquences, notamment en termes de surpoids et d’obésité. Pour
réduire ces facteurs de risque, il faut renvoyer à toutes les actions faites dans
le plan cantonal de prévention et de promotion de la santé, tant dans l’ancien
que dans le nouveau plan. Il comporte beaucoup d’actions pour lutter contre la
consommation de sucre, d’alcool et de tabac. Beaucoup d’associations sont
subventionnées pour effectuer un travail de prévention contre ces formes
d’addictions. En plus de cela, le département propose de réduire les
comportements à risque en intégrant la santé bucco-dentaire dans les efforts de
lutte contre les maladies non transmissibles afin que les associations puissent
utiliser cela comme un argument de lutte contre les facteurs à risque.
D’autre part, le Conseil d’Etat propose d’instaurer une taxe cantonale sur
les boissons sucrées et de supprimer la vente de sucreries à la sortie des caisses
dans les supermarchés tout en renforçant les actions menées en collaboration
avec les acteurs de terrain et la grande distribution. Il souhaiterait également

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pouvoir mobiliser les parties prenantes pour mettre en place des mesures
protectrices et régulatrices en lien avec le marketing numérique. Enfin, il
entend disposer d’un cadre légal qui favorise une alimentation saine,
notamment en s’appuyant sur le nouveau droit constitutionnel à l’alimentation
et surtout l’alimentation saine.
Au niveau du premier axe, et notamment concernant la lutte contre le
retard et le renoncement aux soins, il faut rappeler qu’un Genevois sur dix
renonce à des soins dentaires, soit 11%, et ce malgré les dispositifs existants.
Le service dentaire scolaire effectue du repérage et du dépistage tandis qu’il
existe des soins dentaires gratuits pour les personnes sans-abris via le Point
d’Eau, des soins dentaires gratuits pour les détenus via l’unité d’action sociale
du CUMD, des remboursements via le SPC ou l’aide sociale ou encore des
prestations à faible coût délivrées par la Croix-Rouge à l’aide de dentistes
bénévoles.
En plus de tout cela, HandiConsult propose des consultations adaptées pour
les personnes en situation de handicap.
Pour aller plus loin, le département propose de renforcer l’accès au
dispositif de soin en s’assurant d’une meilleure communication sur ce qui
existe en s’appuyant sur des professionnels de terrain mieux formés. Le DIP
se propose aussi d’explorer la pertinence d’une révision des barèmes d’accès
pour les rabais proposés par le service dentaire scolaire. Il serait aussi possible
de réviser et de renforcer les ressources disponibles pour l’orthodontie et
l’hygiéniste dentaire. Pour les personnes en situation de handicap, il serait
important de prévoir davantage de cabinets pour assurer leur accueil adapté,
notamment avec des anesthésies générales. Pour lutter contre toutes les autres
causes de renoncement aux soins, il serait également important de pouvoir
mener une étude. Le facteur financier revient souvent sur le devant de la scène,
mais il ne saurait être le seul. La Croix-Rouge est en train de rédiger un
protocole d’étude en collaboration avec l’UNIGE pour pouvoir identifier les
différentes barrières qui subsistent. L’Etat souhaite aussi renforcer tant le
dispositif de l’unité sociale du CUMD que celui mis en place via la permanence
dentaire de la Croix-Rouge. Les temps de délai sont encore trop longs et les
personnes se retrouvent trop souvent en liste d’attente.
Au niveau scolaire, il s’agirait d’agir dès l’âge préscolaire en intégrant les
soins dentaires dans le plan cantonal des 1000 premiers jours. Il faudrait pour
cela collaborer avec les pédiatres pour renforcer les détections cliniques
précoces, notamment en distribuant des bons aux parents dès 2 ans. Il faudrait
améliorer l’évaluation clinique proposée à l’école primaire, notamment en
intégrant des radios pour aller identifier les caries sous-jacentes.

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Il existe désormais des dispositifs non invasifs qui sont très performants
pour ce faire. Pour le secondaire I, Genève pourrait s’inspirer du modèle
fribourgeois qui a rendu le contrôle dentaire annuel obligatoire. Il faut
également envisager une extension des actions qui encouragent ce contrôle
annuel. Pour les personnes dépendantes, le DCS souhaiterait aussi pouvoir
introduire un examen dentaire lors de l’entrée en institution tout en formant le
personnel encadrant des EMS et des EPH à la santé bucco-dentaire.
Pour l’axe deux, l’introduction d’une taxe sur le sucre est un levier
efficace et reconnu qui est prôné par l’OMS et la Banque mondiale. Les études
ont démontré que l’efficacité des mesures fiscales est assez importante,
notamment sur la consommation des boissons sucrées. De manière très
concrète, plus la taxe est importante, plus l’impact sur la consommation est
marqué. Pour ce faire, l’institut économique de Winterthur a été mandaté pour
mener une étude de faisabilité juridique et économique. Il en ressort que la
forme concrète de la taxe pourrait évidemment influencer la nature de
l’appréciation de la constitutionnalité de la mesure, mais que rien n’empêche
l’introduction d’un tel dispositif au niveau cantonal.
En croisant plusieurs données, l’hypothèse qui pourrait être retenue serait
celle d’une taxe de 1 franc par litre sur les boissons sucrées. Cette taxe pourrait
entraîner une baisse potentielle de la consommation de ces boissons de 20%
tout en amenant une baisse potentielle des coûts de la santé de 27 millions de
francs (notamment sur le diabète et les maladies cardio-vasculaires) tout en
rapportant 30 millions de francs de recettes fiscales supplémentaires. Ces
recettes supplémentaires seraient dédiées à la mise en œuvre de mesures de
prévention qui ont aussi une influence dans l’amélioration de la santé de la
population.
Pour pouvoir identifier quelle forme cette taxe cantonale pourrait prendre,
le Conseil d’Etat a mandaté M. Xavier Oberson qui est professeur de droit
fiscal à l’UNIGE et qui est par ailleurs disponible pour venir présenter ses
conclusions devant la commission. Il ressort de son mandat qu’il s’agirait d’un
impôt spécial qui porterait exclusivement sur la vente de boissons sucrées, d’un
impôt d’orientation qui viserait à améliorer la santé de la population et d’un
impôt d’affectation puisque les revenus qui en résulteraient seraient affectés
spécifiquement à des actions de promotion de la santé. Les assujettis à la taxe
seraient la vente au détail dans les magasins et les restaurants. En revanche, les
ventes entre magasins ne seraient pas taxées. L’impôt porterait uniquement sur
les boissons sucrées et ne prendrait pas en compte l’alcool, qui est déjà taxé, et
les jus de fruits frais et le lait dont il faut relever les bienfaits naturels pour la
santé.

