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Résumé

### Résumé du Document Législatif 1. **Titre et Référence** - **Titre** : Projet de loi 13536-A - **Référence** : PL 13536-A, M 3029-A, M 3030-A 2. **Objectif Principal** - Le projet de loi vise à modifier la loi sur l'université afin d'établir une stricte neutralité politique et religieuse au sein de l'université, en interdisant toute manifestation de nature politique ou religieuse dans ses bâtiments et leurs périmètres extérieurs. 3. **Modifications Législatives Proposées et Leur Portée** - **Article 3A (nouveau)** : Introduction d'une clause de neutralité politique et religieuse stipulant que l'université doit observer une stricte neutralité et interdire toute manifestation politique ou religieuse sur son territoire. - **Article 2** : La loi entrerait en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la Feuille d'avis officielle. 4. **Discussions ou Avis Exprimés** - **Rapport de majorité** : La commission de l’enseignement supérieur a débattu de la pertinence de la notion de « manifestation » et des implications sur les droits fondamentaux et le rôle civique de l'université. Le projet a été soumis au vote et a été refusé. - **Rapport de minorité** : Des membres, comme Virna Conti, ont exprimé des réserves sur le projet, soulignant les risques de politisation de l'université et la nécessité de préserver la liberté d'expression. - Les motions M 3029-A et M 3030-A ont également été discutées, avec des préoccupations sur la légitimité d'un boycott académique et la protection de la liberté de débat. 5. **Implications Principales** - Le projet de loi soulève des questions sur la liberté d'expression et l'engagement des institutions académiques. Il met en lumière les tensions entre la neutralité, l'engagement éthique et la préservation de l'université comme espace de dialogue. Le rectorat a exprimé son opposition à ces textes, affirmant que ses marges de manœuvre actuelles étaient suffisantes. Les trois objets ont été refusés avec des majorités différentes lors du vote.

Texte extrait

GRAND CONSEIL

de la République et canton de Genève

PL 13536-A
M 3029-A
M 3030-A

Date de dépôt : 11 août 2025

Rapport

de la commission de l’enseignement supérieur chargée d’étudier :
a) PL 13536-A Projet de loi de Stéphane Florey, Lionel Dugerdil,
Julien Ramu, Virna Conti, Christo Ivanov, Patrick
Lussi, Daniel Noël, Michael Andersen, André Pfeffer,
Gabriela Sonderegger, Florian Dugerdil modifiant la
loi sur l’université (LU) (C 1 30) (L’université, un lieu
voué à l’enseignement et à la recherche, pas au
militantisme)
b) M 3029-A

Proposition de motion de Thomas Bruchez, Nicole
Valiquer Grecuccio, Sylvain Thévoz, Leonard Ferati,
Caroline Marti, Jacklean Kalibala, Xhevrie Osmani,
Dilara Bayrak, Philippe de Rougemont, Cédric
Jeanneret, Léo Peterschmitt, Lara Atassi, Sophie
Demaurex, Diego Esteban, Jean-Charles Rielle,
Caroline Renold : Gaza : l’Université de Genève et les
Hautes écoles spécialisées genevoises doivent agir
activement pour le respect des droits humains et du
droit international humanitaire !

c) M 3030-A

Proposition de motion de Pierre Conne, Francine de
Planta, Fabienne Monbaron, Pierre Nicollier, Céline
Zuber-Roy, Philippe Meyer, Alexandre de Senarclens,
Thierry Oppikofer, Murat-Julian Alder, Geoffray
Sirolli, Yvan Zweifel, Marc Saudan, Patricia Bidaux,
Gabriela Sonderegger, Christina Meissner pour que
l’université et les hautes écoles restent des espaces
de débats et de tolérance

Rapport de majorité de Thierry Arn (page 8)
Rapport de minorité sur le PL 13536 de Virna Conti (page 70)
Rapport de minorité sur la M 3030 de Alexandre de Senarclens (page 76)

ATAR ROTO PRESSE – 80 ex. – 08.25

PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

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Projet de loi
(13536-A)

modifiant la loi sur l’université (LU) (C 1 30) (L’université, un lieu voué à
l’enseignement et à la recherche, pas au militantisme)

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
décrète ce qui suit :
Art. 1
Modification
La loi sur l’université, du 13 juin 2008, est modifiée comme suit :
Art. 3A
Neutralité politique et religieuse (nouveau)
1
L’université observe une stricte neutralité politique et religieuse.
2
L’université interdit toute manifestation de nature politique ou religieuse à
l’intérieur de ses bâtiments et dans leurs périmètres extérieurs.
Art. 2
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la
Feuille d’avis officielle.

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Proposition de motion
(3029-A)

Gaza : l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées
genevoises doivent agir activement pour le respect des droits humains et
du droit international humanitaire !

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
– les plus de 35 000 personnes tuées par l’armée israélienne dans la bande de
Gaza, depuis les attaques terroristes du Hamas, ayant tué environ
1200 personnes en Israël le 7 octobre 1 ;
– la décision de la Cour internationale de justice du 26 janvier 2024
reconnaissant un risque plausible de génocide contre la population à Gaza
et l’indication par la Cour de mesures conservatoires sur cette base 2 ;
– l’ordre de la Cour internationale de justice donné à Israël le 24 mai 2024
de cesser immédiatement son offensive à Rafah 3 et la poursuite de celle-ci
par Israël malgré cela 4, avec en particulier l’attaque d’un camp de réfugiées
et réfugiés le 26 mai qui a causé la mort d’au moins 45 personnes 5 ;
– la requête du procureur de la Cour pénale internationale visant à la
délivrance de mandats d’arrêt contre le premier ministre israélien
Benyamin Netanyahou, son ministre de la Défense Yoav Gallant ainsi que

1

2
3
4

5

Bureau de la coordination des affaires humanitaires de l’ONU, Hostilities in the
Gaza Strip and Israel - Reported humanitarian impact, 24 May 2024 at 15:00,
OCHA,
https://www.unocha.org/publications/report/occupied-palestinianterritory/hostilities-gaza-strip-and-israel-reported-humanitarian-impact-24-may2024-1500
ONU Info, Plainte pour « génocide » à Gaza : la justice internationale rend un
1er verdict, https://news.un.org/fr/story/2024/01/1142642
ONU Info, La CIJ ordonne à Israël d’arrêter « immédiatement » son offensive
militaire à Rafah, https://news.un.org/fr/story/2024/05/1145861
Tribune de Genève, Gaza : Israël bombarde Rafah malgré l’ordre de la CIJ
d’arrêter, https://www.tdg.ch/gaza-israel-bombarde-rafah-malgre-lordre-de-la-cijdarreter-266885282297
Le Temps, Attaque à Rafah : « Cette frappe a été dévastatrice. Les corps ont été
déchiquetés », https://www.letemps.ch/monde/attaque-a-rafah-cette-frappe-a-etedevastatrice-les-corps-ont-ete-dechiquetes

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trois hauts responsables du Hamas, pour crimes de guerre et crimes contre
l’humanité 6 ;
les rapports de l’ONG israélienne B’Tselem 7 et des ONG internationales
Human Rights Watch 8 et Amnesty International 9 mettant en évidence
l’oppression systématique de la population palestinienne par l’Etat d’Israël,
constitutive du crime d’apartheid ;
le rapport d’Occup’Unil’Pal publié le 14 mai 2024 démontrant les liens
entre plusieurs universités israéliennes collaborant avec l’Université de
Lausanne, le gouvernement israélien et l’armée israélienne ;
l’occupation pacifique du hall d’Uni Mail du 7 au 14 mai, de l’HEPIA le
14 mai et de la HEAD du 22 au 23 mai par des étudiantes et étudiants
demandant une action de leurs institutions académiques face au génocide
en cours à Gaza ;
la prise de position du rectorat de l’UNIGE du 20 mai 2024 « s’agissant de
la guerre Israël – Hamas » ;
la nécessité que l’Université de Genève et les Hautes écoles spécialisées
genevoises contribuent activement et sans discrimination au respect des
droits humains et du droit international humanitaire,

invite le Conseil d’Etat
– à prendre les mesures nécessaires et, le cas échéant, à proposer les
modifications légales nécessaires afin que l’Université de Genève et les
Hautes écoles spécialisées genevoises suspendent leurs collaborations avec
les institutions académiques israéliennes qui n’ont pas exprimé un
engagement clair en faveur de la paix et du respect du droit international
humanitaire ;

6

7
8

9

ONU Info, Le Procureur de la CPI réclame des mandats d’arrêt contre Netanyahou
et
des
dirigeants
du
Hamas,
https://news.un.org/fr/story/2024/05/
1145696
https://www.btselem.org/sites/default/files/publications/202101_this_is_apartheid
_eng.pdf
A Threshold Crossed: Israeli Authorities and the Crimes of Apartheid and
Persecution,
https://www.hrw.org/report/2021/04/27/threshold-crossed/israeliauthorities-and-crimes-apartheid-and-persecution
L’apartheid israélien envers le peuple palestinien, https://www.amnesty.org/fr/
latest/campaigns/2022/02/israels-system-of-apartheid/

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PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

– à prendre des mesures afin de mettre en place une politique de soutien à
l’ensemble des étudiantes et étudiants et des chercheuses et chercheurs
palestiniens (et non uniquement de Gaza) ainsi que des partenariats avec
les institutions d’enseignement palestiniennes qui ont exprimé un
engagement clair en faveur de la paix et du respect du droit international
humanitaire, par le biais d’un renforcement et d’une extension des
différents programmes dont fait mention le rectorat dans sa prise de
position du 20 mai 2024.

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Proposition de motion
(3030-A)

pour que l’université et les hautes écoles restent des espaces de débats
et de tolérance

Le GRAND CONSEIL de la République et canton de Genève
considérant :
– que l’université est le milieu de transmission des savoirs et d’élaboration
des nouvelles connaissances ;
– que l’une des principales vertus de l’université est la liberté de parole,
d’encourager les controverses et les débats ;
– que cette liberté est parfois contestée par des groupes d’activistes
radicalisés soutenant des causes diverses, par exemple :
• le 29 avril 2022, à Genève, des militantes et militants ont interrompu
une conférence donnée à l’Université de Genève et organisée par le
Centre de psychanalyse de Suisse romande, avec les professeurs
Bertrand Cramer et Antonio Andreoli. La conférence devait présenter
un livre sur la transidentité, un ouvrage et un discours jugés transphobes
par les activistes 10 ;
• le 17 mai 2022, des activistes LGBTIQ+ ont censuré une conférence
organisée par la faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle
accueillait un professeur français, invité pour évoquer son livre « Le
Sexe des Modernes », jugé transphobe par des militants. Les notes de
l’invité ont été déchirées, l’orateur a été aspergé d’eau et son ouvrage
jeté dans la salle. Il y a eu des empoignades, des insultes, des crachats.
Un assistant de l’université s’est vu menacé de recevoir du gel
hydroalcoolique sur le visage. Alertées, les forces de l’ordre ne sont pas
intervenues, mais étaient stationnées à la sortie du bâtiment. Las, les
participants, en grande partie issus de l’université, ont finalement quitté
la salle après environ une heure, applaudis par les activistes LGBTIQ+.
Confrontée pour la seconde fois à de telles pratiques, l’alma mater a
déposé une plainte pénale pour la retirer 48 heures plus tard 11 ;

10

11

https://www.rts.ch/info/regions/geneve/13058530-une-conference-jugeetransphobe-interrompue-par-des-activistes-a-geneve.html
https://www.letemps.ch/suisse/geneve/liberte-dexpression-menacee-luni-geneve
https://lepeuple.ch/le-prof-attaque-a-geneve-regle-ses-comptes/

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• l’occupation récente des locaux universitaires par des militants
propalestiniens, exhibant des slogans nationalistes, voire antisémites,
tels que « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », ou faisant
pression sur les autorités académiques pour ficher certains
universitaires israéliens et les bannir ;
– que ces comportements provoquent le désarroi des rectorats qui sont par
nature disposés au dialogue et au débat mais dépourvus de moyens face à
la violence radicalisée, à la menace et au chantage,
invite le Conseil d’Etat
à mettre en œuvre tous les moyens de droit existants, si nécessaire à adapter la
législation ou la règlementation, pour :
– garantir la liberté de débat contradictoire afin que l’université soit le creuset
des idées de demain, libérée de toute idéologie partisane ;
– prévenir, interdire et, si nécessaire, mettre fin sans atermoiement à toute
manifestation idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à
toute action menaçante à l’encontre du personnel académique et des
étudiants, à l’université et dans les hautes écoles ;
– protéger les biens et les personnes au sein de l’université et des hautes
écoles, cas échéant poursuivre les contrevenants.

https://www.letemps.ch/suisse/geneve/luniversite-geneve-porte-plainte-apres-unenouvelle-conference-baillonnee-militants

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RAPPORT DE LA MAJORITÉ
Rapport de Thierry Arn
La commission de l’enseignement supérieur à consacré trois séances à
l’étude du PL 13536 (5 décembre 2024, 30 janvier 2025 et 15 mai 2025), trois
séances pour la M 3029 (19 septembre 2024, 30 janvier 2025 et 15 mai 2025)
et trois séances à l’étude de la M 3030 (12 septembre 2024, 30 janvier 2025 et
15 mai 2025) sous la présidence de Mme Sophie Demaurex.
Les procès-verbaux ont été tenus par Mmes Selma Bentaleb, Katy Lopez et
Alicia Nguyen et les débats se sont déroulés en présence de Mme Ivana Vrbica,
directrice de l’unité des hautes écoles (DIP).
Qu’elles soient ici toutes remerciées au nom de tous les membres de la
commission.
Résumé pour les lecteurs pressés
Ces deux propositions de motions et ce projet de loi ont été déposés suite à
différentes actions qui se sont déroulées dans les locaux de l’université,
notamment son occupation au mois de mai 2024.
Ce rapport traite de ces trois objets en lien avec la liberté d’expression, la
neutralité et l’engagement des institutions académiques.
Le PL 13536 vise à inscrire dans la loi la neutralité politique et religieuse
de l’université, en interdisant toute manifestation à caractère politique ou
religieux dans ses locaux. Son auteur évoque la multiplication d’actions
perturbant des conférences ou visant certains groupes d’étudiants. La
commission a longuement débattu de la pertinence et des limites de cette
notion de « manifestation », certains craignant des atteintes aux droits
fondamentaux et au rôle civique de l’université.
La motion 3029 demande, face à la guerre à Gaza, que l’Université de
Genève et les hautes écoles suspendent leurs collaborations avec les
institutions israéliennes ne respectant pas le droit international et renforcent
leur soutien aux étudiants et aux chercheurs palestiniens. Le débat s’est centré
sur la légitimité d’un boycott académique et les liens entre l’université et les
institutions israéliennes. Certains membres de la commission ont exprimé leur
inquiétude sur les risques de politisation de l’université et la cohérence d’une
telle mesure.

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Enfin, la motion 3030 vise à protéger l’université comme lieu de débat
tolérant, en réagissant aux actions militantes jugées intimidantes. Son auteur
met l’accent sur la nécessité de garantir des débats contradictoires, sans
violences ni pressions. Des membres de la commission ont toutefois pointé
l’ambigüité des termes employés et la difficulté de concilier liberté
d’expression et interdiction de certaines formes d’engagement.
La commission a traité ces objets dans un premier temps séparément, avec
l’audition des auteurs, puis conjointement, reconnaissant qu’ils abordaient une
problématique commune, soit la place de l’université dans le débat sociétal. La
commission a auditionné le rectorat pour éclairer les pratiques et la marge
d’action actuelle des institutions. Le traitement de ces trois textes reflète les
tensions entre neutralité, engagement éthique et préservation de l’espace
académique comme lieu de dialogue.
A noter que le rectorat a été auditionné à deux reprises sur ces objets. En
effet, lors de la première audition, il a indiqué à la commission qu’un comité
scientifique avait été créé pour établir un rapport sur le rôle des universités
dans le débat public. Lors de la deuxième audition, il a présenté ce rapport et
les recommandations qu’il contenait. Le rectorat a en outre indiqué qu’il était
opposé à ces trois textes, estimant que la marge de manœuvre qu’il avait
actuellement était suffisante.
A l’issue des travaux de la commission, les trois objets ont été soumis au
vote et ont tous été refusés avec des majorités différentes. Les députés LJS et
LC se sont alignés sur la position du rectorat alors que les autres groupes ont
soutenu l’un ou l’autre objet, expliquant les différents rapports de minorités.
PL 13536 – Audition de M. Stéphane Florey, auteur – 5 décembre 2024
M. Florey explique que le projet de loi propose d’interdire les
manifestations religieuses ou politiques au sein de l’université. Il explique que
ce projet a été déposé suite au conflit israélo-palestinien notamment, mais que
même avant, depuis trois ou quatre ans, plusieurs manifestations se sont
déroulées uniquement pour empêcher la tenue de débats publics, dont
l’agression de la conseillère nationale. Il ajoute que d’autres débats publics ont
déjà été interrompus et que même la CUAE intervient en demandant de venir
manifester pour interrompre les débats. De son point de vue, l’université
devrait rester un lieu où l’on peut débattre et non manifester. Il explique que
n’importe qui peut louer un auditoire et créer un évènement pour un débat qui
a un intérêt lié à l’université, et que cela doit se faire sans risquer d’être agressé
ou d’avoir des contre-manifestations dans l’université, qui obligent à annuler
l’évènement car le bon déroulement ne peut être garanti. Il explique que cela

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est dommageable pour l’université elle-même, car c’est un lieu où l’on doit
être en sécurité et débattre librement. Il rappelle qu’il y a eu des menaces et
des agressions. Il explique que les élèves se sentent mal à l’aise avec les
manifestations qui se déroulent dans l’université, et que certains sont même
pris à partie pour des causes religieuses. Il trouve que cela est triste et anormal
d’être pris à partie en raison d’une religion qui ne plaît pas à d’autres. Le projet
de loi a donc été déposé pour ces raisons : garantir une stricte neutralité
politique et religieuse en interdisant toute manifestation qui a trait à ces deux
objets.
Un député (S) dit qu’il trouve intéressante la manière d’amener le texte, qui
est donc le fruit d’une réflexion antérieure au conflit du Proche-Orient. Il
trouve dommage que cela ne figure pas dans le texte, car cela permettrait
d’étayer la réflexion. Concernant les élèves pris à partie en raison de leur
religion, il demande si, en mettant en parallèle religion et activisme, il est sousentendu que les pro-Palestiniens sont forcément d’une certaine religion.
M. Florey répond que non, mais que des élèves de religion juive sont pris
à partie, que cela est relaté dans la presse et qu’il trouve cela scandaleux. Il
ajoute que l’université, comme n’importe quelle autre école, doit pouvoir
permettre aux étudiants d’être en sécurité.
Un député (S) demande s’il parle de la presse à Lausanne récemment.
M. Florey dit qu’il s’agit de Genève et que cela était sorti il y a un moment
déjà.
Un député (S) demande si la formulation « pris en otage par des activistes »
est appropriée par rapport à la situation et si le parallèle est voulu.
M. Florey répond que c’est le cas, car la situation lui fait penser à cela, ce
qui indique donc que les évènements en question sont graves. Il ajoute que cela
dérange certains élèves, car tout le monde est pris en otage par ces évènements.
Il explique que l’on peut organiser un vrai débat sur le conflit israélopalestinien, mais pas dans ces conditions. Concernant l’université qui avait
déposé plainte et les étudiants qui avaient été embarqués par la police, il
considère que le rectorat s’est laissé faire face aux syndicats étudiants en
retirant finalement sa plainte et cela le consterne. Il ajoute que les syndicats
font peur à tous.
Une députée (S) demande la clarification de certains termes qu’elle trouve
ambigus. Elle souhaite savoir ce qu’il entend par « manifestation » et ce qui
peut être regroupé dans la classification « politique et religieuse ». Elle
explique que beaucoup d’associations ont un lien politique ou religieux à
l’université et elle demande si elles seraient alors interdites. Elle demande

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également s’il serait interdit que des étudiants discutent d’évènements et
d’actualité. Elle ajoute que les termes sont trop vagues.
M. Florey répond que les manifestations n’incluent bien évidemment pas
les discussions. Il entend, par manifestation, des personnes qui manifestent
pour revendiquer quelque chose. Il ne voit pas quel autre terme utiliser sinon
et propose de préciser quel type de manifestations cela concernerait. Ce qu’il
souhaite, c’est empêcher les manifestations qui empêchent la tenue de débats.
Il donne comme exemple une exposition, qui doit pouvoir être faite
sereinement, en interdisant les manifestations et débordements qui iraient à
l’encontre de l’exposition.
Une députée (S) dit qu’il s’agit de termes très généraux et que lorsqu’il dit
« toutes » dans le texte, alors cela concerne vraiment toutes les manifestations.
M. Florey dit qu’une exposition n’est pas une manifestation.
Une députée (S) répond que si, que les manifestations ne se font pas
uniquement avec des pancartes. Elle rappelle que les mots utilisés sont très
généraux et qu’il serait difficile pour l’université de ne pas aborder de
questions politiques ou religieuses, car cela serait très restrictif.
M. Florey répond qu’il ne voit pas cela de cette façon.
Une députée (S) dit qu’il s’agit de la définition de la manifestation.
Une députée (PLR) demande si le projet de loi répond vraiment aux
inquiétudes et s’il est vraiment nécessaire. Elle demande si, en légiférant de
façon restrictive, cela n’est pas redondant. Elle explique qu’un article existe
déjà et que le rectorat peut déjà décider d’appliquer des sanctions. Elle
demande s’il faudrait donc imaginer, avec un tel projet, que les assemblées de
délégués des partis politiques ne pourraient plus se faire.
M. Florey répond que non, car il s’agit d’un évènement privé. Il explique
qu’il y a déjà eu des manifestations devant les bâtiments en raison de l’UDC
réunie à Uni Dufour ou à Uni Mail. Il dit que l’indépendance a bon dos, mais
que l’université n’en fait rien car les plaintes sont toujours retirées. Il considère
que la CUAE fait peur et que l’université fait tout pour étouffer l’affaire et
n’agit pas, même pour l’agression de Mme Amaudruz. Il pense donc qu’il faut
cadrer, mais que cela ne veut pas dire interdire.
La présidente rappelle que la définition d’une manifestation est « un
évènement attirant un public relativement large, organisé dans un but
commercial, culturel, publicitaire ou de simple réjouissance ».
Une députée (Ve) ajoute que, avec la définition d’une manifestation, une
journée d’élections avec des drapeaux serait une manifestation, et donc cela

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serait interdit. Elle questionne également sur le but de l’université, qui a pour
mission le service à la cité.
M. Florey demande de ne pas prêter à ce projet de loi des intentions qui
n’ont pas lieu d’être. Il dit que le mot manifestation n’est certainement pas le
bon mot, et qu’il tentera de trouver un autre mot pour cela. Il rappelle que son
but n’est pas d’empêcher une exposition, ni un évènement, ni un dépouillement
centralisé. Ce qu’il souhaite empêcher, ce sont les manifestations qui ont pour
but d’agresser des invités.
Une députée (Ve) dit comprendre que cela est très grave et ne devrait pas
arriver, et que les débats devraient pouvoir être menés sereinement. Elle ajoute
que, cependant, les propos tenus par M. Florey diffèrent du texte. Elle
demande, concernant l’article 1, si cela ne concerne que l’université et ce que
cela impliquerait pour les étudiants.
M. Florey rappelle que le droit d’association est garanti par la constitution.
Une députée (Ve) demande quel serait donc le but de cet article.
M. Florey répond que l’université doit observer cette stricte neutralité et ne
pas prendre position. Elle doit interdire toute manifestation qui amène à des
débordements et également éviter des appels à manifester contre la tenue de
certains évènements. Il parle d’une application qui est utilisée par les étudiants
pour créer ce type de manifestations, mais ne se rappelle pas son nom exact. Il
en conclut qu’il faudrait donc interdire ce type de manifestations.
Une députée (Ve) demande ce qu’il en serait d’une manifestation pacifique.
M. Florey répond que même une manifestation pacifique ne serait pas
acceptée, mais que la manifestation n’est toujours pas le bon terme à adopter.
Il demande de ne pas jouer sur les mots et explique que les débats ne sont pas
des manifestations dans le sens où il l’entend. Il rappelle que son but est
d’empêcher des manifestations qui empêchent la tenue de débats publics.
Un député (S) dit avoir bien compris les différents sens du mot
manifestation, mais que des zones grises existent, dans lesquelles l’université
peut également être à l’initiative d’une manifestation. Il donne l’exemple du
rapport d’Amnesty International et demande, s’il y avait une invitation de
l’université pour ce sujet, si cela serait considéré comme une prise de position.
M. Florey répond que, quand l’université organise un évènement, c’est
pour débattre d’un sujet et que cela reste donc un débat qui ne serait alors pas
interdit. Il maintient son affirmation concernant l’université, qui doit pouvoir
accueillir des débats.