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Il serait également possible d’explorer la possibilité d’une taxation
progressive en fonction de la teneur en sucre, ce qui pourrait permettre de
constater à terme une influence sur la fabrication elle-même. Le calcul de la
taxe pourrait porter sur le chiffre d’affaires en francs ou sur le volume vendu
en litre. Cette deuxième possibilité aurait le mérite d’être plus parlante. Il y a
également des coûts à considérer sur l’introduction d’une telle taxe, notamment
au vu de ce que l’Etat devrait engranger comme ressource, mais aussi au vu
des efforts que cela demanderait pour les assujettis avec une nouvelle charge
prélevée. Le DF propose une procédure de taxation spontanée qui permettrait
de réduire l’impact administratif de la taxe pour les acteurs concernés.
Le troisième axe de ce contreprojet porte sur la gestion et la coordination.
Indépendamment de la création éventuelle d’un poste de médecin-dentiste
cantonal, il est nécessaire d’avoir une commission interdépartementale de
coordination des affaires bucco-dentaires, notamment pour coordonner les
différents acteurs, leur transmettre les bonnes pratiques, s’assurer de la mise
en œuvre de ces actions dans le domaine de la santé ou encore préaviser les
différents projets déposés et répartir les recettes générées par la taxe cantonale
sur les boissons sucrées pour financer les différentes actions de promotion.
M. Maudet précise que le chiffre de 11% de renoncement aux soins se
réfère à une étude du bus santé menée en 2014. Si l’on pouvait disposer de
chiffres plus récents, tout laisse à penser que la situation ne s’est pas améliorée
dans l’intervalle et qu’elle s’est même détériorée. Ce qui est présenté ce soir
est le reflet du travail du groupe interdépartemental, mais aussi de l’avis du
Conseil d’Etat qui défend complètement cette vision de façon unanime. On
retrouve dans ces propositions une combinaison entre un renforcement des
mesures de santé et de prévention, l’introduction d’une taxe sur les boissons
sucrées ainsi qu’un travail de coordination entre les acteurs concernés.
Ce dernier aspect est probablement celui qui peut convaincre le moins à ce
stade, la création d’une nouvelle commission n’étant pas très attirante. Il n’en
reste pas moins un point important puisqu’il y a un véritable enjeu de
coordination au sein de l’Etat pour combiner les moyens. C’est pour cette
raison que cette notion de coordination a été élevée au rang des trois éléments
qui devraient être constitutifs d’un contreprojet digne de ce nom. En fait, il
apparaît que cette initiative représente quelque part un cheval de Troie qui pose
en toile de fond la question des maladies chroniques. On voit un
développement important des cas de diabète ou de maladies cardio-vasculaires
ainsi que de toute une série de pathologies qui vont gagner en importance dans
les années à venir.
Le contreprojet ne serait donc pas une simple réponse à l’IN 193, mais
plutôt une invitation à aller un peu plus loin, notamment en épousant le plan

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de prévention des maladies chroniques en y rajoutant la question de la
consommation de sucre. L’impact du contreprojet irait plus loin et se poserait
en termes de santé publique. S’il faut encore préciser les contours exacts et les
mesures précises, cela ne serait pas la première fois que le parlement se
prononce sur un contreprojet allant plus loin que l’initiative de départ.
Un député PLR félicite l’administration pour ce travail très important qui
reprend tout l’historique tout en proposant des perspectives. Il y a vraiment là
matière à avoir un contreprojet très concret. Le député se demande si l’idée est
uniquement d’avoir une taxe qui génère des revenus ou si on voit plutôt là
l’opportunité d’avoir d’autres effets. Dans un contexte de concurrence
intercantonale et frontalière, le député demande également si cela pourrait
s’étendre à Berne d’ici quelques années. Enfin, il demande si l’on pourra
évaluer les effets de la taxe pour voir s’il faut la maintenir ou non à terme.
M. Maudet répond que cette question a animé des débats au sein du Conseil
d’Etat puisqu’il n’est pas anodin d’introduire une taxe qui pourrait représenter
une charge supplémentaire pour les entreprises genevoises. L’enjeu repose sur
l’introduction d’une mesure adéquate et proportionnée qui ne doit pas trop
charger le plan administratif tout en permettant à terme de diminuer la quantité
de sucre que l’on consomme. En comparant les juridictions qui ont introduit
cette taxe, on réalise que l’on a fini par voir arriver sur le marché des bouteilles
de soda moins sucrées tout en gardant la même étiquette. Le but de la taxe n’est
pas d’engranger des sommes, mais tout d’abord de diminuer le volume de sucre
et son effet sur le métabolise humain et les coûts de la santé qui en résultent.
Le Conseil d’Etat n’est pas encore allé très loin dans les débats et les réflexions
sur le sujet puisqu’il entend d’abord laisser le Grand Conseil se prononcer sur
l’opportunité d’un contreprojet. Il a donc souhaité informer le parlement sur
ces pistes de réflexion sans aller trop loin dans les réflexions. Les milieux
commerciaux n’ont par exemple pas encore été sondés. On sait cependant que
cette taxe est possible sur le plan fiscal si l’on respecte certaines conditions. Il
faudra attendre la prise de position du Grand Conseil pour approfondir la
réflexion.
Le député PLR revient sur la formation des médecins-dentistes. La
commission a eu l’occasion d’auditionner les responsables de la formation à
Genève et ces derniers sont tout à fait conscients que la formation est trop
orientée sur l’approche techniquement de remplacement dentaire ou sur
l’esthétique et qu’elle s’est éloignée de la formation médicale en termes de
santé publique, notamment sur les questions d’hygiène. La faculté de médecine
dentaire souhaite se réorienter sur ces questions en allant vers une médecine
plus proche de la médecine de premier recours. Cet aspect n’est pas vraiment