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Un député (S) dit être d’accord sur la neutralité de l’université. Il revient
cependant sur les zones grises, qui rendent la situation compliquée, car il
deviendrait difficile pour l’université d’être proactive dans l’actualité.
M. Florey dit que l’université pourrait toujours inviter deux parties
adverses, mais en encadrant le tout et en interdisant les manifestations à côté,
qui auraient pour but d’empêcher un camp ou l’autre de s’exprimer. Il rappelle
qu’il tentera de trouver un autre terme pour la manifestation et annonce qu’un
amendement a été proposé par M. Nidegger sur ce projet de loi pour reformuler
certains aspects.
Un député (LJS) demande si l’université a déjà été consultée et rappelle
que la constitution interdit déjà les manifestations violentes.
M. Florey répond que l’université n’a pas encore été consultée, car elle sera
de toute manière auditionnée. Il ajoute que l’université n’a rien fait pour
empêcher ce type d’évènements les dernières fois et que, s’il devait y avoir une
manifestation extérieure, l’université devrait agir contre.
Un député (LJS) demande comment devrait faire l’université.
M. Florey répond qu’il s’agirait de faire venir la police par exemple.
Un député (LJS) dit que cela a déjà été fait.
M. Florey répond que rien n’a été fait et que l’on ne peut pas fermer les
yeux sur des agressions. Il explique que des autorisations sont données par
l’université pour des débats, alors que des manifestations contre ces débats se
déroulent sans autorisation. Il veut que l’université agisse contre cela.
Un député (LJS) demande si M. Florey a lu la charte de l’université.
M. Florey répond que oui, il l’a lue en diagonale.
La présidente dit qu’elle ne va pas revenir sur le mot manifestation. Elle
explique être d’accord sur le fait que les personnes qui occupent des locaux
pour une conférence ne doivent pas être importunées par des personnes
extérieures, mais qu’une difficulté serait présente pour les débats polémiques,
par exemple concernant l’avortement ou la vaccination obligatoire, pour
lesquels des personnes à l’intérieur même du débat pourraient créer des
débordements. Elle explique que des avis politiques peuvent s’ajouter et
demande comment le débat public pourrait alors être garanti. Elle demande
également à quel moment cela serait considéré comme un débordement.
M. Florey répond que des débordements peuvent évidemment survenir
dans le cadre du débat lui-même, comme au Grand Conseil, mais que
l’organisateur doit cadrer cela. Le débat peut donc être tendu, mais cadré, et
cela n’est pas imputable à l’université elle-même. Il dit que l’on peut présumer
qu’un débat public peut tourner au pugilat, mais qu’une manifestation devant

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un débat et un appel à manifester pourraient être empêchés, notamment en
faisant intervenir la police.
La présidente dit qu’il fait allusion à une situation malheureuse.
M. Florey répond qu’il arrive souvent que des conférences soient annulées.
Il rappelle que des sites appellent à manifester pour empêcher la tenue de
certaines conférences publiques.
Mme Vbrica explique que des questions indirectes se posent, notamment s’il
y aurait un déficit légal réglementaire qui serait à combler, car il y a déjà les
articles 16 et 22 de la Constitution fédérale, qui sont déclinés à Genève par la
loi sur les manifestations publiques. Elle ajoute que la charte éthique de
l’université précise également des règles et des sanctions. Elle conclut qu’il
serait intéressant d’entendre également l’université pour voir quelles sont les
modalités de mise en œuvre du texte et des directives.
Un député (LJS) demande s’il ne serait pas mieux de faire plutôt une
question écrite pour l’université, car l’on peut déjà supposer leur réponse en
regardant le site de l’université.
Une députée (PLR) dit qu’une audition orale permettrait de challenger un
peu, car cela dépend d’où se situe le curseur.
M 3029 – Audition de M. Thomas Bruchez, auteur – 19 septembre 2024
M. Bruchez trouve important de revenir sur le contexte dans lequel cette
motion a été déposée. Il y a maintenant presque un an, une attaque du Hamas
est survenue et a fait 1195 morts, dont 1115 civils. Il y a eu des meurtres ainsi
que la prise de plus de 200 otages, et d’autres infractions graves qui sont, selon
Human Right Watch, constitutives de crimes de guerre et de crimes contre
l’humanité. Un rapport a été publié à ce sujet en juillet dernier et comporte plus
de 200 pages, dont le titre est « Je ne veux pas effacer tout ça de mon esprit ».
Suite à ces attaques, Israël a lancé une guerre génocidaire à Gaza, qui a mené
à la mort, à ce jour, de plus de 40 000 personnes. Il souligne que cette barre
des 40 000 personnes a été franchie à la mi-août. Cela correspond à
130 personnes tuées par jour. Selon la revue médicale de l’INSEP, le bilan réel
de morts serait plutôt au-delà de 186 000 personnes, ce qui correspond en fait
à 9% de la population de Gaza. Cela est expliqué par une étude qui a été faite
à la fin des années 2000, par la Déclaration de Genève, qui mentionne qu’il y
a entre 3 et 15 morts indirects par mort violente, c’est-à-dire des personnes qui,
en raison des conditions de guerre – la famine, la maladie, etc. –, meurent à
leur tour. Pour arriver à ce chiffre donné par cette étude, ses auteurs ont choisi
le multiplicateur 4, qui est un des plus bas : le nombre de morts pourrait être
en réalité bien plus important.

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Cette motion demandant le boycott académique, il trouvait intéressant de
donner des chiffres par rapport aux élèves et étudiants. Il indique qu’il y a plus
de 10 000 élèves et étudiants gazaouis qui ont été tués, et 17 000 blessés.
Il a parlé de guerre génocidaire, dont certains trouvent le qualificatif
exagéré. Il renvoie la commission au rapport de la rapporteuse spéciale sur les
droits humains dans les territoires palestiniens occupés, Mme Francesca
Albanese, qui a pour titre « Anatomie d’un génocide ».
Au-delà de ces chiffres de morts, 82% des structures de santé sont détruites
ou endommagées, et 92% des infrastructures scolaires, dont la totalité des
universités. Il ajoute que 96% de la population de Gaza est au bord de la
famine. Il y a d’ailleurs eu un message envoyé par plusieurs experts concernant
leur inquiétude face à un possible scolasticide, qui est l’idée de détruire toutes
les infrastructures qui servent à l’éducation d’une société.
M. Bruchez rappelle que tout n’a pas commencé le 7 octobre 2023. Il
revient sur deux points qui lui semblent importants dans le cadre de cette
motion. Il y a tout d’abord la question de l’occupation illégale. Il indique que,
le 19 juillet 2024, un avis consultatif a été émis par la Cour internationale de
justice sur les conséquences découlant des pratiques israéliennes sur le
territoire palestinien, dans lequel elle souligne que cette occupation est en
réalité une annexion de territoires, ce qui est interdit par le droit international.
Le deuxième point est le terme d’apartheid. Souvent, ce dernier est
extrêmement mal compris, souvent associé à la situation de l’Afrique du Sud.
En réalité, quand ce terme est utilisé, cela est basé sur une convention
internationale qui est la Convention internationale des Nations Unies de 1973
sur l’élimination et la répression de l’apartheid, dont l’article 2 définit ce
terme comme un crime « qui englobe les politiques et pratiques semblables de
ségrégation et de discrimination raciales, telles qu’elles sont pratiquées en
Afrique australe, désigne les actes inhumains indiqués ci-après, commis en vue
d’instituer ou d’entretenir la domination d’un groupe racial d’êtres humains
sur n’importe quel autre groupe racial d’êtres humains et d’opprimer
systématiquement celui-ci ». Il attire ensuite l’attention de la commission sur
la lettre c, qui donne un des cas de figure où il y a un apartheid, et qui vise à
« prendre des mesures, législatives ou autres, destinées à empêcher un groupe
racial ou plusieurs groupes raciaux de participer à la vie politique, sociale,
économique et culturelle du pays et créer délibérément des conditions faisant
obstacle au plein développement du groupe ou des groupes considérés, en
particulier en privant les membres d’un groupe racial ou de plusieurs groupes
raciaux des libertés et droits fondamentaux de l’homme, notamment le droit au
travail, le droit de former des syndicats reconnus, le droit à l’éducation, le droit
de quitter son pays et d’y revenir, le droit à une nationalité, le droit de circuler

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librement et de choisir sa résidence, le droit à la liberté d’opinion et
d’expression et le droit à la liberté de réunion et d’association pacifiques ». Il
explique que cette définition juridique a été examinée afin de déterminer si ses
conditions étaient remplies et pouvaient être appliquées en ce qui concerne la
population palestinienne. Elle a été suivie par la CSAO, qui est une
commission régionale des Nations Unies chargée du développement dans le
monde arabe en 2007, ainsi qu’une ONG israélienne qui arrive à la même
conclusion en 2018, et finalement par des ONG internationales, dont Human
Right Watch et Amnesty International.
M. Bruchez informe ensuite que l’année 2023 avait déjà été l’une des plus
meurtrières pour la population palestinienne, et ce avant l’attaque du 7 octobre.
Il relève donc que la situation actuelle n’était donc pas une réaction à cette
attaque.
M. Bruchez soulève finalement d’autres décisions de justice qui sont aussi
importantes, notamment la décision de la Cour internationale de justice en
janvier dernier, qui reconnaissait un risque plausible de génocide à Gaza, et
indiquait sur cette base les mesures pertinentes. Il souligne qu’il s’agit d’un
arrêt extrêmement important, et dont le fonctionnement est le suivant : il n’est
jamais possible pour la CIJ, alors qu’un génocide est en cours, de déclarer qu’il
y a effectivement un génocide en cours. Dans le cas de l’Afrique du Sud, cette
dernière avait dû faire une requête et demander, face à ce risque génocidaire,
des mesures conservatoires et c’est seulement des années plus tard que la CIJ
a pu rendre une décision définitive. Il y a eu des cas de figure où la CIJ n’avait
pas indiqué les mesures conservatoires, et où la conclusion avait tout de même
été qu’il y avait effectivement eu un génocide. Il ajoute qu’il y a également des
cas de figure où il y a déjà des mesures conservatoires, et où les injonctions
qui ont été données à Israël, par exemple, ne sont pas du tout respectées.
M. Bruchez mentionne ensuite la requête du procureur de la Cour pénale
internationale, qui demandait 5 mandats d’arrêt, contre le Premier ministre
israélien ainsi que son ministre de la Défense, ainsi que contre 3 hauts
responsables du groupe armé palestinien du Hamas, dont un a été tué de
manière extrajudiciaire, pour des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité.
Face à cette situation générale, il y a eu beaucoup de manifestations à
Genève ainsi que dans le monde entier, notamment dans les universités aux
Etats-Unis et en Europe. Finalement, les étudiants de l’Université de Genève
ont voulu faire quelque chose au sein de cette institution pour pouvoir agir
contre ce génocide en cours, ces crimes de guerre et ces crimes contre
l’humanité. C’est donc le 7 mai 2024 que les étudiants ont pacifiquement
occupé le hall d’Uni Mail pour exiger que l’Université de Genève fasse face à

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cette situation, et plus généralement face à ce contexte d’oppression
systématique de la population palestinienne par l’Etat d’Israël. Ce mouvement
d’occupation a été organisé par la CEP, qui a rapidement communiqué
6 revendications à l’intention du rectorat, qu’il lit : « 1. Une prise de position
claire et ferme contre la destruction des institutions éducatives à Gaza et la
répression des enseignant·es, académicien·nes et étudiant·es palestinien·nes.
2. La transparence totale sur toute collaboration de l’UNIGE avec des
institutions académiques israéliennes et toute participation financière dans le
système colonial et d’apartheid israélien. 3. La suspension de toute
collaboration avec des universités ou instituts de recherche israéliens ainsi que
des activités de normalisation du gouvernement israélien. 4. Une politique
proactive de soutien aux étudiant·es et chercheur·euses palestinien·nes, ainsi
que des partenariats avec les institutions d’enseignement palestiniennes. 5. Un
appel institutionnel à Swissuniversities pour qu’elle prenne position contre le
génocide en cours à Gaza. 6. Une prise de position claire sur le génocide
perpétré par Israël à Gaza et un appel à un cessez-le-feu immédiat, dénonçant
le colonialisme d’occupation et le régime d’apartheid israélien. » Suite à cela,
le rectorat a systématiquement refusé de négocier avec la coordination
étudiante pour la Palestine, et a même finalement déposé plainte le 13 mai
dernier, ce qui a entraîné une intervention policière le lendemain matin pour
vider les lieux. Il ajoute qu’il y a également eu une brève occupation à l’HEPIA
le mardi 14 mai, qui a été évacuée le jour même, ainsi qu’une occupation de la
HEAD.
A son sens et à celui des cosignataires de ce texte, il est déplorable que
l’université ne soit pas entrée dans un réel processus de négociations et n’ait
pas entendu les différentes revendications. Il déplore également qu’elle ait eu
recours à la force pour mettre fin à cette occupation qui était pacifique et
garantie par la liberté d’expression. Finalement, le 20 mai, une semaine après
l’évacuation d’Uni Mail, le rectorat de l’Université de Genève a publié une
prise de position qui comportait les 6 points qu’il lit : « 1. L’Université de
Genève exprime sa solidarité envers la communauté universitaire de Gaza, les
victimes civiles du conflit ainsi que les otages et leurs proches, condamne la
destruction des infrastructures scolaires et universitaires et s’inquiète des
conséquences de la guerre sur l’éducation et la recherche. 2. L’Université de
Genève appelle toutes les parties à respecter le droit international humanitaire
et les droits humains internationaux. 3. L’Université de Genève s’engage à
garantir la transparence des accords de collaboration et des partenariats conclus
avec les universités étrangères et à renforcer les contrôles éthiques et
déontologiques y relatifs. 4. L’Université de Genève s’engage à renforcer et à
étendre les programmes disponibles (Horizon Académique, InZone, Gaza

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Health Initiative, Scholars at Risk, Programme Peace) en faveur des
étudiant·es ainsi que des chercheur·euses des universités de Gaza, obligé·es
d’interrompre leurs activités académiques. 5. L’Université de Genève s’est
engagée sur la voie d’une réflexion sur le rôle des universités dans le débat
public notamment en cas de conflits armés et souhaite la promouvoir au sein
de Swissuniversities et de la League of European Research Universities
(LERU). 6. L’Université de Genève soutient les appels des organisations
internationales humanitaires tendant à la libération des otages et à un
cessez-le-feu afin d’éviter une catastrophe humanitaire. »
M. Bruchez observe qu’il y a dans la prise de position du rectorat certains
éléments des revendications de la coordination des étudiants pour la Palestine.
Par contre, il n’y a malheureusement eu aucune mention du génocide en cours,
ni de prise en compte de la 3e revendication de la CEP, et seulement une prise
en compte partielle de la 4e revendication, où le rectorat n’a pas pris en compte
par exemple la Cisjordanie, où il y a également énormément de morts et de
blessés. Il explique qu’il s’agit là des principaux éléments manquants.
Sur la question du boycott académique, qui est la question la plus centrale
dans ce débat, elle comporte déjà une grande littérature sur la façon dont les
universités israéliennes collaborent de manière étroite avec le gouvernement et
l’armée israélienne. La Coordination des étudiants pour la Palestine a d’ailleurs
publié un rapport concentré sur les questions de l’Université de Genève et de
ses collaborations avec les institutions académiques israéliennes. Dans ce
rapport, la CEP a souligné que les universités israéliennes sont fortement
impliquées dans le développement du régime militaire, et collaborent
notamment avec les entreprises d’armement, mais sont aussi impliquées dans
les relations stratégiques militaires. Il ajoute qu’il y a également des actions
qui pourraient être considérées comme propagandistes dans le domaine de
l’histoire et de l’archéologie, par exemple avec des fouilles ou des recherches
prouvant en quelque sorte qu’il y a un devoir historique des juifs sur l’ensemble
des terres de la région, et qui visent aussi à effacer l’histoire de tous les autres
peuples qui ont aussi vécu là. Il y a également des fouilles archéologiques
réalisées de manière illicite sur les territoires palestiniens occupés.
M. Bruchez va ensuite plus en profondeur sur la question des
collaborations de l’Université de Genève, et relève que la plus problématique
est celle avec l’Université hébraïque de Jérusalem, qui est extrêmement proche
de l’armée israélienne, offre des bourses spécifiques aux étudiants qui sont
aussi soldats et communique ouvertement son soutien à l’armée israélienne à
travers des vidéos, y compris depuis le début de cette guerre génocidaire. Son
personnel osant critiquer cette guerre risque une exclusion. Cela a d’ailleurs
été le cas d’une professeure, à qui le rectorat avait demandé de démissionner

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suite à un appel au cessez-le-feu. Elle a finalement été suspendue, et lorsqu’elle
a été arrêtée par la police pour ses prises de position, l’université ne lui a
apporté aucun soutien. Il mentionne ensuite que l’Université hébraïque de
Jérusalem propose une formation en renseignement, dans le cadre de laquelle
l’armée peut obtenir des informations personnelles sur des personnes engagées
et qui travaillent pour cette formation. Selon le journal israélien Ha’Aretz, cela
se traduit par une mise à l’écart assez systématique des conférenciers et des
agents d’entretien. L’université propose également une formation en ingénierie
militaire, dont les candidats sont directement sélectionnés par l’armée, portent
l’uniforme pendant toute leur formation et vivent dans une zone militaire qui
est sur le campus. Enfin, le campus de l’Université hébraïque de Jérusalem est
lui-même problématique, car il s’est étendu au fil du temps sur des territoires
qui sont illégalement occupés au regard du droit international.
Il y a également une collaboration avec l’Université de Tel-Aviv, qui
propose également des formations en collaboration avec l’armée israélienne,
notamment en matière de renseignement et de cyberdéfense. Il ajoute qu’elle
interdit à ses étudiants de commémorer la Nakba sur le campus. Cette
université produit également des recherches et des analyses académiques qui
ont pour but de justifier les opérations militaires en montrant en quoi elles
seraient éthiques et raisonnables ou justes. Il mentionne la publication du
Collectif de la lutte antiterroriste, qui justifie des exécutions extrajudiciaires,
qui sont aussi interdites par le droit international, et donne également le droit
de tuer des civils s’il s’agit de protéger la vie de soldats israéliens. Il indique
finalement que l’Université de Tel-Aviv a un fonds d’investissement commun
avec l’Agence de sécurité israélienne, et invite aussi sur son campus des
entreprises d’armement pour des évènements de recrutement.
La réponse qui est ici offerte par le rectorat de l’Université de Genève est
simplement de dire qu’elle garantit la transparence des institutions avec
lesquelles elle collabore. Il trouve cela insuffisant. Il est vraiment nécessaire
qu’un boycott académique soit mis en place, et il précise le terme
« académique » : il ne s’agit pas d’un boycott d’étudiants individuels. Il ne
souhaite pas empêcher leur participation à un programme international
d’échange, mais appelle à un boycott des collaborations avec l’institution en
tant que telle, qui permettrait de faire en sorte que l’université agisse réellement
en faveur de la paix, des droits humains et du droit international. Ce
renforcement du contrôle éthique et déontologique mentionné par l’UNIGE est
un critère extrêmement vague.
C’est pour cette raison que la M 3029 propose de se fonder sur une
procédure qui existe déjà, et qui a été adoptée par la Conférence des docteurs
des universités d’Espagne, qui regroupent les directions de 58 universités

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publiques et privées. Il explique la procédure qui est la suivante : rompre les
accords et collaborations avec les universités et centres de recherche israéliens
qui n’ont pas exprimé un engagement clair en faveur de la paix et un respect
du droit international humanitaire.
Pour ce qui est du soutien des étudiants et des chercheurs palestiniens,
proposer des programmes est une bonne chose, mais il ne faut pas oublier les
autres populations qui ont subi une pression systématique de la part d’Israël. Il
ajoute avoir lu que, depuis le 7 octobre, 113 élèves ont été tués en Cisjordanie,
548 blessés et 499 personnes arrêtées. Ce sont là des personnes qui auraient
besoin de pouvoir étudier dans des conditions sûres.
A son sens, il faudrait qu’il y ait une règle générale qui va dans le sens de
la motion et qui s’appliquerait à l’ensemble des Etats qui sont en collaboration
étroite avec une armée qui commet des crimes de guerre et des crimes contre
l’humanité. Il ne faudrait alors pas perpétuer les liens avec ces institutions.
Un député (LJS) indique ne pas remettre en cause la motion. Il demande si
la position de la Suisse face à cette guerre ne dépend pas plutôt de Berne, et
pas du canton de Genève. Il rappelle que la Suisse est un pays neutre. Il
souhaite ensuite savoir si cette motion ne met pas en difficulté les institutions,
et si la politique et l’éducation ne sont pas ici mélangées. Finalement, il relève
que la 2e invite mentionne qu’il faut soutenir les étudiants et les chercheurs. Il
souhaite savoir par quels moyens : financiers, en collaborant, en publiant des
textes avec eux, etc.
M. Bruchez répond par l’affirmative à la première question : la position de
la Suisse dépend de tout le monde. Sur une situation aussi grave, il faut utiliser
tout ce qui est à disposition pour pouvoir mettre fin au massacre d’une
population entière. Les universités ne font pas partie des acteurs les plus
centraux, mais ont des leviers. Si un grand nombre d’institutions académiques
en Suisse cessent leurs collaborations, cela exercerait une pression sur les
universités israéliennes, pour qu’à leur tour elles cessent de collaborer et
soutenir les soldats, et de diffuser de la propagande en faveur de cette guerre.
Il pense que tous les éléments comptent dans ce genre de situations, qui
dépendent aussi des citoyens « lambda ». Si Genève venait à prendre de telles
mesures, cela aurait certainement un impact sur d’autres cantons, voire peutêtre d’autres Etats.
M. Bruchez indique ensuite que tout est aujourd’hui politique : le fait de ne
pas prendre position est tout aussi politique. Il ne trouve donc pas que le
mélange des études et de la politique soit ici inapproprié. L’UNIGE collabore
allégrement avec des universités qui elles-mêmes aident au développement de
technologies militaires qui servent à tuer des gens, et soutiennent ouvertement

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un gouvernement qui a massacré une population. Il souligne qu’il s’agit là aussi
d’une décision politique de ne rien faire.
Concernant le soutien, il trouve la réponse du rectorat intéressante dans le
sens où elle cite les différents programmes qui existent, qui sont des
programmes de soutien à des étudiants dans les régions où les études sont
justement compliquées. L’idée de la motion serait d’inclure plus largement les
étudiants qui se trouvent aussi en Cisjordanie dans ce genre de programmes, et
pas seulement les étudiants de Gaza.
Un député (PLR) partage une large partie de son indignation au sujet de ce
qu’il se passe à Gaza. Ce qui lui pose un problème c’est la volonté de viser le
monde universitaire, qui est, dans une large partie, composé de personnes qui
sont bien souvent opposées à la politique du Premier ministre israélien et aux
compositions extrêmes et fascisantes de son gouvernent. Il se demande s’il ne
serait pas nécessaire de maintenir ce canal de dialogue et d’échange, et
justement de nouer des liens avec cette communauté. La particularité de la
société israélienne est qu’elle est infiniment diverse, et qu’en son sein il y a
des personnes qui souscrivent à une partie de ce que M. Bruchez a mentionné,
et d’autres qui auraient envie de sortir leurs fusils. Il s’agit là du côté
passionnant, fou de ce pays. Il s’interroge donc sur le fait de sanctionner ces
universitaires qui ont besoin de dialoguer et non pas de se refermer sur euxmêmes. Une des tragédies de l’attaque du 7 octobre est qu’une partie de la
société israélienne s’est ensuite repliée sur elle-même et a adhéré à un discours
militaire sans aucune solution politique.
M. Bruchez répond qu’il s’agit d’un argument souvent évoqué, que le
monde universitaire est plus progressiste. Pourtant, la première chose à prendre
en compte est que le climat dans ces universités n’est pas facile. Il rappelle
qu’une professeure s’est fait suspendre pour sa position sur un cessez-le-feu.
En s’imaginant à leur place, peut-être qu’il s’agirait de les soutenir dans leurs
positions que de mettre les institutions dans lesquelles ils travaillent sous
pression afin qu’elles laissent plus de place à d’autres discours, et qu’elles
prennent leurs distances avec le gouvernement et l’armée.
Sur la question des liens, il est d’accord qu’un repli serait une mauvaise
chose. Il ne pense pas cependant que le boycott académique mènerait à un repli,
s’agissant d’un boycott de l’institution et de la collaboration sur les grands
projets. Rien n’empêche cependant, et cela est une bonne chose, des chercheurs
de ces universités de mener des recherches communes avec d’autres
universités. Il faut qu’il y ait des échanges, qui ne sont pas remis en question
par la motion.

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Un député (PLR) relève que M. Bruchez a évoqué que la problématique de
cette motion est son côté sélectif : Israël est visé, mais pas d’autres pays. En
allant sur le site web de l’université de Genève, il y a beaucoup de
collaborations, notamment avec des universités chinoises, camerounaises,
égyptiennes, etc. Si la logique de M. Bruchez est suivie, il faudrait aussi
boycotter toutes ces universités. Pour certains pays en difficulté, il serait
dommage qu’ils se voient supprimer un accès vers l’extérieur et refuser des
collaborations. Il demande si ce côté justicier et idéaliste ne doit pas aussi
s’arrêter sur une certaine réalité, qui est aussi idéale, qu’il faut échanger, et que
c’est en collaborant qu’il peut y avoir un progrès des droits de l’homme. Il voit
qu’au sein de la motion il y a un aspect de repli : l’Université de Genève reste
dans sa tour d’ivoire, et considère que la Suisse est un pays en dehors de tous
soupçons.
M. Bruchez ne pense pas qu’il s’agit là de l’idée de la motion, ni de ses
effets, dans la mesure où il ne suffit pas de dire que tel ou tel pays viole les
droits humains pour faire cesser la collaboration avec l’ensemble des
institutions académiques de cette école. Il est tout d’abord nécessaire
d’examiner à quel point ces institutions académiques sont intégrées à ce régime
autoritaire. Il serait imaginable par exemple que des universités arrivent à
garder une certaine indépendance, en ne faisant pas par exemple la propagande
de l’armée.
M. Bruchez ajoute que l’idée n’est pas de ne plus avoir de lien avec ces
universités, mais de maintenir des échanges entre étudiants. Plus que de dire
que la Suisse est au-dessus de tous soupçons, c’est de faire en sorte qu’elle
participe à appliquer une pression extérieure de concert avec une pression
interne appliquée par des chercheurs et étudiants israéliens. Il ne faut donc pas
être recroquevillé, mais en coordination pour essayer d’exercer une pression
sur l’université pour qu’elle change sa politique.
Pour lui, le fondement même de cette stratégie est la collaboration avec les
personnes sur place, et non pas de faire un amalgame avec toutes les personnes
au sein de cette structure problématique. D’où l’idée qu’il est nécessaire de
distinguer le boycott académique d’un boycott individuel.
Une députée (UDC) ne croit pas au texte de cette motion. Elle trouve
particulièrement dangereux dans ces circonstances d’assimiler les institutions
académiques, universitaires, la recherche et la science au gouvernement. Ce
sont pour elles des choses entièrement différentes. Elle relève que M. Bruchez
a mentionné que ce texte n’a pas pour but de sanctionner les étudiants : elle
voit comment cela serait possible. Elle demande comment il peut justifier,
motiver le fait que, par hypothèse, si des collaborations avec des institutions
académiques étaient suspendues, cela ne sanctionnerait pas aussi les étudiants.

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M. Bruchez répond que l’idée est que ces systèmes de collaboration sont
avant tout des grands projets de recherche, des cofinancements de projets. Les
étudiants quant à eux peuvent continuer leur vie au sein de l’université, et
peuvent participer à des programmes d’échange internationaux, et ne seraient
donc pas touchés par ces questions-là. Le boycott s’appliquerait uniquement
aux collaborations inter-institutionnelles. Il ne pense pas que cela poserait de
problèmes à ce niveau-là.
Concernant la question sur l’assimilation, il ne pense pas qu’il y en ait une.
Le point de départ est de dire qu’il n’y a pas de problème a priori, mais dans le
cas d’Israël, ainsi que d’autres Etats certainement, il y a une proximité
extrêmement forte de ces universités avec le gouvernement et l’armée, qui est
attestée. L’université diffuse par exemple des images de propagande. Il y a
dans ce cas une situation qui est problématique. Il pense que tout l’enjeu est de
prévoir un cadre, et il est convaincu que cela est possible, qui permette aux
étudiants de continuer de bénéficier d’échanges, de voyager et de collaborer,
en renonçant cependant à des programmes d’association des universités,
lorsque ces dernières collaborent de manière étroite à des projets militaires,
comme c’est le cas aujourd’hui avec l’Université hébraïque de Jérusalem.
Une députée (PLR) aimerait revenir sur la première invite de ce texte, où il
est proposé de museler les universités. Elle a discuté l’autre jour avec un
professeur de sciences politique à l’Université de Genève, qui disait que la
liberté académique est sacrée. Cette dernière veut qu’un professeur puisse
avoir des collaborations, et être challengé. Son interlocuteur parlait des
collaborations qu’il avait avec certains collègues en Israël, qui sont très pointus
dans beaucoup de domaines. Elle souhaite rassurer M. Bruchez en lui indiquant
qu’ils ne font pas tous partie du Mossad, contrairement à ce que M. Bruchez a
pu affirmer ce soir. Dans le fond, elle demande si M. Bruchez n’a pas
l’impression avec cette première invite, lui qui fait des discours magistraux sur
les droits de l’homme depuis bientôt 45 minutes, qu’il est finalement
absolument dans l’effet inverse de ce qu’il prône, c’est-à-dire qu’il veut luimême donner les directions aux universités, la façon dont elles doivent se
comporter, comment elles doivent réfléchir, ce qu’elles ont le droit de faire ou
non. Il lui semblait que, jusqu’à présent, tout ce qu’elle avait toujours entendu,
et ce particulièrement dans le discours des groupes politique de gauche, c’est
que l’université doit avoir cette liberté. Il l’a d’ailleurs encore démontré ce soir
en venant s’offusquer que les manifestants aient été sortis de l’Université de
Genève suite à l’occupation en soutien à la Palestine. Elle sent dans le discours
de M. Bruchez quelque chose qui n’est pas du tout cohérent, et cette première
invite tout comme l’ensemble de la motion, au-delà de la choquer,
l’interpellent sur la façon dont son auteur peut la justifier.

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M. Bruchez laissera de côté ses nombreuses piques. Sur le fond, il pense
que cela est assez simple, et il demande si la liberté académique existe
réellement dans ces universités-là, lorsque par exemple des professeurs sont
mis sous pression lorsqu’ils adoptent certaines prises de position, que des
étudiants ne peuvent pas exprimer sur le campus certaines opinions. Il
demande si là, vraiment, il s’agit de la liberté académique, et s’il faut garantir
la liberté de ces universités de ne pas laisser la liberté aux professeurs et aux
étudiants. Il ne le pense pas, et est d’avis que, pour garantir les droits des
étudiants et des professeurs ainsi que les droits humains, il faut justement
pouvoir exercer une pression sur les universités qui se rendent complices de
violations des droits de l’homme, et qui ne laissent pas les étudiants et les
professeurs exprimer leurs opinions sur le campus. Par conséquent, il ne relève
pas le manque de cohérence que la députée (PLR) peut pointer.
Une députée (Ve) soulève que ce qu’elle entend derrière cette motion est
avant tout une question éthique plus qu’une capacité à agir concrètement sous
un système complexe qui échappe à la commission. Elle comprend que, peutêtre, il y a une volonté de la part des étudiants de faire tout leur possible afin
de pouvoir se dire qu’ils n’ont pas collaboré avec un système qui a tué
beaucoup de monde. Concernant la 2e invite, elle trouve que, pour ne pas entrer
dans un clivage complètement stérile, il serait bien de souligner la position de
Genève, qui est en faveur de la paix, et de rappeler qu’une partie du peuple
israélien l’est aussi. Elle serait en faveur de soutenir tous les étudiants et les
projets en faveur de la paix, et précise que cela engloberait tout autant les
projets palestiniens qu’israéliens dont la recherche serait autour de la paix.
Un député (PLR) rappelle que les universités israéliennes sont à la pointe
de la technologie. Il relève qu’aujourd’hui, les universités israéliennes qui
reçoivent un financement du gouvernement ne vont pas en quelque sorte
refuser la main nourricière. Il demande si le perdant ne sera pas l’Université
de Genève, qui ne pourra plus bénéficier des connaissances israéliennes sur
des technologies de pointe. Le boycott peut être une bonne chose, d’un point
de vue éthique, mais il pense que le perdant restera le canton de Genève.
M. Bruchez trouve qu’il s’agit d’un point de vue assez égoïste que de se
demander comment cela va impacter l’Université de Genève, alors qu’il est
question d’un boycott qui a pour but d’exercer une pression sur des institutions
qui se rendent complices d’un génocide. Il ne pense cependant pas que
l’Université de Genève sera perdante. Il rappelle que la stratégie du boycott
universitaire avait été appliquée en Afrique du Sud concernant l’apartheid, et
que, à l’époque, c’est le Congrès national africain qui avait demandé de le
mettre en place. Cela montre qu’il y a aussi de chercheurs qui soutiennent

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l’idée d’un boycott académique. Il pense qu’avoir peur de pénaliser
l’Université de Genève c’est passer à côté du cœur de cette motion.
Une députée (MCG) demande si la liberté d’expression et de réunion a des
limites en Suisse.
M. Bruchez répond que tous les droits fondamentaux peuvent être
restreints.
Une députée (MCG) rappelle que l’Université de Genève est un
établissement de droit public doté de la personnalité morale. S’il y a une
volonté d’y manifester, elle demande s’il ne serait pas nécessaire de demander
une autorisation préalable.
M. Bruchez répond qu’il s’agit tout de même là de la communauté
étudiante qui manifeste, et qu’il s’agit d’un droit fondamental d’exprimer ses
opinions, et ce peu importe le lieu.
Une députée (MCG) fait part de son désaccord.
M. Bruchez lui suggère de lire les rapports des rapporteurs sociaux sur la
liberté d’expression et de réunion. Il s’agit d’un sujet assez important.
Une députée (MCG) demande si elle est donc autorisée à venir manifester
chez M. Bruchez pour s’exprimer si elle en a envie.
M. Bruchez répond qu’il y a des groupes qui viennent régulièrement.
Une députée (MCG) indique qu’elle a été invitée à la leçon d’ouverture du
semestre d’automne de l’UNIGE, et que M. Romano Prodi devait présenter
une leçon. Dans l’aula d’Uni Dufour, sur la partie gauche, s’est réuni tout un
groupe de personnes avec des banderoles et le drapeau palestinien. La pauvre
rectrice Audrey Leuba a été obligée de les mentionner, faute de quoi ces
personnes faisaient un esclandre. Elle trouve qu’il s’agit là d’une atteinte à la
liberté, et d’une contrainte au sens de la Constitution fédérale. Elle demande si
une personne a tous les droits lorsqu’elle souhaite dire quelque chose sur un
sujet, et si cela doit se passer dans l’Université de Genève.
M. Bruchez remarque que certains groupes ont l’impression de faire face à
un nouveau climat et qu’il y a d’un coup des groupes qui protestent au sein de
l’université. Cela n’est pas vrai. L’université a toujours, à travers l’histoire, été
un lieu de contestation. Cela fait partie de l’histoire et des dynamiques de
l’université. Il faut avoir conscience de cela et ne pas chercher à réécrire
l’histoire en disant qu’il s’agit d’un phénomène nouveau et qu’il n’est plus
possible de ne rien dire.
Un député (S) remercie M. Bruchez pour sa présentation très claire et le
fait qu’il ait pris des pincettes dans ses explications, ainsi que les partis de
droite pour leur volonté de tenter d’amener ce débat sur quelque chose de

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rationnel. Il sait que ce n’est pas une thématique facile pour les uns et pour les
autres. S’il y a une volonté de débattre et de proposer quelque chose de
constructif, il faut que chacun sorte de sa posture.
Un député (S) relève tout d’abord la remarque de la députée (UDC), qui
trouvait que M. Bruchez associait les universités au régime. Il rectifie que ce
sont ces universités, ou du moins certains chercheurs de ces institutions, qui
s’associent au régime.
Concernant la remarque d’une députée (PLR) que M. Bruchez affirmait
que les étudiants et les enseignants israéliens faisaient tous partie du Mossad,
l’auditionné n’a jamais dit cela et il aimerait que ce soit noté au procès-verbal.
Un député (S) aimerait ensuite savoir si M. Bruchez aurait eu écho en tant
qu’étudiant de certaines « voix dissidentes » parmi les enseignants, qui ne
seraient pas d’accord avec cette motion, dont il est un des cosignataires. Il
soulève que ces voix dissidentes pourraient avoir des arguments qui seraient
entendus, et amèneraient peut-être des arguments concrets sur les
conséquences qu’un tel boycott pourrait avoir sur les étudiants.
M. Bruchez répond que les voix qui ont été entendues sur cette question
étaient majoritairement celles de la coordination des étudiants pour la
Palestine. Ce n’était que des personnes plus marginalisées qui ont tenté de
perturber l’occupation. Il indique ensuite que les professeurs opposés au
mouvement ont également été moins entendus. Il trouverait effectivement
intéressant de connaître la position d’autres professeurs qui sont restés
silencieux, ainsi que des personnes des corps intermédiaires qui n’ont pas
encore exprimé leur position.
M 3030 – Audition de M. Pierre Conne, auteur – 12 septembre 2024
M. Conne soulève qu’il a vu le monde changer avec le droit de vote des
femmes, le mariage pour tous pour lequel il a voté, et la loi sur l’égalité sur
laquelle il a travaillé. Puis sont arrivées les questions en lien avec les problèmes
de transidentité chez les jeunes qui les préoccupent tous. Il raconte avoir été
intéressé par un séminaire organisé en 2022 par la Société genevoise de
psychanalyse, qui était un séminaire de formation continue pour les
psychologues et psychothérapeutes. Il s’y est inscrit, mais le séminaire n’a
malheureusement pas pu avoir lieu car interrompu par un charivari militant.
C’est cette absence de débat qui lui a fait prendre conscience qu’il se passe des
choses dans les universités. Il ajoute qu’il y a eu par la suite d’autres
évènements, notamment en lien avec la guerre au Proche-Orient. En feuilletant
régulièrement Le Temps, il est tombé le 24 mai dernier sur une prise de
position dont le titre était « Un plaidoyer pour la neutralité académique », signé

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par 20 professeurs de philosophie d’universités de Suisse romande – Genève,
Lausanne, Fribourg et Neuchâtel. Il souligne que ces réflexions l’ont inspiré.
L’activité politique locale était alors échauffée par l’occupation des locaux
universitaires par des étudiants qui prenaient position sur la question de la
guerre en Palestine. Le choc des agendas a fait qu’il a évoqué cette question en
cocus, et la décision a été prise de déposer la motion qu’il présente aujourd’hui.
Il lit le plaidoyer sur la neutralité académique, s’agissant de la source
d’inspiration de la M 3030, et dit qu’il se situe exactement au niveau auquel le
débat devrait se situer. Il leur transmettra le PDF de cet article ainsi que le nom
des signataires afin qu’il figure au procès-verbal.
Il rappelle que cette motion a été présentée en plénière, en premier débat.
Il a encadré trois passages de ses propos et les lit. Il revient ensuite sur le texte
de la motion, et lit les différentes invites. La première vise à « garantir la liberté
de débat contradictoire afin que l’université soit le creuset des idées de demain,
libérée de toute idéologie partisane ». La deuxième invite vise à « prévenir,
interdire et, si nécessaire, mettre fin sans atermoiement à toute manifestation
idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à toute action
menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants à l’université
et dans les hautes écoles ». Il soulève qu’il s’agit d’une invite très claire qui
autorise le débat, mais à condition qu’il soit contradictoire et respectueux. La
troisième quant à elle invite à « protéger les biens et les personnes au sein de
l’université et des hautes écoles, cas échéant poursuivre les contrevenants ». Il
précise que la poursuite des contrevenants se ferait dans le cas où ils exercent
une atteinte contre des biens ou des personnes.
Une députée (S) relève que, sans l’exposé des motifs, il était difficile
d’imaginer sur quelle base factuelle se basait cette motion. Elle trouve que le
plaidoyer et la motion ne traitent pas du même sujet. Les philosophes parlent
dans leur plaidoyer des institutions et des enseignants alors que les exemples
donnés par M. Conne concernent les étudiants, qui n’ont pas la même
appartenance à l’institution et ce devoir de neutralité. Elle pense qu’il y a ici
une confusion de notions, car il est question de deux choses différentes. Il est
vrai que les mouvements étudiants ont à plusieurs reprises été à l’origine de la
révolution de plusieurs idées, il ne s’agit pas là de quelque chose de nouveau.
Elle demande si M. Conne a des références concernant les évènements pendant
les dix dernières années à l’université, si les choses se passaient différemment
par rapport au mouvement estudiantin qui a lieu aujourd’hui. Elle a ensuite une
question concernant les deux invites, qui ont l’air contradictoires. En effet, il
faut d’un côté garantir la liberté de tous débats contradictoires, et de l’autre il
faut interdire certaines manifestations si l’idéologie ne convient pas à telle ou