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mentionné dans le contreprojet et le député demande s’il faut comprendre que
le département est convaincu que cela va se faire.
Mme Leocadie rappelle que le premier axe du contreprojet mentionne en
effet la volonté d’accentuer la formation, notamment en lien avec le fait de
bien former les personnes à la détection précoce des caries et au suivi, y
compris pour les pédiatres et les médecins de ville. Tout un chacun va faire des
bilans annuels, le plu souvent respiratoires, cardio-pulmonaires ou sanguins et
il faudrait systématiquement y rajouter un suivi bucco-dentaire.
Un député UDC demande si, avec la taxe envisagée, il n’y a pas un risque
que les consommateurs aillent juste acheter leurs sodas en France. D’autre part,
le député demande si les revenus fiscaux pourraient être réinjectés dans un
soutien aux citoyens pour payer leurs assurances. Il demande également si les
boissons sans sucre, dont on sait qu’elles sont tout aussi néfastes, notamment
pour la glycémie et l’insuline, pourraient être intégrées dans la taxe. Enfin, le
député suggère que les cours pour sensibiliser au brossage des dents intègrent
de la prévention sur la consommation d’eau souvent trop importante durant ce
geste.
M. Maudet répond que Genève n’a pas vraiment de prise sur l’effet
frontalier et que la population peut évidemment aller acheter des boissons de
l’autre côté de la frontière. Il faut cependant rappeler qu’une telle taxe existe
déjà en France. Le groupe de travail ne s’est donc pas forcément penché sur
cette question.
Mme Leocadie précise que la question des boissons sans sucre a été posée
par le groupe de travail et que cela nécessiterait peut-être une autre forme
encore de taxe.
M. Maudet note que sur la question des primes, on pourrait utiliser une
partie des recettes de cette taxe pour atténuer le choc financier, sans le mettre
dans les subsides, mais par exemple dans une caisse publique en réinjectant
par tête. Cela pourrait éventuellement être possible, mais ne rentrerait de toute
façon pas dans le contreprojet.
Mme Leocadie note qu’il faudrait évidemment évaluer le coût d’une telle
mesure. En partant du principe que la taxe rapporte environ 30 millions de
francs, le bénéfice pour les primes de la population serait très limité, alors que
l’impact d’actions de promotion de la santé peut avoir de vrais effets sur les
coûts de la santé et donc, in fine, sur le montant des primes d’assurance.
Une députée Les Verts salue la volonté du Conseil d’Etat d’aller de l’avant
sur un contreprojet afin d’étendre la promotion et la prévention de la santé. Sur
le cas précis du cycle d’orientation, la députée doit avouer qu’elle n’a
personnellement jamais vu ces bons pour ses enfants et se demande s’ils sont

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ciblés ou s’il y a un manque d’information. Il faudrait visiblement informer
davantage les parents et trouver un canal de diffusion plus efficace. On sait par
ailleurs qu’il s’agit d’années cruciales pour la santé dentaire des jeunes et la
députée s’étonne qu’on retrouve dans les cycles de distributeurs automatiques
de sucreries.
Mme Leocadie répond que, à sa connaissance, ces distributeurs n’existent
plus.
La députée Les Verts aimerait aussi savoir comment l’on pourrait
concrètement renforcer l’accès au dispositif, notamment via la détection de
problèmes à tous les âges, par l’intégration des associations au dispositif, par
une communication intensive ou encore par les médecins. Pour les personnes
en situation de handicap, on sait qu’il faut une prise en charge spécifique avec
des soins supplémentaires, mais aussi une meilleure formation des médecins et
la possibilité concrète de faire un suivi des soins dans le temps.
M. Maudet note qu’il a, pour sa part, reçu ces bons pour ses enfants, mais
qu’il faudrait en effet peut-être repenser le concept pour être plus attractif,
notamment en l’adaptant à des parents allophones. Le document est un peu
administratif et y aurait là une possibilité d’amélioration. De manière générale,
si le contreprojet est lancé, il faudrait une impulsion nouvelle en créant un vrai
réseau avec les dentistes, ce qu’eux-mêmes soutiennent. S’il n’y avait presque
pas besoin d’une impulsion de l’Etat pour cela, le gouvernement est favorable
à créer un momentum adapté au public auquel on s’adresse. C’est peut-être
aussi l’occasion de mettre le pied à l’étrier de la future clientèle des dentistes
genevois en convertissant les clients de la clinique dentaire vers des clients de
dentistes de ville.
L’objectif est de démultiplier le recours aux médecins-dentistes de ville. Il
n’est pas encore possible de répondre trop en détail et il ne faudra pas trop
d’une année de travail sur le contreprojet pour définir les choses clairement. Il
n’en reste pas moins qu’il s’agit là d’un vrai objectif. Pour les distributeurs, il
s’agit d’une question pertinente et on en retrouve encore dans beaucoup trop
d’endroits alors qu’il s’agit de vrais réservoirs à sucre et qu’ils posent un vrai
problème de soutenabilité, par exemple à l’hôpital. Ces distributeurs sont en
tout cas bannis dans les cycles et les collèges.
La députée Les Verts indique que quelque chose de plus simple comme un
bon envoyé automatiquement par courrier serait peut-être plus compréhensible
pour les parents.
Mme Leocadie répond que le DIP est conscient des améliorations à apporter
au dispositif qui, s’il est bien pensé, et assez mal utilisé. Le département

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connaît les failles et souhaite améliorer les choses, par exemple en rendant le
contrôle dentaire obligatoire.
Un député Le Centre remercie également le département pour tout le travail
effectué et doit avouer que cette esquisse d’avant-projet au contreprojet lui
plaît beaucoup. Sur la question du médecin-dentiste cantonal, il faut rappeler
que les fonctions sont déjà assumées par trois entités au sein de l’OCS. Or, les
médecins-dentistes qui sont venus devant la commission ont justement loué
cette idée, notamment en ce qu’elle aurait par exemple pu permettre aux
dentistes de se sentir soutenus durant la pandémie. D’autre part, pour revenir
sur la taxe, le député se demande si l’on sait combien de temps il faudrait pour
constater de premiers effets.
Mme Leocadie indique devoir relire l’étude qui étudie les effets de cette taxe
avant de pouvoir répondre à cette question. Les effets sur la santé peuvent en
tout cas se déployer à assez court terme.
M. Bron précise qu’il s’agit de choses qui sont assez étudiées et que l’on a
souvent pu constater des effets assez rapides, notamment dans l’exemple
anglais.
Le député Le Centre comprend que cette taxe ne concernerait que les
boissons à sucre ajouté et non pas les aliments solides.
Mme Leocadie confirme que l’on ne parle que des boissons à ce stade.
M. Maudet revient sur la première question et explique que les travaux du
groupe interdépartemental ne plaident pas en faveur de la création de ce poste,
bien que l’échelon politique y soit pour sa part un peu plus favorable. On peut
évidemment démultiplier les fonctions et avoir une infirmière cantonale, un
psychiatre cantonal, etc. Si on vise le contrôle des pratiques professionnelles,
il faut le dire et on peut avoir une personne dévolue à cela. Aujourd’hui, il y a
des dentistes qui sont suivis et qui sont sanctionnés le cas échéant. Si l’idée est,
comme le demande l’initiative, d’avoir une personne qui incarne les efforts de
prévention, M. Maudet n’est pas persuadé qu’il y ait besoin d’un dentiste. Il y
a d’une part déjà un secteur prévention qui fait très bien son travail. D’autre
part, cela reviendrait à revenir aux politiques des années 90 avec des délégués
et des personnes d’autorité pour chaque politique publique. Si cela est parfois
fondé, cela n’est pas la réponse à tout. Le Conseil d’Etat est partagé sur cette
question et considère qu’il ne s’agit en tout cas pas d’une solution miracle. Si
le contreprojet introduit cette fonction, il faut vraiment savoir ce que l’on veut
faire avec.
Un député MCG souligne le grand panorama dressé par cette présentation,
mais craint un peu que l’on arrive à un saupoudrage au final. Les propositions
vont dans un certain nombre de directions et si le Conseil d’Etat a choisi trois