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telle personne. Cela lui semble difficile de garantir la liberté si l’on doit
interdire certaines expressions de vérité ou d’idéologie.
M. Conne répond que la question des universités est une approche
institutionnelle. Il est vrai que la prise de position des enseignants donne le
cadre institutionnel dans lequel s’inscrivent les étudiants. La question des
débats entre les étudiants, quant à elle, peut se poser n’importe où. Cependant,
dès lors qu’elle se pose dans l’université, sous son égide, elle doit répondre aux
règles qui la régissent. Quand la manifestation se fait dans le respect de
l’institution, et des règles du débat qui doit être contradictoire, il n’y voit pas
de problèmes. Mais quand la manifestation se fait dans un but de négation des
idées contraires, il considère que ça n’a pas sa place dans l’université. Il n’est
pas possible de considérer que l’université est le lieu où des confrontations
d’idées peuvent avoir lieu, et en même temps permettre l’appropriation de
l’université pour manifester des idéologies, quelles qu’elles soient. Il se trouve
qu’il est question aujourd’hui d’une thématique particulière, mais cela pourrait
être une tout autre thématique qui pourrait être accaparée dans le futur. Il donne
pour exemple des mouvements créationnistes, qui s’opposent par exemple à la
théorie de l’évolution, et qui pourraient demain considérer qu’il s’agit de leurs
valeurs et leur vision du monde qui doivent être affirmées, et utiliser
l’université pour ce type d’expression. Il considère que chacun est libre d’avoir
des idées créationnistes, mais si cela se passe dans un cadre académique, il ne
faut pas donner l’illusion qu’il y a une caution académique au fait que c’est ce
point de vue qu’il faut avoir. Là aussi, il doit y avoir des échanges et des points
de vue contradictoires.
Pour répondre à la question de la députée (S), il explique qu’il avait 16 ans
en mai 1968, et qu’il a participé aux mouvements à l’époque. Il n’a jamais
connu aucune manifestation qui ne soit pas contradictoire, il ne s’agissait pas
d’un mouvement univoque. Ce qui est pour lui aujourd’hui problématique c’est
ce glissement vers des points de vue univoques qui s’engagent dans une prise
de position en refusant toute argumentation contraire, et qu’ils puissent être
acceptés dans le cadre de l’université.
Il soulève ensuite la question de l’ambigüité de la deuxième invite. Ce qu’il
considère comme n’étant pas acceptable c’est un point de vue univoque
refusant des argumentations contraires, et encore plus quand les attitudes sont
menaçantes à l’égard du personnel et des étudiants lorsque cela se passe dans
les universités. Il s’agit là d’un registre qu’il qualifie de violent. C’est ce
registre-là qui à ses yeux est inacceptable.
Une députée (S) comprend dans ce que M. Conne souhaite qu’il n’y ait pas
de prise de position qui pourrait laisser penser que l’université accepte ce genre
d’activités idéologiques. Cependant, ce n’est pas ce que demandent les invites

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de cette motion. S’il y a une volonté de liberté, il faut accepter les différentes
idées et le droit de manifester. Elle rappelle que l’université est un lieu public,
et qu’il ne devrait donc pas être possible d’empêcher les gens de manifester
parce qu’ils sont perçus comme ayant des idées fermées. Elle rappelle que,
quel que soit l’extrême politique, les idées sont fermées, mais il faut quand
même laisser la possibilité à ces personnes de manifester, et ce malgré leurs
idées et la possibilité de discussion. Elle pense qu’il faudrait plutôt faire des
invites qui parlent de l’université, alors qu’il est ici question de punir les gens
et d’interdire les manifestations. Il lui semble que les propos tenus par
M. Conne et ceux décrits dans les invites ne se rejoignent pas.
M. Conne explique que pour lui les actions menaçantes ne doivent tout
simplement pas être acceptées dès lors que cela s’inscrit dans ce qui doit être
des prises de position. Il est pour les prises de position, mais pas dans un mode
d’exclusion de l’autre. Ce qu’il n’accepte pas non plus cde sont les
manifestations violentes. Dès lors que l’expression de quelque sujet qu’il
s’agisse se fait de manière respectueuse de tout autre avis, alors l’université
doit être le lieu où cela doit se faire.
Une députée (S) relève que dans le texte il est écrit « toute manifestation »,
ce qui signifie qu’il ne doit pas être possible de manifester. Il n’est pas question
de violence dans le texte, et elle ne trouve pas cela clair.
M. Conne répond qu’il pourra rectifier cela si nécessaire. Il souligne qu’il
souhaite parler de toute manifestation qui s’inscrit dans la violence.
Un député (S) partage l’avis de sa préopinante (S) concernant le décalage
entre le plaidoyer des enseignants et le texte de la motion, notamment sur la
question qui vient d’être discutée. Il salue cependant le fait que M. Conne
reconnaisse cette ambigüité dans le texte et cette volonté de potentiellement le
réajuster. Il relève que M. Conne a utilisé le terme d’hégémonie, et a
mentionné qu’il en existait une certaine forme dans la manière d’avoir une
certaine perspective dans un conflit politique. Il trouve cela très intéressant. Il
rappelle que ce concept a été inventé par Antonio Gramsci, et qui était à la base
militant et a été par la suite objectivé. Son auteur explique que l’hégémonie est
du côté du pouvoir et des institutions, et non pas du côté des étudiants.
Lorsqu’il est question d’hégémonie, c’est donc du côté de l’université qu’il
faut se tourner et non pas des étudiants. Il demande à M. Conne s’il trouve qu’il
y a une contrindication, un décalage entre l’empirisme scientifique et le
militantisme. Il souhaite savoir si, selon lui, ces deux concepts sont
incompatibles.
M. Conne répond qu’il ne trouve pas cela incompatible.
Un député (S) lui demande dans quel contexte.

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M. Conne répond que cela n’est pas incompatible à partir du moment où il
y a la volonté de progresser. Le militantisme permet de faire avancer la société.
Les actions militantes doivent avoir un début et une fin par rapport à l’action
en elle-même, car elles visent à un moment donné à provoquer une réaction.
Tant que les militants sont dans cette démarche, il s’agit de faire progresser les
idées, ce qui va inévitablement amener à un moment à un débat contradictoire.
Il n’y a donc pas d’incompatibilité, il s’agit de moments différents et d’états
différents, mais qui contribuent à faire avancer les idées et la société.
Un député (S) relève que M. Conne a mentionné que certaines
manifestations ont des positions arrêtées sur certaines thématiques, et qu’il
trouvait cela inacceptable. Cependant, lorsque les manifestants expriment
certains faits liés au droit international, à des chiffres ou encore à des arrêtés
internationaux, aux questions de racisme qui sont factuelles, il souhaite savoir
si M. Conne met ces situations sur le même niveau. Il demande si c’est le fond
ou la forme qui pose un problème à M. Conne.
M. Conne répond qu’il s’agit de la forme. A partir du moment où il existe
des données formelles, elles sont solides et dès lors acceptées, car étant des
faits et des chiffres. Cela est à mettre au crédit dans le débat. Il ne pourrait pas
imaginer que de tels faits soient niés. Un des enjeux est d’accepter la science
avec ce qu’elle a d’imparfait et de provisoire. C’est ce qui permet de se poser
des questions par rapport à ce que l’on ne connaît pas. Il est évident que les
données factuelles quantitatives doivent être considérées comme telles et ne
peuvent pas être écartées pour des raisons d’idéologie, ou alors il s’agirait
d’une approche totalitaire.
Un député (S) demande si M. Conne décrédibilise les données solides d’un
mouvement dont il n’approuve pas la forme.
M. Conne comprend que le député (S) lui demande s’il rejetterait des idées
qui seraient étayées par des faits, mais dont la forme de manifestation ne lui
plairait pas.
Un député (S) confirme, et prend pour exemple les évènements qui sont
survenus ces derniers mois sans parler de l’aspect moral et de son soutien à
telle ou telle cause. Il s’agit des faits que personne ne peut nier.
M. Conne se demande qui pourrait nier la réalité et l’horreur des dizaines
de milliers de morts à Gaza, et affirme que ce n’est en tout cas pas son cas.
Une députée (MCG) indique avoir aussi vécu Mai 68, et rappelle qu’il n’y
a pas eu d’occupation de collèges et d’universités. Elle demande s’il est
difficile actuellement de réserver une grande salle pour organiser un débat afin
que les gens puissent exprimer leurs idées.

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M. Conne ne peut pas lui répondre, et lui propose de poser la question à la
rectrice de l’université. Il a déjà réservé une aula et n’a pas trouvé cela difficile,
mais il n’a pas la qualité pour répondre de manière définitive.
Une députée (MCG) dit qu’elle assiste à beaucoup de conférences, et il ne
lui semble pas très compliqué d’obtenir un lieu. Elle souhaite ensuite savoir ce
que M. Conne entend par « manifestation idéologique ».
M. Conne répond qu’il s’agit de l’expression d’une croyance pour laquelle
il n’y a pas de volonté d’avancer autre chose que sa vision, croyance et
conviction, et que cette affirmation se fait sans préoccupation
d’argumentations et, et c’est ce qu’il critique, en niant et refusant toute
possibilité de contradiction.
Une députée (MCG) souhaite savoir en quoi consiste la manifestation.
M. Conne répond que la manifestation est simplement un manifeste d’une
idéologie et qu’il ne s’agit pas d’une manifestation dans le sens d’organiser un
évènement, un défilé.
Une députée (MCG) se rappelle la personne qui devait s’exprimer à l’aula
des Bastions et qui en avait été empêchée par des étudiants, et avait dû
finalement quitter la salle. Cet évènement l’avait profondément dérangée.
L’occupation d’Uni Mail avec le fait qu’il y ait l’utilisation de la violence est
pour elle plus qu’une manifestation, c’est une occupation des locaux sans droit.
Elle rappelle que les manifestations, pour pouvoir se dérouler dans un lieu
public, nécessitent une autorisation de la part de l’autorité compétente pour ce
lieu. Il est aussi nécessaire de préciser le lieu, le jour, et de quelle manière la
manifestation sera organisée et contenue par les personnes qui en sont
responsables. Pour elle, le texte de la motion est un peu trop flou, notamment
à cause du terme « manifestation idéologique ». Elle modifierait cela avec les
termes « toute occupation des locaux universitaires sans droit, sans en avoir
obtenu l’autorisation, permet de faire appel à la force publique ». Elle demande
si M. Conne la rejoint.
M. Conne répond que le but de cette motion est ce que la députée (MCG)
a rappelé à l’instant, c’est aussi ce qui est mentionné dans le considérant et
dans la présentation qu’il fait aujourd’hui.
La députée (MCG) comprend que ce n’est donc pas l’occupation des lieux
qu’il dénonce.
M. Conne précise qu’il dénonce deux éléments : l’obstruction de la parole
mais aussi l’occupation des lieux afin d’empêcher toute prise de parole
contradictoire que celle de ceux qui occupent les lieux pour donner leur avis
sur une thématique.

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Une députée (MCG) ajoute que toute occupation empêche les étudiants
d’assister à leurs cours et d’aller à la bibliothèque.
M. Conne ne se prononce pas à ce sujet, car il ne s’agit pas là de la
thématique, mais il est évident que, si des étudiants ne peuvent pas se rendre à
des cours ou des examens à cause de l’occupation des locaux qui vise à
empêcher le bon déroulement des cours ou des examens, cela est inacceptable.
Un député (Ve) pense qu’au fur et à mesure du débat en train de s’installer,
la commission peut se rendre compte qu’il y a une distinction à faire entre ce
qui relève des idées, du savoir, du fond de ce des thématiques qui sont
véhiculées soit par des intervenants, soit par des militants dans le cadre de ce
genre de conflits, et la forme. La façon d’exprimer son idée ou d’empêcher
autrui de s’exprimer sur le fond est très délicate, et il est de même lorsqu’il est
question de circonscrire ce qui est audible et inaudible dans le cadre
universitaire. Il rappelle que M. Conne a utilisé l’exemple auparavant des
créationnistes, qui sont profondément ascientifiques. Il n’est pas possible de
demander à des biologistes d’inviter systématiquement des créationnistes à
leurs présentations pour garantir la possibilité de débats contradictoires, alors
que le débat sur cette question particulière est scientifiquement clos. Par
analogie, il est relativement difficile de circonscrire avec précision quel est le
champ de la liberté d’expression et de manifestation d’une vérité ou pseudovérité par rapport à une autre. A ce titre, la deuxième invite lui paraît
compliquée à mettre en application. Cependant, il pense que la commission
pourra s’entendre sur le fait que, sur la forme, toute manifestation violente ou
contraire au code pénal est problématique. Il rappelle que les trois épisodes
perçus par M. Conne sont très distincts – le premier qui n’était pas organisé
par l’université, le second organisé par l’université, et dans ces deux cas il y a
eu en tout cas des obstructions, voire des violences manifestes. Il rappelle que
le troisième épisode quant à lui était de nature très différente, a duré beaucoup
plus longtemps, mais, à sa connaissance, il n’y a pas eu de violence. Il n’y a
pas eu de prise à partie ou d’interdiction de s’exprimer, bien au contraire. Sur
ces trois évènements, s’il a bien compris le sens de la motion, M. Conne estime
que les autorités universitaires ont failli et n’ont pas réagi de façon adéquate et
suffisamment stricte. Pour ces raisons, cette motion va comprendre une forme
de mise sous tutelle des autorités universitaires par le Conseil d’Etat. Il croit
comprendre que cette motion invite le Conseil d’Etat à inciter les autorités
universitaires à être plus réactives et interventionnistes dans ce genre de
manifestations, qui sont parfois à la limite de la légalité, parfois manifestement
illégales. Il demande si M. Conne a trouvé que l’université n’a pas réagi
correctement dans ces trois situations.

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M. Conne mentionne le séminaire qui n’a pas eu lieu, qui était organisé par
la Société genevoise de psychanalyse et de psychothérapie, et non pas par
l’université, même s’il s’agissait d’universitaires qui l’organisaient. Lors de
cet évènement, il n’y avait eu aucune prise de position de la part de l’université.
Si cette même réunion avait par exemple eu lieu dans une salle privée de
l’association en question, la police serait manifestement immédiatement
intervenue afin de demander l’évacuation des personnes empêchant le
séminaire d’avoir lieu. Evidemment, il n’appartenait pas aux organisateurs de
l’évènement de recourir à la force pour le faire. Dans la mesure où cela se passe
à l’université, il y a ambigüité. C’est-à-dire que, dans le fond, il s’agissait d’un
évènement à caractère professionnel, s’agissant d’une formation continue,
mais sur une thématique sensible, et elle se voulait un débat. Il partage que,
dans la salle, il y avait un certain nombre de personnes qui avaient une position
très critique par rapport aux intervenants principaux, et qui auraient aimé
pouvoir s’exprimer, mais qui n’ont pas pu. Cela s’est passé à l’université, dans
un lieu justement où les débats doivent pouvoir survenir, alors qu’ils sont
empêchés et que les autorités académiques ne font rien. Quant aux
organisateurs et aux participants de l’évènement, ils ne peuvent rien faire non
plus. Il y a là manifestement quelque chose qui ne va pas. C’est pour cela que
l’introduction de la motion invite à « mettre en œuvre les moyens de droit
existants ». Il rappelle qu’il s’agit d’une motion et non pas d’un projet de loi et
qu’il appartiendra au Conseil d’Etat, s’il l’approuve, d’éclaircir cette situation.
Le Conseil d’Etat décidera s’il s’agit simplement d’un manque d’attention ou
d’information du rectorat qui aurait peut-être dû réagir et qui ne l’a pas fait, ou
s’il y a manifestement un vide juridique. Le but n’est pas de dire au Conseil
d’Etat qu’il faut serrer la vis, mais de lui dire qu’il s’est passé quelque chose
d’inacceptable qui ne doit pas se reproduire. Et, si cela venait à se reproduire,
il est nécessaire de connaître quels seraient les moyens de droit pour que cela
soit empêché. Il conclut qu’il s’agit donc d’une invitation à se positionner. Il
indique ne pas avoir échangé sur cette motion avec la conseillère d’Etat et n’a
donc pas son avis.
Un député (Ve) mentionne ensuite l’évènement du printemps passé. Il
demande si l’analyse de M. Conne est que le Conseil d’Etat devrait prendre la
main plus rapidement et imposer au rectorat une intervention ferme afin de
libérer l’université de ses occupants, même si l’occupation est restée à sa
connaissance complètement pacifique, et sans débordement. Il s’agissait plutôt
des opposants aux occupants qui sont intervenus de manière violente,
notamment en arrachant des drapeaux. Indépendamment de l’adhésion ou non
aux arguments des occupants, ou encore de leur slogan, il demande si cela
aurait été souhaitable que le Conseil d’Etat impose une évacuation des lieux

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plus rapide et précoce. Il se demande à quel point cela aurait été de nature à
garantir une meilleure liberté de débats et une meilleure liberté académique. Il
a le sentiment que cela aurait eu l’effet contraire, mais il suppose que M. Conne
ne partage pas son avis et qu’il a des arguments qui l’appuient.
M. Conne rappelle que le Conseil d’Etat est finalement intervenu et a sonné
la fin de l’occupation. Il soulève que l’intervention n’aurait peut-être pas dû
venir du Conseil d’Etat, mais en interne, par l’Université de Genève.
Finalement, cela va dans le sens de sa réponse précédente. A ses yeux, il y a
un manque de clarification. Toujours est-il qu’il y a eu des débordements, et
que la situation aurait pu déraper, même si cela n’est pas arrivé. Il demande si
la presque catastrophe doit faire dire que tout va bien, ou si elle doit faire dire
qu’il y a un flou qu’il faut clarifier de manière à pouvoir mieux prévenir en
fixant peut-être des règles différentes par rapport aux manifestations et à
l’utilisation des espaces universitaires. Cela pourrait s’appliquer aussi à une
conférence, une exposition, etc. Il demande s’il faut donner des limites très
claires aux étudiants qui organiseraient ce genre d’évènements, ou s’il faut
plutôt laisser les choses se faire tout en fixant une limite nette qui ne peut pas
être franchie. Il n’a pas de réponse à cela, mais toujours est-il qu’il y a eu une
presque catastrophe qui devrait constituer un signal d’alarme. Il s’est passé un
évènement qui aurait pu déraper plus gravement, et heureusement cela n’a pas
été le cas. Mais cela pourrait se reproduire et il faudrait qu’il y ait des éléments
permettant de faire en sorte que tout se passe au mieux, sans dérapage.
Un député (LJS) demande si M. Conne a les données sur ce genre
d’évènements qui ne peuvent pas avoir lieu pour cause d’obstruction. Il
demande ensuite si la deuxième invite de la motion ne va pas à l’encontre du
droit constitutionnel. Il rappelle que ce dernier exprime clairement que la
liberté de réunion et de manifestation est garantie sur le domaine public. Il
souhaite finalement savoir si M. Conne a consulté le site de l’Université de
Genève, qui contient un règlement bien détaillé qui décrit les règles
académiques. Il souligne que des règles existent, et il demande si M. Conne ne
pense pas qu’il serait préférable d’envoyer une question écrite au Conseil
d’Etat afin de leur partager ses inquiétudes au lieu de leur faire parvenir une
motion.
M. Conne dit ne pas avoir eu d’autres expériences personnelles, mais il a
lu des articles sur ce qu’il se passe ailleurs dans le monde, notamment aux
Etats-Unis et en France. Il y a effectivement une tendance à ce genre
d’évènements. Lui n’a personnelle été confronté qu’une seule fois à la question
en 2022. Mais il n’a pas déposé cette motion cette année-là. Il y a ensuite eu à
un moment donné une montée en puissance de ces évènements, et il a jugé
nécessaire de proposer cette motion. Le but de cette dernière est d’inviter le

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Conseil d’Etat à mettre en œuvre les moyens de droit existants. Il répète que,
pour lui, l’évènement qui s’est produit était limite, malgré les moyens de droit
existants, et il pense qu’il s’agit d’éventuellement adapter le droit si les moyens
de droit ne suffisent pas. Le message qu’il souhaite envoyer au Conseil d’Etat
avec cette motion est soit que le règlement n’a pas été appliqué, soit qu’il n’est
pas suffisant pour permettre d’éviter ce genre de situations.
Un député (LJS) mentionne ensuite la deuxième invite, qui lui semble
contraire au droit constitutionnel.
M. Conne rappelle la première question de la députée (S) concernant
l’ambigüité de la formulation de la deuxième invite. Il ne s’agit bien
évidemment pas d’interdire toute manifestation. Il est question des
manifestations à caractère violent et menaçant.
Un député (PLR) réagit aux propos du député (S) concernant le concept
d’hégémonie. Il s’agissait là du cœur de la thématique lorsqu’il a mentionné
que l’hégémonie est représentée par l’institution, qui représente une forme de
perpétuation d’un affront. Il s’agit alors d’un renversement des rôles où
l’agresseur n’est pas la personne qui agresse mais l’institution. Sur ce point-là,
il y a des questions de forme qui sont absolument essentielles dans ce débat. Il
y a beaucoup de débats qui peuvent être portés, des causes, telles que la cause
palestinienne, qui sont des débats parfaitement justifiés à son sens. Cependant,
la question est la façon dont cela est dit. A ce titre, il a été assez choqué
d’apprendre que la CUAE, qui est la principale association d’étudiants, qui est
en partie financée par l’université, a produit un calendrier. Il lui semble que
c’est le cas chaque année. Dans celui de cette année, il célèbre certaines dates.
Par exemple, au samedi 6 d’un certain mois, il y a la célébration des 55 ans du
triple détournement d’avions par le Front de libération de la Palestine. La
semaine du 8 au 14 septembre, le slogan abominable « from the river to the
sea » est écrit, et il rappelle que celui-ci est malheureusement utilisé par des
ministres israéliens extrémistes et fascistes. Il demande ce que doit faire
l’université selon M. Conne par rapport à ce type de manifestations qui à son
sens s’inscrivent dans le cadre de cette motion.
M. Conne répond que cet évènement est récent et qu’il a déposé la motion
avant. N’ayant pas parcouru le calendrier en question, il n’a pas de réponse à
fournir. Il va se faire volontairement l’avocat du diable, car il défend la
diversité des points de vue. Il raconte que son beau-père est né en Palestine, et
qu’il ne la considérait pas comme un pays. Il avait alors 15 ans et la guerre des
6 jours venait de commencer. Il avait trouvé ces paroles très difficiles. Il avait
donc choisi cette thématique pour son travail de géographie, et l’avait intitulé
« Et les Palestiniens dans tout ça ». Il pense qu’il y a une réalité historique qui
est extrêmement complexe, et qui aujourd’hui malheureusement se cristallise,