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axes, on peut finalement aller loin ou non dans chacun de ces domaines. Un
des éléments qui semblaient le plus urgents était de renforcer le dispositif de
la permanence de la Croix-Rouge qui fonctionne sur une base bénévole. Si une
fondation privée est venue apporter un soutien, il serait bien de s’assurer de la
pérennité du dispositif, de même que celui mis en place par la clinique dentaire,
en redonnant à chacun sa place avec une direction claire. Le contreprojet n’est
pas encore écrit, mais il faut tout de même anticiper un peu sur les axes sur
lesquels on veut s’engager. Tous les axes indiqués sont intéressants, mais si on
veut les financer, ces 30 millions de francs ne suffiront peut-être pas et la
commission se doit d’étudier une stratégie pour préciser les éléments et les
choix qu’elle veut faire.
M. Maudet répond que le but est justement de tout mettre sur la table. Le
rôle des associations est central et doit évidemment faire partie du dispositif,
notamment en leur déléguant des tâches. A l’inverse, on ferait du saupoudrage
si on acceptait l’initiative qui propose de distribuer des bons de 300 francs qui
ne permettraient pas d’aller bien loin et donc, in fine, ne résoudrait pas les
problèmes. Avec ce contreprojet, le Conseil d’Etat met tout sur la table et invite
à doser au mieux dans la proposition finale.
Un député PLR trouve assez centrale la question de la taxe. Il se demande
si le but envisagé est finalement plutôt de financer le programme de mesures
ou d’avoir une incitation à ne pas acheter. On ferait le choix d’exclure l’alcool
et les jus de cette taxe alors qu’en termes de quantité de sucre par litre, on est
dans des volumes équivalents en comparaison aux sodas. Le député s’étonne
de ce choix si l’objectif assumé est de véritablement diminuer la consommation
de sucre. Il faudrait peut-être repenser les contours de la taxe.
D’autre part, Genève dispose d’un territoire exigu qui pourrait rendre
l’exécution de cette taxe compliquée avec la possibilité de commander dans
d’autres cantons ou en France des boissons qui échapperaient à la taxe. La
solution pour pallier cela serait donc de ne pas agir seul et de mettre en place
une telle initiative avec d’autres cantons ou avec Berne, ce qui serait
évidemment plus difficile. La taxe sera également difficile à mettre en place
puisqu’il faudrait que les restaurants indiquent combien ils ont vendu de sucre.
Le plus efficace serait peut-être de taxer l’importateur ou le fabricant à la sortie
de l’usine ou de l’entrepôt. Le député se demande si on ne construit pas ici un
monstre administratif sur un territoire qui reste très perméable.
M. Maudet rappelle que l’on peut décider de mettre beaucoup de choses
dans cette taxe. Or, et c’est précisément le propos tenu ce soir s’il faut encore
le rappeler, il faut marier dans l’équation la praticabilité avec l’objectif
annoncé de limiter la consommation de sucre sans trop charger
administrativement celles et ceux qui vont vendre ces marchandises. On

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pourrait aussi commencer à déterminer les bons et les mauvais sucres, ce qui
poserait là encore des questions. S’agissant de l’alcool, il faut rappeler qu’il
existe déjà une taxe et que les mineurs ne peuvent légalement pas en acheter.
De ce point de vue là, les boissons sucrées apparaissent comme un pendant à
l’alcool pour les jeunes qui sont captifs de ces boissons. Si les propos du député
sont pertinents, on pourrait y opposer une série de contre-exemples sur la
perméabilité du territoire. La consommation reste malgré tout assez locale et
on imagine assez mal des gens commander des boissons sucrées sur le canton
de Vaud. Pour des restaurateurs faisant le choix d’acheter leurs boissons sur
un autre canton, cela ne changera rien et il faudra tout de même les surtaxer à
la vente. Par ailleurs, certaines structures coopératives comme la Migros
fonctionnent déjà dans cette optique avec des ponctions fiscales au profit de
telle ou telle action. On peut évidemment se demander s’il est juste que cette
taxe frappe le consommateur et tout reste à discuter selon la conviction de
chacun sur notre capacité à atteindre les objectifs.
M, Bron rappelle qu’il existe déjà une loi fédérale qui taxe les alcools et
qu’il n’est pas possible d’aller par-dessus le droit fédéral.
Mme Leocadie précise que les autres cantons sont informés des intentions
de Genève et envisagent aussi des choses similaires, notamment le canton de
Vaud, tandis que la France voisine pratique déjà cette taxe. Le premier objectif
d’une taxe sur le sucre est évidemment de changer les comportements de la
population. Si la taxe porte ses fruits et que la consommation et les habitudes
changent, il est clair qu’elle est amenée à disparaître.
Un député UDC revient sur la question de la taxe. On propose actuellement
de limiter beaucoup de choses dans le cadre d’enjeux de santé publique, et
notamment des aliments. Or, cette première proposition ne concerne que les
boissons sucrées, ce qui interroge. Par ailleurs, le député rappelle que pour le
tabac, la taxe représente 52,1% du prix de vente et il se demande si l’on ne
devrait pas envisager des proportions équivalentes.
Mme Leocadie répond que l’on retrouve dans les exemples existants jusqu’à
20% de baisse de la consommation. Par ailleurs, le canton envisage de taxer
1 franc par litre, ce qui est déjà conséquent. Cependant, il est clair que plus la
taxe est élevée, plus cela fonctionne.
M. Maudet note qu’il y a un débat de fond et que l’on trouve effectivement
du sucre partout, malgré des éléments de type nutriscore qui sont censés nous
informer. Si l’on voulait impacter l’excès de sucre par rapport à ce qu’il
représente au niveau des coûts pour la santé, la taxe serait juste gigantesque.
Or, on ne peut pas se concentrer que sur cela, d’autant plus que les impacts
financiers ne sont pas toujours chiffrables, comme pour le diabète de type II.

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Pour répondre à la question de manière plus concrète, si on est à un franc de
plus par litre, il s’agit d’une augmentation conséquente. Il serait toujours
possible d’aller plus loin et d’augmenter encore plus la taxe, mais le but
premier est d’avoir un impact sur les comportements individuels. La taxe sur
le tabac a eu un impact non négligeable sur la durée et il ne faut pas s’interdire
de réfléchir à aller plus loin. Le but est en tout cas d’avoir des effets sur les
habitudes et de pouvoir, à terme, se passer de cette taxe.
Le député UDC considère qu’il faudrait peut-être considérer le sucre
comme un élément encore plus nocif que le tabac, en envisageant un impôt sur
le sucre.
M. Maudet répond qu’il s’agirait alors là d’un contreprojet très violent
puisque l’on parlerait quelque part d’une interdiction du sucre qui fait partie
intégrante de notre alimentation. L’idée n’est en tout cas pas de le bannir, mais
de rendre attentif à ses effets en informant au mieux les consommateurs.
Un député Les Verts note que dans le cadre de la lutte contre le
renoncement aux soins, il existe un certain nombre de modèles, y compris celui
proposé par l’IN 193 avec des chèques de 300 francs. Le député demande s’il
serait possible de préciser quel modèle le groupe de travail envisage.
Mme Leocadie répond qu’il faudra inévitablement passer par de
l’information, en expliquant aux personnes ce qui existe déjà. Il faudrait
également réviser la pertinence de certains barèmes pour accéder à des
prestations à moindres coûts, notamment au service dentaire scolaire, prévoir
des cabinets spécifiques pour des populations avec un besoin de prise en charge
spécifique, mener des études pour comprendre les facteurs qui poussent au
renoncement aux soins ou encore favoriser le dispositif de la Croix-Rouge. Au
DIP, il est envisagé de favoriser l’accès aux soins pour davantage de jeunes,
dès 2 ans, notamment en l’étendant au secondaire II. Enfin, pour les personnes
dépendantes, le DCS envisage des examens cliniques systématiques
comprenant la zone bucco-dentaire dès l’entrée en EMS ou en EPH.
Le député Les Verts demande s’il serait possible d’étendre cette taxe à
certains édulcorants à l’instar de l’aspartame ou la saccharine.
Mme Leocadie répond que le groupe en a parlé, mais que cela va nécessiter
une mise en œuvre différenciée de cette taxe.
M. Maudet observe que l’enjeu avec cette bonne question que pose
l’IN 193 est de savoir comment toucher certaines populations. Le domaine
dentaire n’est pas couvert par l’assurance obligatoire et si l’on voulait vraiment
être audacieux politiquement, il faudrait partir de l’idée d’avoir un produit
d’assurance n’étant pas inclus dans l’assurance obligatoire, mais proposé sous
sein public, dont on exigerait qu’il y ait au minimum d’actes effectués par le

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bénéficiaire en faisant des détections et des sensibilisations. Cette couverture
devrait permettre à l’Etat d’économiser de l’argent puisque cela éviterait
beaucoup de situations qui se retrouvent à sa charge quand les choses se
dégradent. Pour le dire autrement, si l’Etat disposait dans un monde idéal d’une
caisse publique prenant en charge les aspects ophtalmiques et dentaires, avec
des produits offerts à la population moyennant des primes et des incitations à
la prévention, cela pourrait être une avancée très concrète pour beaucoup de
gens. Cela n’est cependant pas le sujet du contreprojet. Le Conseil d’Etat salue
évidemment l’intention des initiants, mais il souhaite apporter des solutions
qui puissent aider les gens qui ont des besoins avérés et pour lesquels la
population n’est pas prise en charge par l’assurance obligatoire.
M. Bron confirme que les soins dentaires n’ont jamais fait partie du
catalogue de l’assurance de base. Par ailleurs, il faut tout de même prendre en
compte l’exemple allemand qui a choisi de prendre en charge les soins
dentaires. Il est ressorti de cette expérience que les coûts avaient explosé en
permettant à plus de gens d’aller chez le dentiste, mais que les comportements
avaient finalement peu changé et les effets avaient été très décevants.
M. Maudet précise que c’est cet argument qui avait prévalu pour refuser
une initiative du PdT en 2019, d’où la mention de sa part d’avoir dans ce
régime d’assurance spécifique une contrepartie demandée pour de la
prévention minimale.
Un député PLR estime que cette initiative a au moins eu le mérite de
susciter des discussions très intéressantes de par les différentes auditions. Les
médecins-dentistes et autres professionnels qui sont venus devant la
commission ont tous souligné l’importance de la prise en charge précoce pour
limiter les situations plus tardives. L’importance de la sensibilisation des
gynécologues et des pédiatres a notamment été évoquée pour toucher les jeunes
parents et les inviter à modifier leur hygiène bucco-dentaire afin d’inculquer
de bonnes bases à leurs enfants. On constate par ailleurs que les jeunes sont
souvent un peu livrés à eux-mêmes dès le secondaire II, ce qui souligne
l’importance d’un contreprojet qui élargit la sensibilisation à la santé dentaire
à l’ensemble du parcours scolaire. D’autre part, la discussion sur la pertinence
d’une fonction de médecin-dentiste a souligné l’importance de la fonction pour
assurer une égalité d’information entre les professionnels. Beaucoup de
médecins étrangers ne sont pas membres de la faîtière des dentistes genevois
et n’ont donc pas accès aux informations de la faîtière, ce qui a des
conséquences.
Mme Leocadie confirme qu’élargir le spectre de sensibilisation des
médecins est une très bonne idée puisqu’il est par exemple prouvé qu’allaiter
son enfant le protège de certains risques bucco-dentaires. Un travail peut être

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fait dans l’accompagnement à la parentalité et peut s’inscrire dans la politique
publique prévue par le Conseil d’Etat pour les 1000 premiers jours de la vie de
l’enfant. Le DIP propose d’étendre l’accompagnement jusqu’au secondaire II,
notamment par l’extension du système de bons.
Un député S indique en préambule que 10% d’augmentation du prix des
cigarettes peut correspondre à une diminution de 4% du nombre de fumeurs,
chiffre qui peut monter jusqu’à 8% chez les jeunes. Le député a pu voir à quel
point les dentistes ne souhaitaient pas être remboursés par la LAMal afin de
pouvoir continuer à échapper aux contrôles qui en découlent. La profession
s’était montrée très virulente sur le sujet. Le discours semble cependant s’être
adouci aujourd’hui. Il est donc important sur la question du médecin-dentiste
cantonal que ce soit l’un des leurs qui leur parle. Il y a une spécificité de la
médecine dentaire et on ne peut pas dire que le médecin cantonal peut se
substituer à ce langage spécifique des dentistes qui ont besoin d’une personne
référente. D’autre part, sur la question de la prévention, si on peut parler des
jeunes et du soutien dont ils ont besoin, quoi que l’on fasse, tout le monde aura
des problèmes avec l’âge et il faudra travailler sur les dents malgré un bon
accompagnement durant la jeunesse.
Sur la question des bons, il est clair que tout le monde n’ira pas consulter
et le député se demande si l’on ne pourrait pas envisager de redistribuer le non
dépensé dans un fonds qui pourrait ensuite servir à financer les soins pour
celles et ceux qui auraient besoin de plus, à la condition de se faire contrôler
régulièrement. Cela permettrait aux gens d’aller chez le dentiste sans la crainte
de voir la facture gonfler et de ne pas savoir comment y faire face. Il y a
beaucoup de souffrance chez les gens qui ont des problèmes dentaires,
beaucoup d’argent dépensé et ce fonds permettrait de limiter le risque
d’arrosage tout en redistribuant le non dépensé vers ceux qui ont besoin de
plus.
M. Maudet note qu’il s’agit là d’une bonne idée, mais que ce n’est pas ce
que propose l’initiative. Le député met en fait le doigt sur l’un des défauts du
texte, à savoir qu’il y a un vrai obstacle psychologique face aux risques de
dépenses supplémentaires qui ne seraient pas couvertes par ce chèque de
300 francs. Le contreprojet amène une taxe qui génère des revenus qui
pourraient éventuellement rentrer dans ces questions de soutiens. Il ne faudrait
cependant pas généraliser une assurance sociale qui serait à terme payée par le
truchement de l’impôt, ne serait-ce que pour s’épargner ensuite la dépense
réelle. Un ancien président français avait parlé des sans-dents, ce qui est
terrible, mais souligne la réalité terrible de celles et ceux qui ont une bouche
très abîmée. Il faut donc trouver des solutions pour ces gens, pourquoi pas avec
plus de marge de manœuvre pour ces personnes dans le contreprojet.