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et ce peu importe le bord sur lequel on se trouve. Ce qu’il trouve très dangereux
c’est que cette cristallisation pourrait malheureusement susciter des
affrontements communautaires en Suisse, ce qu’il trouve très grave.
Il en vient ensuite à la question du calendrier. Si effectivement ce dernier
devait égrener des dates anniversaires de tous les évènements qui concernent
aussi bien le peuple juif que palestinien dans son histoire, ça serait une façon
de montrer qu’il y a eu des évènements regrettables ou pas qui ont touché ces
communautés. Mais il répète qu’il ne sait pas, car il n’a pas lu le calendrier.
Cependant, il est sûr que si ce dernier est le support pour des prises de position
qui soutiendraient les actions terroristes des uns contre les autres, cela n’est
pas acceptable. En l’occurrence, il ne sait pas quel est le pouvoir de l’université
sur cette association, car il ne connaît pas le règlement par cœur. Mais il est
certain que, s’il s’agit de l’utilisation d’une association d’étudiants et de son
calendrier distribué gratuitement, pour être un support qui vise à exacerber des
conflits communautaires, cela devrait être immédiatement sanctionné.
Mme Vrbica informe que le rectorat a publié aujourd’hui une prise de
position qui rappelle en préambule la question de la liberté de débat et
d’expression au sein de l’université. A cet égard, il organise un évènement
ouvert au public le 18 septembre afin de discuter de la place de l’université
dans un débat public. A cette occasion, le rectorat rappelle la charte éthique
qui a déjà été présentée à la commission plusieurs fois. La publication du
rectorat se termine sur la question de l’agenda, qu’elle condamne. Dans le
passage qu’elle lit, il est écrit que « la CUAE a mis à disposition des étudiants
et étudiantes un agenda gratuit contenant des messages et illustrations heurtant
tant des membres de la communauté universitaire que de la cité. Nous les
condamnons fermement. Ils vont en effet à l’encontre des valeurs de respect,
de diversité et d’inclusion que nous promouvons et nous veillerons à remédier
à cette situation ».
Une députée (Ve) aimerait revenir à l’origine de la réflexion de M. Conne
qui est ce manifeste qui appelle à la neutralité de l’institution. Son impression
est qu’il y a de la politique partout, que ce soit en ouvrant un article sur l’étude
du genre ou lorsque des fonds universitaires sont donnés pour une étude en
médecine sur les problèmes cardiovasculaires des femmes. Dans ce cas, ces
dernières sont favorisées par rapport aux hommes car il manque d’études les
concernant. Elle demande si M. Conne ne pense pas qu’il s’agit là d’une
décision politique et, si tel est le cas, elle souhaite savoir s’il trouve cela
illégitime de la part de l’université de prendre cette décision.
M. Conne répond que faire des études sur les biais épistémologiques qu’on
connaît, ce n’est pas de l’idéologie. Il répond que ce n’est donc pas illégitime.
Il s’agit là de l’imperfection de la science comme il le mentionnait

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précédemment, et de l’aspect provisoire des données scientifiques
qu’heureusement on peut corriger. Il reprend le premier exemple de Mme Atassi
sur les études de genre, et soulève que la question est de savoir comment
articuler les questions de l’évolution biologique et sociale de l’humain. Cela
est de l’ordre de la biologie des sexes. Il ajoute qu’il y a eu de vastes recherches
en sociologie sur les notions de construit social. La liberté académique n’est
pas dans l’idéologie ni dans la politique.
Une députée (Ve) soulève qu’il y a pour elle une ambigüité entre la liberté
et la neutralité et elle se demande où la limite doit être fixée. Elle aimerait
ensuite revenir sur le fond de la deuxième invite de M. Conne. Pour elle, il
manque un sujet, c’est pourquoi elle est allée lire sa proposition d’amendement
qui était en collaboration avec le rectorat. Elle imagine donc que ce n’est pas
le rectorat qui a priori interdirait les manifestations. Elle demande donc qui
aurait ce rôle. Elle demande finalement si M. Conne souhaiterait, si tant est que
ce soit le rôle du rectorat, que sa marge de manœuvre soit limitée afin de le
forcer à prendre systématiquement une décision et à peut-être
systématiquement appeler les forces de l’ordre.
M. Conne pense que c’est au Conseil d’Etat et au rectorat de répondre. Il
rappelle que la motion demande de mettre en œuvre la législation. Il n’a pas
d’a priori sur la question. Pour lui, l’important est que la parole puisse être
exprimée quelle qu’elle soit dans l’idée d’une écoute et d’une contradiction
respectueuse, et que tout ce qui va dans le sens d’une expression ou d’un
déroulement d’évènements à caractère menaçant et violent ne soit pas autorisé.
Il répète l’ambigüité des termes utilisés dans la deuxième invite, mais il
pourrait conclure en regardant un député (Ve), qui lui avait fait la remarque
lors de la précédente plénière que son texte était un peu bâclé, que ce n’est pas
tombé dans l’oreille d’un sourd. Il rappelle que ce qui lui importe ici est plus
le fond que la lettre. Le message qui doit être entendu ici est que l’université
soit un lieu de débat respectueux, que ce soit au niveau des étudiants ou du
corps enseignant.
Un député (PLR) demande, si une entité de l’université venait inviter
Bertrand Cantat pour parler de la musique française, si M. Conne serait pour
interdire ou non sa venue ainsi que les manifestations qui s’en suivraient. Il
souligne que la liberté d’expression existe dans le cadre universitaire. Il
rappelle que Bertrand Cantat a fait une chose assez atroce et qu’il a purgé sa
peine. Cependant, à chaque fois qu’il souhaite faire quelque chose, il est
sanctionné par des manifestations ou des tentatives de manifestation assez
violentes. Il demande s’il serait nécessaire ou non d’interdire son invitation, ou
les manifestations qui suivraient l’invitation.

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M. Conne n’a pas de réponse personnelle à la question qui soit utile au
débat. Ce qu’il serait important de connaître dans ce cas serait le
positionnement de l’université. A titre personnel, il considère qu’à partir du
moment où un criminel a payé sa dette à la société, il doit pouvoir
effectivement reprendre sa vie d’une manière générale. Sinon, le droit pénal
n’a absolument aucun sens. Il ne pense cependant pas que son avis soit
pertinent dans le cadre de cette discussion.
La présidente croit comprendre que M. Conne entend par le terme
« prévenir » qu’il faut éviter d’inviter une personne qui pourrait susciter un
débordement. Elle demande quelle est son interprétation de ce mot.
M. Conne répond que ce n’est pas son interprétation. Il s’agirait là
d’autocensure, ce qu’il trouve dangereux et est à l’encontre de ce qu’il défend.
Il suggère ensuite l’audition du premier auteur de plaidoyer, Olivier Massin,
qui est un professeur de philosophie à l’Université de Neuchâtel.
La présidente propose d’attendre la deuxième présentation sur les
universités de la semaine prochaine avant de décider des auditions.
Travaux de la commission en commun sur les trois objets
Audition de Mme Audrey Leuba, rectrice de l’Université de Genève, et de
M. Didier Raboud, secrétaire général – 30 janvier 2025
Mme Leuba indique que la M 3029 soulève la question de la suspension des
collaborations avec les institutions académiques israéliennes. Elle précise que
le terme collaboration est large et recouvre différents types d’accords.
Elle explique que le rectorat s’est interrogé sur une question politique plus
large, à savoir la place des universités dans le débat public. Au-delà des
collaborations avec des pays en conflit, d’autres enjeux doivent être pris en
compte, notamment les questions environnementales et celles liées au statut
des personnes, comme les questions de genre. L’ensemble de ces
problématiques mérite une réflexion approfondie. Elle souligne l’importance
pour l’université d’avoir une ligne claire sur ces sujets, ce qui a rapidement été
communiqué.
Elle précise que le rectorat a atteint les limites de ce qu’il pouvait faire sans
répondre pleinement à la question de la place de l’université dans le débat
public. Pour approfondir cette réflexion, un comité scientifique a été mandaté
entre mi-mai et début juin. Ce comité, composé de membres de l’institution
ainsi que de personnalités extérieures, siège régulièrement et devrait rendre son
rapport courant février.

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Sur la base de ce rapport, le rectorat consultera les organes clés de
l’institution, notamment l’assemblée et le CRD, conseil regroupant le rectorat
et les doyens. Une discussion avec la communauté universitaire est également
prévue avant que le rectorat ne prenne une décision. Elle insiste sur la
complexité du sujet et indique que le rectorat en est conscient.
Dans l’intervalle, des mesures ont été prises pour améliorer la transparence
concernant les accords de collaboration internationaux. Une page dédiée sur le
site web de l’université recense désormais les ressources relatives aux
différents accords, projets et partenariats. Par ailleurs, l’université s’est
engagée à renforcer les contrôles éthiques, et l’ensemble des procédures
concernées est en cours de révision.
Concernant les liens avec Gaza, Mme Leuba indique que l’UNIGE met en
place des programmes spécifiques pour les régions touchées par des conflits
armés et des crises humanitaires. Elle cite notamment le Programme Horizon
Académique, le Réseau Scholars at Risk et le Programme InZone, soulignant
que ces dispositifs sont en place et fonctionnent efficacement. Elle ajoute que
l’UNIGE a cherché à apporter son soutien dans le domaine de la santé à travers
la Gaza Health Initiative.
Elle conclut en rappelant que l’université dispose de dispositifs d’accueil
destinés aux académiques victimes de conflits armés et de crises humanitaires.
Au sujet de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent
des espaces de débats et de tolérance », Mme Leuba rappelle que cette motion
invite le Conseil d’Etat à mettre tout en œuvre pour garantir la liberté du débat
contradictoire à l’université et qu’elle souligne aussi l’importance de prévenir,
interdire si nécessaire, et mettre fin à toute manifestation idéologique imposant
une vérité contre une autre, ainsi qu’à toute action menaçante à l’encontre du
personnel académique et des étudiants. La motion insiste enfin sur la nécessité
de protéger les biens et les personnes au sein de l’institution.
Mme Leuba souligne les principes fondamentaux qui gouvernent
l’université, notamment la liberté d’expression, garantie par la Constitution
fédérale, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Pacte
des Nations Unies sur les droits civils et politiques. Elle insiste sur le fait qu’il
s’agit d’une liberté fondamentale qui guide l’université. Cette liberté inclut la
recherche de la vérité par la confrontation des points de vue, la présentation
d’opinions et d’écoles de pensée diverses, ainsi que l’expression de critiques.
Mme Leuba précise que cette liberté doit toutefois s’exercer dans le respect de
la personne et qu’elle n’est pas absolue, pouvant être soumise à des restrictions.
Elle cite la Déclaration de Bonn sur la liberté de recherche scientifique pour
appuyer ses propos.

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Mme Leuba rappelle que les manifestations ont leur place à l’université, à
condition de respecter les règles de sécurité, les limites légales et les principes
éthiques définis dans la charte d’éthique. Elle précise que toute manifestation
organisée au sein de l’UNIGE est soumise à autorisation préalable.
Elle évoque les actions menaçantes qui ont eu lieu et précise que certaines
manifestations portant sur des sujets particulièrement sensibles ont déjà
entraîné des réactions vives, voire des interruptions temporaires. Elle note une
polarisation croissante autour de certains thèmes et considère que les
manifestations deviennent plus intenses et engendrent parfois des effets
indésirables. Elle signale également que l’UNIGE a été confrontée à des
intrusions menaçantes et à des situations que l’institution ne peut tolérer. Face
à cela, une plainte pénale a déjà été déposée et le dispositif de sécurité a été
adapté.
Elle note que la société est aujourd’hui plus polarisée et parfois plus
violente, ce qui se répercute sur l’université. Le débat doit être protégé,
notamment en amont par des mesures de sécurité, et en aval par des dépôts de
plaintes pénales si nécessaire.
En conclusion, elle précise que les dispositifs de sécurité ont été renforcés,
et que des sanctions administratives, civiles et pénales peuvent être engagées
en cas de non-respect des règles. Elle rappelle enfin que les étudiants sont tenus
de respecter la charte d’éthique de l’université.
Mme Leuba aborde ensuite le PL 13536 modifiant la loi sur l’université.
Elle commence par évoquer le cadre réglementaire encadrant les
manifestations. Celles-ci sont ouvertes aux associations étudiantes, aux
collaboratrices et collaborateurs, ainsi qu’aux personnes extérieures, mais sous
réserve d’une autorisation préalable. Une demande doit être formulée, et
l’université procède à un certain nombre de contrôles dans ce cadre. Elle
mentionne le cas de l’occupation des locaux par la CEP, précisant que ladite
occupation est toutefois intervenue sans autorisation.
Elle rappelle que les activités organisées doivent être compatibles avec les
missions de l’institution ainsi qu’avec sa charte d’éthique et de déontologie.
Elle souligne que certains comportements et actions sont interdits à l’intérieur
des locaux universitaires et aux abords des bâtiments de l’université. Elle cite
un extrait de la directive « Utilisation des locaux de l’Université de Genève »,
qui proscrit notamment « tout procédé de réclame diffusant une information
ou un message contraire à la loi, aux bonnes mœurs ou à l’ordre public ; toute
activité de propagande et de prosélytisme politique et religieux, y compris les
récoltes de signatures, les campagnes d’adhésion à une entité extérieure à
l’Université, etc. ; toute activité cultuelle ».

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Sur le plan politique, elle souligne que l’université observe actuellement
une certaine réserve dans l’attente des conclusions du comité scientifique qui
lui permettront d’adopter une ligne prévalant de manière générale chaque fois
qu’un positionnement politique est demandé à l’université. Concernant la
liberté d’expression, elle rappelle son importance et précise que celle-ci inclut
également les propos qui peuvent choquer ou heurter. Cependant, cette liberté
trouve ses limites dans les règles qui encadrent les institutions. Elle insiste sur
le fait que toute forme d’appel à la violence, d’antisémitisme et d’islamophobie
est strictement interdite, car contraire à la loi et aux valeurs fondamentales de
l’université.
Elle conclut en rappelant que l’université doit garantir ses missions
essentielles, qui sont l’enseignement, la recherche et le service à la cité. Elle
souligne enfin que l’université est un établissement public autonome,
c’est-à-dire un établissement qui doit pouvoir rester autonome sur ces
questions.
Une députée (PLR) demande ce qu’est le renforcement du contrôle éthique
(M 3029).
Mme Leuba dit qu’il y a une commission dédiée qui procède au contrôle
éthique d’un certain nombre de travaux de chercheurs. Le vice-recteur chargé
de la recherche est en train de travailler avec cette commission ainsi que divers
services pour avoir une vision plus complète des contrôles effectués et
uniformiser les formulaires devant être remplis en cas de conclusion d’un
accord de recherche. Elle ajoute qu’il y a une volonté de simplifier les choses
et de les clarifier pour les chercheurs, sans alourdir les processus tout en étant
le plus rigoureux possible. Cela est en cours.
Une députée (PLR) demande si cette commission intervient en cas de
manifestations, en particulier lorsque celles-ci se déroulent mal et soulèvent
des questions éthiques.
Mme Leuba répond que non, cette commission est spécifiquement chargée
des questions d’éthique de la recherche. Toutefois, elle précise que le rectorat
a eu un échange avec le comité d’éthique et de déontologie de l’université à
propos des manifestations au sein des locaux.
Une députée (MCG) s’interroge sur le processus de vérification des
connaissances des étudiants migrants, notamment en ce qui concerne
l’évaluation de leur niveau de langue.
M. Raboud explique que, depuis 2016, une passerelle a été mise en place
pour les étudiants migrants n’ayant pas pu achever leurs études dans leur pays
d’origine. Ce dispositif, le Programme Horizon Académique, leur permet
d’apprendre le français, de suivre des cours attribuant des crédits virtuels et de

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bénéficier d’un accompagnement en vue de leur immatriculation à l’université.
Actuellement, ce programme est aussi accessible à l’IHEID et à la HES-SO
Genève. Il précise que de nombreux réfugiés ukrainiens ont rejoint ce
programme et assure que l’université est prête à accueillir d’autres étudiants
en cas d’afflux migratoire.
Une députée (MCG) s’interroge sur une éventuelle inégalité de traitement
entre les personnes venant d’un pays qui n’est pas en guerre, mais ayant des
besoins similaires à ceux des étudiants migrants bénéficiant du programme.
M. Raboud répond que ce programme est également accessible aux Suisses
revenant de l’étranger. Il précise toutefois que les conditions d’immatriculation
restent inchangées et que la seule aide offerte dans ce cadre est un programme
passerelle.
Une députée (MCG) souligne que la notion de bonnes mœurs a évolué
depuis 1950 et qu’elle ne signifie plus la même chose aujourd’hui. Elle
demande comment ces termes ont été intégrés dans le texte du règlement de
l’université.
Mme Leuba répond que ces termes ont été repris d’un règlement plus ancien.
Elle précise toutefois que la notion de bonnes mœurs n’est pas une référence
fréquemment utilisée dans l’application des règles universitaires.
Une députée (MCG) fait référence au délit de blasphème prévu à
l’article 261 CP et s’interroge sur les limites de l’islamophobie par rapport à
l’antisémitisme.
Mme Leuba répond que, ce qui ne peut être toléré, c’est le fait de s’attaquer
à une personne en raison de ses croyances. Elle précise que chaque situation
ferait l’objet d’une appréciation au cas par cas, en fonction du contexte et des
circonstances spécifiques.
Une députée (PLR) exprime sa frustration face aux réponses apportées. Elle
indique avoir reçu une excellente réponse académique, mais estime qu’elle
manque de pragmatisme. Elle ne comprend pas clairement la position de
l’université sur les textes traités et perçoit un sentiment de flottement dans sa
réaction. Elle a l’impression que l’université n’avait pas de ligne claire et
qu’elle a pris beaucoup de temps avant de prendre des décisions, alors que les
écoles polytechniques ont réagi rapidement. Elle se demande si le rapport en
cours va fournir un fil conducteur avec des outils concrets. Elle dit qu’elle
attendait une position plus courageuse et demande quelle est précisément celle
de l’université.
Mme Leuba répond qu’elle ne partage pas cette analyse. Selon elle,
l’université a toujours eu une ligne claire et a réagi face à un sentiment fort de
frustration et d’empathie face aux évènements à Gaza. Elle souligne que

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l’institution a été en harmonie avec sa communauté et rappelle que l’Université
de Lausanne a fait face aux mêmes manifestations à trois jours d’intervalle.
Comme l’UNIGE, l’UNIL a mandaté un comité pour se pencher sur la
question. Elle précise que les écoles polytechniques, relevant de la
Confédération, sont soumises à des règles différentes.
Elle indique que l’UNIGE ne soutient pas la M 3029. La première objection
repose sur le principe d’autonomie de l’université. Au-delà de cet aspect,
l’UNIGE considère que la question est complexe et délicate, nécessitant une
réflexion approfondie. Une consultation interne est prévue au sein de
l’institution. Elle invite ainsi la commission à s’écarter de cette motion.
Concernant le PL 13536, qui modifie la loi sur l’université, Mme Leuba
indique que des programmes existants répondent déjà aux objectifs de cette
motion. Elle estime que l’UNIGE est à la pointe sur ces sujets après
comparaison avec d’autres institutions.
A propos de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent
des espaces de débats et de tolérance », elle rappelle que ce principe découle
directement de la Constitution, à laquelle l’UNIGE est soumise. Elle considère
qu’il n’y a pas de difficulté à ce sujet et que la retenue politique est déjà bien
respectée. Selon elle, il n’est pas nécessaire d’introduire des dispositions
supplémentaires dans la loi à cet égard.
Une députée (Ve) fait référence à la manifestation de mai 2024 et demande
à quoi ressemblerait une manifestation acceptée par l’université.
Mme Leuba répond que la différence majeure aurait été l’absence
d’occupation nocturne et le fait d’enlever une banderole contenant le slogan
« From the river to the sea », qui est clivant et suscitait de fortes réactions au
sein de la communauté. Elle précise que la manifestation a duré une semaine
et qu’un cadre mieux défini, avec une autorisation préalable, aurait permis de
réduire les mesures de sécurité nécessaires et, par conséquent, de limiter les
coûts pour l’institution.
Un député (S) mentionne la publication, ce mardi, du rapport du groupe de
travail de l’UNIL sur le cadre éthique des collaborations externes et il demande
si l’on peut s’attendre à un rapport similaire en termes de forme à l’UNIGE.
Mme Leuba répond que les questions posées au comité ne sont pas
exactement les mêmes et elle estime que la réponse de l’UNIGE pourrait dès
lors être différente sur certains aspects. Elle précise que la question centrale
pour l’université est de savoir si elle peut adopter une position politique, alors
que cette question n’a pas été posée au comité scientifique de l’UNIL.
Cependant, elle souligne que le contrôle éthique mis en place à l’UNIGE se
rapproche de celui de Lausanne.