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M. Bron précise que les bons qui existent sont aujourd’hui offerts
gratuitement par les médecins-dentistes et qu’il n’y a pas de financement pour
cela. Il y a certes une consultation gratuite, mais on ne peut pas aller beaucoup
plus loin. Le contreprojet pourrait totalement créer une disponibilité sous
certains critères, de même que l’on pourrait modifier les barèmes du service
dentaire scolaire. Il y a donc des leviers puissants qui existent.
Un député S note qu’un impôt sur le sucre n’est pas forcément une
mauvaise idée. Ce sont surtout les gros distributeurs qui vendent des boissons
sucrées et c’est sur eux que l’essentiel de la taxe se jouera puisque ce sont ceux
qui vendent des boissons en packs que les parents achètent pour leurs enfants.
Avec une taxation, les distributeurs seraient amenés à modifier leurs
comportements dans l’adjonction de sucre, comme on a pu le voir pour le
gluten où les distributeurs se sont adaptés à la demande des consommateurs.
Une députée S note que pour le médecin-dentiste cantonal, les
problématiques soulevées par les professionnels étant venus devant la
commission allaient un peu au-delà de l’initiative en pointant le manque de
coordination de la part de la DGS sur les médecins, mais aussi le manque de
communication pour celles et ceux n’étant pas membres de la faîtière. Il en va
de même pour les programmes de communication qui passent beaucoup par
les faîtières et qui excluraient de fait les professionnels n’en étant pas membres.
La coordination est donc un enjeu fondamental. Sur la question de la promotion
de la santé, il apparaît à la députée que l’on parle beaucoup d’un renforcement
de l’existant et qu’il y a très peu de nouvelles mesures déclinées dans ce plan,
ce qui manque un peu. Il faudrait pourtant se diriger vers une approche plus
personnalisée pour avoir des résultats efficaces, ce qui ressort peu dans ce
paradigme très généraliste.
Mme Leocadie répond que les choses ont peut-être été mal transmises
puisque 70% des propositions mentionnées ce soir sont des propositions en
one-to-one, notamment à l’école ou avec les pédiatres. Si cela se fait déjà
parfois, l’ambition est justement d’élargir cet accompagnement personnalisé à
l’ensemble des enfants. Tout le travail que l’on souhaiterait faire avec les
médecins de ville et les pédiatres comprend également beaucoup de
one-to-one, notamment dans la détection précoce. S’il faut tenter de toucher le
plus large possible dans les campagnes de communication, on vise davantage
le patient pour l’interventionnel.
M. Bron précise que dans cette présentation assez rapide des mesures, il y
a énormément d’éléments totalement nouveaux, par exemple
l’accompagnement sur le brossage des dents au DIP ou l’intervention
préscolaire, qui n’existent pas aujourd’hui et qui peuvent faire changer le
paradigme. Il ne s’agit donc pas que d’améliorer l’existant, mais bien de créer

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des mesures inédites pour améliorer l’accompagnement de la population dans
sa santé. Il s’agit en tout cas de mesures très concrètes et très prometteuses en
termes d’impact sur la santé. Sur la question des professionnels de santé, il est
important d’expliquer ce que l’Etat peut faire. Cependant, ces derniers, une
fois leur droit de pratique obtenu, ne sont plus contraints d’annoncer des
changements dans leur activité aux autorités. Si l’Etat tente de garder le registre
à jour et s’il bénéficie d’un relais avec les faîtières, il passe par des
communiqués de presse pour informer la profession. Il est assez difficile de
faire sans les faîtières au vu de cette volatilité des professionnels qui
n’annoncent pas les changements qui les concernent et les rendent moins
atteignables. C’est comme cela que le système fonctionne. Il est maintenant
clair que dans les moments de crise, il y a toujours un souhait de voir évoluer
les capacités de communiquer sur les conditions de travail et les
recommandations. Ce sont des choses qui sont un défaut pour toutes les
professions de santé et qui ne sont pas spécifiques aux médecins-dentistes. Il
n’est pas non plus sûr qu’avoir une ressource dédiée changerait la donne.
Un député MCG en revient à la proposition de taxe sur les boissons sucrées
et note que si les autres cantons sont au courant, il se demande si quelque chose
est prévu pour éviter que ces produits puissent venir de l’autre côté de la
frontière avec un boom des achats en France voisine.
M. Maudet répond que les gens resteront évidemment libres d’aller acheter
de l’autre côté de la frontière, mais qu’ils n’en seront pas moins taxés en
vendant à Genève. Si le canton ne peut pas frapper d’une taxe supplémentaire
les importations de produits sucrés, le vendeur final serait quand même taxé.
Un député LJS trouve très important de se pencher sur cette question des
boissons zéro sucre et estime que l’on va vraiment dans le mur si on ne taxe
que les boissons sucrées. Il s’agit vraiment d’une catastrophe sur le plan de la
santé publique, que ce soit pour le diabète ou les maladies cardio-vasculaires.
Il serait regrettable de ne pas inclure ce point dans le contreprojet.
Un député UDC revient sur la question de l’assurance et demande si cet
éventuel soutien ne concernerait que les enfants ou aussi les adultes.
M. Maudet répond qu’il n’y a pas encore d’assurance et que cela ne
rentrerait de toute façon pas dans le contreprojet. Cela concernerait cependant
tout le monde.
Le député UDC estime que les bonbons posent peut-être encore plus
problème que les boissons sucrées puisque contrairement au liquide, le sucre
reste sur les dents. Il faudrait vraiment taxer ces friandises à la hauteur du taux
de sucre dedans.

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M. Maudet note que cela serait peut-être plus compliqué pour les bonbons,
mais que l’on peut en soi discuter de tout.
Le député UDC note que l’on pourrait par exemple taxer un produit à partir
d’un certain taux de sucre.
M. Maudet répond que le Conseil d’Etat suivra dans la mesure du possible
les demandes du Grand Conseil.
Mme Leocadie précise que l’on peut tout taxer selon la teneur en sucre,
même si ce sont pour le moment les boissons sucrées qui ont été retenues dans
ce projet de taxe.
Discussions et vote
La présidente rappelle que si la commission décide d’accepter le principe
d’un contreprojet, il lui faudra rendre son rapport le 16 avril sur l’initiative. Il
convient donc que le texte soit traité lors de la plénière du début du mois de
mai. Il restera ensuite une année pour élaborer le contreprojet, avec un délai
fixé au 19 mai 2025. Il faut d’abord que la commission refuse l’entrée en
matière sur l’IN 193 pour proposer le principe d’un contreprojet.
Un député PLR indique que le groupe PLR refusera l’IN 193 et se
positionnera en faveur d’un contreprojet. Le Conseil d’Etat a mené un travail
très intéressant qui se doit d’être poursuivi. S’il reste quelques interrogations
sur la faisabilité des mesures proposées, le groupe reste très sensible au
principe poursuivi. Il souhaite contribuer à l’élaborer d’un projet qui rencontre
l’aval d’une majorité d’ici à mai 2025 afin que la population puisse disposer
d’une meilleure hygiène bucco-dentaire.
Le député LJS annonce que le groupe LJS refusera lui aussi l’IN 193. Le
contreprojet est l’occasion d’avancer sur cette problématique et de se diriger
vers un consensus.
Un député UDC va dans le même sens et annonce que le groupe UDC
refusera l’IN 193 pour soutenir un contreprojet qui semble prometteur.
Un député S annonce que le groupe socialiste se rangera lui aussi du côté
du contreprojet. Les auditions très instructives ont permis d’apporter des
propositions et des idées supplémentaires, ce qui est aussi l’objectif que l’on a
en lançant une initiative.
Un député MCG annonce que le groupe MCG acceptera également le
principe du contreprojet.
Finalement, un député Les Verts annonce que le groupe des Verts est
également favorable à ce contreprojet qui élargit grandement la porte de
l’IN 193 en apportant des éléments un peu plus précis. Il y a là un vrai potentiel

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et une forme de consensus autour de la table pour défendre un projet de santé
publique plus large qui enthousiasme les Verts.
Un député PLR aimerait préciser que le groupe PLR refuse l’IN 193 pour
plusieurs raisons. Le texte propose de créer un poste de médecin-dentiste
cantonal alors que ce besoin n’existe pas vraiment et que le travail est déjà
effectué. Le groupe soutient les mesures de prévention demandées, mais reste
perplexe sur la création de ce chèque de 300 francs pour les bénéficiaires des
subsides qui n’ira pas forcément aider les bonnes personnes de la bonne
manière. Même s’il est important d’aller chez l’hygiéniste dentaire chaque
année, il est surtout important de répondre aux besoins d’une population plus
à risque. Le texte montre de bonnes idées, mais les solutions proposées ne
sauraient être soutenues par le PLR.
Le député Le Centre annonce que le groupe du Centre se joindra à
l’unanimité qui est en train de se dessiner. Cette esquisse de contreprojet est
intéressante et donne un accent particulier à la promotion et à la prévention de
la santé en touchant plusieurs départements pour sortir du travail en silo qui
prévaut souvent.
La présidente met aux voix l’IN 193.
Pour :
Contre :
Abstentions :

4 (3 S, 1 Ve)
10 (1 LJS, 2 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC)
1 (1 Ve)

L’IN 193 est refusée.
La présidente met aux voix le principe d’un contreprojet à l’IN 193.
Pour :
Contre :
Abstentions :

15 (2 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC, 3 S, 2 Ve, 1 LJS)



Le principe d’un contreprojet à l’IN 193 est accepté.

Conclusion
L’initiative 193 remet sur le devant de la scène la problématique des soins
dentaires et plus particulièrement la difficulté d’accès pour une partie de la
population, après une première initiative traitée en 2012, suivie d’une motion
en 2013, d’un projet de loi constitutionnelle en 2016 et d’un contreprojet à
l’IN-160 en 2018.

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L’initiative 193 demande de :
– renforcer la prévention par des campagnes de dépistage et d’information ;
– créer un service du médecin-dentiste cantonal chargé de mettre en place un
plan d’action pour promouvoir la santé bucco-dentaire ;
– octroyer un chèque annuel de 300 francs à tous les bénéficiaires de subsides
d’assurance-maladie qui ne reçoivent aucune autre aide équivalente, à faire
valoir auprès d’un médecin-dentiste ou d’un hygiéniste.
Le constat de départ, partagé avec les initiants, est que les maladies buccodentaires sont trop fréquentes et que les dispositifs de prévention en place
pourraient être améliorés, en particulier auprès des groupes de population ayant
une prévalence importante de ces affections. Tous les auditionnés ont par
ailleurs partagé la conclusion qu’il était nécessaire d’agir pour améliorer la
situation de ces groupes.
Si l’initiative met en avant une problématique reconnue, la majorité de la
commission estime qu’elle n’y apporte pas les bonnes réponses, en particulier
concernant (i) la création d’un poste de dentiste cantonal et (ii) la distribution
de chèques de 300 francs.
La majorité de la commission estime que porter un plan d’action ne
nécessite pas l’engagement d’un médecin-dentiste cantonal dédié. Le travail
mené par un groupe interdépartemental, en particulier avec le DIP, apporterait
sans aucun doute de meilleurs résultats.
Le dispositif des chèques annuels serait quant à lui coûteux à mettre en
œuvre pour avoir, au final, un impact certainement très limité. Le peu
d’utilisation des bons envoyés par courrier postal aux parents des élèves du
cycle d’orientation en est un bon exemple.
Le département a présenté des pistes pour renforcer la promotion de la santé
bucco-dentaire. Ces pistes doivent maintenant être développées, leur impact et
leur faisabilité devant ensuite être évalués.
Pour ce faire, la majorité de la commission vous invite à refuser
l’initiative 193 et la commission vous recommande à l’unanimité d’accepter le
développement d’un contreprojet.

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ANNEXE

https://www.unige.ch/medecine/faculteetcite/leconsinaugurales/1er-fevrier-2024-leconinaugurale-prof-julian-leprince