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Un député (S) demande quels seraient le processus et le calendrier si le
rapport recommandait une réévaluation des collaborations.
Mme Leuba indique que le positionnement de l’institution est prévu pour le
mois de mai, après consultation des organes de l’université et des membres de
la communauté universitaire. Les décisions devront ensuite être concrétisées.
Elle précise que la réévaluation des procédures, déjà en cours, devrait être plus
rapide.
Un député (S) demande davantage d’informations sur les limites de la
charte d’éthique et de déontologie de l’UNIGE.
Mme Leuba répond que la liberté d’expression est plus large que ce que l’on
imagine généralement et qu’elle inclut les propos qui choquent. Toutefois,
l’université intervient lorsque cela est nécessaire pour qu’elle puisse assurer sa
mission. Si une manifestation discrimine un groupe ou pose des problèmes de
sécurité, l’université prendra également des mesures.
Un député (PLR) reconnaît la complexité des questions abordées et la
difficulté de leur application. Il comprend la volonté de mettre en place un
comité scientifique, mais souligne que le rectorat devra incarner la position de
l’université. Il exprime des inquiétudes quant aux consultations évoquées,
craignant qu’elles n’attirent des personnes venant avec des revendications
diverses. Il se demande comment cela sera géré.
Mme Leuba admet que la situation est compliquée. Elle précise que le
rectorat, même s’il décidera seul in fine, doit impliquer la communauté
universitaire dans un dialogue. Elle assure que le rectorat n’hésitera pas à
prendre position, mais qu’il est important de pouvoir au préalable sensibiliser
la communauté aux difficultés des questions posées ; c’est le sens du débat
avec la communauté. Le rectorat prendra ensuite ses responsabilités.
Un député (PLR) souligne que la rectrice a la possibilité de fixer des limites
et de ne pas aller au-delà de certains points.
Mme Leuba réaffirme que le rectorat assumera pleinement ses
responsabilités.
Un député (PLR) interroge ensuite sur le rôle du recteur, se demandant s’il
lui appartient d’exprimer un choc ou une empathie face à une cause, ce qui
pourrait l’amener à se positionner sur de nombreux autres sujets. Il estime que
l’émotion transmise à la communauté pourrait prendre une place trop
importante.
Mme Leuba répond que l’émotion vient de la communauté universitaire
elle-même et que le rectorat ne fait que le relais. Elle considère que cela n’a
pas suscité de réactions négatives et que cela ne pose pas de problème. Elle

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reconnaît cependant qu’il n’est pas possible de le faire sur tous les sujets, car
si cela devenait systématique, ces déclarations perdraient de leur impact.
Un député (PLR) s’interroge sur le rôle de la CUAE, qu’il qualifie
d’association en roue libre, estimant qu’elle n’est pas représentative de
l’ensemble de la communauté étudiante. Il critique certaines de ses prises de
position, qui ont choqué, et demande comment l’UNIGE peut reprendre le
contrôle sur cette association.
Mme Leuba précise que la CUAE était très impliquée dans cette cause, mais
que l’UNIGE était dans les faits en discussion avec la CEP, qui est un collectif
non reconnu par l’institution et qu’il convient de distinguer de la CUAE.
Une députée (MCG) s’interroge sur le rôle du rectorat dans la gestion de la
manifestation et demande si la peur de certaines personnes a pu influencer la
durée du temps d’évacuation.
Mme Leuba répond qu’elle a agi en juriste, en s’appuyant sur les libertés
fondamentales, notamment celle d’expression. Elle explique que l’objectif
était de ramener la situation à une stabilité par le dialogue, tout en garantissant
la sécurité de chacun. Elle précise que, du mardi au vendredi, des négociations
ont eu lieu pour tenter de trouver un accord, mais que, le samedi, il est apparu
clairement que l’accord n’était pas possible.
Une députée (Ve) s’interroge sur la perception du rectorat face à cette
manifestation. Elle souligne que celle-ci portait des revendications précises et
impliquait également des rapports de force, visant à exercer une pression sur
l’institution.
Mme Leuba reconnaît que la manifestation a eu un impact sur le rectorat.
Elle rappelle ainsi que l’université a émis une prise de position concernant le
conflit à Gaza, a renforcé la transparence des accords de collaboration et a pris
les mesures évoquées précédemment.
Une députée (Ve) demande davantage d’informations sur la réévaluation
des collaborations et s’interroge sur l’origine des décisions à ce sujet.
Mme Leuba répond que le rapport du comité scientifique apportera des
précisions et des recommandations. Elle explique que le rectorat fera une
première détermination, avant de consulter l’assemblée de l’université et les
doyens. Mme Leuba répond que le rapport du comité scientifique apportera des
précisions et des recommandations. Elle explique que le rectorat fera une
première détermination, avant de consulter l’assemblée de l’université, les
doyens et la communauté.
Une députée (Ve) précise que sa question concerne la réévaluation des
collaborations déjà existantes.

PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

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Mme Leuba indique que cette question a été explicitement posée au comité
scientifique, qui devra se prononcer sur le sujet.
Un député (S) félicite Mme Leuba pour la cohérence de ses réponses, bien
qu’il ne partage pas toutes ses positions. Il reconnaît que la forme des
manifestations a posé problème, mais il s’interroge sur les échanges de fond
qui ont eu lieu avec le collectif concernant ses revendications.
Mme Leuba répond que l’université a rencontré le collectif, qui demandait
une renonciation immédiate aux collaborations avec les universités
israéliennes. Elle précise que le rectorat a rapidement indiqué que la question
dépassait largement le cadre des collaborations avec Israël, et que les
discussions ne sont pas allées plus loin sur ce point.
Un député (S) demande si le rectorat a pu échanger sur le diagnostic de la
situation, notamment sur l’état des lieux et les chiffres présentés par le
collectif.
Mme Leuba répond que les chiffres et autres données fournies ramenaient
toujours à la question de savoir si les universités peuvent adopter un
positionnement politique dans le débat public.
Un député (S) interroge ensuite Mme Leuba sur sa perception, en tant que
rectrice, de la neutralité de l’université. Il demande si aborder des questions
factuelles et objectives à travers le droit international humanitaire ou des
analyses sociologiques et politiques, notamment sur la ségrégation ou
l’apartheid, constitue une prise de position politique.
Mme Leuba répond car ces sujets sont traités par les chercheuses et
chercheurs dans un cadre scientifique.
Une députée (Ve) demande quel a été le processus suivi en 2022 lors de la
suspension des collaborations avec les universités russes.
Mme Leuba répond que la situation était différente, car Swissuniversities
s’était ralliée à une décision du Conseil fédéral, qui condamnait fermement
l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie. Elle précise que plusieurs
recteurs d’universités russes avaient publiquement soutenu l’« opération
spéciale » menée par le président Poutine. Dans ce contexte, les institutions
politiques russes ne faisaient preuve d’aucune retenue, affichant clairement
leur soutien à l’offensive militaire.
Une députée (Ve) demande si cette décision reflétait la position propre du
rectorat ou s’il s’agissait d’une directive de Swissuniversities.
Mme Leuba précise que Swissuniversities a formulé une déclaration, que
l’UNIGE a ensuite suivie.

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La présidente souligne que le rectorat a choisi de soumettre la question au
comité scientifique, mais que la liste des membres de ce comité ainsi que le
détail de son mandat ne sont pas rendus publics. Elle s’interroge sur la raison
de cette absence de transparence et sur le choix de ne pas confier cette réflexion
au comité d’éthique et de déontologie.
Mme Leuba explique l’importance d’inclure des experts possédant des
connaissances pointues sur le sujet, d’inclure dans la réflexion les étudiantes
et étudiants et le corps intermédiaire, et qu’il était important que les membres
du comité, notamment les étudiantes et étudiants, ne fassent pas l’objet de
pressions les empêchant de librement s’exprimer. Elle précise toutefois qu’elle
est disposée à communiquer les noms des membres du comité si la commission
le souhaite. Elle ajoute que, lorsque le rapport sera publié, les noms des
membres seront rendus publics.
Une députée (PLR) demande si Mme Leuba serait disposée à présenter le
rapport une fois qu’il sera publié.
Mme Leuba répond affirmativement.
La présidente remercie les personnes auditionnées de leur présence.
Une députée (PLR) propose de geler les travaux relatifs aux trois objets en
question jusqu’à la publication du rapport du comité scientifique, tout en les
maintenant groupés.
La présidente demande si cette proposition convient à tout le monde.
Aucune opposition n’est exprimée, et les travaux sur le PL 13536 ainsi que sur
les M 3029 et M 3030 sont gelés.
Deuxième audition de M me Leuba, rectrice de l’Université de Genève, et
de M. Frédéric Bernard, membre du comité scientifique et président de la
rédaction du rapport révisé – 15 mai 2025
La présidente accueille les auditionnés et leur cède la parole. Elle précise
que Mme Leuba risque d’être interrompue par des messages et de devoir partir
plus tôt.
Mme Leuba remercie la commission de les accueillir. Elle indique qu’un
groupe spécialement mandaté, appelé comité scientifique, a été chargé de
traiter la question. Elle rappelle l’occupation du hall d’Uni Mail en mai 2024,
et précise que la revendication principale de la Coordination étudiante pour la
Palestine (CEP) est la fin des partenariats entre le rectorat et les universités
israéliennes. La question fondamentale est la suivante : une institution
académique peut-elle se prononcer dans le débat public ? Et, le cas échéant,
peut-elle aller jusqu’à mettre fin à des partenariats ?

PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

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Elle indique que la question s’est posée à l’occasion de la guerre entre Israël
et le Hamas à Gaza, mais qu’elle pourrait également se poser dans d’autres
conflits, notamment Inde-Pakistan, en Syrie, au Soudan, ainsi que dans
d’autres domaines comme les enjeux climatiques ou les questions de société.
Elle précise qu’il ne leur a pas semblé opportun d’y répondre sous la pression
de la CEP et qu’ils ont donc mandaté un comité scientifique, qui est paritaire
et représentatif du corps intermédiaire, du corps professoral et du corps
estudiantin. L’objectif est que la restitution de ce comité scientifique permette
au rectorat de prendre position dans les années à venir s’agissant du
positionnement de l’institution dans le débat public.
Elle passe ensuite au rappel de quelques dates. En mai 2024, le rectorat a
constitué un comité scientifique composé de représentants de la communauté
universitaire ainsi que de membres externes. En février 2025, le comité
scientifique a remis sept recommandations accompagnées d’un rapport. Elle
précise qu’ils ont constaté que d’autres institutions académiques ont suivi une
démarche similaire, c’est-à-dire qu’elles ont également fait appel à un comité
ou à un groupe d’experts. Les restitutions ont eu lieu à peu près au même
moment. En avril 2025, un cas de plagiat a été révélé dans le rapport genevois,
qui a été retiré du site internet de l’institution. Le plagiat concerne un auteur et
non l’ensemble du comité scientifique. En mai 2025, le comité scientifique doit
remettre un rapport révisé. La précédente présidence était l’autrice du plagiat.
M. Bernard a été nommé nouveau directeur du rapport révisé.
Mme Leuba indique qu’ils ont repris un processus de consultation, initié à
la suite du rapport remis par le comité scientifique. La situation liée au plagiat
a suscité de l’émotion au sein de l’institution, ce qui a rendu difficile la
discussion sur le fond. Le rapport révisé sera conforme aux règles de
l’université ainsi qu’à la charte d’éthique et de déontologie. L’ensemble des
organes ont été consultés : l’assemblée de l’université, le CRD (commission
regroupant l’ensemble des doyens et deux directrices de centre), le comité
d’éthique et de déontologie, le conseil d’orientation stratégique (COSt), ainsi
que plus largement la communauté universitaire. Elle précise que la CUAE,
association faîtière des associations d’étudiants, a organisé lundi un town hall
meeting pour discuter de cette thématique. Elle ajoute qu’aucune date précise
n’a été fixée pour la prise de position du rectorat, mais qu’elle n’interviendra
pas avant la fin du semestre de printemps.
Elle rappelle le mandat du comité scientifique, qui devait étudier deux
questions : les universités peuvent-elles se positionner dans le débat public, et
notamment sur des thématiques politiques ou des sujets clivants pour leur
communauté (conflits armés dans certaines régions du monde, enjeux
climatiques, certaines questions de société) ? Les universités peuvent-elles

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suspendre ou interrompre des accords de collaboration et des partenariats
scientifiques auxquels elles sont parties, en se fondant sur des motifs reposant
sur des considérations politiques ou en lien avec des sujets clivants pour leur
communauté ?
Elle présente ensuite les membres composant le comité scientifique. Elle
précise que certains ont une expérience davantage politique, d’autres
davantage académique. Le comité comprend notamment trois représentants
étudiants, une doyenne et deux professeurs.
M. Bernard explique le fonctionnement du comité. Il précise le contenu des
conclusions, et en quoi le plagiat – inacceptable et très regrettable – n’entache
pas le travail du comité et ne devrait pas conduire à son rejet. Il indique qu’il
y a eu, en réalité, deux phases : la première, dès le début de l’été 2024 jusqu’à
l’automne 2024, durant laquelle le comité a mené toute une série d’auditions.
Sur la base de ces auditions, ils ont réfléchi afin d’apporter des éléments de
réponse aux questions posées par le rectorat.
Il ajoute qu’ils sont ainsi parvenus à leurs conclusions. Le point de départ
était de considérer que les recommandations devraient pouvoir être appliquées
de manière générale, et qu’il fallait préserver une certaine cohérence, même si
l’on se rappelle que le comité a été créé à la suite de la situation à Gaza. Il
explique qu’ils ont tenté de définir des critères objectifs permettant d’identifier
les situations dans lesquelles l’université pourrait ou devrait prendre position
(en dehors de la défense de ses missions), et qui pourraient être appliqués sans
sélectivité. Il conclut que le comité est progressivement arrivé à la conclusion
que cette tâche était impossible.
Il précise qu’ils ont admis que l’université pouvait se positionner
lorsqu’elle était elle-même au cœur du débat public ou lorsque certaines de ses
missions étaient directement concernées. Il cite comme exemple la question de
l’expérimentation animale, sur laquelle l’université a pris position, étant donné
que cela touche ses missions : une partie de ses activités est concernée par le
résultat de la votation, ce qui aurait pu conduire à l’arrêt de certaines recherches
en cours.
Sous cette réserve, ils sont parvenus à la conclusion que définir des critères
est impossible. Dans la nouvelle version du rapport, une annexe
supplémentaire présentera toutes les questions auxquelles il faudrait répondre
pour pouvoir établir de tels critères. Il ajoute que cela rejoint également
certains avis exprimés lors des auditions : si l’université prend position de
manière institutionnelle, les personnes ayant un autre point de vue pourraient
être dissuadées de mener leurs recherches ou de s’exprimer au sein de

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l’université. Il indique qu’une doxa officielle de l’institution ne leur paraît pas
souhaitable.
Il précise que cette position n’a rien d’original, car toute une série de
sources viennent la conforter, notamment la jurisprudence de la Cour
européenne des droits de l’homme en matière de liberté d’expression, le
rapport Kalven de l’Université de Chicago de 1967, ainsi que le rapport de la
Ligue européenne des universités de recherche (LERU) consacré à la liberté
académique.
Ensuite, ils se sont interrogés sur le terme à utiliser. Les termes « neutralité
institutionnelle » leur a semblé inadapté, car l’université n’est pas neutre en
raison de ses missions et du fait qu’elle doit favoriser le débat. Le mot
« neutralité » lui-même est également politiquement chargé dans le contexte
helvétique. Ils ont donc préféré l’expression « réserve institutionnelle », et
c’est précisément sur ce point qu’a porté le plagiat. Cette expression a été
proposée par Mme Cécile Laborde en 2024, sur la base de réflexions menées
aux Etats-Unis. A partir de ce principe, le comité scientifique a adopté sept
résolutions :
– La première consiste à affirmer le principe de la réserve institutionnelle au
sein de l’Université de Genève.
– La seconde, à défendre la liberté académique.
– La troisième, à promouvoir la liberté d’expression.
– La quatrième, à préserver les accords de collaboration et les partenariats
scientifiques.
– La cinquième, à harmoniser l’évaluation éthique et déontologique des
projets de recherche.
– La sixième, à clarifier l’affectation et l’utilisation des locaux de
l’université.
– La septième, à améliorer la diffusion de la charte d’éthique et de
déontologie et son appropriation par l’ensemble de la communauté
universitaire.
Ils ont conclu qu’il n’appartient pas à l’université d’interrompre ses
collaborations avec les universités d’un Etat, car cela constitue une forme de
positionnement contraire au principe de réserve institutionnelle. Cela ne
signifie pas pour autant que tous les partenariats sont admissibles ou doivent
être maintenus. Il précise que, si un réexamen des partenariats doit avoir lieu,
celui-ci doit être mené de manière fine, accord par accord, et qu’il n’y a pas
lieu de prendre une décision de principe sur l’arrêt des collaborations.

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Concernant les universités russes, l’Université de Genève a mis fin à
certaines collaborations à la suite d’une décision politique et d’un consensus
partagé par de nombreuses universités européennes. Le comité scientifique a
conclu, dans son rapport, que cette décision avait été prise trop rapidement et
qu’elle allait à l’encontre du principe de réserve institutionnelle.
Mme Leuba conclut en indiquant qu’ils invitent les députés à refuser ces
trois objets parlementaires, car l’UNIGE dispose des moyens nécessaires pour
répondre à ces questions.
Une députée (Ve) demande ce qu’ils feront si, à la suite de la consultation
des organes sur le rapport révisé, ces derniers ne sont pas d’accord.
Mme Leuba répond qu’ils tiendront compte globalement des avis exprimés,
et que le rectorat se positionnera par la suite, dans le respect de la diversité de
sa communauté.
Une députée (Ve) demande davantage d’informations sur le plagiat.
Mme Leuba précise que le plagiat concerne une seule personne, et que
celui-ci n’a pas été contesté par l’université mais immédiatement constaté. Elle
ajoute qu’une procédure est en cours, laquelle pourra le cas échéant aboutir à
des sanctions.
Une députée (Ve) demande s’il y a bien, d’une part, la consultation des
organes, puis, d’autre part, la prise de position du rectorat. Elle souhaite
également savoir par quels moyens cette consultation est menée.
Mme Leuba explique que la consultation des différents organes se fait au
sein de l’institution. Elle cite l’assemblée, qui a reçu le premier rapport et a
consacré une partie d’une séance à sa discussion. La consultation du Conseil
rectorat-décanat (CRD) est prévue en plusieurs étapes ; elle précise qu’une
autre séance avec eux est encore à venir. Elle indique que certains organes se
sont exprimés par écrit, d’autres oralement lors d’une séance avec le rectorat.
Elle ajoute que le town hall meeting organisé par l’université a été suspendu à
la suite de la découverte du plagiat, car l’émotion suscitée empêchait une
discussion de fond. La CUAE a alors organisé son propre town hall lundi
dernier. Certains membres du rectorat y étaient présents, dont le vice-recteur,
M. Gentaz. Le rectorat a pris note des avis exprimés lors de cette rencontre.
Une députée (Ve) indique qu’il est délicat que le rectorat ne se soit pas
encore prononcé. Elle rappelle que le contenu du rapport ainsi que ses
conclusions stipulent que chaque projet et chaque collaboration doivent être
examinés au cas par cas. Elle demande si, concernant les collaborations avec
les universités russes, celles-ci seront également reprises et évaluées au cas par
cas.

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Mme Leuba répond qu’ils ne se prononceront pas sur le fond à ce stade. Elle
précise qu’ils n’ont pas abordé la question d’une éventuelle reprise des
collaborations avec la Russie.
Une députée (Ve) indique que l’université ne savait pas quels projets de
recherche étaient menés en collaboration avec les universités israéliennes.
C’est pourquoi le comité scientifique a recommandé davantage de transparence
sur les activités de l’université. Elle demande quelles mesures ont été prises
par le rectorat.
Mme Leuba répond qu’ils avaient connaissance de ces collaborations, mais
que les informations étaient très dispersées sur leur site internet, ce qui les
rendait difficilement accessibles. Elle précise qu’ils ont créé, l’année dernière,
une page dédiée sur leur site internet. Elle affirme que la transparence est
désormais assurée.
Un député (PLR) affirme que le plagiat est un épiphénomène, présent
depuis la nuit des temps, et que, s’il détruit la personne ayant rédigé le rapport,
il ne remet pas en cause le rapport en tant que tel. Il revient sur les évènements
survenus à l’université, en mentionnant les deux occupations, et estime que
cela est dû à un certain laxisme. Il demande si de tels évènements auraient pu
se produire dans les EPF.
Mme Leuba répond que d’autres universités peuvent adopter des approches
différentes, possiblement en raison de différences culturelles. Elle souligne que
la population étudiante n’est pas la même dans les EPF que dans les
universités. Elle ajoute que l’EPFZ a choisi de mandater un groupe de réflexion
et s’est positionnée en mars 2025. Elle compare cette démarche à celle de
l’UNIGE. Elle insiste sur le fait qu’il leur a semblé important d’encourager une
prise de conscience et une réflexion au sein de l’institution. Le rectorat a
immédiatement reconnu qu’il s’agissait d’une question difficile et a souhaité
qu’une réflexion soit menée au sein de l’institution.
Un député (PLR) demande s’il y a un intérêt à harmoniser les approches
entre institutions.
Mme Leuba répond que Swissuniversities a posé certains éléments en amont
de la réflexion, en soulignant que les institutions devaient faire preuve de
prudence dans leur positionnement. Elle précise que les universités disposent
d’une marge de manœuvre, qu’elles utilisent de manière différente. Elle
reconnaît qu’il est relativement difficile de parvenir à un accord commun.
Une députée (PLR) indique que ce rapport était attendu. Elle précise avoir
lu la première version, qu’elle a trouvée particulièrement intéressante. Elle
regrette qu’il y ait eu un plagiat, car elle estime que le contenu méritait d’être
valorisé. Elle souligne que le consensus exprimé dans les conclusions est très

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helvétique. Elle demande s’ils ont aujourd’hui le sentiment de disposer d’outils
suffisants pour sortir de cette crise.
Mme Leuba répond que oui, les éléments de la discussion sont désormais
posés, notamment en ce qui concerne le principe de réserve institutionnelle.
Elle reconnaît que leur cheminement est critiqué par une partie des étudiants.
A propos de l’occupation actuelle des locaux de l’institution, elle la regrette
vivement, d’autant qu’un town hall meeting avait été organisé quelques jours
plus tôt, donnant l’occasion aux étudiants de s’exprimer. Par ailleurs, elle
rappelle qu’un processus de consultation est en cours au sein de l’institution,
processus dans le cadre duquel les étudiants peuvent s’inscrire.
Une députée (PLR) fait l’analogie entre cette situation et une grève
d’enseignants contre des lois qui ne sont pas encore votées. Elle s’interroge sur
le risque de stagnation.
Mme Leuba affirme que l’essentiel réside dans les idées exprimées. Elle
indique que le rectorat encourage les étudiants à construire des idées claires et
argumentées. Elle précise que, selon elle, l’occupation non autorisée des
locaux n’est pas le bon moyen d’exprimer une opinion.
Un député (S) indique qu’il comprend la complexité et les enjeux de la
situation dans laquelle se trouve l’université. Il précise toutefois qu’il n’est pas
satisfait des conclusions du rapport. Il considère que l’université traite de
questions sociales, humaines, de droit pénal international, de colonisation, etc.,
et estime qu’il existe suffisamment d’éléments objectifs pour reconnaître que
la situation est problématique. Selon lui, ces éléments démontrent que le seuil
justifiant une action est atteint. Il critique le fait de ne pas agir, sauf lorsque
l’université est directement concernée. Il souligne que certaines universités
israéliennes soutiennent clairement les actions menées par leur Etat, et que
certains acteurs collaborent directement avec ce dernier. Il estime que cela
place l’université dans une situation délicate. Selon lui, ces pratiques sont
dénoncées de toutes parts, indépendamment des opinions sur le conflit au
Proche-Orient. Il affirme qu’il existe suffisamment d’éléments pour justifier
une prise de position.
Mme Leuba reconnaît qu’il soulève une question fondamentale. Elle indique
que, si l’université choisit de se positionner, elle devra également le faire dans
d’autres conflits, en citant notamment la Syrie ou le conflit Inde-Pakistan. Elle
reconnaît que le processus de prise de position est lent, ce que les étudiants
reprochent à l’institution. Elle explique que l’ajout de la phase de consultation
et le malheureux plagiat ont quelque peu ralenti le processus. Elle précise que
personne ne conteste le caractère particulièrement choquant de la situation à
Gaza.