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Plan d'ac)on à Genève
proposé dans le travail de CAS
de Marwa Abdelaziz, PhD
“Assessing the knowledge, a8tude, and needs regarding pediatric oral health among healthcare
professionals in Geneva: A quesBonnaire-based Pilot study.”
Sur la base des données recueillies, nous pouvons élaborer un plan d'ac)on visant à combler les
lacunes iden)fiées, la variabilité des pra)ques et les obstacles à des soins bucco-dentaires adéquats
parmi les professionnels de santé interrogés :
1. DirecBves et formaBons standardisées et facilitaBon des collaboraBons :
A.
Développer et diffuser des guidelines :
- Collaborer avec les organisa)ons na)onales et interna)onales de santé dentaire pour développer
des lignes directrices standardisées sur les informa)ons essen)elles de santé bucco-dentaire
nécessaires pendant la grossesse et la pe)te enfance.
- Veiller à ce que ces lignes directrices soient fondées sur des données probantes, faciles à comprendre
et applicables par les différentes professions de santé.
B.
MeIre en place des programmes de forma)on :
- Proposer des programmes complets de forma)on en santé bucco-dentaire pour les professionnels
de santé, en meIant l'accent sur :
i.
Les pra)ques cohérentes en ma)ère de soins bucco-dentaires pendant la grossesse et la
pe)te enfance.
ii.
L'améliora)on des compétences en ma)ère de détec)on des caries et d'interven)ons
préven)ves.
iii.
Des informa)ons actualisées sur l'importance des visites dentaires précoces, des pra)ques
d'hygiène bucco-dentaire efficaces et d'un régime alimentaire sain et non cariogène.
C.
Instaurer une culture de forma)on con)nue :
- Encourager une culture de développement professionnel con)nu dans le domaine de la santé buccodentaire.
- Soutenir l'organisa)on régulière d'ateliers, de séminaires et de webinaires afin de tenir les
professionnels de la santé informés des derniers développements en ma)ère de soins buccodentaires.
D.
Évalua)ons périodiques et retour d'informa)on :
- Procéder à des évalua)ons périodiques des connaissances et des pra)ques des professionnels de
santé en ma)ère de santé bucco-dentaire.
- U)liser le retour d'informa)on des évalua)ons pour adapter les programmes de forma)on con)nue
et répondre aux besoins spécifiques.
E.
Collabora)on avec les professionnels de l'art dentaire et encouragement à l'orienta)on et à
la collabora)on :
- Faciliter une collabora)on accrue entre les professionnels de santé et les pra)ciens dentaires.

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- Encourager l'orienta)on en temps u)le vers les den)stes pour des évalua)ons et des traitements
complets de la santé bucco-dentaire.
F.
MeIre en place des mécanismes de retour d'informa)on permeIant aux professionnels de
santé d'exprimer leurs préoccupa)ons, de partager leurs expériences et de suggérer des
améliora)ons dans les pra)ques de santé bucco-dentaire.
2.

Sensibiliser et éduquer (campagne de sensibilisaBon du public) :

A.
Développer une campagne de sensibilisa)on du public soulignant l'importance de la santé
bucco-dentaire pendant la grossesse et la pe)te enfance.
B.
Sensibiliser les parents aux obstacles poten)els aux soins bucco-dentaires pour les enfants et
fournir des informa)ons sur les ressources disponibles, y compris les op)ons de soins dentaires
abordables.
C.
Intégrer une forma)on à la compétence culturelle dans l'enseignement des soins de santé
afin de lever les barrières linguis)ques et culturelles iden)fiées par les personnes interrogées.
D.
Collabora)on interdisciplinaire : Favoriser la collabora)on entre les professionnels de santé,
les pra)ciens dentaires et les organismes de santé publique pour lever les obstacles signalés.
E.
Créer des forums interdisciplinaires pour l'échange de connaissances et les ini)a)ves
conjointes, afin de promouvoir une approche holis)que de la santé maternelle et infan)le.
F.
Développer des ressources accessibles : Créer des ressources facilement accessibles, telles
que des brochures ou du matériel en ligne, que les professionnels de la santé peuvent partager avec
les parents pour résoudre les difficultés courantes, notamment les obstacles financiers et l'absence
d'assurance dentaire.
G. Plaider pour des changements de poli)que : Collaborer avec les décideurs poli)ques pour défendre
des poli)ques qui favorisent un meilleur accès aux soins dentaires abordables pour les enfants.
H.
Promouvoir des poli)ques qui reconnaissent la santé bucco-dentaire comme par)e intégrante
des soins de santé généraux, en par)culier pendant la grossesse et la pe)te enfance.
3.
Suivi et évalua)on :
- Contrôler régulièrement la mise en œuvre du plan d'ac)on et évaluer son impact sur les pra)ques
de santé bucco-dentaire des professionnels de santé.
- U)liser les résultats de l'évalua)on pour ajuster et améliorer le plan si nécessaire.
La mise en œuvre de ce plan d'ac)on permet de combler les lacunes en ma)ère de connaissances, de
promouvoir des pra)ques standardisées et d'éliminer les obstacles à des soins de santé buccodentaire adéquats. CeIe approche globale vise à améliorer les résultats en ma)ère de santé buccodentaire des mères et des enfants, à réduire les inégalités et à favoriser une culture d'appren)ssage
et d'améliora)on con)nus au sein de la communauté des soins de santé.

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Médecin dentiste cantonal
Sous l'autorité de la médecin cantonal, le ou la médecin-dentiste cantonal sera chargé de :

 conseiller la Direction générale de la Santé en matière de politique bucco-dentaire
dans le but d'améliorer le niveau d'hygiène bucco-dentaire de la population ;

 s'assurer que les possibilités de bénéficier de soins dentaires sont effectives pour
l'ensemble de la population ;

 veiller à ce que la formation des médecins-dentistes, des hygiénistes dentaires,
des aides en prophylaxie et des assistantes en médecine dentaire répondent aux
attentes de la population ;

 surveiller la qualité de la prise en charge de la patientèle et s'assurer du respect des
obligations professionnelles des médecins-dentistes, en particulier du respect des
droits du patient ;

 inspecter et expertiser les cabinets et les cliniques dentaires ainsi que la Clinique
dentaire de la Jeunesse ;

 participer au contrôle de l'infection dans le domaine de la médecine dentaire et
veiller à l'application des recommandations lors des épidémies ;

 gérer l'application et l'évolution de MEDIDENT en collaboration avec les médecinsdentistes conseils ;

 s'efforcer d'établir une unité de doctrine entre les médecins-dentistes conseils des
services sociaux et de la caisse de compensation ;

 œuvrer pour le respect de la déontologie (pas de publicité, de soins gratuits ou de
rabais à titre commercial, respect du secret professionnel, de la protection des
données numériques ...) ;

 envisager l'intégration du dossier dentaire dans le dossier numérique du patient ;
 recevoir les plaintes des patients et participer, si nécessaire, aux réunions de
la Commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients ;

 adhérer à l'Association des médecins-dentistes cantonaux de Suisse (AMDCS) et en
respecter les recommandations (cf. document en pièce jointe).

 Conseiller le/la médecin cantonal en cas de crise sanitaire ( gestion du COVID !!)

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ESTIMATION APPROXIMATIVE DES COÛTS :
Prix moyen première consultation avec 2 radiographies :
CHF 130

Prix moyen séance de détartrage chez l’hygiéniste :
CHF 150 - CHF 200

Prix moyen mesures préventives de base (instructions d’hygiène + fluoration intensive) :
CHF 60 - CHF 100

Prix moyen soins d’interception de base (scellement des sillons avant le développement d’une
cavité) :
CHF 200 - CHF 600

Prix moyen traitement d’une carie cavitaire avec matériel semi-définitif :
CHF 100 - CHF 200

Prix moyen traitement d’urgence d’une carie symptomatique :
CHF 350 – CHF 500 par dent (sans compter la suite)