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Un député (S) indique que certains des partenaires de l’université
soutiennent l’Etat israélien. Il demande si cela n’est pas suffisant pour justifier
une prise de position, ou au moins une interruption des collaborations avec ces
universités en particulier.
Mme Leuba répond que l’institution regarde si les recherches menées
posaient problème au regard des règles éthiques et déontologiques, et non si
les universités en tant que telles le sont. L’institution n’a rien constaté de
problématique à ce niveau. Concernant l’analyse au niveau des individus, elle
précise que cette question n’a pas été tranchée. Elle indique qu’ils ont
actuellement un seul partenariat avec l’Université hébraïque de Jérusalem,
lequel est inactif. Aucun étudiant de l’Université de Genève n’est actuellement
là-bas, et, à sa connaissance, seul un étudiant de cette université est
actuellement accueilli à Genève. Il n’y a par ailleurs plus eu d’appel à projets
pour la recherche.
Un député (S) demande s’ils ne trouveraient pas pertinent d’élargir la
réflexion à l’ensemble de l’université partenaire, au sens large, et non
uniquement aux projets de recherche.
Mme Leuba répond que c’est effectivement la question centrale, et qu’elle
se pose également pour d’autres pays comme les Etats-Unis ou la Chine. Elle
affirme que la science se situe en partie en dehors du champ politique. Dans
certains Etats, explique-t-elle, ce sont précisément les universités qui
constituent des forces critiques, capables de faire évoluer la population et les
gouvernements. Elle insiste sur le fait que la question est extrêmement délicate
et qu’elle a été posée au nouveau rectorat dans un contexte difficile. Elle dit
avoir été soulagée de constater que plusieurs grandes institutions avaient
également choisi de prendre quelques mois de réflexion s’agissant de cette
thématique compliquée.
Un député (S) exprime sa frustration : il estime qu’une position unilatérale
a été adoptée dans le cas de la Russie, tandis que, dans le cas d’Israël,
l’université ne semble pas capable de nuancer sa position ni de proposer une
réponse plus complète que « c’est trop compliqué ».
Un député (PLR) remercie les auditionnés. Il indique que le rapport du
comité scientifique permet de poser un cadre, qu’il souligne l’indépendance de
l’institution et qu’il offre une réponse aux pressions politiques. Il estime que
le travail a été bien mené et que l’université dispose désormais de bases solides.
Il précise que la question de l’évaluation des projets se poserait si une
université étrangère devenait un bras armé. Il prend l’exemple de Tel Aviv
University : si cette dernière devenait un bras armé du gouvernement de
Netanyahou, cela justifierait alors une réévaluation d’un éventuel partenariat.

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Mme Leuba indique qu’elle ne souhaite pas se prononcer sur ce point, mais
précise que c’est l’un des exemples évoqués dans le rapport.
M. Bernard précise que le rapport scientifique a identifié deux situations
dans lesquelles un blocage complet pourrait être envisagé : d’une part, si la
sécurité des étudiants de l’UNIGE envoyés à l’étranger n’est pas garantie ;
d’autre part, si les conditions de la recherche ne sont plus réunies. Il ajoute
qu’il ne s’agit plus de recherche universitaire dans le cas où une université
deviendrait un bras armé. Ce type de situation constituerait une exception à la
recommandation no 4.
Un député (PLR) demande davantage de précisions concernant la
recommandation no 6.
M. Bernard explique qu’Uni Mail a été construite de manière très ouverte,
avec une place centrale qui donne l’impression d’être un espace public. En
réalité, il s’agit d’un patrimoine administratif affecté aux missions de
l’université, ce qui implique que les règles applicables ne sont pas les mêmes
que pour un domaine public. Il souligne que cela peut donner l’impression que
les droits des particuliers y sont plus étendus qu’ils ne le sont en réalité. Il
précise que ce patrimoine est destiné à servir les missions de l’université, et
qu’un usage extraordinaire ne peut être envisagé que s’il n’entrave pas l’usage
ordinaire des lieux.
Un député (PLR) demande si le fait que ce soit du patrimoine administratif
complique la situation, comparé à ce que ce serait si cela relevait du patrimoine
financier.
M. Bernard répond que l’université remplit une mission publique, ce qui
implique que les biens en question relèvent du patrimoine administratif. Il
précise que le patrimoine financier, quant à lui, n’est pas destiné à
l’accomplissement d’une tâche publique.
Un député (PLR) demande qui détermine le moment où un seuil est franchi.
Mme Leuba indique que le service des autorisations se prononce sur
l’utilisation des locaux, lesquels sont soumis à autorisation.
Un député (PLR) précise qu’il parlait des collaborations avec les
universités.
Mme Leuba répond que c’est le rectorat qui détermine cela.
La présidente demande si, finalement, le fait de collaborer avec des
universités qui n’adhèrent pas au principe de réserve institutionnelle et qui
expriment leur soutien au gouvernement de Netanyahou ne constituerait pas
une limite à la collaboration. Elle s’interroge sur le fait de savoir si cela ne
remet pas en cause le principe même de la réserve institutionnelle.

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M. Bernard indique que c’est une excellente question. Il rappelle que les
recteurs des universités russes s’étaient prononcés en faveur de la guerre en
Ukraine. Il souligne que, selon le comité scientifique, la réaction de l’Europe
occidentale à ce sujet a été trop rapide. Il mentionne que certaines discussions
au sein du comité portaient sur des collaborations de recherche liées à des
textes russes du XIe siècle, et que la question était de savoir s’il y avait
vraiment du sens à interrompre ces collaborations en raison de la guerre en
Ukraine. Il fait le parallèle avec certains chercheurs qui collaborent aujourd’hui
avec des universités israéliennes, par exemple dans le cadre de recherches sur
des textes religieux. Il affirme qu’il est difficile de comprendre pourquoi
certaines de ces collaborations devraient cesser, dans la mesure où elles sont
très dépolitisées. Il ajoute que la même question se pose avec certaines
universités américaines. C’est à ce moment-là, dit-il, que le comité a pris
conscience de la complexité de la situation. Il précise que la recommandation
no 4 est la plus contestée et qu’elle a suscité quelques prises de position
individuelles. Elle a également été un point de discussion lors du town hall
meeting.
Une députée (Ve) déclare que, lorsqu’un Etat entretient des relations
commerciales, on peut juger que ce modèle économique permet à un dictateur
de poursuivre ses activités criminelles. Elle ajoute que l’Université de
Jérusalem participe à la colonisation, dans la mesure où ses locaux se trouvent
en territoire palestinien occupé. Elle considère que cela contribue à un système
d’apartheid.
M. Bernard répond que le comité ne s’est pas prononcé sur ce point. Il
souligne que les universités sont souvent des lieux de résistance, ce qui
explique, selon lui, les fortes pressions exercées récemment sur les universités
américaines. Il précise qu’aucun cas spécifique n’a été traité en détail dans le
rapport.
Une députée (Ve) fait remarquer que certains Etats ont été condamnés pour
avoir maintenu une politique de business as usual avec d’autres Etats. Elle
s’interroge sur les raisons pour lesquelles les universités devraient, elles,
poursuivre ce type de relations.
Mme Leuba répond que cet argument a effectivement été soulevé par le
comité scientifique. Elle souligne qu’il est difficile pour une institution
académique de mener ce type d’enquêtes de manière rigoureuse, car une
réaction rapide serait nécessaire, alors que ce genre d’enquête demande du
temps. Elle insiste sur la nécessité de mesurer le degré d’intervention
réellement possible pour l’université.

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M. Bernard ajoute que le principe de réserve institutionnelle s’articule avec
la liberté des enseignants et des chercheurs. Il rappelle que des crimes de guerre
ont également été commis par les forces ukrainiennes, et qu’il y a eu une forte
pression pour que les universités se positionnent. Il en conclut que les
collaborations devraient rester possibles.
Une députée (PLR) demande quand le rapport révisé sera rendu public.
Mme Leuba répond qu’elle ne le sait pas pour le moment.
Prise de position et vote
Un député (LC) indique que le groupe Le Centre refusera les trois objets
parlementaires, s’alignant sur la position du rectorat.
Un député (PLR) déclare que le groupe PLR a été convaincu par le travail
mené par l’Université de Genève et respecte l’indépendance de cette
institution. Il affirme que la notion de réserve institutionnelle les a convaincus.
Ils considèrent qu’il n’est pas justifié de s’en prendre spécifiquement aux
universités israéliennes, et estiment que c’est au sein de cette population
d’intellectuels que des solutions doivent émerger. Le groupe refusera la motion
M 3029, mais soutiendra la motion M 3030. En ce qui concerne le PL 13536,
ils le jugent excessif, estimant que l’université est un lieu de débat politique ;
à ce titre, ils refuseront ce projet de loi.
Un député (S) souligne l’intérêt de confronter différentes perspectives et
d’agir au sein de leur parti. Il indique que le groupe socialiste considère qu’il
existe suffisamment d’éléments, en se référant notamment à la déclaration de
la Conférence des universités en Espagne, selon laquelle un boycott de
certaines universités peut être envisagé. Le groupe accepte la motion M 3029.
Il note également un décalage dans la présentation faite par M. Conne de la
motion M 3030. Le groupe refusera le PL 13536, qu’il juge trop extrême.
Une députée (Ve) estime que la motion M 3030 ainsi que le PL 13536
limitent la liberté d’expression, et indique que ces deux textes seront donc
refusés par son groupe.
Un député (UDC) considère que le rapport n’est ni suffisamment détaillé
ni pertinent, le jugeant trop vaste et général. Le groupe refusera la motion
M 3029, qu’il estime largement traitée ailleurs. En revanche, ils apprécient la
motion M 3030, plus large selon eux, et la soutiendront, tout comme le
PL 13536.
Un député (LJS) indique qu’il rejoint la position du groupe Le Centre et
refusera les trois objets.
Un député (UDC) annonce qu’il s’exprimera par son vote.

PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

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Vote de la M 3029
La présidente met aux voix la M 3029 :
Oui :
4 (3 S, 1 Ve)
Non :
9 (1 MCG, 1 LJS, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC)
Abstentions : 1 (1 Ve)
La M 3029 est refusée.
Vote de la M 3030
La présidente met aux voix l’amendement du député PLR à la 2e invite de la
M 3030 :
– à mettre en œuvre tous les moyens de droit existants, si nécessaire à
adapter la législation ou la réglementation, pour prévenir, interdire et si
nécessaire mettre fin sans atermoiement, en collaboration avec le rectorat,
à toute manifestation refusant un débat contradictoire et à toute action
menaçante à l’encontre du personnel académique et des étudiants, à
l’université et dans les hautes écoles.
Oui :
12 (2 S, 2 Ve, 1 MCG, 1 LC, 4 PLR, 2 UDC)
Non :

Abstentions : 2 (1 S, 1 LJS)
L’amendement est accepté.
La présidente met aux voix la M 3030 :
7 (1 MCG, 4 PLR, 2 UDC)
Oui :
Non :
7 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 1 LC)
Abstentions : –
La M 3030, ainsi amendée, est refusée.
Vote PL 13536
1er débat
La présidente met aux voix l’entrée en matière du PL 13536 :
Oui :
2 (2 UDC)
Non :
11 (3 S, 2 Ve, 1 LJS, 1 LC, 4 PLR)
Abstentions : 1 (1 MCG)
L’entrée en matière est refusée.
Catégorie de débat préavisée : II, 30 minutes

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Annexes :
1. Présentation du rectorat sur les trois objets
2. Plaidoyer pour la neutralité académique présenté lors de l’audition de
M. Pierre Conne

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ANNEXE 1

Motions 3029 et 3030, PL 13536

Présentation du rapport du comité scientifique sur le rôle des
universités dans le débat public

Commission de l’enseignement supérieur
Grand Conseil
Audrey Leuba Rectrice
Frédéric Bernard membre du comité et président de la rédaction du
rapport révisé
15 mai 2025

CES | 15 mai 2025

1

Proposintroductifs

CES | 15 mai 2025

2

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PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

Calendrier
Mai 24

Constitution par le Rectorat d’un comité scientifique composé de
représentantes et représentants de la communauté universitaire ainsi
que de membres externes

Février 25

Remise par le comité scientifique de ses sept recommandations au
Rectorat

Avril 25

Révélation d’un plagiat et retrait du rapport du site Internet

Mai 25

Remise par le comité scientifique du rapport révisé et conforme aux
règles de l’Université et de sa charte d’éthique et de déontologie

Mai/Juin 25

Suite du processus de consultation

D’ici la fin du semestre
de printemps

Prise de position du Rectorat sur le rôle des universités dans le débat
public

CES | 15 mai 2025

3

Mandat du comité
1. Les universités peuvent-elles se positionner dans le débat public et
notamment sur des thématiques politiques ou des sujets clivants pour leur
communauté (conflits armés dans certaines régions du monde, enjeux
climatiques, certaines questions de société)?
2. Les universités peuvent-elles suspendre ou interrompre des accords de
collaboration et des partenariats scientifiques auxquelles les universités sont
parties en se fondant sur des motifs reposant sur des considérations
politiques ou en lien avec des sujets clivants pour leur communauté ?

CES | 15 mai 2025

4

PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

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Membres du comité
Hasni Abidi

Chargé de cours, Global Studies Institute

Frédéric Bernard

Professeur, Faculté de droit

Frédéric Esposito

Chargé de cours, Global Studies Institute

Marco Sassòli

Professeur, Faculté de droit

Francesca Serra

Doyenne, Faculté des lettres

Amiel Guyot

Etudiant, Faculté des lettres

Shukriya Shukhratova

Étudiante, Global Studies Institute

Hassan Yaseir Mahieldein

Etudiant, Global Studies Institute

Martine Brunschwig Graf

Ancienne Présidente de la Commission fédérale contre le racisme

Ruth Dreifuss

Ancienne Présidente de la Confédération

Isabelle Falconnier

Directrice exécutive du Club suisse de la presse

Pierre Hazan

Conseiller auprès du Centre pour le dialogue humanitaire

CES | 15 mai 2025

5

Fonctionnement du comité
• Dans un premier temps (été-automne 2024), le comité a procédé à une série
d'auditions (expertes et experts, étudiantes et étudiants, directrices des relations
internationales et de la mobilité étudiante, enseignantes et enseignants confrontés
à la problématique)

• Dans un deuxième temps (automne 2024-printemps 2025), le comité a élaboré les
éléments de réponse aux questions posées par le Rectorat.

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6

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Réflexion (1/3)
• Le comité est parti du principe que ses recommandations devaient pouvoir être
appliquées de manière générale, c'est-à-dire au-delà de la situation spécifique de
Gaza.
• Cela l'a placé face au défi suivant: comment définir des critères objectifs
permettant d'identifier les situations dans lesquelles l'université pourrait/devrait
prendre position (en dehors de la défense de ses missions) et pouvant être
appliqués sans sélectivité ?
• Le Comité est progressivement parvenu à la conclusion que cette tâche était
impossible.

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7

Réflexion (2/3)
• Par ailleurs, il a estimé qu'un positionnement institutionnel de l'université mettrait en
péril la liberté académique de ses membres et la liberté d'expression de sa
communauté.

• Cette position s'appuie sur de nombreuses sources, en particulier: la jurisprudence de
la Cour européenne des droits de l'homme, le rapport Kalven de l'Université de Chicago
(1967), le rapport de la Ligue européenne des universités de recherche (LERU)
consacré à la liberté académique (2023).
• Elle a par ailleurs été adoptée par plusieurs autres universités au cours des derniers
mois (p. ex., l'Université de Yale aux Etats-Unis).

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Réflexion (3/3)
• Le comité a ensuite discuté du terme qui devrait être retenu pour décrire cette
position.
• Dans les documents cités, le terme utilisé est souvent celui de "neutralité
institutionnelle".
• Le comité a cependant écarté ce terme, car il a considéré que l'Université n'était
pas "neutre" et que la "neutralité" soulevait déjà de nombreuses questions dans le
contexte helvétique.
• Il a donc préféré l'expression "réserve institutionnelle", proposée par Cécile Laborde
en 2024 sur la base de réflexions menées aux Etats-Unis ("institutional restraint").
• A partir de cette position de principe, le comité a adopté sept recommandations.

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9

Recommandations
1.

Affirmer le principe de la réserve institutionnelle de l’Université de Genève

2.

Défendre la liberté académique

3.

Promouvoir la liberté d’expression

4.

Préserver les accords de collaboration et les partenariats scientifiques

5.

Harmoniser l’évaluation éthique et déontologique des projets de recherche

6.

Clarifier l’affectation et l’utilisation des locaux de l’Université

7.

Améliorer la diffusion et l’appropriation de la Charte éthique et de
déontologie par l’ensemble de la communauté universitaire

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PL 13536-A M 3029-A M 3030-A

Position sur les objets parlementaires (I)
M 3029

• Selon le comité, il convient de préserver les accords de collaboration et
les partenariats scientifiques; l’Université, en tant qu'établissement
autonome, se déterminera sur la question de son positionnement sur
des sujets politiques une fois la consultation sur les recommandations
du comité scientifique achevée.
• L’UNIGE s’est par ailleurs engagée à renforcer la transparence et les
contrôles éthiques de ses collaborations.
• Les dispositifs d’accueil existants sont ouverts aux chercheurs,
chercheuses, étudiants et étudiantes palestiniens et des programmes
de soutien leurs sont destinés.

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Position sur les objets parlementaires (II)
M 3030

• L’UNIGE garantit la liberté académique et la liberté d’expression de sa
communauté universitaire dans toute sa diversité; aucune
manifestation, aucun colloque, etc. s'agissant de la situation à Gaza n'a
jusqu'ici été interdit. A noter que la liberté d'expression protège
également les propos qui heurtent voire choquent. L'université
respecte cette définition de la CEDH.
• En cas de non-respect de la charte d'éthique et de déontologie, resp.
des directives de l'institution voire du droit pénal, l'UNIGE engage des
sanctions administratives, civiles voire pénales.
• L’UNIGE adapte constamment son dispositif de sécurité afin de
protéger l’ensemble des membres de sa communauté ainsi que ses
bâtiments.

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Position sur les objets parlementaires (III)
PL 13536 • Toute activité de propagande et de prosélytisme politique et religieux

(y compris les récoltes de signatures, les campagnes d'adhésion à une
entité extérieure à l'Université, etc.) et toute activité cultuelle sont
strictement interdites à l’intérieur des locaux universitaires et aux
abords de ses bâtiments, quels qu’en soient la forme et le support.
• Les services compétents de l'UNIGE interviennent dès que ce principe
pourrait ne pas être respecté.

En conclusion: l'UNIGE a les instruments permettant de répondre aux objectifs des
objets législatifs susmentionnés et les utilise, resp. se déterminera
dans le respect de son autonomie s’agissant du positionnement
politique de l’institution.
Elle propose dès lors respectueusement à la CES le rejet des deux
motions et du projet de loi.
CES | 15 mai 2025

13

Merci de votre attention
Questions, Discussion

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ANNEXE 2

Plaidoyer pour la neutralité académique
[Le Temps, 24 mai 2024,
https://www.letemps.ch/opinions/debats/plaidoyer-pour-la-neutralite-academique]
Les universités subissent une pression croissante pour se positionner sur des questions
politiquement sensibles. Nous sommes des philosophes de sensibilités politiques diverses ; nos
désaccords sont souvent profonds. Nous nous rejoignons cependant sur l’importance cruciale de
la neutralité politique des universités. Les universités ont pour fin essentielle la conservation, la
production et la transmission du savoir. Un engagement politique des universités, comme
institutions, est incompatible avec la poursuite de ces buts, pour trois raisons.
Premièrement, l’engagement politique des universités compromet leur crédibilité, auprès de leurs
étudiants comme du reste la société. Une approche scientifique suspectée d’être politiquement
orientée n’est plus digne de confiance, et cesse d’être un point de référence transpartisan dans les
débats démocratiques.
Deuxièmement, l’engagement politique met en péril la légitimité des universités : les citoyens de
tous bords politiques n’ont pas de raison de consentir à financer des institutions qui
favoriseraient certaines orientations seulement.
Troisièmement, l’engagement politique met en péril la qualité de la science et de l’enseignement.
La confrontation argumentée d’idées contraires constitue l’épine dorsale des institutions du
savoir depuis leur origine. Sans elle, nous sombrons dans le dogmatisme : l’illusion que nos
positions sont les seules raisonnables, et que celles de nos adversaires ne sont que les symptômes
de vices cognitifs ou moraux.
Quoique d’une importance cruciale, la neutralité des universités est souvent mal comprise.
Implique-t-elle que les chercheurs s’abstiennent de prendre position dans le cadre de leur
fonction ? Si oui, la neutralité n’est-elle pas incompatible avec le débat d’idée et la liberté
d’expression académique ? Si non, en quoi consiste-t-elle et où tracer la frontière entre la science
et le militantisme ? Pour répondre à ces questions, il convient de distinguer la neutralité de
l’institution de la neutralité scientifique.
La neutralité de l’institution veut que les institutions universitaires et leurs responsables (rectorats,
décanats, facultés, départements) s’abstiennent de prendre position sur les questions politiques.

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En effet, lorsqu’une université choisit un camp, ceux qui, en son sein, sont d’un avis contraire
sont encouragés à se taire, ne partageant plus les valeurs de l’institution. D’autre part, ceux qui, à
l’extérieur, souscrivent à d’autres opinions sont découragés de la rejoindre. Le résultat est un
appauvrissement du débat autour des sujets sur lesquels l’université s’est engagée. À l’exception
des questions qui touchent directement à son fonctionnement interne et à la poursuite des
valeurs du savoir, une université neutre se refuse à prendre position sur les questions politiques,
même lorsque cela est demandé par une majorité de ses membres.
La neutralité de l’institution n’interdit nullement aux enseignants et chercheurs de prendre
position. Ceux-ci ont le droit de défendre de manière argumentée, dans le cadre de leur recherche
comme de leur enseignement, toute hypothèse, aussi controversée et hétérodoxe soit-elle. Il n’y a
donc pas de contradiction entre la neutralité de l’université et la liberté d’engagement des
scientifiques. Peuvent-ils pour autant faire de l’université un lieu de militantisme ?
Non : la liberté d’engagement des scientifiques n’est pas un permis de militer dans le cadre de
leurs fonctions de recherche et d’enseignement (ils sont libres de le faire en dehors). La liberté
d’engagement a pour contrepartie (i) le devoir de s’informer et de connaître de première main les
opinions contraires aux siennes ; (ii) le devoir de ne pas les taire, mais de les présenter aussi
précisément et charitablement que possible ; (iii) le devoir de ne pas les dénigrer, mais de ne les
rejeter que sur la base de considérations argumentées. Ceci vaut pour la recherche comme pour
l’enseignement. Ainsi, il est permis à un enseignant de défendre ou de critiquer la politique
d’Israël dans le cadre de ses enseignements (comme il lui est permis de ne pas le faire) ; mais il ne
peut ainsi s’engager sans se faire d’abord l’avocat le plus dévoué de la position adverse, qu’il aura
cherché à connaître dans ses détails et s’efforcera de présenter aussi bien que le feraient ses
partisans. En ce sens, l’engagement de chaque membre du corps académique est soumis à un
impératif de neutralité scientifique dans la présentation de la controverse au sein de laquelle il prend
position.
Contrairement à la neutralité de l’institution, qui est une neutralité d’abstention, la neutralité
scientifique est une neutralité d’équilibre entre des points de vue opposés. En science, comme en
politique, nul ne veut d’un parti unique. Cependant, les forces du parti-pris et de la pensée de
groupe ne sont pas moins puissantes à l’université qu’ailleurs et les meilleures intentions suffisent
rarement à les surmonter. Le seul remède est de se confronter à des points de vue opposés, qu’il
faut « pouvoir entendre de la bouche de ceux qui y croient », comme y insistait J. S. Mill. Aussi
une université neutre placera-t-elle au cœur de son fonctionnement la culture du débat. Si elle ne

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peut trouver, en son sein, de contradicteur sur telle ou telle question controversée, elle fera en
sorte d’en inviter et d’encourager la lecture de ses travaux.
Faut-il pour autant discuter de toutes les positions contradictoires, aussi extravagantes
soient-elles ? Cela est infaisable. Mais quel que soit le filtre utilisé pour les exclure, celui-ci doit
être aussi perméable que possible, au risque de devenir un instrument d’hégémonie idéologique.
En matière de questions politiquement sensibles, le défi réside souvent davantage dans
l'élargissement du spectre des opinions jugées dignes de discussion que dans sa restriction.
Plutôt que de prendre des positions politiques, les universités doivent cultiver le goût du débat et
l’aversion pour l’absence de contradiction. La diversité idéologique est notre meilleur garde-fou
contre le conformisme intellectuel, le dogmatisme et l’esprit partisan.
Prof. Olivier Massin (UNINE), Prof. Fabrice Teroni (UNIGE), Prof. Anne Meylan (UZH), Prof.
Simon-Pierre Chevarie-Cossette (UNINE), Prof. Ralf Bader (UNIFR), Prof. Markus Wild
(UNIBAS), Prof. Marcel Weber (UNIGE), Prof. Gianfranco Soldati (UNIFR), Prof. Paolo
Crivelli (UNIGE), Prof. Francis Cheneval (UZH), Prof. Michael Esfeld (UNIL), Prof. Peter
Schaber (UZH), Prof. Richard King (UNIBE), Prof. Christian Wüthrich (UNIGE), Prof.
Béatrice Lienemann (UNIFR), Prof. Kristell Trego (UNIFR), Prof. Alexandrine Schniewind
(UNIL), Prof. Fabrice Correia (UNIGE), Prof. Simone Zurbuchen (UNIL), Prof. Carole Maigné
(UNIL)

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Date de dépôt : 30 mai 2025
RAPPORT DE LA MINORITÉ SUR LE PL 13536
Rapport de Virna Conti
Introduction
Le projet de loi susmentionné a été traité lors de trois séances de
commission. Ledit projet de loi pointe du doigt que l’université doit d’abord
être un lieu de formation et de recherche et qu’elle ne doit en aucun cas être la
tribune d’un quelconque militantisme. Autrement dit, le projet de loi propose
d’interdire les manifestations au sein de l’université.
Le militantisme, bien qu’important dans une société démocratique, peut
devenir problématique lorsqu’il perturbe la mission première de l’université,
qui est l’éducation et la recherche. Les universités doivent être des lieux de
débat libre, rationnel et nuancé, où les idées peuvent être examinées sans
pression idéologique ou intimidation.
Or, certaines formes de militantisme peuvent engendrer des tensions,
polariser les étudiants et même empêcher certains enseignants ou étudiants
d’exprimer leurs idées librement. Cela peut créer un climat de peur ou
d’autocensure, contraire à l’idéal académique fondé sur le questionnement
critique et l’ouverture d’esprit.
De plus, un militantisme excessif peut détourner les ressources et
l’attention des universités de leurs fonctions fondamentales : transmettre des
connaissances, former des compétences, et produire de la recherche de qualité.
Lorsqu’une université devient le théâtre constant de mobilisations, de blocages
ou de confrontations idéologiques, cela peut nuire à l’expérience éducative des
étudiants.
D’autre part, lorsque le militantisme devient excessif, il tend à refuser le
compromis et démonise les opinions divergentes. Cela peut créer un climat
de polarisation où le dialogue constructif devient impossible, isolant le
mouvement au lieu de rassembler autour de sa cause.
L’université doit être un sanctuaire du savoir, un espace où la pensée
critique peut s’exercer librement, sans pression ni intimidation. Pourtant, ces
dernières années, on assiste à une montée du militantisme dans de nombreuses
universités, avec des effets de plus en plus visibles : blocages de cours,

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conférenciers annulés, tensions croissantes entre étudiants, et parfois même
une certaine forme de censure intellectuelle.
Loi proposée
Modification
Art. 1
La loi sur l’université, du 13 juin 2008, est modifiée comme suit :
Art. 3A
Neutralité politique et religieuse (nouveau)
1
L’université observe une stricte neutralité politique et religieuse.
2
L’université interdit toute manifestation de nature politique ou religieuse à
l’intérieur de ses bâtiments et dans leurs périmètres extérieurs.
Art. 2
Entrée en vigueur
La présente loi entre en vigueur le lendemain de sa promulgation dans la
Feuille d’avis officielle.
Motivation
L’Université de Genève doit-elle continuer à développer son rayonnement
international dans un esprit d’excellence académique et de respect des
individus ou doit-elle se muer en une courroie de transmission pour toutes
sortes de revendications, politiques notamment ?
Au printemps 2024, l’Université de Genève a été le théâtre de
débordements et d’occupations consécutives à l’attaque terroriste du Hamas
contre Israël et à l’intervention de l’Etat hébreu contre le mouvement islamiste
palestinien. Sous couvert de revendications propalestiniennes, l’université
s’est retrouvée prise en otage par des activistes. Ces occupations n’ont pas
manqué de provoquer un sentiment d’insécurité pour certains membres du
corps enseignant et estudiantin. Quelles que soient leurs motivations,
l’occupation d’un bâtiment pose différents problèmes (accès aux cours, aux
bureaux et la garantie d’un espace de recherche et formation sécure).
Le slogan « de la rivière à la mer » sur une banderole a heurté de
nombreuses personnes, car compris comme un déni du droit d’Israël d’exister
et un soutien au Hamas. Ce slogan extrême a d’ailleurs été interdit par le
ministère de l’Intérieur allemand.
Loin d’être isolés, ces débordements ont été précédés par plusieurs
« expositions » comportant des excès politiques insoutenables qui se sont
tenues au milieu d’Uni Mail. Véritable opération de désinformation, ces
expositions consistaient à faire l’apologie du Hamas en le considérant comme

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un mouvement de résistance et dont les actions se justifieraient dans un but de
libération. Dans les bâtiments de l’UNIGE, la présence d’affiches « intifada
jusqu’à la victoire » posées par des associations reconnues avait également
interpellé.
Au mois de mai 2024, l’UNIGE est devenue pendant une semaine le centre
de revendications politiques violentes et non plus un lieu de recherche et de
savoir. Une honte pour les étudiants, pour les enseignants ainsi que pour tous
les contribuables qui paient pour que l’université – notre université – remplisse
sa mission académique. L’absence de réaction immédiate face aux
manifestations organisées à l’intérieur des bâtiments universitaires a permis de
donner une tribune à toutes sortes de revendications extrêmes et de lancer une
chasse aux sorcières, en demandant l’arrêt des collaborations scientifiques
entre l’UNIGE et les universités israéliennes.
Des professeurs étaient ainsi « blacklistés » et leur rédemption – aux yeux
des activistes – ne pouvait s’envisager que par l’arrêt des collaborations avec
les Israéliens. Or, nul professeur ne devrait être mis sous pression de cesser ses
collaborations scientifiques pour un motif de revendications politiques.
Aucune tentative d’intimidation n’est tolérable, tout est aussi intolérable qu’un
certain nombre de professeurs, par hypothèse, prennent fait et cause et
s’éloignent ainsi d’une neutralité politique dont ils doivent faire preuve dans le
cadre académique.
L’occupation du bâtiment universitaire d’Uni Mail par la coordination
étudiante pour la Palestine (CEP-UNIGE) dès le 7 mai 2024 a eu pour
conséquence de mandater un comité scientifique sur le rôle des universités
dans le débat public.
Jusqu’à présent, il est fait référence au conflit israélo-palestinien, étant
entendu que plusieurs autres manifestations se sont déroulées uniquement pour
empêcher la tenue de débats publics.
A titre d’exemple :
A/ En décembre 2022, lors d’une joute oratoire organisée dans les murs de
l’université et par l’Association Foraus et le Club genevois de débat de
l’université, neuf individus masqués ont tenté d’interrompre la joute oratoire
en cours qui réunissait 200 personnes et d’entarter l’élue.
Au moins l’une des personnes à l’origine de l’attaque ferait partie du comité
de la Conférence universitaire des associations d’étudiant.e.x.s (CUAE),
d’après un communiqué du Club. Le geste a été revendiqué via un billet publié
sur le site du média de gauche radicale Renversé. Ses auteurs y ont menacé
même de recommencer.

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De plus en plus d’activistes se prennent pour des justiciers, estimant
pouvoir s’affranchir des lois en toute impunité au nom de leur cause ayant pour
conséquence une prise d’otage violente du débat public.
B/ Au printemps 2022, le professeur de littérature française contemporaine
M. Eric Marty devait présenter son livre « Le Sexe des Modernes. Pensée du
neutre et théorie du genre ». Il n’a finalement jamais pu s’exprimer : une
trentaine de militants ont fait irruption dans la salle qui accueillait l’évènement.
Après avoir déployé une banderole, ils s’en sont pris au professeur, chiffonnant
ses notes. La directrice du département a tenté en vain d’apaiser la situation.
Les militants ont refusé le dialogue avec « une femme blanche non trans ».
C/ Dans le même registre mais cette fois-ci à l’Uni Bastions de Genève,
une conférence sur le livre « La fabrique de l’enfant-transgenre », présentée
par ses deux autrices Caroline Eliacheff et Céline Masson, a été interrompue
par plusieurs individus. Organisée par le Centre de psychanalyse de la Suisse
romande, la rencontre a commencé à 19h. Mais, au cours de la conférence, des
militants LGBTQIA+ ont fait irruption dans la salle, venus pour protester
contre l’ouvrage.
Le présent projet de loi part du principe que l’université doit d’abord être
un lieu de formation et de recherche et non de militantisme, qui plus est
générateur de peur. Un militantisme envahissant a pour conséquence de créer
des conflits idéologiques qui entravent le dialogue critique. De plus, cela
favorise également, et malheureusement, une pensée dogmatique à sens
unique, au détriment du doute méthodique, fondement de toute recherche.
Ainsi, force est de constater une érosion de la frontière entre science et
opinion, ce qui provoque inévitablement un manque d’objectivité et de
neutralité.
Les étudiants et le corps enseignant, indépendamment de leur origine ou de
leur confession, ne devraient pas être confrontés à de telles actions, et ne plus
se sentir en sécurité dans notre université. Cela implique évidemment que les
étudiants et le corps enseignant s’abstiennent d’organiser ou de participer à de
telles actions militantes, le corps enseignant devant tout particulièrement faire
preuve d’une grande retenue en s’abstenant de prendre part à des actions qui
violent la neutralité académique de l’établissement qui les emploie et qui de
surcroît se font souvent au détriment du programme d’études choisi par les
étudiants. Cela nuit à la qualité de l’enseignement et compromet la liberté
académique, qui est un pilier fondamental des institutions d’enseignement
supérieur.
L’utilisation des espaces intérieurs à des fins de propagande politique ou
religieuse d’un établissement en principe voué à l’enseignement supérieur, à la

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recherche scientifique et à la formation n’est pas acceptable. Rappelons que la
liberté de réunion en un lieu privé suppose l’accord de son propriétaire et que
la liberté de réunion « ne comprend en tout cas pas le droit de s’assembler sur
le fonds d’autrui » 12.
L’expression des opinions politiques pourra aisément continuer à s’exercer
dans l’espace public, tout comme les manifestations dans le respect de la loi
sur les manifestations sur le domaine public (LMDPu) (F 3 10). L’objectif du
projet de loi est également de donner à l’université les moyens de mettre fin
immédiatement aux actes de propagande politique ou religieuse s’ils venaient
à se produire en ses murs en évitant tout flottement quant à la marche à suivre.
Conclusion
Le militantisme, s’il part souvent de bonnes intentions, finit trop souvent
par détourner l’université de sa mission première : transmettre des
connaissances et former des esprits autonomes. Lorsque les salles de classe
deviennent des tribunes politiques ou que des cours sont empêchés au nom
d’une cause, aussi légitime soit-elle, on franchit une ligne dangereuse.
L’apprentissage ne peut se faire dans un climat de tension permanente.
Ensuite, parce que ce militantisme radical tend à instaurer une forme de
pensée unique. Le débat contradictoire, pourtant au cœur de toute formation
universitaire, cède parfois la place à des jugements moraux, à des oppositions
binaires (« avec nous ou contre nous ») et à la disqualification de toute voix
dissonante. Certains enseignants, comme certains étudiants, finissent par
s’autocensurer, par peur de représailles symboliques, voire réelles.
Enfin, parce que l’université n’est pas un champ de bataille idéologique.
Elle doit rester un lieu neutre, ouvert à toutes les opinions tant qu’elles
respectent les principes démocratiques. Lorsqu’elle devient le relais d’un
combat politique ou identitaire, elle perd en crédibilité, y compris vis-à-vis de
la société qui la finance et attend d’elle rigueur, innovation, et excellence.
Bien sûr, cela ne signifie pas qu’il faille interdire toute forme d’engagement
sur les campus. Les universités ont toujours été un creuset de débats, de
contestation et de réflexion sociale. Mais il y a une différence entre débattre et
imposer, entre s’engager et perturber, entre critiquer et censurer.
Il est temps de réaffirmer ce principe fondamental : à l’université, le savoir
doit primer sur l’idéologie. Car sans cette exigence de neutralité et de rigueur,
c’est l’esprit même de l’université qui s’efface – et, avec lui, notre capacité à
penser librement.
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Le militantisme universitaire n’est pas illégitime en soi – il peut même être
utile pour faire avancer des causes justes. Mais, lorsqu’il devient omniprésent
ou radicalisé, il menace l’équilibre fragile entre liberté d’expression, neutralité
institutionnelle et qualité académique. L’université ne peut pas être un champ
de bataille idéologique permanent : elle doit rester un espace de savoir, de
débat apaisé et d’émancipation intellectuelle.

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Date de dépôt : 30 juin 2025
RAPPORT DE LA MINORITÉ SUR LA M 3030
Rapport de Alexandre de Senarclens
La motion M 3030 vise principalement à rappeler et à défendre la liberté
académique pour que l’université demeure un lieu de débat, de recherche et de
dialogue. Elle vise principalement à garantir des débats contradictoires, à
prévenir, à interdire et, si nécessaire, à mettre fin à toute manifestation
idéologique d’affirmation d’une vérité contre une autre et à protéger les biens
et les personnes au sein de l’université et des hautes écoles.
Comme l’a rappelé le premier signataire, il y a eu ces dernières années des
débordements qui enfreignaient ce cadre, par exemple :
– le 29 avril 2022, à Genève, des militantes et militants ont interrompu une
conférence donnée à l’Université de Genève et organisée par le Centre de
psychanalyse de Suisse romande, avec les professeurs Bertrand Cramer et
Antonio Andreoli. La conférence devait présenter un livre sur la
transidentité, un ouvrage et un discours jugés transphobes par les
activistes ;
– le 17 mai 2022, des activistes LGBTIQ+ ont censuré une conférence
organisée par la faculté des lettres de l’Université de Genève. Elle
accueillait un professeur français, invité pour évoquer son livre « Le Sexe
des Modernes », jugé transphobe par des militants. Les notes de l’invité ont
été déchirées, l’orateur a été aspergé d’eau et son ouvrage jeté dans la salle.
Il y a eu des empoignades, des insultes, des crachats. Un assistant de
l’université s’est vu menacé de recevoir du gel hydroalcoolique sur le
visage. Alertées, les forces de l’ordre ne sont pas intervenues, mais étaient
stationnées à la sortie du bâtiment. Las, les participants, en grande partie
issus de l’université, ont finalement quitté la salle après environ une heure,
applaudis par les activistes LGBTIQ+. Confrontée pour la seconde fois à
de telles pratiques, l’alma mater a déposé une plainte pénale pour la retirer
48 heures plus tard ;
– l’occupation récente des locaux universitaires par des militants
propalestiniens, exhibant des slogans nationalistes, voire antisémites, tels
que « De la rivière à la mer, la Palestine sera libre », ou faisant pression sur

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les autorités académiques pour ficher certains universitaires israéliens et les
bannir.
Entendue par la commission, la rectrice de l’Université de Genève,
Mme Audrey Leuba, souligne les principes fondamentaux qui gouvernent
l’université, notamment la liberté d’expression, garantie par la Constitution
fédérale, la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH) et le Pacte
des Nations Unies sur les droits civils et politiques. Elle insiste sur le fait qu’il
s’agit d’une liberté fondamentale qui guide l’université. Cette liberté inclut la
recherche de la vérité par la confrontation des points de vue, la présentation
d’opinions et d’écoles de pensée diverses, ainsi que l’expression de critiques.
Mme Leuba précise que cette liberté doit toutefois s’exercer dans le respect de
la personne et qu’elle n’est pas absolue, pouvant être soumise à des restrictions.
Elle cite la Déclaration de Bonn sur la liberté de recherche scientifique pour
appuyer ses propos. Mme Leuba rappelle que les manifestations ont leur place
à l’université, à condition de respecter les règles de sécurité, les limites légales
et les principes éthiques définis dans la Charte d’éthique. Elle précise que toute
manifestation organisée au sein de l’UNIGE est soumise à autorisation. Elle
évoque les actions menaçantes qui ont eu lieu et précise que certaines
manifestations portant sur des sujets particulièrement sensibles ont déjà
entraîné des réactions vives, voire des interruptions temporaires. Elle note une
polarisation croissante autour de certains thèmes et considère que les
manifestations deviennent plus intenses et engendrent parfois des effets
indésirables. Elle signale également que l’UNIGE a été confrontée à des
intrusions menaçantes et à des situations que l’institution ne peut tolérer. Face
à cela, une plainte pénale a déjà été déposée et le dispositif de sécurité a été
adapté. Elle note que la société est aujourd’hui plus polarisée et parfois plus
violente, ce qui se répercute sur l’université. Le débat doit être protégé,
notamment en amont par des mesures de sécurité, et en aval par des dépôts de
plaintes pénales si nécessaire. En conclusion, elle précise que les dispositifs de
sécurité ont été renforcés, et que des sanctions administratives, civiles et
pénales peuvent être engagées en cas de non-respect des règles. Elle rappelle
enfin que les étudiants sont tenus de respecter la Charte d’éthique de
l’université. Elle a enfin présenté les résultats du comité scientifique composé
de représentants de la communauté universitaire ainsi que de membres
externes et, en particulier, le principe de « réserve institutionnelle ».
Au sujet de la M 3030 « pour que l’université et les hautes écoles restent
des espaces de débats et de tolérance », Mme Leuba rappelle que cette motion
invite le Conseil d’Etat à mettre tout en œuvre pour garantir la liberté du débat
contradictoire à l’université et qu’elle souligne aussi l’importance de prévenir,
interdire si nécessaire, et mettre fin à toute manifestation idéologique imposant

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une vérité contre une autre, ainsi qu’à toute action menaçante à l’encontre du
personnel académique et des étudiants. La motion insiste enfin sur la nécessité
de protéger les biens et les personnes au sein de l’institution.
Malgré ses déclarations, la rectrice a annulé le 3 juin 2025 une conférence
de presse sous la pression d’un groupe de manifestants. Ainsi, au vu des
auditions et de ces récents évènements, la minorité considère qu’il est essentiel
de rappeler les invites de la motion qui reste pleinement d’actualité, raison pour
laquelle la minorité invite le Grand Conseil à accepter la présente proposition
de motion.